Soirée contrastée pour entamer cette seconde semaine de notre marathon de Musiques d'Aujourd'hui au Festival Musica de Strasbourg sous la direction artistique infaillible de Jean Dominique Marco.
Concert de L'Orchestre Philarmonique de Strasbourg, en "petite forme" de chambre adaptée aux "formes" des œuvres présentées. Un va-et-vient entre musique moderne et contemporaine, miroir l'une de l'autre, engendrée l'une par l'autre: on ne vient pas de nulle part et écouter Fauré ou Ravel à Musica est un bonheur malicieux où les passerelles entre les époques se tendent et se franchissent sans heurt.
En présence du pianiste Pierre Etcheverry, sous la direction de Jean Michel Lavoie.
C'est Philippe Manoury qui entame ce programme éclectique avec "Strange Ritual", une pièce de 2005.
Aux sources de son travail, on y reconnait la puissance, l'aspect magistral des masses musicales, issues d'un "processus régulier" et ordonné dont les éléments ont tendance à développer en apparence, une conduite anarchique!Un "mini concerto grosso" pour flûtes et clarinettes dominantes, sorte de passacaille débridée, dépassée et submergée par les trouvailles musicales!
Suit "la "Ballade opus 19" de Fauré de 1881, avec sa structure d'andante et allegro qui fait vibrer la formation d'interprètes avec brillance, pétillance, comme autant de reflets scintillants dans les univers sonores chers à Fauré: douceur, tendresse, nostalgie proustienne.En mineur, en majeur voici une oeuvre intimiste à redécouvrir avec délectation.
Retour à Tristan Murail avec "Serendid" de 1991 inspiré par la mouvance débridée des vagues, de la houle de couleurs brumeuses et dorées: majesté des sonorités gonflées par des mouvements amples d'où surgissent des variations stupéfiantes.Inspirée par la légende des péripéties marines de Sindbab le Marin, l'oeuvre se déploie d'écueil en écueil, de naufrage en naufrage, sans jamais perdre pied ni couler dans les abîmes!Turbulences et marée haute garanties pour ce flux et reflux répétitif de sons et frissons!
Pour clore ce beau voyage dans le temps, Ravel invite toujours à la rêverie avec son emblématique "Tombeau de Couperin" de 1914: danses à l'appui, forlane, rigaudon,menuet, on y tange de plaisir sous l'effet des pluies de cordes, des souffles des vents qui nous font ployer mais jamais céder sous la douce caresse des notes égrenées.Hommage à la mémoire de la musique française, "tombeau" poétique pour mieux délivrer le meilleur de son imaginaire.On y goute aussi cette façon de retrouver une oeuvre connue dont l'inconscient collectif à fait un fondamental pilier de la musique si rafinée de Ravel.
Bon voyage aussi à l'Orchestre qui part en tournée pour ce concert de "musique française": heureux qui comme Ulysse vont faire un beau voyage avec un public captif et captivé!
Second volet de la soiré en coproduction avec le Festival Jazz d'Or, l'Arsenal de Metz: l'accueil de la formation de Joelle Léandre!
Elle a travaillé avec Joseph Nadj, Cécile Loyer, Cunningham danseurs et chorégraphes,et son désir de mise en scène des corps des musiciens, leur second instrument se dévoile une fois de plus: ils sont dix sur le plateau de l'Auditorium de France 3 Alsace, en demi cercle chamanique. Simple dispositif pour une oeuvre sobre sans cliquant."Can you hear me" est comme un manifeste de la compositrice, contrebassiste qui s'adonne ici à la découverte de nouveaux horizons dans le domaine de l'improvisation et de la composition.
Liberté, aventures des sons,richesse et audace des propos musicaux: tout concourt ici à rendre hommage à John Cage, sa musique improbable, truffée d'inventions et de références aux sons du quotidien, magnifié par l'écriture instantanée des musiciens. Le batteur s’effondre sur son dispositif après en avoir usé et abusé à bon escient, les autres rivalisent d'originalité, électrons libres de la création de sons, à l'unisson d'une formation musicale solide, groupée, harmonieuse sans faille dans la direction et la navigation sonore!
C'est lumineux et joyeux, imprévu, ricochant sur le "jouer", "composer", "diriger", sans fard ni prouesse visible...Mais oh combien périlleux et performant, à haut risque et haute tension: vertige d'une prouesse et virtuosité bien dissimulée sous la modestie des propos de la contrebassiste, pilier d'une écriture non formelle de la musique (jazz) d'aujourd'hui!
Une ré-création ré-jouissante sur la note do-ré!
Une belle complicité pour les coproducteurs, fidèles partenaire de cette géniale musicienne, si accueillante et respectueuse du talent de chacun de ses interprètes.
"Can you hear me":plutôt deux fois qu'une et avec plaisir, yes!
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