En 1900, il a fallu au pionnier du cinéma Georges Méliès des heures de montage pour faire apparaître ses six sosies dans L’Homme orchestre, un film d’un peu plus d’une minute. De Facebook à Tinder, les technologies et applications numériques d’aujourd’hui nous permettent (virtuellement) de créer de multiples identités en seulement quelques secondes. L’ensemble Nadar explore le potentiel du dédoublement dans ce concert d’un nouveau genre où les musiciens deviennent tour à tour acteurs, réalisateurs et avatars de la performance.
programmeavec Marieke Berendsen Thierry Brühl Katrien Gaelens Yves Goemaere Wannes Gonnissen Pieter Matthynssens Elisa Medinilla Thomas Moore Stefan Prins Dries Tack Kobe Van Cauwenberghe
Avec l'oeuvre de Georges Meliès L’Homme orchestre (1900) , la démonstration faite que Mélies pouvait démultiplier ses personnages et opérer de la magie! Et ceci avec un travail corporel visible, au temps du cinéma muet où les corps étaient "loquaces" et "parlant" plus que d'habitude ! Un bel exemple de musicalité, de rythme où la perception de la vision, l’ouïe sont impliquées et synthétisent des sensations inédites.
Simon Steen-Andersen Study for string instrument #2 (2009)
Deux instruments, véritables OVNI visuelle et acoustique, encadrent un violon, trio étonnant dans le fatras des installations sonores, au sol, comme un décor nécessaire à l'émission et au bon déroulement de ce spectacle intriguant, inattendu.
Serge Verstockt À la recherche de temps (2005)
Une clarinette perchée sur une estrade, les images du corps du musiciens démultipliées en trèfle à quatre feuilles sur le mur en projection, et l'on assiste à un quatuor visuel et sonre, drôle et décalé alors que le simultané opère entre les quatre éléments convoqués de concert!
Simon Steen-Andersen Study for string instrument #3 (2011)
Un violoncelle, lui aussi perché sur l'estrade se fait doubler par son clone en image projetée, alors que cet effet "renversant" démultiplie les possibilités de jeu du musicien: beaucoup d'humour et de virtuosité technique pour cette pièce déroutante en terme de perception de l'espace.
Generation Kill de Stefan Prins" se déploie après un changement de décor à vue, qui lui aussi perturbe l'espace: on observe les techniciens du son en train de déménager, en équilibre instable, champ de vision renversé!
Au tour d'une belle référence et source d'inspiration de Marx Brothers, le " Mirror Scene from Duck Soup" (1933) , un chef d'oeuvre de l'incongru, de la naiveté d'un Narcisse qui apprivoise son image et qui comme plus tard Woody Alen, traverse l'écran pour passer de l'autre côté du miroir aux alouettes! Jeu de dupe ou d'enfant qui cherche derrière l'écran tv, l'homme tronc qui cause, en vain, caché derrière le meuble! Humour, magie et trucages artisanaux, proches désormais de l'extrême sophistication de ce spectacle multi média, médusant!
Le clou de ce show demeurant l'oeuvre en direct de "Exit to Enter" de 2013 DE Michael Bell " où l'auteur se joue des cadres, des espaces et du réel avec intelligence, virtuosité et une efficacité déroutante. Un couple à géométrie variable, en chair et en os, se démultiplie à l'écran, forme une chorale de personnages, assis, de face ou de profil, instruments virtuels ou réels au poing.. C'est bluffant de techniques maitrisées au quart de tour pour donner l'illusion du charnel. Derrière quatre écrans transparents, quatre instrumentistes se dis"simulent, masqués par leurs images projetées sur leurs corps, en direct, et simulant d'autres pauses qui se superposent simultanément. On plonge et sombre dans le trouble et le désopilant, bousculés, déranger dans nos perceptions: le corps démultiplié pour des performances hors normes, "énormité surnaturelles, êtres hybrides et Méphistophélès de la musique d'aujourd'hui! Les "manipulateurs" de son, aux commandes d'ordinateurs, de consoles , de joysticks, comme autant d'outils au service de la création, du jeu musical: à vos manettes auditives et visuelles pour apprécier la richesse de la composition de ce spectacle "Doppelganger", doubles, sosie, clones et autre fantômes peuplant la scène, encombrées de tous ces esprits frappeurs!
Preuve est faite que les fantômes et diablotins de Mélies sont bien vivants!
Philippe Decouflé, chorégraphe et danseur, inspiré de la même manière par le cinématographe, le cadre, la magie et prestidigitation serait bien un précurseur et complice de cet ensemble "Nadar" qui porte bien son nom: y a pas photo, l'oeuvre d'art à l'ère de sa reproduction est toujours présente et fait miracle dirait Walter Benjamin!
Au Théâtre de Hautepierre le samedi 28 Septembre dans le cadre du Festival Musica
i
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire