vendredi 24 janvier 2020

"Concert Intercolor": united colors of music !

CONCERT INTERCOLOR

Auditorium du Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg

Lauréat du dernier appel à projet de Musiques Éclatées, l'ensemble Intercolor présentera son travail en concert le 23 janvier prochain au MAMCS .

Une formation originale à découvrir par le mélange de timbre de ses instruments : un cymbalum, un accordéon, une clarinette, un saxophone et un violon ! L'ensemble Intercolor a su trouver une parfaite cohérence sonore entre ses instruments en proposant un répertoire sur mesure qui embrasse une large période allant de la musique de la renaissance aux musiques de création d'aujourd'hui. 

Interprètes:
Aleksandra Dzenisenia  cymbalum
Kasumi Higurashi  violon
Yui Sakagoshi  saxophones
Helena Sousa-Estevez  accordéon
Léa Castello  clarinettes

Clément Janequin avec "Le chant des oiseaux" inaugure ce programme


éclectique : oeuvre dansante, entrainante où chaque instrument est valorisé, même dans les unissons à tue tête. Musique courtoise et distinguée,, cavalière aussi qui se joue des conventions: on y décèle un "coucou" parmi cette volière esquissée où volent oiseaux où s'agitent plumes et sautillements.Chahut charmant, drôles d'oiseaux rares ou de proie, miroir aux alouette qui curieusement entre en résonance avec la pièce voisine de György Ligeti "The cuckoo in the pear tree "
Des chants d'oiseaux, presque plus évidemment évoqués font irruption, en alternance, version contemporaine, moderne en dialogue de la pièce précédente... Rythmée, en ricochets et échos, brève et pertinente composition !
Suit, de Jean-Patrick Besingrand , "Cinq centimètres par seconde"
Tintamarre et capharnaüm, intime tension tenace et tenue pour prologue,en cascade La texture est fine, vibrante.Les variations entretiennent le suspens, glissades et ascension des sons d'un saxophone plaintif en surexposition. La délicatesse de l'interprétation commune de ce gynécée musical de chambre appuie sur les contrastes forts et surprenants A tire d'ailes, attire d'elles.
Le cymbalum guide et dirige les pas de l'écoute, on avance, chemine à ses côtés, des accidents de sons en chemin de traverse. Il ne se laisse pas distraire, mais bientôt se laisse submerger, bon joueur !

Le cymbalum conduit la progression du tout puis la reprise d'une allure bonhomme reprend le pas, après un coup de tonnerre frappé, éclaboussant. Volume, et ampleur des sonorités s'accentuent et se déploient en cacophonie savante. Le violon, seul au finale éteint ses feux.

Guillaume Dufay et "Ma belle Dame souveraine " succède, de facture "ancienne", quasi nostalgique mélodie, vents et accordéon en poupe: pavane douce et amoureuse, gracieuse danse, en touches et pas chorégraphiques et évolutions sonores, bal dansant et révérence à l'envi.De beaux revirements toniques pour chahuter le rythme, exploitant les instruments à revers lors d'une digression contemporaine étonnante. Le baroque reprend le dessus et tout rentre dans l'ordre .La fin radicale coupe le souffle et le son !
Au tour d'Antonio Tules et son "Récessive Sept " d'activer le concert dans une ambiance secrète où finesse et ambigüité des sources sonores qui mimétisent et s’emmêlent, font mouche. Chaque instrument s'affirme brièvement en taches pointillistes: sur la toile sonore  se tisse un paysage vibrant d'étincelles : souffles et respirations retenus, suspendus en apnée comme un vol d'insectes hasardeux, bourdonnant.La brillance des sonorités l'emporte sur les sons feutrés, filtrés , discrets..

Friso Van Wijck  avec un opus plus radical, "..of blue, of green... " prend le relais, subtil, dissonant, syntaxe entrecoupée d'empilements en bonne liaison pour former un tout sonore compact.Des rythmes différents, des citations d'univers musicaux se profilent et disparaissent: étrange composition polymorphe, répétitive, référence aux grands maitres du genre Une musique puissante et évocatrice: le charme du jeu suspendu du cymbalum en prime: beauté et grâce des gestes sensuels de Aleksandra Dzenisenia qui se fondent dans des résonances lointaines.

Mogens Christensen avec "Folia for Five", folk music from unknown country, étire le temps et l'espace. Tout y respire calmement, se languit au son de l'accordéon qui se plie et déplie, se cabre, se distant comme les cotes flottantes d'une cage thoracique: sous les doigts de Héléna Sousa Estevez, ce long morceau de bravoure, virtuose franchit les lois de la composition, sensible, sur le fil...

John Taverner avec "The western wind mass:Gloria" compose en duo pour des dialogues fertiles entre accordéon et clarinette, endiablé, relayé par le son chaleureux du saxophone basse. Cymbalum et violon en couple de concert font irruption, avec en réponse la verve et la joie de l'intrusion des vents. L'accordéon en relais, curieux, fouineur s’immisce et soude le tout, prend le dessus, déraille, se ressaisit, transportés par ses compères de musique. Joyau éclatant dans les aigus, timbres à l'unisson, vif argent, très dansant, ce morceau séduit, enchante .Des voix y ajoute et renforce l'aspect berceuse de cet opus hypnotique: quasi musique sacrée transportante, choeur de voix dissonantes, élévations et fréquences divines, angéliques!


Puis la pièce tant attendue de Damian Gorandi , "Dark Virtue"nouvelle pièce (création mondiale) fait le ménage sur le plateau: on change d'instruments, on se prépare à l'émotion de la nouveauté, sans filet !
Lente respiration de tous en prologue, introduction entrecoupée de sons du quotidien, manipulés, transformés, transposés en mutation. L'accordéon en éventail, étiré à souhait: l'atmosphère est froide, métallique, distante. Des sons d'usine, de réverbération de grands espaces de friches industrielles abandonnées...Intrigante composition.Suspens...Les sons  s'y répètent, en va et vient conducteurs, glissements, dérapages contrôlés, inclinaisons vertigineuses des sonorités. Le cymbalum inquiète, très présent, menaçant; les autres instruments bruissent à l'unisson, miaulent, sirènes obsédantes, horloge soudaine pour rapatrier l'attention !
Le vrombissement des vents, du tuba, enfourché avec symbiose par Yui Sagagoshi, frêle et fragile créature diaphane mais très solide pour autant, inquiète.Eclats et renforts sonores pour un tohu-bohu savant, pétarade, sifflets de machinerie infernale de science fiction !
Des assauts violents, virulents d'une marée, bourrasque déferlante, taquinent l'ambiance: une accalmie se profile, riche de timbres explorant les vibrations des instruments.
Ce concert, digne de figurer dans les hauts lieux de la diffusion musicale contemporaine fonctionne aussi comme un miroir de genres, en reflets augurant d'une inventivité de programmation, d'une sensibilité musicale, accessible et riche en idée de partage.

A suivre à l'évidence !

 

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