samedi 23 novembre 2024

Sound Up! #6 Psyché: Hanatsu Miroir en ébullition!

 SOUND UP! #6  > > >

Sound Up! est un cycle de concerts de musiques inclassées qui mêle formats, écritures et écoutes diverses et variées, et s’adressent à toutes les oreilles, à commencer par les plus curieuses. A travers ce cycle, l’ensemble HANATSUmiroir propose un tour d’horizon de la création musicale, avec la complicité d’autres artistes et ensembles français, européens et internationaux : performances, concerts, spectacles, ateliers et autres rencontres parfois insolites sont au programme de ces temps de découverte et de partage.



> > > PSYCHÉ

PHASER en transat
ÉCOUTER des pièces mythiques aux harmonies rondes et aux accents pop
des bandes qui pleurent
des synthétiseurs SOUS LSD
des nappes de guitare HALLUCINÉES
des pots de fleur tribaux INSPIRÉS
un orgue POULPESQUE
et des colonnes de sons…

Tout un programme concocté par HANATSUmiroir pour fêter les 60 ans de la création d’In C de Terry Riley, première œuvre de musique minimaliste. Un prétexte à une exploration tous azimuts à travers un archipel d’œuvres en contraste. C’est comme autant de rivages où résonnent les percussions répétitives, hypnotiques ou tribales de Steve Reich, Terry Riley et Paul Lansky, où s’engendrent les hybridations transacoustiques d’Olivier Maurel et qu’hantent les esprits convoqués par le ouija de Nicole Lizée. 

Chaque étape est marquée par la découverte et la rencontre de l’autre : Jean Nicolas Mathieu déploie ses nappes de guitare électrique, Clotilde Lacroix met en vibration les mots de Mélie Boltz Nasr. François Delamarre convie Stéphane Kozik et le duo Le Plus Simple Appareil à interagir avec MODEMA, la créature instrumentale qu’il a développé au sein du festival L’Ososphère, partenaire de cette soirée événement.

Le 23 Novembre à l'Espace K 18H 01H.....


vendredi 22 novembre 2024

"Le Ring de Katharsy" d' Alice Laloy: Big Brother les manipule. Play time pour pions virtuels capturés.

 


Dans cette partition pour une cheffe d’orchestre, deux chanteurs-acteurs, six circassiens acrobates et danseurs, la metteuse en scène Alice Laloy convoque plusieurs arts au plateau pour créer un dispositif scénique à grande échelle. Plus qu’un spectacle, c’est un tournoi en trois manches avec des « joueurs » prêts à tout pour gagner, leurs « avatars » dotés de plusieurs vies, des « supporters » qui encouragent sur commande grâce à un prompteur où tout est écrit à l’avance. Et aux manettes de ce système de corps-objets-machines dystopique ? Katharsy, entité globale et virtuelle qui se joue des limites du réel et du vivant. Sur le ring on chante, on danse, on s’ébat et on se convainc que les gagnants ne sont pas déjà désignés.

Des personnages en fond de scène, assis semblent se regonflés à vue: tout de gris affublés de collants seyants dans un décor lui aussi grisonnant. Comme au bon vieux temps de la télévision en noir et blanc.  L'écran est celui du plateau, immense où va se jouer une longue séquence, celle des ébats télécommandés par deux tyrans tortionnaire, dictateurs de gestes. Les personnages évoluent sous les ordres et la dictée de ces supporters farouches qui maintiennent un climat de tension, d’obéissance, de soumission vis à vis de leurs comportements. D'abord consignes de jeu, d'attitudes diverses, puis de verbes d'action. Les curieux zombies de service s'adonnant à cette servitude avec consentement et sentiment d'être livrés à un esclavagisme non dissimulé. Cet sorte de "Métropolis" expressionniste est fascinant, sidérant et les robots évoluant ainsi sans désobéissance civile, plein de souplesse circassienne, de performances dansées très réjouissantes. Une bataille de vêtements lors du black friday les force à se soumettre à la loi de cette machinerie de science fiction. Le décor, lui-même évoquant ce monde virtuel insaisissable.Ces créatures guidées par le chant d'une figure gigantesque, cantatrice, chanteuse enrobant le tout de ses mélodies incitant à l'ordre. Domptées par deux organisateurs tyranniques, manipulateurs sans vergogne.Un dressage sans libre arbitre où les accessoires de torture tombent des cintres: chaises, table et tabouret comme objets à surmonter. Deux décompteurs  de performances stressent l'ambiance déjà tendue par une musique omniprésente, hystérique et entêtante. Beaucoup de souffle, d'imagination dans ce spectacle très visuel où pas un mot intelligible ne sort de ces corps confrontés à une chorégraphie drastique et sans appel. Alice Leloy comme un Big Brother saturant les esprits comme aux commandes d'instruments manipulables et dignes d'une dictature pasolinienne: on pense à "Salo" et ses victimes dans une atmosphère tout de gris. Au final c'est une immense toile mauve qui s'abat sur ce petit monde magnétique et recouvre comme un linceul les ignominies de ces barbares sans âmes.

Au TNS jusqu'au 29 Novembre

"Antigone in the Amazon" : le jeu de Milo Rau: super banco gagnant! Colère et rugueuse revendication.

 


Avec Antigone in the Amazon, Milo Rau croise un mythe antique et la brutale réalité d’un combat contemporain au Brésil. En collaboration avec des habitant·es et des artistes locaux, il met en scène la révolte d’une Antigone du XXIe siècle, sur les lieux-mêmes où dix-neuf ouvriers agricoles ont été assassinés par la police militaire en 1996. Là où 10 % de la population possèdent 80 % du sol, le Mouvement des sans-terre (MST) se mobilise contre une tyrannie économique soutenue par l’État. Sur un plateau recouvert de terre, l’esprit de lutte et les émotions prennent forme, tandis qu’à l’écran les activistes, tel un chœur politique d’aujourd’hui, commentent l’action qui se déploie sur scène entre Créon, Antigone, son fiancé Hémon et Eurydice. Par la force des images, la présence des corps et la puissance évocatrice des mots, Milo Rau donne une forme inimitable à la révolte. Face à l’exploitation à outrance des ressources naturelles, l’oppression des populations et la violence du pouvoir, le récit antique donne forme au soulèvement pour un changement global. 

Grand moment d'émotion vive bau Maillon à l'occasion de la venue de ce spectacle "militant", dénonciateur des "monstruosités" faites au peuple brésilien par la dictature au pouvoir. Eloge à la terre nourricière pour démarrer cette ode à la fraternité et solidarité internationale. Cette terre qui appartient à tous sauf ceux qui en prennent soin. Terre qui jonche le plateau, terre battue comme ces militants de MST qui rejouent les scènes hyper violentes de tuerie collective. On y croit de façon saisissante à ces images projetées sur un écran à trois facettes qui témoignent des atrocités faite à une humanité en colère. Colère et prise de paroles, de positions durant quasi deux heures. Antigone et son mythe comme pré-texte et fondement de la narration. Quatre personnages se partagent cette dure tache de remplir l'espace, la lumière. Un récit à quatre voix, en portugais, brésilien, néerlandais que l'on suit des yeux grâce au surtitrage.La tension est grande mais également la "douceur" des propos et du ton d'Antigone, ici petit personnage à la longue chevelure hirsute. Il y a beaucoup d'empathie avec chacun des quatre feuilles de ce trèfle, porte bonheur de cette lutte permanente.On y suit les péripéties de cette famille déchirée par le destin, la fatalité. Mais le moral demeure, façonné par l'authenticité du jeu des comédiens. Un musicien entretient à la guitare une certaine sérénité salvatrice. Le combat est juste, urgent, incessant et le film qui nous éclaire sur les agissements oppressants et criminels de l'armée au pouvoir est saisissant. Cruauté, séquences terrifiantes de meurtres et d'agressions physiques, soulèvement et révolte des protagonistes de la rébellion en marche. Témoignage, récit et action débordante de vérité pour es scènes de violence éprouvantes. On y croit sans leurre, les acteurs se fondant simultanément dans les images. Entre fiction et réalité, cette épopée loin d'être picaresque ou anecdotique demlure dans les corps et les esprits, travaillant sur la mémoire, le partage de l'indicible, du chant du choeur grec qui fait front. Choeur qui bat fédère une énergie combattive et charismatique. Choeur, atout de cette population en soulèvement permanent, jamais hors sol. Alors l'émotion nous prend et fait bouger une conscience vive, partagée. La colère comme flambeau, témoin d'horreurs que nous révèle Milo Rau et toute son équipe, forte de solidarité, de communion, en compagnie solide et indéfectible. Un rituel politique et militant de toute beauté féroce et irrévocable panorama de la bêtise humaine. Un panel vivant et jamais "spectaculaire" des abérrations économico-géo-politiques, manifeste sans fard ni concession pour la liberté.

