Kilt ou double!
Un Misanthrope de plus?
Pas vraiment! "Le" Misanthrope de Molière, l'actuel, le moderne, celui qui parle à tous, ce personnage pétri d'astuce, malin, jamais aigri pourtant égrenant des propos terrifiants de vérité sur l'humaine condition et ses mensonges "mondains" de toute part édictés pour survivre!
D'emblée, l'espace est ouvert: scène jonchée de débris scintillants, comme un parterre de feuilles mortes dorées et bruissantes sous les pas des comédiens.
Ils sont là sur le plateau, Alceste à la Murnau, docteur Mabuse, hirsute, punk déjanté,allumé, tonton flingueur de vérités sur ces proches:il les hait, les considère comme corrompus et veules, menteurs et cachotiers, lénifiants. Bref, humains, trop humains.L'hypocrisie règne en maitresse!Un trublion dans une micro société délicieuse et emperruquée, sexy et apprêtée!
Alceste qui danse en kilt, loufoque sur un air de rock, débridé, léger, aérien et subtil comme tout son jeu, tout au long de la pièce!
Cheveux longs, perruques et idées pas courtes!
Le ton est donné, il sera d'aujourd'hui ce "misanthrope", pour les jeunes et moins jeunes qui s'y reconnaitraient dans la beaté des alexandrins, dans la beauté des gestes des comédiens, soulignés par une mise en scène très chorégraphique.
On y fait des clins d’œils à la danse baroque:légers pliés, petits sauts dérobés au regard , élévations discrètes, glissés, tounoyés...
Jean Christophe Parré n'est pas loin! Ni les créateurs de ses "comédie-ballet" style que Molière affecte et développe avec Rameau et Lully, ses "maitres de ballet"
Clins d'oeils aussi à Pina Bausch dans un duo, "entremets" gouleyant et à déguster sans modération où les deux protagonistes esquissent déboulé, cambrures arrières et autres gestes à la Pina pour mieux la rendre vivante aussi dans ce "Tanz-Théater" évoqué à bon escient.
Décor de récupération très ingénieux: lustres bricolés avec des chaises de collège, petits jets d'eau moqueurs pour les jardins de Versailles de pacotille, musique de toujours et de tous les inconscients collectifs! Vivaldi!
Le parterre de débris de strass et paillettes, nous rapelle la vanité des choses et des caractères de chacun
Et quand Alceste balaye au final ce champ de mensonges, il court désespérément à la poursuite de l'innocence et de la probité!
Pour Alceste, la nature humaine est pétrie de vices, vanités et
hypocrisies. Idéaliste et idéalisant le monde, il préférerait fuir ce
qu’il exècre. Mais son amour pour l’électrique Célimène le rattrape. Que
faire lorsque la façon d’être de l’être aimé va à l’encontre de nos
convictions personnelles ? Jean-François Sivadier propose une mise en
scène du texte de Molière énergique et habitée de fureur, sur fond de
musique de Vivaldi se heurtant à celle des Clash. Dans cette comédie
noire, Alceste prend la figure d’un poète torturé, bouillonnant de vie,
face à une Célimène rayonnante et éprise de liberté.
C'est enjoué, grave et drôle à la fois et Sivadier décape sans démagogie ni racolage un petit chef- d’œuvre de théâtralité deux heures et demi durant, sans faille , sans béance dans le piège de "re-looking" des grands classiques.
Il faut dire que les comédiens, rodés et très à l'aise y servent une direction d'acteur respectueuse des qualités de chacun: le choix des physiques atypiques est bienvenu et que ce soit Nicolas Bouchaud ou tous les autres, il y a de la jouissance et de la jubilation à partager!
Molière, comme on l'aime aussi au lycée:plein de verve et de chaleur, de musicalité, de chair et de bonté malgré la férocité de la description de cette humanité en vase, pas si clos que cela!
"Revue", et incorrect, ce joyaux de Molière,incorrigible maestro d'une comédie, voiture à ballet, de l'histoire du théâtre! est à découvrir à tout prix!
Au TNS jusqu'au 21 MARS
www.tns.fr
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