Création au TNS - Texte et mise en scène Pauline Haudepin - Avec Genséric Coléno-Demeulenaere, Marianne Deshayes, Paul Gaillard, Dea Liane. Et la voix de Jean-François Pauvros.
Sur une île, au sommet d’une tour délabrée, vit une jeune fille élevée par Sandman, l'inventeur de drogues hallucinogènes d'un type nouveau. Arrivent sur l’île une femme surgie du passé et un jeune pyromane en fuite. Avec cette transposition très libre du conte Raiponce des Frères Grimm, Pauline Haudepin crée un spectacle où l'onirisme de la fable se déploie dans un paysage de science-fiction. Comment les personnages, entrant en collision, vont-ils réagir à l'effondrement de leurs fantasmes et faire face au « monde réel » qui les rattrape ? Après Bobby unborn, Les Terrains vagues est la deuxième pièce de Pauline Haudepin. Elle l'a écrite alors qu’elle était élève à l'École du TNS (section Jeu) dans le cadre d'une carte blanche présentée en octobre 2016. Comme actrice, le public du TNS a pu la voir récemment dans 1993 d’Aurélien Bellanger, mis en scène par Julien Gosselin.
Une voix off ouvre le bal dans l'obscurité: celle d'un musicien dont les accents et le timbre vont faire vibrer d’emblée un texte savant sur l'espace, les non lieux l 'hétérotopie mais qui va s'incarner dans des personnages singuliers que l'on découvre au cour de quatre tableaux, dévoilant un décor à chaque fois changeant.
Un dispositif à étage va dévoiler le corps d'une jeune fille vêtue de blanc, gracile, fragile, enfantine, aux mains ou en proie à un homme-femme en robe rouge, protecteur ou geôlier, la nourrissant de porridge ! Silhouette juvénile d'une danseuse acrobate tant son jeu corporel transporte et véhicule naïveté, légèreté, futilité gracile. Conquête de soi, du monde sur terrain glissant ou rebondissant: une niche de matelas et coussins pour nid de tendresse, niche d'animalité, de tendresse et de rêve. Serions-nous encore, enfant, au sein d'un conte de fée bien de nos jours? Oui, l'effet de rapetissement dans la perspective semant le trouble de la réalité tangible: les deux semblent sous dimensionnés et irréels! Les jeunes comédiens sont portés par le texte, à corps perdu dans cette course onirique et fatidique sur terrain miné.
Histoire à suivre lors de la seconde séquence où un laborantin fou, invente sur sa paillasse les destins des autres en les modifiants avec des onguents et autres artifices de son cru.Une femme de rouge vêtue sur son praticable de fer va le rejoindre pour s'initier à son passé, dévoiler sa grossesse, et la cruauté violente de ce bourreau, magicien des liquides hallucinogènes; un autre terrain à investiguer, celui de la paternité dans un non lieu, sans toit ni loi, un territoire indéfini, une utopie architecturale à défricher.
Car il est ici question d'espace, de place à trouver sur des lieux incertains nappés de brumes, de flou où les directions sont sans boussole ni repère. Les personnages naviguent à vue, se "grattent sous la peau", vont au delà des possibles
Un refrain en leitmotiv pour alléger le récit celui de Mister Sandman des Chordettes, siffloter par les protagonistes. Homme ou marchand de sable, le nom de l'anti héros de l'action.
"Il est maintenant" et non "il était une fois" pour ce conte des temps modernes, où les mauvaises herbes ou herbes folles envahissent le drame, où "la maison" idéale est un tracé de briques au sol où se niche une femme dans la poussière... SDF ou sans abri sans toit ni loi dans ces non lieux à la Marc Augé, ces hétérotopies voisines de Michel Foucault, anthropologie de la surmodernité....
Belles inspirations et connivences dans le texte de Pauline Haudepin, qu'elle met en scène avec des comédiens agiles, réactifs et incarnant cet abandon sur ces sentiers, ces "lieux communs" de l'errance, de l'oubli, de la matière minérale ou poussière, ce béton armé de l'architecture des no mans'land d'aujourd'hui.
Tres chorégraphique aussi, voisin des pièces de Hervé Robbe et Richard Deacon à propos des terrains de jeux "Le terrain encore vague" ou "Mauvaises herbes" de Laure Bonicel sur les végétaux dans les milieux extrêmes....
Au TNS jusqu'au 24 Novembre
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