mardi 11 février 2014

La voiture:DS de la danse?

La nouvelle Citroën : ballet automobile

La création de la compagnie « L’Aéronef » use des desseins artistiques qui s’entrechoquent, se répondent. Jusqu’à se confondre et ne faire plus qu’un : le regard tourné vers l’objet. La Citroën DS est alors sublimée.

TLes auteurs ont trouvé une résonance entre les courbes de la voiture et celle du corps dansé. (Photo J.-M.V.)


Les auteurs ont trouvé une résonance entre les courbes de la voiture et celle du corps dansé. (Photo J.-M.V.)
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Elle n’est jamais figée. Elle s’adapte aux lieux, à l’atmosphère. Elle n’est que mouvement. « La nouvelle Citroën : ballet automobile » est une pièce atypique, qui se détache des codes, des conventions. Mais, au départ, rien ne prédestinait cette œuvre à la scène. Anne Marion, professeur de lettres et danseuse, et son conjoint Florent Kieffer, professeur de lettres, écrivain et amateur de théâtre, animés d’une même passion pour les belles lettres, souhaitaient créer « quelque chose » ensemble. Le texte de Roland Barthes « La nouvelle Citroën », extrait de Mythologies (voir ci-dessous) , sera leur « matière première » . Le processus artistique s’enclenche lorsqu’ils offrent à un de leurs amis, Jean-Marc Viret, passionné de DS, cette lecture dansée en juillet 2012 à Méloménil (hameau d’Uzemain). Une ébauche de création est née. La compagnie vosgienne « L’Aéronef » va se former. Le ballet conté va poursuivre sa route presque toute tracée.

Symbiose

Le couple a conscience du potentiel qui se dégage de la performance. D’autant que les idées fusent. Avec une envie, celle d’aller plus loin, de concevoir « un récit » plus abouti, plus réfléchi. Florent Kieffer enregistre alors le texte de Barthes chez son ami musicien, Jean-Nicolas Mathieu. Tous deux pensent à l’album « Melody Nelson » de Gainsbourg et créent des arrangements musicaux mêlant guitare électrique et sons captés sur une vraie DS. Anne Marion creuse la relation « un peu incongrue » entre la danse et l’automobile. Elle s’interroge : « Comment la danse répond à la matière automobile ? » Elle trouve une résonance entre les courbes de la voiture et celles du corps dansé. Elle joue sur les oppositions. Le métal contre la chair. Le moteur contre le souffle. La fragilité d’un être face à l’imprévisible accident. La femme conductrice – la « déesse » – ou la femme enfant, jouant avec une miniature auto. Puis, le support vidéo, grâce à des images d’archives de Citroën projetées sur grand écran, va s’imposer naturellement. Tout comme le chant de Purcell interprété sur scène par Bertrand Morel. Le tout couronné par l’arrivée sur scène d’une DS « en chair et en os ».
Entre spontanéité et onirisme, entre sensualité et spiritualité, chaque tableau se révèle « un feu d’artifice sensoriel » où règne une parfaite symbiose artistique.

« Surpris mais heureux »

En cours de création, la compagnie de « L’Aéronef » s’entoure de collaborateurs artistiques. Christophe Voegelé, photographe et réalisateur, Amélie Armao, metteur en scène parisienne pour n’en citer que quelques-unes. Ils distillent leurs conseils et travaillent sur le rythme, les placements, la dramaturgie, la captation du regard du spectateur.
Les premières représentations ont eu lieu lors des dîners insolites les 14 et 15 septembre derniers à Monthureux-sur-Saône dans les usines Gantois. Ensuite, c’est le théâtre de la Rotonde à Thaon-les-Vosges qui leur ouvre ses portes les 21 et 22 septembre. Ils se produisent deux fois à Saint-Dié-des-Vosges dans le cadre de l’exposition d’art contemporain des entrepôts d’Actimétal.
Les artistes sont à la fois « surpris et heureux » par l’engouement du public et des programmateurs. Un engouement qui semble se poursuivre puisque la compagnie a répondu à de nouvelles sollicitations pour 2013 comme celle du festival « Scènes de danse » le 28 avril avec Vosges Art Vivant en partenariat avec Scènes Vosges et pour le festival « Rues et Cie » à Epinal le 14 et 15 juin. En parallèle, la compagnie s’associe au centre Léo Lagrange d’Epinal pour « un nouveau chantier de travail autour de chansons de Gainsbourg, dans le cadre d’une semaine consacrée à la danse » , détaille Anne Marion (voir par ailleurs). Des projets, des nouvelles représentations qui n’empêchent pas la compagnie d’accepter toutes autres demandes. « Nous sommes toujours intéressés par l’adaptation de la pièce à d’autres lieux , précise la danseuse. La création nous donne tellement d’énergie. »
Renseignements : association.aeronef@laposte.net. Tél. 06 82 12 21 15.
« L’Aéronef » a concocté un programme autour du répertoire de Serge Gainsbourg qu’elle présentera au centre Léo-Lagrange d’Epinal en janvier lors d’un temps de rencontres consacrés à la danse. Le vendredi 18 janvier, à 20 h, et le dimanche 20 janvier à 15 h, Anne Marion se produira lors d’un solo « Je t’aimais, oui, mais… ». Ici, il s’agit de trois chorégraphies écrites sur trois chansons de Gainsbourg, sur le thème de la rupture amoureuse. « L’idée est de faire correspondre un mot sur un geste » , explique la danseuse qui a su s’enrichir de multiples échanges et techniques artistiques. Notamment après de Daniel Larrieu et de Pascale Houbin (danseurs et chorégraphes contemporains) et de leur réflexion autour de la chanson chorégraphiée. Mais aussi auprès d’Odile Duboc au Centre Chorégraphique National de Belfort pendant plus d’un an et de Michel Raji (ancien danseur chez Béjart) lors de stages d’été.
Autre temps fort pour la compagnie vosgienne à Léo-Lagrange : le « Gainsbal », fruit d’une collaboration avec le musicien Jean-Nicolas Mathieu. « Il va remixer pour l’occasion des grands standards de Gainsbourg et nous inviterons le public à quelques pas de danse inspirés par les différents styles et tempos de ses chansons » , précise Anne Marion. Ce bal est prévu le dimanche 20 janvier à 15h15.
Entrée libre. Renseignements : association.aeronef@laposte.net ou tél. 06 82 12 21 15. Centre Léo-Lagrange, tél. 03 29 31 38 97.
« Je crois que l’automobile est aujourd’hui l’équivalent assez exact des grandes cathédrales gothiques : je veux dire une grande création d’époque, conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple entier qui s’approprie en elle un objet parfaitement magique. »
« La nouvelle Citroën », extrait de Mythologies de Roland Barthes.

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