Une soirée consacrée à l'Ensemble Linéa sous la direction de Jean Philippe Wurtz, renforcé par les étudiants de l'Académie supérieure de musique de Strasbourg/HEAR.
A l'Auditorium de France 3, l'ambiance est recueillie: Posadas est présent, son oeuvre devant lui va prendre corps.
"la lumière du noir" de 2010, conçue comme une évocation de l'oeuvre du peintre Soulges, de son "outrenoir", réverbération de la couleur dans les ténèbres de l'obscurité de la matière noire.
Quelles seront les connivences, complicités entre la musique et la toile tendue accrochée aux cimaises, qui réfléchit cette lumière d'outre monde, ce noir si riche et multiple, délivré par le plus "jeune" des peintres d'aujourd'hui! Cette "oeuvre au noir" démarre par des sons secs, bruissants, des vents languissants: dense, riche, la matière sonore vibre dans ses compositions, partitions de couleurs noircies par les tumultes étourdissants joués par toute la formation musicale, en bloc, soudée, compacte. Puissance éruptive, plissés d'une tectonique volcanique, la lave éclate en salves et projette sons et résonances: à la manière d'un scintillement de matière éclatée. Un attirail de percussions étonnant, impressionnant à l'appui pour rendre les profondeurs du noir, plus denses, plus sombres. Jaillissements, éclats, tem^pete, flambée et chaos s'installent , volumineux flux de musique.
Par touche, par couche de matière en relief, avec ombres portée et rayons lumineux, tracés sur des jachères , paysages éprouvés, abstraits Des envolées telles celles décrites dans ce" petit livre des couleurs" de Michel Pastoureau et Dominique Simonnet:le noir "mat", inquiétant,peu brillante du "niger", le noir d'origine. Couleur "sérieuse" grave et savante comme la musique de Posadas. Et Goethe de souligner dans son "Traité des couleurs" la polarité entre clair et foncé, les contrastes et les intensifications liées au noir qui génère des dominantes dans une démarche très intérieure.
Musique, peinture, une couche de son, des coups de pinceaux, une gestuelle très organique, des corps qui vibrent devant nous pour interpréter cette "composition" haute en couleurs!
"Anamorfosis" dans la foulée, une pièce de 2006, fait résonner le piano, les vents, graves et intenses.
Pièce solennelle et pesée où se révèle la finesse des cordes et le très beau dispositif des percussions niché au chœur du cyclo blanc.Peuplée de chants d'oiseaux, d'affolements et divagations musicales, de trombes de sons diversifiés qui envahissent, submergent, recouvrent l'espace.
Un coup fatal, des spirales virulentes, des tornades ascensionnelles: l'univers est perturbé , chaotique, tumultueux, ébouriffant!
Impénétrable univers, affolant que cette oeuvre, disloquée, renversante.Musique à l'écriture savante mais pas impénétrable, manifeste architectonique des sons comme les réalisations de Frank O Gehry:
tout bascule, se rattrape, tient à un fil cependant solidement ancré qui construire un édifice insolite et géométrique!
Dernière oeuvre de la soirée"Oscuro abismo de llanto y de ternura" de 2005 démarre par un coup de canon, des sons languissants de gisants, de mourants. La guerre est déclarée: roulements de tambour, cymbales, hautbois en fureur: le son s'étire, se répand, fond. Ca fuse, en fusion continuelle,, chatoyante: vols d'oiseaux, criquets, éphémères prennent possession de l'espace en envolées: stridences des cordes, crescendo étouffant, asphyxiant pour celui qui assiste à ce déferlement de bruits et de fureurs condensés. Comme un monument qui s'ébranle sous la pression d'un tremblement de terre, d'un séisme inattendu: tectonique, équilibre instable s'installent cependant Alors que des avalanches chutent et déversement leurs scories: musique sismique, archéologie d'un futur musical qui remue et évoque le mur du son. Aérodynamique qui étreint , rapte et capture l'auditeur, dépossédé de toute référence: subjugué!La guerre en Irak, ainsi évoquée est bien sombre et abyssale....Le Noir en figure de proue...
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