Au Maillon les 21 et 22 No Paysage 4vembre dans le cadre de "10 jours avec Milo Rau"

jeudi 21 novembre 2024

Alessandro Bernardeschi & Mauro Paccagnella (Wooshing Machine): "Closing party: arrivederci e grazie": kinémato-chorégraphie!

 


Closing Party (arrivederci e grazie)

Comme souvent dans l’univers de la Cie Wooshing Machine, les quinquagénaires Alessandro Bernardeschi et Mauro Paccagnella revêtent perruques et micros pour entonner des airs populaires. De Simon & Garfunkel à Nina Simone, en passant par Marianne Faithfull, le duo déploie son goût du jeu en parallèle des fêlures qui les habitent. Après Happy Hour et El pueblo unido jamás será vencido, ils concluent leur Trilogie de la mémoire avec Closing Party (arrivederci e grazie). Un bal de clôture sans paillettes, absurde et ironique, traversant la fin des utopies dans le même costume noir et barbe de trois jours. Ce passage en revue des souvenirs intimes, mêlés à l’histoire collective, prend corps dans une nostalgie joyeuse. Leur nonchalance naturelle n’enlève rien à leurs qualités de danseurs assumant de vieillir en clowns désabusés, en valse d’adieux reportés. Une dernière danse, front contre front, affranchie de la pression de la performance, entièrement tournée vers l’émotion et le plaisir – partagé – du mouvement.


Ils adorent le cinéma et cela fait partie intégrante de leur culture chorégraphique: de l'imitation des grands titres de films de référence, au décor en noir et blanc scintillant comme sur la pellicule d'antan, ils se régalent. Ce duo intime et séduisant fabrique de la tendresse, du bonheur autant que de la nostalgie. Duel, joute, tête à tête, toujours dans la grâce et le respect de l'autre. En costume noir, chemise, pantalon et chaussures vernies, affublés de perruques bien noir-charbon anthracite pour dissimuler calvitie ou tonsure des années passées, ils disjonctent joyeusement. Couple complice ils dansent sur des morceaux de musique de choix qu'ils ont chéris autrefois et s'adonnent au pur plaisir de danser, de divaguer dans l'espace. Soudain c'est Pasolini et ses multiples visages d'acteurs fétiches qui apparait; un jeune danseur bien chevelu qui leur ressemble avec en plus la vélocité et l'aisance qu'ils ont mis de coté, virevolte à l'envi. Image fugitive et fugace de la jeunesse emportée par les années. La perte, l'usure en moins pour un solo vif et plein de fièvre.  Jeune trublion comme l'ange de "Théorème" pour référence... Renverser un chorégraphe conceptuel dans un rêve éveillé, rire de tout et de rien, décontractés, bon enfants.Des portés majestueux en cygnes noirs comme autant de références-mémoire de la Danse incarnée.Duo en miroir souvent, genoux fléchis, bras enrobant, désarticulés ils évoluent dignement sans fard ni falbala. Les épaules relax, détendues, mouvantes, les regards croisés et malicieux, la parole vive et bien enracinée dans les corps. Quelques blagues inachevées sur le bout des lèvres qui se terminent en fou rire pour impressionner son partenaire de scène.Que voilà bien du charme avant ces adieux pas pathétiques, plein de soleil de la langue italienne qu'ils manient dans la jouissance du partage; depuis bien longtemps sur le plateau de la danse depuis leurs ébats et débuts au Théâtre de la Bastille ou Jean-Pierre Timbaud du temps des Sagna et Jean Marc Adolphe! A bon entendeur, salut!

