Un film tendre sur la découverte de soi, de nos tendances plus qu'hétérosexuelles
On y rencontre un homme fragile futur travesti très attachant qui se meut peu à peu en femme grâce à la complicité étonnante de sa belle-soeur.
Le corps de Romain Duris se métamorphose doucement: attitudes, démarche, port de hauts talons pour être femme et non pas simuler.
Pas ou peu de caricature ici, mais un récit étrange de la vie d'un homme qui joue avec ses identités et séduit une femme au travers l'image sublimée de son amie morte.
Corps embaumés aussi, revêtus pour le repos éternel en mariée, ou pour la résurrection hors du comas: se travestir s'est surgir à soi, revivre, être ré-animé pour assumer pleinement désir, envie et penchants. Sans céder à la renommée ou réputation!
À la suite du décès de sa meilleure amie, Claire fait une profonde dépression, mais une découverte surprenante au sujet du mari de son amie va lui redonner goût à la vie.
François Ozon fait du cinéma comme on se travestit. Cela n’est pas nouveau, mais, au vu du sujet d’Une nouvelle amie, n’a jamais été formulable. Chaque film est un déguisement, une façon de se glisser dans les vêtements d’un autre. Maquiller un plan comme on maquille un visage (ou un crime). Les tenues d’emprunts de cette Nouvelle amie appartiennent à plusieurs vestiaires. L’essentiel provient du cinéma classique américain, des années 40 et 50, référence majeure du film. D’abord, parce qu’une des héroïnes du film s’appelle Laura, qu’il existe d’elle un portrait peint, et qu’elle disparaît. Et si comme la Laura de Preminger (1944), elle aussi revient, c’est d’une façon toute particulière.
Une nouvelle amie : imaginaire hitchcockien à l’érotisme morbide
L’identité sexuelle mute ; le désir sexuel mute… On pourrait citer Cukor (les premières scènes de flash-back sur la jeunesse des héroïnes semblent calquées sur le début de Riches et célèbres), mais il y a aussi bien sûr du Almodovar dans ce grand tourniquet désirant (un maquillage mortuaire comme dans Kika ; une étreinte avec un corps inanimé proche de Parle avec elle…). Et aussi du Xavier Dolan, à la fois dans le sujet (Laurence Anyways) et le décor (tournage au Québec). Mais au débordement farcesque du premier, à l’emphase lyrique du second, Ozon oppose son style à lui, sa rationalité propre, son sens de l’organisation narrative proche du jardin à la française.
C’est un des paradoxes troublants de son cinéma : l’ambiguité le fascine comme sujet mais le rebute comme forme. Tout est labile, incertain, versatile chez le personnage central. Mais tout est clair, verbalisé, cerné de très peu d’ombre dans l’énonciation du film. Ce goût du didactisme scénaristique, ce découpage soucieux avant tout d’être expressif et lisible, cette B.O qui ratissent large en attelant Kathy Perry, Nicole Croisille, Ottawan et Amanda Lear, forment une limite du film. Le mystère du personnage est quand même un peu rétréci par la signalisation toute en pleins feux du film.
Mais c’est aussi une force, cette aptitude à rendre fédérateur et séduisant des désirs minoritaires, ce sens de l’apprivoisement pédagogique. Car au bout du compte, le film ne cède pas sur la radicalité de son énoncé : tous les rôles (genrés, sexuels), toutes les places (père, mère) sont échangeables dans cette construction sociale figée qu’est la famille. Nul doute que le film va marcher, faire événement, relancer de façon constructive des discussions houleuses. Et si l’écriture du film peut paraître appuyée, c’est parce qu’elle appuie fort sur des zones sensibles.
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