lundi 27 janvier 2020

"Vers Mathilde":deux guerrières qui s'étreignent.


Ce film est une histoire de rencontre et d’échange, rencontre et fusion de deux arts, le cinéma et la danse. Et surtout de deux femmes, Claire Denis et Mathilde Monnier, qui dans leur commune façon d'appréhender le corps, d'en magnifier ses mouvements et de le rendre au centre du monde, se ressemblent.
Ce film c'est une histoire de confiance. La confiance de Mathilde. Et le film a essayé d’attraper le travail en train de se faire, le mouvement de la pensée de Mathilde, la pensée de la danse, du corps, du groupe, c'est-à-dire de la mise en scène."
(Claire Denis)


La silhouette de Mathilde se profile, elle marche les pieds dans l'eau, dans le sable...
Beau travail que cette rencontre entre deux femmes de mouvement, ce "retrouvons-nous" pour faire l'expérience d'un film, quasi sans écriture préexistante, si ce n'est celle du désir qui pousse à oser franchir les lois de l'ordre pour instaurer le désordre.Que les choses ne soient pas "claires", surtout.
Ce film c'est "pour Mathilde" pour filmer son travail en toute confiance, respect et considération des situations qui s'inventent avec la caméra. Pas "en espion, ni caméra de surveillance", mais plutôt dans un coin pour ne pas gêner... Dépasser le stade de l'intervention, pour aller au coeur des choses dans le vif du sujet ou les sujets à vif: les danseurs pris dans les mailles du tournage, jamais prisonniers et même parfois bousculés, dérangés par l'intrusion ou la seule présence de la caméra: la séquence où cette danseuse excédée par une gêne épidermique contre la caméra intrusive,révèle cette colère physique pour produire gestes et résistances extra-ordinaires. Au delà d'un travail de recherche ou de répétition.
Claire Denis filme"quelqu'un" ,filme son corps, celui de Mathilde au travail, comme un souffle, un désir vers l'autre. Quand elle filme Mathilde dans l'intimité de son échauffement, c'est à vif mais sereinement, engagé jusqu'au bout comme l'énergie d'un geste dansé. 
"Rayer l'espace" ou la pellicule, en faire un "brouillon" pas toujours propre, raturé, sur lequel on revient, griffonnant autre chose...
 La découverte de l'autre anime Claire Denis, au delà du portrait ou du biopic. Mathilde avoue avoir été déstabilisée en étant filmée dans la fragilité des créations ici mises à nue: "Déroute" "Allitération"...L'expérience extrême de ces moments uniques met en situation de doute les deux femmes, les anime d'une sincérité à fleur de peau Elles cherchent, doutent et en augmentant le regard percent le secret de la caméra: capter l'innatendu, le "nouveau" qui fait irruption lors de ces moments qui ne ressemblent à aucun autre.Pantelantes toutes deux devant l'interprétation  de I-fang chavirée par l'ingérance de l'oeil de la caméra 
"Voir quelqu'un danser  cela donne l'impression de savoir le faire", comme le dit Jean Luc Nancy et le confirme Claire Denis
L'empathie ainsi jusqu'au bout des terminaisons nerveuses: un vrai "travail dansant" de spectateur actif!
On retrouve dans le film la parole de Mathilde, ses "en dehors" dedans, ses "failles" où elle se plait à glisser...Son attitude à l'écoute auprès des danseurs qui osent et se lancent dans la bataille de la danse.
Toutes deux "guerrières" dans ce nerf du temps qui hérisse et fait avancer au delà de toute préoccupations préméditées.S'engager, comme dans un singulier combat pour Claire Denis dont on se souvient du film "Beau Travail" avec Denis Lavant, soldat mis en corps par Bernardo Montet dans une ambiance d'entrainement vain et non productif: mais si beau à voir, à sentir, à humer...

Projection, rencontre au cinéma Star à l'occasion de l'inauguration de la résidence de Mathilde Monnier à L'UDS Arts du Spectacle vivant


 

1 commentaires:

Unknown a dit…

C'est un très beau texte, Geneviève.
Merci
Les cinémas Star

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