mardi 6 mai 2014

"Les serments indiscrets": marivaudage à la Christophe Rauck

Damis et Lucile sont destinés l’un à l’autre par leurs pères respectifs. Mais lui veut garder son indépendance, et elle entend rester « une femme libre ».
Cependant, il suffira d'un regard entre eux pour que leurs principes soient mis à mal. Marivaux propose une comédie intime et troublante, portée par la fougue de ces jeunes gens piégés entre le désir d’aimer, la peur de ne pas l’être, le poids et le respect des traditions et la volonté de s’en émanciper.
Pour Christophe Rauck, cette pièce appelle à « se glisser entre les lignes pour arriver à faire entendre le rythme cardiaque des amoureux. »
Au TNS Strasbourg du 7 au 17 MAI
Et il faut voir les comédiens enfourcher ce texte machiavélique, truffé de rebondissemenbts tectoniques d'une intrigue abracadabrantesque!
A vous couper le souffle tant ils sont organiques, tripaux, au bord de la crise de nerf ou de passion!
Que ce soient les deux jeunes amants ou leurs valets , les pères de connivence ou la jeune soeur, tous inondent le plateau d'une présence chorégraphiée au geste près, à la chute rigoureusement programmée au moment où l'amour peut faire chuter, ou à l'instant où il peut faire bondir et sauter de fureur, Lucile ou Phénice!Notons l'interprétation lumineuse de Hélène Schwaller de la gouvernante Lisette, espiègle, douce et ferme à la fois, pugnace, séduisante et manipulatrice à souhait.Drôle aussi, désopilante et persuasive!
Les corps des comédiens sont dirigés au cordeau dans une mise en espace-lumière judicieuse signée Aurélie Thomas et des costumes encore à l'état de pièces aux ourlets saillants comme s'ils n'étaient jamais aboutis dans leur finission: c'est que l'intrigue elle même ne trouve jamais sa taille et sa forme définitive:tout est brouillon que l'on efface à chaque seconde de rebond.Les coutures sont apparentes et visibles comme un patchwork de pièces collées, juxtaposées pour tenir vaille que vaille, ensemble!
Le jeu de Cécile Garcia Fogel dans Lucile est organique, terrien, hystérique contrôlé, circassien en diable. Elle tient la scène rivée au sol, enracinée, tribale, tripale.
Alors que son partenaire plus aérien, Pierre François Garel dans Damis, rivalise de tendresse, douceur ou vagabonderie sentimentale versatile.
Que le théâtre est beau et juste sous la patte ou la griffe de Christophe Rauck:on en sort épuisé tant l'empathie fonctionne avec les comédiens qui s'arrachent et se défoncent dans un jeu jubilatoire .
Aux anges, Marivaux, vos "serments indiscrets" n'ont plus de secrets que ceux d'une fabrication d'orfèvre en la matière:celui de consacrer et de considérer les comédiens comme des perles rares, baroques et indomptables, comme leurs personnages, si "contemporains"!
On ne badine pas avec Marivaux!

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