Le songe d'une nuit d'été
François Meimoun ouvre le bal de ce concert avec "Le livre des songes" en création mondiale pour Musica!
Après une courte présentation, très pédagogique d'un des musiciens Antoine Maisonhaute nous voici plongés dans des formes évanescentes, rêvées comme dans un songe, pour laisser passer la virtuosité de la pièce. D'un seul trait, elle se déroule en esquisses de mélodies, en citations, référence à du matériel classique.Vive, sans cesse en évolution, sans arrêt, la tectonique est ascensionnelle: un passage très subtil, fin, intuitif, intime, très bref, séduit et conduit au seuil de la rêverie.
Ca fuse, les sons foisonnants reprennent le dessus, sans répit dans une magistrale prouesse d'exécution! Souvenirs et réminiscence dans cette écriture, proche de la tradition musicale savante, affichant une volonté d'évoquer les songes du jour ou de la nuit: rondo, sonates émergent en filigrane, la fugue prend des libertés: le rêve, permis et assumé: la vie n'est qu'est long rêve, ici éveillé et traité de manière cauchemardesque aussi, partie intégrante des symptômes du sommeil!
"Other Voices" de Yves Chauris en création mondiale,met en avant les "cordes" vocales du Quatuor.
Corps-raccords
Après avoir interprété une oeuvre évoquant les premiers pas de chaussons de danse, puis des cigales japonaises, voici l'Ensemble confronté aux vœux du compositeur: faire vibrer les cordes détendues, pression sur l'archet oblige, comme des sifflements, des émissions de souffle par la vibration des cordes "vocales" des instruments, faits organes et corps vivants!
Ambitieux projet musical, hautement servi par les interprètes, "obéissants" à ses contraintes joyeuses et périlleuses: de l'audace, du toupet, du risque et du danger, comme sur une corde raide. Nos funambules y prennent plaisir et le défit est relevé.Entendre des possibles, comme au fur à à mesure du trajet d'une arche tendue de A à Z;
défilé de notes au travers de l'oeuvre, l'imaginaire en éveil: ça mugit, s'étire, languissante musique, souple, flexible, incertaine...Le son baille, glisse et dérape, à pas de loup sur la pointe des pieds, des archets: claquements de corde comme des martèlements ou des chants d'oiseaux
Quelques collages de gamme chromatiques, des grincements, grattage et frottements discrets des cordes sur l'instrument, objet de désir de surprises et de découverte sonore!
Tension et détente pour cet opus qui ne laisse pas le temps de s'installer, ni de se poser: au final, comme un son de scie, vaporeux et dans l'éther se glisse dans cette pièce où la scordature de la corde grave, objet de sonorités inédites: de la chirurgie haut de gamme pour corps de violon "préparé"!
Le "Quatuor à cordes n° 1 "de Ligeti vient boucler le programme du concert, telle une métamorphose nocturne, née du sentiment de révolte de Ligeti contre l’oppression politique du contexte de l'époque en Hongrie.
La musique "populaire" y trouve sa place de choix, sa marque de fabrication, évoquant Bartok et les accents folklorisants de son oeuvre maîtresse.
On passe d'une écriture à l'autre, savante et légère: une fausse valse sarcastique, hésitante, amusante et féconde en déraillements en serait le témoin!
Un chef d'oeuvre selon le musicien, excellent pédagogue et animateur qui assure l'introduction musicographique des oeuvre!Des sautes d'humeur et d'ambiance sans vergogne au menu!
Des accents saccadés, des sauts virevoltants, et la danse est rondement menée: comme de la houle qui remue et bouillonne!
De très belles sonorités, graves en osmose, un rythme très alerte, jovial, sans cesse tissant du son.
Chacun répond à l'autre en ricochet avec accents et tonalités référencés, quasi mélodiques... L'as des cordes frappées et pincées, Ligeti, révèle ici tout son génie de la tension-détente, imperceptible outil de ces effets de surprises, de rétention explosive et salvatrice. Un sublime moment de calme succède à la tempête, paysage et ambiance de mystère: les cordes frétillent, à l'infini, vibrent, le son se perd à l'horizon dans un espace sonore inoui! Déstabilisé à l'envi: du galop, d'une chevauchée ou d'un métronome à l'autre, les instruments vivent une épopée picaresque solide, les interprètes, une odysée de l'espace, incroyable.
A l'Auditorium de France 3 le 25 Septembre
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