Quand les corps se font poétiques, quand sur un plateau nu, une violoniste devient archer, une comédienne, verbe et sons, c'est la magie Aperghis qui opère.
Noir total sur le plateau, petits bruits percussifs: raie de lumière pour découvrir deux paires de pieds nus qui se propulsent au gré de petits sauts résonnants..Martellement au sol, rythmes ludiques, partitions pour petits petons!
C'est le pied!
Pas un pas sans musicalité du corps, rythme des phrases de Beckett pour "Un temps bis"
Valérie Dreville texte en main, regards furtifs vers l'ailleurs, séduit par sa sobriété, tandis que Geneviève Strosser se fait virtuose de ce corps-texte, au violon
L'archer prolonge son corps, se fait complice et glisse , lent, retenu, pudique.
C'est avec "Immobile" et "pour finir encore", "mirlitonnades" que l'art d'Aperghis fait surgir du phrasé des textes toute leur saveur rythmique, ondulatoire, mécanique.
En fermant les yeux on pourrait imaginer une ballerine à la barre qui exécute ses gestes, glissés, au tempo des mots: chaque petite pause entre eux est comme un souffle, une respiration, tremplin, appui et soutient pour la suite de la mélodie corporelle!C'est le temps d'aimer, de se refléter dans les miroirs qui difractent la lumière et dessinent en fond de scène des ombres surdimentionnées!Les lumières de Daniel Lévy se font théâtre d'ombres et de mystère.M
Larmes de beauté, alarme de ces textes si charnels, empreints de sons, frissons: ce parler est limpide et source d'apaisement, de recueillement. "Pour finir encore et autres foirades": on en redemande!
"L'homme armé": désarmant!
Autre genre inclassable après ce très beau théâtre musical, "L'homme armé" d'un duo improbable: Josquin Desprez et Francesco Filidei: un anachronisme fantastique, de science friction, style BD musicale: un genre nouveau est né
Grâce aux premiers "Cris de Paris" voici un accouchement singulier!
"Frère Jacques, lève- toi" disait Rameau et "sonnez les matines".On est secoué de toute part par cette artillerie légère cette division "blindée" qui avance pour sauver la musique et le son de sa geôle protectrice et protégée.
Tout vole en éclats et déflagrations
Ne tirez pas sur le public!Pan-pan et haro sur la musique!
On fait dans la révolution, une évolution de plus vers la liberté et la magie des sons guerriers d'aujourd'hui.
Ces James Bond de pacotille, révolver au poing sont musclés et inquiétants.Dans l'Aula du Palais Universitaire, la révolte gronde: au poste sur ce champde tir les guerriers officient,déflagrateurs, salvateurs à souhait, tonitruants et joyeux, malgré la gravité du sujet
Tirs à blanc ou pour de vrai....L'actualité de ces sons là,fait frissonner!
On s' y "tirailleurs" rue de la "roquette" dans ce Paris foisonnant:aux barricades avec cette oeuvre "L'homme armé", désarmante!Bastonnades, rixes, défense, c'est les barricades!
Mélange hybride de la messe de Josquin Desprez et de la "misa super l'homme armé" de Filidei, on voyage allégrement dans le temps.
Les munitions ont changé cependant et ici brillent et claquent révolvers, fusils, mitraillettes en autant de salves anarchiques
Frontal, le groupe de musiciens au masculin, affronte le public, tire et vise juste!
Des carapaces comme des cuirasses de CRS, deviennent râpes sonores et ces giletspare-balles crissent sous leurs doigts.
Rafales, feu d'artifice, pétards, klaxons mégaphones aphones succèdent aux mélodies médiévales, polyphonies vocales subtiles, complexes.
Et on se tire ailleurs en prenant la poudre d'escampette! Feu, c'est parti!
Confrontation des genres, des situations qui déstabilisent, enchantent et transgressent les codes acquis et pressentis!
Dans les munitions on remarque:
K Kimar CZ 75 Mod 75 auto, Bruni 315 automatique, Colt Python 357
magnum, Carabine à bascule à air comprimé Gamo, Glock 17 GM030 KSC,
Walther P99, Manu Arme Cal 4,5 177, Beretta 75 auto KWC mod 9,2 FS cal
9, Kalashnikov modèle AK 47, Smith and Wesson 45 Semi-auto Chief’s
Special, Glock 18 G18 C Walther, Flli Pietta calibre 36 modèle 1851
Navy, Alarme portable Prévenson, Taser TW11, reproductions d’armes pour
enfants, bombes lacrymogènes, sifflets de police, balles à blanc…
L’inventaire
est digne d’une saisie des douanes dans un repère du banditisme
international, sauf qu’il s’agit ici de l’instrumentarium réuni par
Francesco Filidei, aux sonorités et intensités dûment recensées.
Déflagration, sirènes, bruits de balles, recul du chien, chargement,
extraction du chargeur… tout y est méthodiquement décrit selon une
échelle de valeurs établie du pianissimo au fortissimo.
Annexe Aperghis
« Confronter la lecture et le corps, la musique et le texte, trouver
un temps qui passe entre les deux, des mots si particuliers de Samuel
Beckett – cette langue qui s’affranchit du sens pour aller vers le
sonore – et la musique elle-même. Autour des mots, trois partitions qui
créent un entrelacs de sens et de sons, de virtuosité et de temps.
Chercher les rythmes exacts, observer l’écoute de l’une et de l’autre,
de l’actrice vers la musicienne, de la musicienne vers l’actrice,
révéler des moments oubliés, montrer des extraits de corps,
jambes-bras-coudes-visages, comme ceux de dames de Rembrandt. Ombres
vivantes et mouvantes, surgissements de moments graves et gais, en
alternance. »
Georges Aperghis réunit les éléments d’un théâtre
musical nouveau, comme pour montrer que chacun pris dans sa singularité
peut influencer l’autre par simple juxtaposition : la voix de Valérie
Dréville et les textes de Samuel Beckett, la virtuosité de Geneviève
Strosser et les musiques pour alto solo de Georges Aperghis, Helmut
Lachenmann et Franco Donatoni, les lumières et situations scéniques
imaginées avec Daniel Levy. C’est dans ce déroulement successif que le
public va construire son propre chemin, grâce à un art de l’écoute
ouvert où le voisinage et l’assemblage sont principes de composition.
mercredi 8 octobre 2014
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