Essorer en machine tambour battant cette danse de mémoire vive et les couleurs ne s'altèrent pas!

A Pole Sud le 20 Novembre

mercredi 20 novembre 2024

Gaël Santisteva, Saaber Bachir & Antoine Leroy. "Voie, Voix, Vois" : que vois-je sur la voie publique à voix haute? VVV....


Voie, Voix, Vois

Objet scénique pluriel et inhabituel, Voie, Voix, Vois est né d’une rencontre aux Ateliers Indigo. Cette association bruxelloise accompagne une vingtaine d’artistes en situation de handicap, dans des ateliers d’art plastique, de la scène et de la musique. Le musicien Antoine Leroy et le danseur et comédien Gaël Santisteva nouent une amitié et des affinités artistiques avec le plasticien-poète-acteur Saaber Bachir. Leur trio trouble les textures vocales et textiles afin de bouleverser l’ordre établi. La ventriloquie est détournée par modification électronique des voix, mais aussi par la prise de contrôle physique des partenaires de jeu sur scène. En maître de cérémonie, Saaber dirige, manipule, dicte le tempo et oriente les regards pour nous offrir sa propre vision des choses. Sur fond de sound system déstructuré, la normalité et la norme se trouvent questionnées, chamboulées dans leur frottement avec la légitimité, la soumission et le contrôle.

Belgique trio création 2023 

C'est un régal gourmand, ce trio atypique qui mène bon train un show en short de guépard, casquette et baskets de circonstance. Comme des marionnettes ils se manipulent et le son de leur voix n'est autre que celui du manipulateur. Effet de leurre garanti et trouble de surcroit pour ces duos drôlatiques et farceurs. Farce et tribulations de trublions de la scène que ce trio de fortune très riche en répliques, récits et autres histoires de verbe, le tout métamorphosé par des micros amplificateurs et tordeurs de sons. Ça cause et ça discute, ça polémique et ça enchante le plateau. Trois garçons dans le vent d'une balise-drapeau peuplée de chevaux esquissés, d'un tapis orange fluo fait maison, brodé d'une figure de cheval-licorne magnifique. Histoires de chevaux, d'équidés en tout genre pour un voyage chez ces animaux "sauvages" et beaux "Je me voyais déjà" sur un plateau de TV , hanté par des hauts-parleurs très design, façonnés par le musicien lui-même à la recherche de formes et de sons. Mégaphone en céramique rappelant des coiffes ou entonnoirs stigmatisant les fous du roi. Antoine Leroy aux commandes de cette recherche plastique et esthétique très réussie. Alors que ses deux compères, compagnons de route arpentent la scène en bavassant, sautillant, faisant la roue. C'est espiègle et malin, mutin et plein de charme. Les voix sont sur les chemins de traverse et le sentier de l'âne, sur la bonne voie. Et l'on y voit que du feu en empathie totale avec cette évidente simplicité de la représentation. Le pavillon en poupe pour mieux entendre les sons déformés des voix, pavillons de phonographes ou de mégaphone, chapeau, coiffe ou parure fort seyants. Les trompettes de la mort comme instrument de musique où il vaut mieux ne pas souffler! Ce cheval de trois comme une figure de parade, de carnaval. Leurs chansons, c'est pas du pipeau Des éclairages de boite de nuit pour illuminer l'ambiance et faire danser les pupilles rivées sur ce petit monde bigarré et sympathique. Mustang comme égérie et passion pour Saaber Bachir dont l'amour des chevaux transparait sans frontière. Ils semblent indomptables nos héros de pacotille et dotés d'un pouvoir magique: celui de conter fleurette et d’enjôler le public avec trois fois rien d'humain, de fraternel. Émouvant spectacle généreux, cent pour cent pur sang, sans queue de cheval ni tête de mule. Gael Santisteva comme homme orchestre et capitaine, figure de proue d'une formation collective bien individualisée pour qu'aucun ni perde son identité!



Et Georges Federmann et son chapeau entonnoir de fou...pour référence locale....



Le chapeau juif, connu aussi sous les noms de coiffe juive, Judenhut ou hoods en allemand et de pileus cornutus (calotte à cornes) en latin, est un chapeau pointu infamant en forme de cône ou d'entonnoir renversé, blanc ou jaune, devant être porté par les Juifs dans l'Europe médiévale et parfois dans le monde islamique ...
 
A Pole Sud le 20 Novembre

mardi 19 novembre 2024

L'heure joyeuse - Pulcinella: heure exquise qui vous grise...Allègrement!

 


L'Orchestre propose un nouveau rendez-vous ! En formation symphonique, les musiciens interprètent des pièces phares de la musique classique. Un concert d'une heure qui se glisse joyeusement dans le quotidien.Stravinski visite le passé, se penche sur la musique de Pergolèse, écrit Pulcinella et en tire une Suite pour orchestre. Le hautboïste Pasculli brode sur un opéra de son temps et fait briller son instrument face à l’orchestre dans un concerto virtuose. Tisser des liens entre les œuvres, les époques… quelle source de richesse ! Deux pièces à découvrir durant cette « heure joyeuse ».

Le bel hautbois dormant.

Antonio Pasculli
Concerto pour hautbois sur des motifs de l’opéra
La Favorite de Donizetti, arr. G. Silvestrini

De cette oeuvre, l'orchestre et sa chef Emilia Hoving en font une ode à la joie, au tonus et à la malice d'une écriture pleine de verve et de rebonds. Le hauboïste Sébastien Giot se donne en virtuose avec son instrument rivé au corps comme une voix issue de son souffle teintée d'une véritable tessiture. Son chant est celui d'un "bâton de bois mort" que le souffle anime et fait vibrer comme des cordes vocales frappées par la respiration. Un véritable enchantement que ce leurre entre voix et instrument, prolongation du corps. L'homme, l'interprète et son "son" très personnel. Une touche, une rare personnalité invitée bientôt à intégrer l'Orchestre de la Philharmonie de Paris.

leonide massine

Le Polichinelle idéalisé

Igor Stravinski
Pulcinella, Suite pour orchestre

Ce ballet, à l'origine commande de Diaghilev à Stravinsky en version "concertante" est un joyaux de style néo-classique, comme à l'époque la chorégraphie et la danse de Léonide Massine.En fermant les yeux on imagine Tamara Karsavina séduisant ce Polichinelle aguicheur. L'Orchestre, très à l'aise sous la direction très gestuelle, toute en cercles, volutes et arabesques de Emilia Hoving, très vive et pleine d'enthousiasme contagieux. Les sonorités se font inspirées de sources italiennes et revêtent parfois un caractère quasi hispanisant.Épure et grâce d'une musique à danser sous ses plus belles tarentelles, gavottes et autres références rythmiques et chorégraphiques.

Distribution Emilia HOVING direction, Sébastien GIOT hautbois
Lieu
Cité de la musique et de la Danse le 19 Novembre

 

samedi 16 novembre 2024

ONE SONG , Histoire(s) du Théâtre IV , Miet Warlop : en forme olympique!

 


Acclamé par la critique, cette longue chanson est avant tout un morceau de bravoure athlétique et musical, un déferlement d’énergie vitale pour la relecture d’un requiem : en 2005, la metteuse en scène Miet Warlop avait conçu Sportband / Afgetrainde Klanken comme un hommage à son frère décédé. Vingt ans plus tard, elle relit la pièce à l’aune d’une œuvre qui s’est entre-temps imposée sur la scène internationale, et lui donne une teinte nouvelle. ONE SONG
est aussi inclassable que ne l’est son autrice, qui aime mettre à bas les conventions, avec humour et finesse. À commencer, ici, par la différence entre le sport, la musique et le théâtre. Encouragé·es par leurs fans enthousiastes, et accompagné·es par un pom-pom-boy dévoué à la cause du spectacle, cinq musicien·nes sautent, courent, marchent sur une poutre, font des étirements… à moins que ce ne soit cinq athlètes au violon, à la contrebasse, à la batterie ? Dans cet étrange meeting sportif qui mêle le rire au chagrin de la perte, chaque note nécessite un effort. Une performance, dans tous les sens du terme.

