Un livre,
c’est comme un oiseau : on le porte sur son épaule, il vous suit, vous précède,
vous accompagne. C’est le « porté » du danseur et de la danseuse !.
« Plume »
de Henri Michaux fut ce compagnon : un recueil de récits très courts
(quelques pages au plus), mettant tous en scène le personnage de Plume dans des
« aventures » parfois cocasses ou rocambolesques, parfois surréalistes. Le titre
de Plume fait référence à la légèreté du personnage, un personnage sans
épaisseur ni volonté affirmée, qui se laisse la plupart du temps porter par les
événements.
Je m’y reconnaissais, la plume au vent, ou au bout des pieds comme
une Pégase, amazone vivante, danseuse parcourant l’espace. La « donna mobile »!
« Plume » découvert chez Gilberte Cournand à la Librairie de la Danse, rue de
Beaune à Paris d’où je ressortais aussi avec « Catherine, la danseuse » de
Robert Doisneau ! Je sautillais de joie, intriguée par ce titre : à quinze ans,
on rêve d’apesanteur, de futilité et surtout pour moi, de danse. Je m’amusais à
le chanter, ce texte, à lui donner vie, le rythmer comme il était écrit :en
phrasés, vif, alertes, mobiles. En mouvement, en souffle, en respiration. Comme
pour accompagner mes ascensions sur la butte Montmartre où je vivais. En kilo de
plume, pas de plomb !
Le chapitre
« Plume au plafond » me ravissait : un homme collé là-haut, en apesanteur, au
royaume des mouches : comment allait-il s’en sortir ? Ne pas se faire plumer, ni
se remplumer à son insu ! Ou bien être « déplumé », à vif, à nu… Au choix !
Plume, c’est aussi Charlot pour moi, ce danseur de la
toile !
Puis j’ai
découvert Michaux, peintre, avec ses « pattes de mouche » à l’encre de
chine…Elles dansaient aussi, ces traces, ils fusaient, ces coups de pattes,
pleins, déliés à l’appui. Ce fut aussi un « appui » pour moi, le même dont on
parle aujourd’hui en danse contemporaine. S’appuyer, trouver son ressort, son
centre, sa place pour mieux rebondir du sol, s’envoler, prendre son envol,
quitter le « nid » familial ! L’écriture de Michaux est une danse, une
calligraphie qui respire, se meut, vibrante, fébrile, frétillante ! Je le lisais
à mon professeur, Jacqueline Robinson , à l’atelier-studio de l’avenue
Junot.
Aujourd’hui
je prends la « Plume » et songe à cet « homme paisible » : « Etendant les mains
hors du lit, Plume fut étonné de ne pas rencontrer le mur. « Tiens, pensa-t-il,
les fourmis l’auront mangé… » et il se rendormit.
«
Je le
parcours encore, avec pour concurrent sa « Vie dans les plis » ou « Le nuage en
pantalon » de Maïakovski, ce futuriste allumé, sans toit ni
loi !
« Plume »
de Henri Michaux poésie Gallimard 1938
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire