mercredi 14 septembre 2016

"Iphigénie en Tauride": lumineuse héroïne , traitée de couleurs selon Goethe


Jean-Pierre Vincent porte à la scène une Iphigénie rare et porteuse d’espoir dans l’humanité, cette héroïne antique, porteuse de « la malédiction des Atrides » à laquelle Goethe offrit une parole empreinte de l’esprit des Lumières. C’est une légende, un conte dans un pays mystérieux entre Euripide, Goethe et notre temps, une intrigue, un complot, une chasse à l’homme… C’est aussi le portrait d’Iphigénie, une acharnée de la vérité dont le rayonnement renverse les situations les plus 
désespérées.

Dans les entrelacs des corps, le théâtre, le verbe et la parole surgissent sur le plateau.
D'abord monologue d’Iphigénie pour planter la situation: mais tout n'est pas dit et l'intrigue, les coups de théâtre, légers incidents de parcours dans un récit conté subtilement, s’enchaînent.
Le décor, véritable toile de peintre qui oscille entre sculpture lumineuse, scénographie et toile tendue campe une atmosphère singulière: tantôt lumineuse, tantôt ombrageuse, menaçante, sombre, chargée de suspens et de tension.Seule en scène, portée par la malédiction, Iphigénie, grave et parfois maline et naïve nous entraîne dans la tragédie/ Goethe veille à un rythme ascendant dévoilant pièce par pièce un puzzle à reconstituer: celui d'une famille maudite, une odyssée machiavélique où les étapes révèlent horreurs sur monstruosités.Les faits sont là, le destin aussi et les acteurs portent leur personnage à bout de bras, à corps perdu. Les gestes accompagnent de façon puissante, charnelle et physique, les élans de la narration qui les traverse, les nourrit, les impacte."Du sang, des larmes, de la bave" revendique Jean Pierre Vincent pour cette "version" très personnelle de l'oeuvre de Goethe.Cécile Garcia Fogel déploie des trésors de nuances, de gradations dans son jeu et ses acolytes la guident, l'accompagnent ou la contrarient dans une fulgurance ou une douceur inégalée."Le traité des  couleurs" de Goethe en référence! Le son aussi participe de ce voyage dans le déploiement des nuances de la scénographie: intime, partiel, présent comme des touches de couleurs, des empreintes de rythmes passées à travers les corps, les lèvres des comédiens!
Fureur, tendresse, humanité pour ceux dont le sort est inscrit, ou la révolte, la féminité déterminent encore une possibilité de résistance!
Les décors de Jean Paul Chambas se transforment, évoluent dans la lumière changeante, se confondent à l'intrigue: sol coloré , tracé, sinueux, comme une toile d'Olivier Debré: une mer bleutée, mouvante, quasi impressionniste comme des nymphéas. Un arbre en découpe sombre, noire protège un bord de mer bizutée, des portiques indentés qui font saillie. Du David Hockney aussi dans cette ambiance grave et joyeuse à la fois où la clarté combat avec les abîmes du sombre destin de chacun.

"Iphigénie en Tauride" au TNS jusqu'au 25 Septembre

Sauvée du sacrifice par Diane, Iphigénie est exilée en Tauride depuis des années et rêve de revoir les siens. Elle a convaincu le roi Thoas de cesser l’exécution des étrangers qui débarquent sur ses terres. Mais quand elle refuse à nouveau de l’épouser, il décide de rétablir cette peine de mort. Or, deux jeunes hommes viennent d’accoster, dont l’un est Oreste, le frère d’Iphigénie... Goethe (1749-1832) offre à cette héroïne antique, porteuse de « la malédiction des Atrides », une parole empreinte de l’esprit des Lumières, ouvrant ainsi une brèche dans la fatalité de la violence.

Après En attendant Godot de Samuel Beckett, présenté la saison dernière au TNS, Jean-Pierre Vincent − directeur du TNS de 1975 à 1983, administrateur de la Comédie-Française jusqu’en 1986, directeur du Théâtre Nanterre-Amandiers de 1990 à 2001 et codirecteur avec Bernard Chartreux de la compagnie Studio Libre depuis 2001 − revient avec cette Iphigénie qui affirme la positivité des êtres et milite pour une humanité délivrée de sa violence

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