lundi 31 mai 2021

"Mithridate": la vie dans les plis incarna d'un rideau de dissimulation....


Racine, quand il écrit cette pièce en 1672, s’inspire de la vie de Mithridate VI, qui régna jusqu’en 63 av. J. - C. sur le royaume du Pont − l’actuelle Turquie, la Crimée et de nombreuses régions au bord de la mer Noire − et reste célèbre pour avoir résisté à l’expansionnisme romain, mais aussi pour avoir accoutumé son corps à résister aux poisons : la mithridatisation. Racine situe l’action au dernier jour de sa vie : alors que Mithridate est déclaré mort, ses deux fils se disputent son royaume et la reine. Mais le retour du roi va tout bousculer. Le metteur en scène Éric Vigner voit dans cette œuvre crépusculaire le dernier sursaut d’un homme hanté par sa disparition et celle du monde hellénistique, dont il est le dernier rempart. À l’heure de notre mort, quel regard porte-t-on sur notre vie, qu’avons-nous transmis ?


L'atmosphère sera sombre et nocturne durant tout le spectacle qui démarre sur un tonique sursaut de bombardement, d'éruption ou de glissement de terrain ou d'atterrissage sur un tarmac houleux.Une flamme vive éclaire les visages noyés dans l'obscurité...Les dialogues, monologues s'enchainent dans une langue châtiée, un rythme lent, pesé, distribué de façon méticuleuse dans l'espace déployé des corps. Les personnages y circulent modérément, poids et appuis ancrés dans une délivrance d'énergie comptée, au phrasé respectant le temps imparti par le destin de chacun. Mithridade, en roi prédestiné, sobre, hanté par l'amour filial, l'amour d'une reine en proie à la violence d'une destinée inscrite dans les vers de Racine, ici, au service d'une tragédie lente et irrévocable. Stanislas Nordey, habité par la pondération, la ponctuation sonore, le rythme du texte qui s'allonge, se déploie, fluide, aux accents toniques discrets, musicaux à souhait. La reine, une Monime incarnée par la brillante Jutta Johanna Weiss, lumineuse  personne ombrée de couleur incarna; les longues manches de sa robe se déployant en origami à la Miyaké, en plis, éventail sensible d'un rythme plastique du costume qui habille son corps de madone aux pieds nus....Telle une danse sensuelle et discrète, minimaliste, son corps ondoie, délivrant la jambe nue d'une reine vivante, charnelle....Et Thomas Jolly de hacher le texte de son personnage Xiphares, empreinté, balbutiant en anonnant subtilement dans un rythme hésitant les mots de ses affects.La mise en scène de Eric Vigner souligne l'individu, son isolement, la délicatesse de la gestuelle épouse la prosodie Dans une scénographie ponctuée des mouvements d'un immense rideau souple de pampilles de verre, chacun évolue au gré des actes qui se succèdent naturellement, organiquement, comme le temps qui passe, s'égrène, ralentit, accélère...C'est d'une beauté plastique saisissante, entrelacs de fils, de liens qui se chevauchent, s'enlacent, se font et se défont jusqu'au mouvement final: le corps gisant de Mithridate entre ces tissages de perles scintillantes. Un linceul vibrant et fébrile pour une fin entre lumière vive et obscurité: le chant de la langue de Racine résonnant encore aux oreilles attentives  d'un public concentré, suspendu au pas ténus de ceux qui foulent un destin éprouvé par les passions humaines autant que divines.Les lumières signées Kelig Le Bars soulignant failles et tectoniques des sentiments avec acuité; justesse et ombrages: des paysages changeant, nuageux se dessinent sur l'écran de perles, paréidoliques, révélant les accents contrastés de chacun. Une lente progression vers le désir, le suspens, l'attente et la résolution irréversible des destins partagés Une "suspension chorégraphique" très précise, millimétrée, accentuée par la grâce des déplacements, postures, attitudes calculés au plus près des corps mouvants. Racine, enchanté par la musicalité des actes chancelant des êtres désignés, au travers d'un mur ajouré, failles et interstices pour mieux déjouer les pièges, les dangers de cette perméabilité spongieuse de la lumière diffuse, passée au crible d'un peigne fin des astuces humaines.

