LEA - “ Mes larmes ont pour chacun,
Victimes et responsables de ces victimes,
La même amertume et la même douceur.”
"Trois générations
Dans les années quarante, l’Angleterre occupe la Palestine. Une jeune juive venue de Berlin, Miriam, tombe amoureuse de John, un officier anglais. Ils auront une fille, Léa. Dans les années soixante, Léa tombe amoureuse de Mohsen, un jeune palestinien. Ils auront deux filles, Yasmine et Rose. Vingt ans plus tard, au moment de l’Intifada de 1988, Yasmine et Rose se trouveront dans deux camps opposés.
Allant de 1944 à 1988, Des Roses et du Jasmin relate le parcours, à travers trois générations, d’une famille dans laquelle convergent les destins de personnages palestiniens et juifs."
Le sujet est fort et vif, brûlant, d'actualité et touche droit au but: le metteur en scène Adel Akim, trois heures durant brosse le portrait-panorama de trois générations dans l'histoire d’Israël et de la Palestine de 1948 à 1988, comme une tragédie grecque, une épopée musicale, textuelle et chorégraphique: celle d'une famille des Atrides, suite de sa remarquable "Antigone" avec ses acteurs de prédilection.L'histoire du Moyen Orient est complexe et truffée de paradoxes, d'entrelacs indescriptibles et ambigus. Pour se saisir de cet inconscient collectif qui nourrit ou embarrasse les personnages, Hakim dresse une fresque bigarrée sur le monde et la société, de l'intime au public et social portrait de toutes ses identités, multiples qui s'affrontent, s'opposent ou se complètent pour former des communautés. Poids et héritage du passé pour cette humanité qui transmet malgré elle, les diversités d'un univers sans concession.
Duo de clowns au départ de cette 'Odyssée: Auguste et clown blanc, femme trublion, mort, camarde ou personnage qui file la narration, on se confond dans le rêve, la métaphore ou la réalité.Figures symboliques de l'histoire, figures de cirque et de cabaret pour illustrer le recul, la distance que l'écrivain, metteur en scène Adel Hakim adopte pour conter son histoire, son destin et celui de ces communautés (factices) qui façonnent l'histoire fantasmée d'une "nation", d'un territoire promis, d'une Babel utopique.Scénographie sobre, frontière en panneaux multiples, tables et chaises, objets qui se métamorphosent et accueillent les corps des comédiens, danseurs, joueurs experts en mime et expressions décalées.
Chorégraphie décalée et rebelle, signée Sahar Damouni
La danse a la part belle dans ce spectacle qui lie tragédie et divertissement avec justesse et acuité: bal, danse de couples, duos et numéro de cabaret: pole dance sur chaise, érotisme léger, humour et formes corporelles idoines pour exprimer l'horreur autant que la verve d'une épopée tumultueuse, révoltée ou soumise. Tous bougent à merveille, petites touches dessinées de gestes quotidiens légèrement amplifiés. Solo magnifique d'un personnage, bras menacé par l'accident volontaire d'un attentat fomenté....Les destins de chacun se croisent, les coups de théâtre se succèdent où l'une se révèle sœur de l'autre, où les pères se rencontrent, en spectres et fantômes d'un autre monde qui veille toujours sur le présent.
Violence, tendresse, tout ici concourt à une empathie singulière avec ces peuples qui souffrent d'incompréhension ou d'indifférence.
Les acteurs sont justes et la langue hypnotise, rythme cette saga sans jamais lasser. Roses et Jasmins pour couronnes et fleurs, prénoms et symbole de paix, d'espoir, de vie!
Au TNS Salle Gruber jusqu'au 8 Mars
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