Sur les sept mouvements de la Sérénade n° 10 « Gran Partita » de Wolfgang Amadeus Mozart, interprétée sur la scène par des musiciens de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, ces jeunes chorégraphes font danser leurs collègues et enrichissent ainsi leurs expériences communes. Ce projet s’inscrit pleinement dans la réflexion menée par Bruno Bouché de créer les conditions nouvelles pour l’émergence d’un ballet européen au XXIe siècle dans lequel l’accompagnement de danseurs qui souhaitent se destiner dans le futur à l’écriture chorégraphique, forts de leurs connaissances et de leur pratique d’interprètes, est un volet essentiel. Une manière de nourrir et d’exprimer l’esprit de troupe du Ballet de l’OnR dans un travail collectif inédit porté par les voyages intérieurs inspirés par la musique de Mozart."
V Les anges musiciens de Poulenc
Sur les fils de la pluie,
Les anges du jeudi
Jouent longtemps de la harpe.
Et sous leurs doigts, Mozart
Tinte, délicieux,
En gouttes de joie bleue
Car c’est toujours Mozart
Que reprennent sans fin
Les anges musiciens
Qui, au long du jeudi,
Font chanter sur la harpe
La douceur de la pluie.
Cette courte pièce de mélodie française pourrait résumer toute la pertinence de ce programme-projet autour de la composition "mouvementée" de Mozart, choisie on le devine pour la richesse et la complexité "légère" de sa construction
Sept mouvements, sept chorégraphies , le chiffre 7 pour porte bonheur et signe de maturité, de "déraison" aussi !
Car c'est toujours Mozart que reprennent sans fin les danseurs chorégraphes musiciens!
Place à la découverte, aux surprises, aux interrogations, au danger !
C'est Pierre Emile Levieux Vienne qui inaugure, lance le pari et c'est plutôt réussi: deux danseurs complices, habillés sport design s'emparent du plateau et de deux fauteuils chics avec lesquels ils vont entamer un dialogue corps-objet ludique, burlesque et satirique. Les pieds flex, les pauses à angle droit, très malins, malicieux, ils incarnent toute la jouissance de la musique de ce "coquin" de Mozart, joyeux luron, guignol très "sexy" dans cette version dansée par gourmandise. Délectation du jeu acrobatique, cabaret délicieux et ironique, la pièce, courte et efficace, transporte d'emblée dans une atmosphère irrévérencieuse, indisciplinée mais toujours respectueuse du grand maitre de musique. On enfourche son partenaire, on le provoque, on s'amuse grivoisement comme Amadéus l'aurait fait sans vergogne! Esprit est-tu là? Assurément Mozart s'y retrouverait avec joie.Accompagné de Marin Delavaud, le chorégraphe-danseur fait mouche et touche.
Moins convaincante, la proposition de Marwik Schmitt pour le deuxième mouvement: un homme poitrail dénudé, le bras embarrassé par un morceau d'armure, prothèse ou exosquelette, épée au poing, quelque peu caricatural.De longs développés d'envergure, des pauses lascives signent l'écriture si stylée d'un Béjart et c'est le cliquetis des articulations de l'armure qui mène le jeu.
Suit un trio de facture très classique, signé Jesse Lyon, aux beaux phrasés au langage stylé, trio qui se fait et se défait au gré des volutes de la musique. Ca coule de source dans une élégante distinction.
De blanc aérien vêtus, ou en silhouettes noires découpées dans la lumière, les danseurs évoluent sereinement, transportés par le rêve.Sur pointes, cela va de soi!
Surprise de taille pour le quatrième mouvement habité par une interprète fabuleuse, Eureka Fukuoka, femme, en buste vert, animée par le doute, l'hésitation, l'inquiétude qui la font multidirectionnelle, vive et pétrie d'une vélocité hallucinante. Chapelinesque en diable, douée d'une motricité virulente et efficace, elle danse, étonne, surprend et séduit dans cette pièce où les angles, la géométrie sourdent de la composition musicale, comme une carcasse visible et incarnée.
Le cinquième mouvement chorégraphié par Pierre Doncq est encore une perle rare grâce à l'interprétation de Dongting Xing, justaucorps bleu, sur pointes, dense chevelure tourmentée. Une composition sur mesure, taillée de citations classiques, ourlée de trouvailles de déconstruction, à l'envers, à l'endroit pour un détricotage savant du mouvement. Beaucoup de charme, de magnétisme pour cette athlétique figure, sensuelle versatile, mobile à souhait. Un "grand" solo!
Mikhael Kinley Safronoff pour le sixième mouvement esquisse le portrait comme celui d'un couple d'oiseaux fébriles, volatiles futiles et bruissant, animés de gestes tétaniques. Beaucoup de contrastes, de rythme, de vivacité dans cette proposition drôle et enjouée Interprétée brillamment par Monica Barbotte, Hénoc Waysenson et le chorégraphe
Au final Ruben Julliard propose un duo d'homme, jumeaux à l'unisson pour un duo "masculin" performant, sauts arrières, bascules et autres gymnopédies burlesques, un tantinet savant et en miroir. D'une puissante élégance, en col roulés noirs, jeans seyants, cet opus résonne et en balance, épouse la musique de Mozart en la transformant.
On pourrait conclure sur une note "majeure" pour ces esquisses de belles factures, courts-métrages, nouvelles chorégraphiques qui se lient entre elles pour tisser une toile riche et fournie de matériaux, de sensibilités diverses mais au diapason de la création et de l'imaginaire.
Croches pointées et partition malicieuse pour danseurs aguerris à la diversité!
A l'Opéra du Rhin les 3 et 4 Septembre 20H
Les anges du jeudi
Jouent longtemps de la harpe.
Et sous leurs doigts, Mozart
Tinte, délicieux,
En gouttes de joie bleue
Car c’est toujours Mozart
Que reprennent sans fin
Les anges musiciens
Qui, au long du jeudi,
Font chanter sur la harpe
La douceur de la pluie.
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