Sur une tribune, une speakerine s’égosille dans un mégaphone: arbitre tri-jambiste de handy-sport son discours inaudible se transforme en fou rire alors qu'elle présente les cinq joueurs de la soirée. Une majorette à plumes se dandine alors que sur des gradins, cinq supporters vont peu à peu se mettre en mouvement. Le tableau est brossé, l'échauffement des athlètes peut commencer, offensif, forcené. Petite course de fond aller-retour sur fond de métronome. Une violoniste grimpe sur la poutre et n'aura de cesse de jouer sur une jambe, en arabesque équilibriste. Le violoncelliste adopte la position couchée, à l'horizontale. Un plancher roulant pour le coureur de fond, un trampoline et des espaliers pour le quatrième larron. Alors qu'un drapeau flotte au vent, les hostilités démarrent: cinq places de percussions pour un batteur de choc et ses vibrations tectoniques, comme leur gymnastique tonique: le tout compulsif et hystérique à souhait pour éveiller les consciences, travailler sur la perte, la performance sportive, l'achèvement des héros d'un jour sur la piste aux étoiles. Le rythme s'accélère, démoniaque, hypnotique et nos oreilles "qui n'ont pas de paupières" songent aux bouchons . Un peu de Bach au violoncelle pour calmer les passions et adoucir les moeurs et ça repart. Ceux qui encouragent s'agittent frénétiquement, brandissant leurs slogans sur banderoles. TGV, très grande vitesse pour cette performance épuisante: un voyage virtuel où la course contre la montre dépasse et franchit les bornes de l'entendement. Un peu de ping pong sans filet, balles au bond et c'est une pause salvatrice, gestes au ralenti qui ponctue le show. Une majorette s'épuise à faire le pom pom boy et installer un jeu de scrabble géant. Calme apparent qui cache la future tempête... Des bruits d’effondrement, de salves se font entendre comme une métaphore  de destruction massive des corps en surpuissance. Accalmie de courte durée dans cette météo de cataclysme et tsunami prévisible. Nos anti-héros épongent le sol humidifié par une pluie survenue de nulle part avec leur t shirt, désacralisant le gadget et le produit dérivé de compétition. Les numéros affichés sur les corps en faisant de gentilles bêtes de somme à regarder, observer. Les basses tâches pour tous: très "zen". Horde sauvage, cette tribu, collectif doux dingue évolue dans le stress et la virtuosité, la résistance et l'endurance. Hilarant et agaçant . La percussionniste s'effondre et souffre à vue. Dans du talc ou colophane répandue au sol. Sur les tribunes les spectateurs en transe, en empathie totale avec les athlètes s'adonnent au rituel du frappement des mains pour encourager ce petit peuplé enragé. Elle court, elle court, la dépense et l'on achève bien vite les chevaux dans ce stade intérieur, gymnase ou salle d"évolution pour "martyrs". Tout est blanc, très clinique, clean et assourdissant de décibels et rythmes binaires. Le violoncelle a grimpé sur la poutre, la surdose de percussions explose et maltraite les tympans. Tout s'effondre alors, seul le tapis roulant travaille encore à charrier des fantômes. Le drapeau flotte, pavillon de détresse de mauvaise augure. Essoufflé le major d'homme se rend et capitule. Débâcle et débandade pour tous.Seule l'arbitre est rescapée sur cette arche de Noé désertée, sinistrée. L'hymne international au poing fait se redresser la troupe galvanisée par les ovations du public... Les JO fédérateurs et politiques rappellent à l'ordre les joueurs et supporters. La Cène finale à douze apôtres couronne Terpsichore en baskets avec brio. C'est la lutte finale.

Présenté avec POLE-SUD, CDCN au Maillon jusqu'au 16 Novembre