Avec son ensemble Sequenza 9.3, Catherine Simonpietri maîtrise à la perfection l’art de relier l’écoute des compositions vocales de notre temps à leurs sources anciennes. Ainsi, non loin des sources de la Loire, cette judicieuse mise en perspective d’hymnes, de psaumes et autres prières d’hier et d’aujourd’hui a atteint la dimension d’une méditation universelle.
A l'église St Gilles de Chamalières sur Loire ont résonné ce Dimanche 26 août les voix de la félicité.De l’abbaye bénédictine qui se trouvait à cet emplacement, il ne subsiste que quelques arcades du Cloître.Edifice roman auvergnat, situé en bordure d'une Loire encore sauvage, l'église est riche de mobiliers et décors d'exception : porte de sapin primitive, bénitier à quatre figures de rois et prophètes, fresques...
L'église Saint-Gilles de Chamalières-sur-Loire bénéficie d'une acoustique idéale pour la musique vocale.
Un concert très attendu , prometteur et enchanteur !
Trois voix d'hommes pour entamer le programme avec le "Salve Regina" de Eric Tanguy
D'étranges dissonances pour un rythme lent et posé, plein de contrastes et de modulations comme une ascension méditative, respectueuse: de la douceur dans l'unisson très mesurée
Une belle entrée en matière....
La "Missa "Mille regrets" pour six voix mixtes, ce "Kyrie" de Cristobal de Morales succède pour une alliance des voix en relais, écho: une messe en canon classique au tempo égal , lent, solennel, comme un bercement salvateur, linéaire dans la composition qui chemine comme une balade sacrée, tranquille.
Au tour de "Abendlied" pour six voix mixtes de Josef Rheinberger: de très beaux aigus, alliage et mélange des timbres et tessitures dans la lenteur: comme la nuit qui tombe et invite à la méditation, au repos éternel.
Le "kirie" de la "Messe en sol mineur" pour double chœur de Ralph Vaughan Williams est sujet à une mise en scène, en espace dans l’abbatiale pour magnifier les harmoniques: belle initiative qui atteste du soucis et de la préoccupation de la chef de chœur de positionner le son pour le faire résonner au mieux de son amplitude , de sa rémanence, de sa réverbération! Les voix se répondent, se couvrent, les dissonances exultent dans une atmosphère de dévotion attentive, recueillie. De beaux solos s'étirent en strates, le son tourne , magnifié par l'acoustique inouïe de l'abbatiale!
Pour un amalgame savant des timbres et tessitures, hypnotique, doux et contrasté.
"Plebs Angelica" pour double chœur à quatre voix de Michael Tippett prend le relais, naturellement lors de ce programmes ascensionnel, très bien construit, nous guidant peu à peu vers la félicité.Les deux groupes de voix se confrontent, puissants, vifs, enjoués dans de belles modulations: éclats des voix qui surgissent, puis se retirent en flux et reflux, complexité des interventions qui s’enchaînent dans des amplitudes remarquables.
"Northern Lights pour huit voix mixtes de Ola Gjeilo succède, très contemporain: alternance des voix d'hommes et de femmes, longues tenues en plateau infini, beau parterre de basses qui soutiennent les aigus qui glissent à l'oreille, légèrement. Retenue et sobriété, respect et intériorité se dégage de cet opus dans ces nuées de voix, ces tenues discrètes, ce soutien constant du chœur qui résonne comme de la brume sur le chemin matinal du crépuscule naissant;. Une interprétation très subtile en restitue l'âme.
"Laudate pueri" pour six voix mixtes de Guillaume Connesson dans une métrique régulière, un balancement charmant propose d'autres sons interrompus avec une belle ascension du volume sonore. Les aigus en poupe, des vocalises en cascade, du flux, de l'espace se crée, crescendo, en hauteur et inonde la voûte, cul de four résonnant de ses échéas qui répercutent le son à loisir! Tumulte, spirale ascendante, trouble et désordre s'installent pour une "confusion" savante très maîtrisée.
S’enchaînent sans transition, le "sanctus" de la Missa, mille regrets pour voix mixtes de Christobal de Morales et le "Crucifixus" pour huit voix mixtes de Antonio Lotti: deux compositions anciennes, plus conventionnelles, allègres et de bon aloi!
Place au magnifique et intriguant "Grand Pater Noster" de Christophe Looten pour huit voix mixtes: lent et émouvant mouvement où les basses, magnifiées pénètrent l'espace lentement alors que les autres prennent le relais: un peu d’allant, mesuré en élévation dissonante: des surprises, des mélanges et alliages de timbres et de tessiture, de très belles tenues en marche ascensionnelle: un bijou de composition sacrée et "profane" à la fois dans la composition, non "orthodoxe!
La plus étonnante et singulière pièce du concert, plus ample dans le temps, envoûtante, entrecoupée de bribes de paroles hachurées qui brisent l'uniformité monocorde, quasi monotone du programme.;Des bribes de mots lancés comme des salves discrètes sur un tapis de sons subtils, enjôleurs, enchanteurs. Comme une prière méditative. Au final, un ensemble plein d'ampleur dans un "amen" dissonant.
Dernière oeuvre de ce concert remarquable à bien des égards:"Christus vincit" pour huit voix mixtes de James Macmillan: magistral, ample, avec des aigus sublimes, stridents et magnifiés par des interprètes hors pair. On frôle la chair de poule et le frisson de l'émotion musicale à l'écoute de ces tessitures mêlées.Une sorte d'épilogue, de conclusion, à l'ambiance veloutée, flamboyante en final, plein de promesses et de transfiguration possible pour cette "messe imaginaire", inventée par Catherine Simonpietri. La voix de soprano hallucinante, érigée dans un alléluia cinglant pour conclure!
Un bis en final et le public ressort enchanté par ce dernier "Crucifixus", belle envolée, échappée belle, plainte vivace pleine d'allant!
Cerise sur le gâteau, un buffet convivial offert par la Mairie aux participants: de la belle facture pâtissière du restaurant "Chez Simone" où Elise tient les rênes d'un fameux bistrot vintage aux saveurs d'antan, mêlées à la sensibilité gastronomique d'aujourd'hui: à l'image de l'esprit du concert concocté par "Séquenza 9. 3 " !
A Chamalières sur Loire le 26 Aout 2018