Tu vois ce que je veux dire?
Lui, résolument, il cause; elle, elle danse, lui répond pas des gestes inédits, fulgurants qui lui colle à la peau, au corps: ils devisent, il raconte son monde, ses envies, son désir d'être au plus près d'elle. Des objets pour lui conter fleurette, plein d'allusions au monde de l'art, à partir d'accessoires multiples: c'est tendre et doux, caressant et convaincant. Se mettra-t-elle à parler? Lui, doublé par Georges Appaix en fond de scène, assis comme pour superviser les événements, se tient à l'écoute, entre parfois dans la danse de ces deux amoureux transis.
Le rouge et le noir en feuillets épars, soufflés par les bourrasques de ventilateurs: s'agit-il du roman que l'on effeuille, des pages que l'on tourne à tord et à travers? Alessandro Bernardeschi et Mélanie Venino, trublions du plateau s'en donnent à cœur joie, en complet veston et robe noire, tout de verve, de joie et de malice.
La virtuosité de l'une, la décontraction de l'autre font de ce couple improbable, le clou du spectacle, la musique allant bon train, à la rescousse du verbe qui finit par s'éteindre et perdre pied, perdre le pouvoir;.Choix musicaux variés qui les font tantôt swinguer, tantôt esquisser un jerk endiablé sur du Creedence Cleawater Revival déjà presque oublié et ainsi ressuscité! Chacun cherche son chat et lui donnera sa langue, parlée ou dansée, regardée ou exécutée dans une grâce digne de la plus belle félicité: de quoi ravir et capturer l'autre, chacun à sa façon pour toujours se surprendre, agacer, titiller l'autre avec tout ce qui tarabuste Appaix: au début, était le verbe ou le geste? La genèse nous le dirait: ici c'est l'abécédaire qui compte et taraude, les règles de bonne conduite chorégraphique au tiroir, comme le corps de la danseuse qui stocke son vocabulaire dans ses entrailles! Femme Gala, femme Dali à qui l'on cause de Klein, Giacometti et autres arte povera pour discuter du bien fondé de la relation humaine.
Converser de concert, se répondre , se comprendre sans faire intervenir de dialogue parlé: pari tenu et gagné pour le plaisir de tous, à l'écoute des voix, des corps qui prennent le relais ou le dessus de cet échange singulier.
Enthousiasme à l'appui, quelle "bonne nouvelle" que cet "impromptu" verbal et charnel plein de dérives, glissements progressifs vers l'interrogation, fondement du mouvement: qu'est-ce que je danse, comment je parle, qui fait quoi, du corps ou du langage parlé pour séduire et conquérir celui que j'aime, que je repousse ou que je fuis, que j'attire par la simple expression de ma danse?
A Pôle Sud ENCORE le 2 MARS
"Elle est toute entière absorbée dans le silence, la présence à sa danse, elle est possédée par l’espace. Interprète insaisissable, elle affole et déroute, et le temps et l’homme qui la poursuit de ses mots, de ses questions, de sa fascination. Comment trouver un terrain d’entente et de relation entre deux langages si différents ? Le silence de la danse et sa musicalité intérieure, l’extériorité de la parole, celle qui s’essaie à nommer, définir, qualifier. Pour mettre en scène ce dialogue, un témoin de jeu, le chorégraphe Georges Appaix. Ses choix musicaux instillent ou étoffent les climats propices à cette situation inédite : des échanges candides ou savoureux entre une femme et un homme, danseurs issus de deux générations différentes."
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