samedi 11 janvier 2020

"Wasserlit" de Jean Vermeil et Raymond Waydelich : une vie d'anges.


"Wasserlit", un petit peuple d'Alsace , discret qui crée les fontaines d'Alsace et les entretient.

Quand passent les saumons, remonte le fleuve de l'histoire.
La rencontre  Waydelich/ Vermeil n'est ici pas fortuite: chacun son style: l'un avec une écriture truffée de références légendaires, de personnages mythiques. L'autre imprégné de narration picturale, esquissant sur d'anciens papiers imprimés, sur fond d' icônes retrouvées, des collages féeriques incongrus...
Ils font la paire, le duo, et pas le duel.Histoire de conter fleurette au Rhin, à ses habitants, à ses lutins et autres personnages irréels si charmants .Charmeurs tous deux de bidets, de fontaine de zing, de baignoire sabot, d'images comme deux colporteurs d'autels ambulants, passeurs d'images, pasteur et facteur du temps.
Les saumons naviguent allègrement, jamais pris dans les filets de l'un ou de l'autre...Univers absurde, irraisonné de Waydelich fait pendant aux légendes de l'autre. Histoire, géologie comme autant de traces d'un palimpseste géologique, riche en strates de lecture, en addition de collage. Le saumon comme emblème de la navigation, du travail, de la nourriture....
Le style est direct, la syntaxe claire et performante: on a envie de lire à haute voie comme un conte de fées les péripéties de ces gnomes, lutins bien charnels, population fourmillante des bacs de nos fontaines. Coule le temps, s'écoulent les images, sobres, illumination, enluminures d'une poésie sonore joyeuse.
Le fantastique y côtoie le réel, la gravure jouit de collages et de superposition anachronique d'une histoire vraie ou fausse: peu importe, on se laisse charmer et dériver sur les berges du Rhin, sur les créneaux d'un chateau-fort, Des citations de l'Histoire des Beaux Arts font de ce recueil à l'italienne, un ouvrage original et décapant. Jerome Bosch veille au grain et l'ivraie laisse poindre la fantaisie textuelle et iconographique.
Deux compères vont en bateau et personne ne tombe dans l'eau de ses fontaines libres, féminines en diable ou en bidet ou pot de chambre.
L'intime se frotte aux eaux vives, eaux de vie troublée par des truites arc en ciel qui baignent dans les petits cabinets de curiosités de nos deux détectives privés en quête de mystère réincarné. Les "Wasserlit" comme des wasserfall, jaillissent et coulent de source pour une lecture truffée de rêverie, de poésie, de teintes effacées par le temps sépia.

Aux éditions du Signe

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire