Avec Poulbots, album publié par les éditions Margot animées par son fils Thibault, Patrick Prugne s'offre une récréation, un de ces plaisirs qui laisse filer l'imagination vers ce temps mi-rêvé mi-réel que fut la Butte Montmartre du début du XXe siècle, dans cet entre-deux entre la guerre de 1870 et la Grande Guerre, où le souvenir de la Commune était encore très présent, et en un lieu qui a accueilli tant de petites gens, de mal-logés, d'ouvriers, d'artistes sans le sou...Francisque Poulbot, bien sûr, sur qui repose la base de l'histoire. Ce dernier, né au-delà des fortif', à Saint-Denis, s'installera très vite à Montmartre, qu'il ne quittera plus, et dessinera les mômes qu'il voit vivre autour de lui. Des années plus tard, en 1923, il leur ouvrira même un dispensaire, rue Lepic. Mais pour l'heure, il les croque tant et si bien qu'ils prendront son nom.
Vivaient là Renoir, Steinlen, Toulouse-Lautrec, Aristide Bruant... et
C'est autour de cette base bien réelle que Patrick Prugne fait vivre ses poulbots à lui, glissant au fil des pages des maisons, des tours et détours célèbres de la Butte, le Moulin de la Galette, le Lapin agile. Il donne à son petit monde cette gouaille si particulière, des petites trognes pleines d'espoir et pourtant déjà désabusées, sachant la rouste qui les attend à la maison après quelques jours d'errance avec les copains dans les terrains vagues mais toujours prêts à filouter ici ou là. Ici, Aspic, la Ficelle et leurs copains croisent un fils de bourgeois qu'un père promoteur immobilier flairant la bonne affaire sur les flancs de la colline va oublier là, créant un véritable choc de cultures... de petits plaisirs décalés, telle cette voiture abandonnée servant de cabane à ses petits protégés, alors même qu'une voiture, à cette époque, était encore plus un luxe qu'autre chose : « C'était l'un de mes rêves de gamin de pouvoir jouer dans une voiture. » Au-delà de l'anecdote des gamins, Patrick Prugne, qui glisse ici et là des références à l'histoire du lieu et de ses habitants, dresse une véritable chronique sociale de ce Paris populaire : « Je l'ai fait sciemment, même si c'est la joie de vivre des enfants que j'avais envie de mettre en scène ».
L'auteur s'offre aussi
Patrick Prugne donne à entendre sa version de la légende des poulbots que n'auraient sans doute pas dédaignée Francisque et ses amis Roland Dorgelès, Aristide Bruant et Jules Renard. Un album que l'on lit avec plaisir, et qui donne envie de (re)découvrir, le temps d'une déambulation dans les alentours de la place du Tertre, l'un des quartiers les plus célèbres de Paris mais pourtant méconnu.
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