Johanne Saunier, chorégraphe pour ce spectacle total, transdisciplinaire!On se souvient de sa présence magnétique comme interprète chez Anne Teresa De Keersmaeker....
Quatre femmes en chasubles jaune d'or démarrent le chant, alignées, frontales alors qu'en fond de scène des personnages animent une ventilation fébrile qui bruisse.C'est du "Yannis Kyriakides "Ode to Man", pour la séquence baptisée "L'homme créateur", premier volet de cette saga sur le progrès et la création, l'aliénation et le travail.
De côté, la bande vidéo délivre du texte comme des dazibao, étendards rnarratifs: en fond un écran en panneaux distincts fait obstacle, crée le mur entre les mondes.
Deuxième volet, le labeur, évoqué par des silhouettes en marche lente et courbée par la fatigue et l'effort, soumise à la machinerie de l'industrie mondiale.La fable est étayée d'images du monde industriel, sorte de "Métropolis", mégalomaniaque, métapolis d'une cité imaginaire qui détruit l'homme. C'est le chapitre "L'homme industriel" , défilé d'ombres, théâtre de pantins robotisés: les nuisances du travail, les maux du martyr s'affichent tandis que les huit personnages évoluent dans cette atmosphère industrieuse!Corps plaqués contre des parois de plexiglas, statues, cariatides portant ce monde sur leurs frêles épaules.Chanteuses et danseurs se passent le relais, corps-raccords au plus juste de la musique et du jeu scénique des acteurs. Luigi Nono et sa "Fabbrica illuminata" y trouvent toute leur justification. Mêlées de corps enchevêtrés, réactifs aux accents toniques de la musique.
Troisième chapitre "L'homme cybernétique"" excelle avec Aperghis et son "Machinations" pour voix et électronique.
C'est ici que la danse, la gestuelle trouve toute sa signification, sa présence "obligée" sur la partition du roi des onomatopées, textes empilés, pyramides de sons et de sémantique.
Johanne Saunier en cheffe de chœur, de corps pour orchestrer cet ensemble disparate, ses identités corporelles et vocales inédites, singulières.Ils échangent, discutent, se font signent, s'interpellent: hip-hop ou autre forme de langage corporel, au poing, en révolte et résistance à l'oppression ambiance, celle faite aux corps mécanisés, marchandés. Ils pleurent, se lamentent, automates en rythme avec la scansion des textes hybrides. Syntaxe vocale et corporelle au diapason, à l'unisson.
Telle une frise égyptienne, ou mobile qui dépasse les attitudes communes, le film se déploie à l'envi, la bande se déroule sous nos yeux et au cœur des oreilles.
Aperghis et ses mécanismes architecturaux sonores au plus près de la gestuelle pertinente de Johanne Saunier: on sent la musicalité corporelle de cette danseuse, interprète hors pair des déflagrations musicales de De Keersmaeker!
Gestes répétitifs, mécanique bien huilée, articulées comme un engrenage digne des "Temps modernes".
Des digressions sur la digestion et la morphologie du canard venant semer le trouble anatomique de cette phase burlesque et absurde du spectacle théâtralisé§ Des croquis de planches dessinées sur l'écran viennent surenchérir ce petit monde déconnecté qui se sauvera surement de la machination de l'industrie.
"Par delà l'homme" de Yannis Kiriakides en épilogue pour calmer le jeu en images et sons transformés: salvatrice conclusion , final éloquent de l'inventivité débridée de Romain Bischoff metteur en scène de cette odysée du travail et de la machine industrielle, industrie magnifique de la danse, du chant;
Silbersee, très inspiré par cet opus décapant
A la Cité de la Musique et de la Danse ce vendredi 29 Septembre
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