L'orgue, magistral de Saint Pierre Le Jeune a résonné comme jamais hier soir au festival Musica.
Contempler une heure durant ce magnifique buffet d'orgue: "arrêt buffet" et pas froid car la scénographie lumineuse du moment sculptait ses flutes et tuyaux et révélait ce gigantisme, ce côtier altier d'une sculpture pour éléments musicaux: entre vent et percussions, en forme de navire en surplomb, d'aplomb, lumineux!
C'est Vincent Dubois qui s'y attèle, le directeur du conservatoire de Strasbourg, éminent interprète: il se révèle ici magicien d'un monstre qu'il ,ne terrasse ni n'agresse: au contraire tout semble glisser sous ses doigts, celui que l'on ne voit pas mais que l'on devienne à danser devant le buffet!
"Prélude en fugue et si mineur" de Bach pour débuter ce festin: arabesques imitées et développées en une polyphonie dense qui fait montre de toute la maitrise et du raffinement d'écriture du compositeur!
Succèdent en cascade, "Eudes I et II " de Ligeti: scintillement des notes, surprises et rebondissement pour ce clavier, en "harmonies" et "coulée", déferlement de timbres, de couleurs nouvelles, doigté extrême pour l’interprète qui brouille ainsi les pistes de l'écriture! C'est vibrant, résonnant et ascensionnel, libérant la gravité en toutes sortes de gravitations annexes. On déambule, on se fraye un chemin de traverse au delà de l’exécution des notes....Jean Guillou nous offrait une "Toccata opus 9" de 1963,solidement organisée, pleines de faux incidents dramatiques qui gonflent et enflent, contribuant à une atmosphère singulière pour cette "sonata" d'aujourd'hui!
Au tour d'Olivier Messian avec "Les corps glorieux" de 1939: pas une ride à ces corps animés par sept mouvements évoquant la seconde guerre mondiale: "l'ange aux parfums", force et agilité", joie et clarté" y sont évoqués avec grace, épaisseur des textures et gravité de la forme.
Le buffet d'orgue vibre, vit, s'agite et résonne de tout son grand corps, pas malade!
Enfin pour clore ce bain de jouvence musical, l'oeuvre de Thierry Escaich, "Poèmes" de 2002.
Inspiré des "le pays perdu" d'Alain Suied:univers foisonnant et lumineux, empli de résonances d'ailleurs, d'autres temps. Un régal à la source de la composition contemporaine pour orgue, fondée sur l'improvisation.
Ensemble intercontemporain
A l'auditorium de France 3 c'est place à l'ensemble intercontemporain sous la direction de Mathias Pintscher que démarre un feu d'artifice de vents, cordes et percussions: le dispositif scénique est impressionnant dans le volume du plateau-cyclo et "Le réseau des reprises" de Dieter Ammann y trouvait, un écrin à sa mesure.
Une création mondiale de l'ensemble pour le festival, s'il vous plait!
Et pari tenu et gagné pour créer une atmosphère survoltée, vibrante, mutante.La répétition en est l'axe fondamental, le moteur: variations à l'appui, déroulés non linéaires avec des sauts en arrière, en avant: une véritable chorégraphie de la partition pour instruments multiples: "la verticalité consonante se met en retrait au bénéfice d'un mouvement horizontal": que de la kinésiologie au programme: inventeur du saut à la verticale, Wim Van Dekeybus aurait beaucoup aimé la transposition corps-musique-espace-écriture!
"Noise" de Ondrej Adamek de 2009 affiche ses "masques", "marionnettes" et "mantra" pour évoquer un univers gestuel et théâtral remarquable. Le traité de la marionnette de Kleist semble veiller ur la composition et ses notes d'intention, très convaincantes. Y sourd un univers bigarré, joyeux, alerte, jovial: la vocalité des musiciens y est même convoquée pour incarner et donner souffle et vie aux sutras bouddhistes.
Un joyaux de couleurs venues d'ailleurs avec une fin toute en suspens, silence et brillance étonnante!
""bereshit" de Matthias Pinster lui-même terminait cette prestation prestigieuse et périlleuse de l'ensemble.Un "commencement" de la torah et non commandement pour évoquer un grand flux, un démarrage vers la continuité des sons qui se transforment en mutation pour engendrer un être hybride, multiforme, polymorphe: perle baroque, non identifiée, objet musical à dévorer des yeux aussi tant le jeu de scène, le phrasé physique des interprètes y est à se délecter!
Les corps des interprètes comme instruments eux aussi de la création musicale "en temps réel" et "in situ"!
vendredi 3 octobre 2014
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