Tous trois incarnent la fine fleur des nouvelles générations d’instrumentistes : né en 1979 (la même année que le percussionniste Samuel Favre), le contrebassiste Nicolas Crosse a rejoint l’EIC en 2012, en même temps que le percussionniste Victor Hanna (lui-même né en 1988).
À travers un répertoire d’œuvres récentes et assistés d’un réalisateur en informatique musicale de l’Ircam, ils révélent, en solo ou en ensemble, la foisonnante variété des écritures que peuvent susciter leurs instruments singuliers.
"Fell" de Enno Poppe, une oeuvre pour batterie solo, est une gageure de virtuosité, de dextérité pour percussions; seul face à son "laboratoire" percussif, Samuel Favre fait preuve d'une concentration éprouvante, d'une maîtrise exceptionnelle: résultat: l'émotion gagne, le suspens monte en apnée et l'on tressaille et vibre, respire, de concert.La peau, de poils hérissée, frissonne devant ce "drumset" singulier, ce morceau palpitant, surprenant aux directions multiples.
Accélérations, espace très resserré en huit clos, tout concourt dans cette "solitude" de funambule à créer un univers de danger, sur la corde raide!
"Métathèse" de Tolga Tüzün, succède à cette prestation unique: un solo pour deux contrebasses et électronique en live, se révèle un laboratoire de dissection musicale sidérant: à la verticale, l'interprète Nicolas Crosse s'empare de l'instrument, debout, droit et rigide, alors qu'il fait vibrer à l'horizontale, une autre contrebasse, couchée, dont il joue avec son archet. Sculpture animée de sons, décortiquée comme un cadavre en salle de dissection. Il se joue de cette carcasse, boucher, tranchant et découpant rythmes et sonorités.En chirurgien du son, il découpe les morceaux de tonalités sur son étal, table d'opération éprouvante. Les images qui en surgissent sont médusantes et la dernière plainte électroacoustique de cet animal animé, agonisant semble surgir d'un abattoir.Visil unique et singulière, rehaussée par le physique, crâne rasé de Nicolas Crosse, homme, alchimiste énigmatique et sans état d'âme.
Belle pièce à découper dans cette antre du crime musical.
"CODEC ERROR" de Alexander Schubert sera dans la même veine, sanglante, éclaboussante de lumières stroboscopiques. Trois personnages, figures de science fiction, créatures bizarres incarnent une atmosphère très tectonique d'apocalypse naissant. Lumières pâles, blanches pour cet univers décalé, chemin de percussions disséminées comme un parc de sculptures trouvées, ready made à la Duchamp pour une musique tonitruante, envahissante à souhait Submergé par les vrombissements de l'électronique, forte présence sonore, le spectateur est immergé dans cet univers très BD du troisième type. Les gestes robotiques, les démarches tétaniques ou au ralenti, opèrent pour une dynamique très chorégraphique. Mise en scène d'un déluge annoncé, tremblant de secousses sismiques, choc électroacoustique pour électrocution fatale!
C'est de toute beauté plastique Energie du fantastique, du mouvement dans l'espace sonore, voici une oeuvre d'un genre non identifiable qui surprend et titille, énerve et horripile: tout ce qu'on aime à découvrir à Musica, ce soir là au TNS: lieu connoté spectacle, et pour cause, le génie de la régie lumière, et le plateau vibrent et percutent au passage de ces Zoros du son, figures fantastiques à souhait.Salves et déflagrations au menu, clichés photographiques en schootings réguliers: Métropolis et son expressionniste ne sont pas loin et veillent au grain de sable de cette machinerie infernale.
Du grand spectacle en "petite forme" mais gigantesque réalisation!
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