Au TNS jusqu'au 8 JUIN

Éric Vigner est metteur en scène, acteur et scénographe. Il a dirigé le CDDB − Théâtre de Lorient de 1996 à 2016 et est actuellement directeur artistique du Théâtre Saint-Louis à Pau. Le public du TNS a pu voir "Brancusi contre États-Unis" en 1996, "La Place Royale" de Corneille et "Guantanamo" de Frank Smith en 2013, ainsi que "Partage de midi" de Paul Claudel en 2018.


lundi 17 mai 2021

"Passion danse" : fier de danser, quel trac, tout le monde peut danser, une leçon d'amitié de Lepetit et Kuehne


 Daphné et Avril ont reçu l'autorisation de s'entraîner dans le gymnase, après la cantine. Elles proposent à Antonin de se joindre à la petite troupe. Le garçon en meurt d'envie, mais il a trop peur que ses copains se moquent de lui... 

 


C'est le gala de fin d'année ! Madame Odette a inventé une chorégraphie sur la musique de Casse-Noisette et demande à chacun de ses élèves d'exécuter un court passage en solo. Daphné est ravie, mais Avril et Antonin sont un peu stressés. Ursula les aide à répéter, à tel point que bientôt, tout le monde est prêt, sauf elle !

 


Daphné a persuadé sa copine Avril de l'accompagner à l'école de danse pour son premier cours. Cette dernière n'est pas convaincue : avec ses lunettes, elle ne se voit pas trop jouer à la ballerine ! Pourtant, la découverte de l'univers de la danse va la faire changer d'avis et lui procurer des émotions nouvelles...


Daphné rêve de savoir faire des sauts, des arabesques et des pirouettes comme les danseuses étoile. En cours, elle a du mal à tenir en place et trouve ennuyeux l'entraînement à la barre et les pas tout simples que leur apprend Madame Odette, leur professeure. Va-t-elle réussir à adapter sa personnalité aux contraintes de la danse classique ? Seule, peut-être pas, mais l'amitié résout bien des problèmes...

"Le don de Rachel" de Pandolfo et Risbjerg

 


Trouver sa voie, envers et contre tous, même au-delà du possible

Paris, 1848. Rachel a un don. Elle peut lire à travers le temps, les lieux, les gens et leurs histoires. Elle rêve de provoquer chez ses semblables une ouverture vers de nouveaux horizons. Sorcière pour les uns, phénomène de foire pour les autres, elle s’épuise et peine à trouver sa place. Un jour, elle disparaît sans laisser de traces…
Bien des années plus tard, Liv, metteure en scène de théâtre, et Virginia, photographe, croisent le chemin de Rachel au cœur de leur démarche artistique. Rachel aurait-elle enfin trouvé sa voie par le biais d’une sororité créative défiant les lois de la raison ?

"On danse" ! de anabelle buxton

 


Tel un petit spectacle en 6 tableaux, ce livre est une fête qui invite le lecteur à manipuler roues et tirettes pour faire danser lui-même les personnages découpés.
Ori Tahiti, Wushi, Flamenco, Tap dance, Zaouli, Bharata Natyam : ces mots du monde entier nous rappellent que la danse, d’où qu’elle vienne, est l’expression de la vie. Une vie qui se danse ici dans des décors composites et joyeux, qui s’exprime à travers des cultures hétéroclites et réconcilie toutes les générations.

Alicia prima ballerina assoluta de eileen hofer et mayalen goust

 


Dans les rues de La Havane, entre 1959 et 2011, les vies se croisent et se recroisent. Aujourd'hui celle d'Amanda, jeune ballerine en devenir. Hier, celle de Manuela, mère célibataire, qui n'aura fait qu'effleurer son rêve de danseuse classique et enfin celle d'Alicia Alonso, dont on suit l'ascension vers la gloire jusqu'à devenir prima ballerina assoluta au parcours exceptionnel. Dans un Cuba où règnent la débrouille et l'entraide, tout autant que la dénonciation et le marché noir, l'histoire de la démocratisation de la danse classique rime singulièrement avec l'avènement du régime révolutionnaire.
Pour Amanda, la compétition est rude pour être parmi les meilleures tandis que pour Alicia, les choix ne sont plus seulement artistiques mais politiques, lorsqu'on voudra faire d'elle un instrument de l'idéologie castriste.