Orchestre national de Metz David Reiland | Bertrand Chamayou | Les Percussions de Strasbourg
L’Orchestre national de Metz se produit pour la première fois à Musica. À cette occasion, David Reiland braque sa baguette par-delà la Manche et l’Atlantique, avec le concerto pour percussions de Rebecca Saunders et une ouverture quasi méconnue de Charles Ives. Le climat sombre et éclatant de ces deux œuvres contraste avec un second concerto, celui du regretté Jonathan Harvey¿: la salle de concert est ouverte sur la nature environnante pour laisser pénétrer, dans un geste de malice, une multitude d’oiseaux qui s’agitent sous les envolées pianistiques de Bertrand Chamayou.
Avec les Percussions de StrasbourgDirection musicale David Reiland Piano Bertrand Chamayou Percussions Minh-Tâm Nguyen François Papirer Electronique
Charles Ives "Robert Browning Overture" (1912-1914 / révision 1936-1942) / 22’
Pour orchestre seul, l'oeuvre démarre par une lente introduction des cordes, infime présence à pas de loup.Les vents bordant le tout en suspension légère du thème mélodique, vol calme et planant dans l'atmosphère.Une menace se profile, envolée subite de l'ensemble, assauts et turbulences des percussions, en poupe.Une marche allègre s'en détache, parade populaire se superposant à la musique savante. Comme un cortège martial qui avance régulièrement. Le chef d'orchestre, rivé sur ses deux pieds, pointes et talons mobiles, aux gestes engagés et significatifs. Il danse intensément sur ses appuis, sur son mètre quarré de surface...Un très beau spectacle en soi! Retour au calme avec les cordes alanguies qui dessinent un vaste paysage..L'adage, pas de deux du chef avec son orchestre demeure un régal, une performance dansante inégalé, rythmiquement impeccable; doigté, suspension en osmose tact et précision, fermeté de son investissement de corps conducteur de l'ensemble.En découle une préciosité des cordes très ténues, des rebondissements chaotiques conduit par la direction si intense du chef. Si galvanisante en diable!
Dans un chahut grandissant, l'oeuvre s'achève par une montée en puissance, des sonorités débordantes et envahissantes d'un effets surpuissant.
Rebecca Saunders "Void" (2013-2014) / 19’ création française
Au tour des percussions de Strasbourg de se rallier à l'orchestre, face à eux, François Papirer et Minh Tam Nguyen relevant le défi. Avec un dispositif de timbales "préparées", de ressorts, de cloches et autre instruments "bizarres" issus du quotidien, transformés pour l'occasion en source de résonance inédites.
Instrumentum invraisemblable : si les oreilles regardent, l'oeil écoute et regarde cette musique fabuleuse qui se raconte rien qu'au regard! Les sources des sons se confondent dans un grand trouble auditif, l'orage gronde dans une amplitude, une ampleur des percussions très présentes au premier plan.
Le chef se cabre danse toujours de dos et signe un vocabulaire gestuel digne d'une langue des signes pour orchestre.... Danse des baguettes dans des bols ou sur des peaux tendues résonantes. Tous ses instruments "de la passion" au service du son, de la percussion qui va bien au delà d'un simple rendu d'énergie sur un matériau frappé. Une réverbération, des larsens pour étirer le son l'allonger et prolonger l'espace sonore.
L'opus aspire à l'élévation, la lumière, la finesse et la délicatesse cristalline des percussions, la gravité des vents. Les masses sonores s'y déplacent comme des touches de couleurs sur une toile, peinture, esquisse de paysage rare.Le travail d'orfèvre des deux percussionnistes devient nuancier, vaste étendue des infinies possibilités de création de son, venu d'objets hétéroclites...Les vents embouchés se métamorphosent, les cloches font mourir le son et tout s'achève sur une suspension, un "arrêt sur image" magnifié par le geste final du chef d'orchestre, chorégraphe de cette musique de l'espace et des appuis des tonalités.
Jonathan Harvey "Bird Concerto with Pianosong" (2001) / 30’
Un orchestre de chambre, allégé fait suite sur la scène, un piano tant attendu et le tour est joué: de véritables chants d'oiseaux introduisent la pièce, repris en mimétisme par le piano, gazouillis étincelants, prolongés en echo per l'électroacoustique en direct. En ricochets, en ondes concentriques, en réverbération. L'intrusion, l'incursion des chants d'oiseaux parcourant toute l'oeuvre, en surprise et farce jouissive quand on ne les attend pas!
De l'humour, de la poésie pour cette aubade matinale à l'aurore ou au crépuscule du soir: le pianiste égrène les notes comme autant de facettes de sons vivants. Atmosphère très sylvestre dans une clairière des fées. Volière animée, colorée, rehaussée par l'ensemble des instruments au diapason. Des chants proches des artefacts de l'électroacoustique, à l'identique des chants naturels, originels. Chassez le naturel dans la création artistique, il revient au galop, en force, en variations d'espèces volatiles incroyables! Ca pépie, conférence des oiseaux de pacotille, monde irréel, jungle bruissante de science fiction étrange, inquiétante.
L'orchestre saisit le monde en échappée belle muni de la clef des chants; on songe à "Daphénéo" de Satie où "les oisetiers donnent des oiseaux qui pleurent"...Tout s'"électronise" au final, reprise, remixage des chants, à vol d'oiseaux, en vagues d'accordéon, en vibrations des instruments qui deviennent chant et plumages de volatiles.
Le paysage s'efface, s'endort et se lamente, peuplé de spectres étranges qui traînent, errent affolés et se fondent dans l'espace sonore. Un univers totalement inédit et onirique à souhait!
Palais de la musique et des congrès - salle Erasme le 21 Septembre dans le cadre du festival Musica
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire