Premier essai ce mardi soir avec le texte de Emmanuelle Delle Piane, mise en scène par Sophie Nehama, scénographié par les étudiants de la HEAR sur le thème des femmes et de leur condition amère et incroyable de femmes "assassinées" pour le plaisir de perpétuer la tradition et de se faire "massacrer" par "les hommes".
Le public se sépare pour pénétrer dans la salle de spectacle, "revisitée" pour l'occasion: surprise: nous serons au cabaret, petites tables et estrades: un rideau rouge semble partager l'espace; déjà au départ, une ombre chante, dessinée en théâtre d'ombre sur le rideau rouge: chant languissant, attitudes et postures que l'on devienne langoureuses, sensuelles.La voix est belle , discrète ou empreinte d'une sorte de saudade de l'amour: "the men i lovel", standard de jazz, la "vie en rose" qui au fur et à mesure du déroulement de la lecture, s’avérera loin de cette couleur là!
Silence, puis une voix s'élève et bien d'autres, pour incarner et raconter des situations indescriptibles, incroyables de vie de femme, de part le monde: du mariage forcé, à l'inceste ou au viol familial, les pires horreurs humaines s'accumulent, s'additionnent, indigestes et affreuses à entendre. Les "lectrices, soit sur scène, soit disséminées parmi le public, là, près de nous, enflammées, révoltées ou discrète présence, avouant les crimes, en écho en résonance.Le rideau se tire pour dévoiler comme un proscenium de défilé, rehaussé d'un dais, comme pour un mariage ou une cérémonie. De l'autre c^té, en miroir, d'autres spectateurs, d'autres actrices-lectrices, comédienne sincères et bien présente de ce drame à ciel ouvert Insupportables aveux de ces femmes "torturée", assassinées par la gente masculine, innocentes victimes de bourreaux omniprésents.Atrocités et violences des mots, du texte, 17 histoires "vraies" qui s'échelonnent, crescendo vers l'horreur et le drame. Le public tremble et s'émeut assurément. L'empathie ébranle les esprits et l'on ne songe même pas à grignoter les trois mets concoctés à l'occasion, "amuse bouche" exotiques, indigestes ou tout simplement impossible à avaler, tant la tension monte. Pas de répit dans cette fiction-réalité truffées d'agressions à la personne humaine: les comédiennes s'emparent du texte avec vérité, fureur ou discrétion, selon. Une femme torturée pour homosexualité, une autre vendue comme cadavre pour accompagner les morts: on a du mal "à avaler" tout cela sans l'envie de vomir l'horreur décrite."Finis tes bols pour être grasse et désirable, gaves toi pour plaire et être replète"": au bon vouloir des hommes !Honte à la tradition, dans un "je vous salue Marie" de toute beauté!Des petits gâteaux brûlés dans le four, le temps du viol collectif....La virginité dans les contrats d’embauche: difficile à imaginer! Et pourtant, cela existe et perdure."Laisse tomber les filles" entonnent les sept lectrices, en final bouleversant!
La lecture se termine, on est en médusé, en apnée, comme submergé par les faits évoqués
Puis vient le traditionnel temps d'échange, animé par le "trublion" Thomas Flagel: honte à la gente masculine pour certain, défit de l'écriture pour exorciser les horreurs, faire parler et entendre les voix de ces sacrifiées dans le monde d'après l'auteure, présente parmi nous.Le fond et la forme s'exposent, s'expliquent, la scénographie raconte la dispersion de ces êtres foudroyés dans le vaste monde, l'espace volé révèle peu à peu ce décor de cabaret apocalyptique où les amuse bouche, amuse gueules ne font pas sourire du tout. Comme une géographie de l'espace mondial, ces "variations" de Mendelsshon, résonnent, fausses et hypocrites. Très "mâle" pas bien du tout cette sidération, ce combat où la parole circule, s'entend enfin et libère les corps et les âmes.
Et la culpabilité est partout même chez ces femmes qui transmettent leur culture, us et coutumes, malgré elles, complices et responsables! Pour sauver leur peau, aussi!
L'aliénation opérée par les répétitions d'horreurs, le recul de la dérision que l'on doit prendre pour vomir ou ingurgiter ces faits honteux, débordent et rassurent.
La banalité de l'atrocité mise à distance pour la regarder, l'ausculter, la rendre visible: dans ce cabaret, le sans-gêne semble de mise, de misogynie!
On se quitte ce soir là, pénétrés d'une actualité fiction née à en trembler.
Actuelles au TAPS Gare jusqu'au 25 MARS
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