mercredi 19 octobre 2011

"Pina Jackson in Mercemoriam" à Pôle Sud: "un été meurtrier" par Foofwa d'Imobilité.

Salle comble hier soir à Pôle Sud Strasbourg: beaucoup de jeunes d'étudiants: le public de la danse évolue, change et pourtant ce sujet là aurait pu les faire fuir: les trois grosses pointures de la danse disparaissent le même été 2009: Bausch, Cunningham et mieux encore pour leur génération: Michael Jackson porté au pinacle  par intelligentsia du  milieu de la danse!
Tout démarre en images: un très beau montage , iconographie des trois monstres sacrés qui s'emmêle, se superpose, se fond dans une symbiose plastique très esthétisante. On y reconnait le visage émacié de Pina, celui boursoufflé de Merce âgé et l'autre, image mythique du jeune adulescent Michael, si pur, si intouchable.Bel hommage ainsi rendu aux trois "figures" disparues, fantômes, spectres errant sur la toile comme autant d'ectoplasmes virtuels.
Soudain apparait sur scène, seul dans un décor dépouillé, un être "vêtu" de bandelettes, bandages style bandes velpeau: momie, accidenté de la vie, athlète perclus de petits maux , revêtu d'oripeaux, d'une seconde peau délitée.Il parle italien, évoque sa famille: lui est "danse Alighieri", fils de Dante!
Il est baroque, enjoué sautillant précieusement à fleur de sol, lumineux, très formaté classique enrubanné!
L'évocation gestuelle des trois protagonistes de la modernité de la danse peut démarrer: les gestes des uns et des autres sont malinement reproduits à travers un corps qui apriori n'a pas les canons esthétiques des uns et des autres: Foffwa est rablé, costaud: il n'a pas la silhouette effilochée de Pina, ni l'extrême minceur gracile effilée de Michael! Mais les dynamiques, les tics respectifs des trois danseurs-chorégraphes sont bien visibles et repérables. Trop peut-être si l'on considère que par dessus cette gestuelle ressuscitée, des mots décorent et enrubannent la chorégraphie. Broderie décorative, la parole, pourtant burlesque et quelque peu oulipeau ou lettriste, surcharge la lecture du spectateur. Le trop nuit dangereusement dans cet "été meurtrier" où l'on aurait souhaité plus de sobriété et moins de didactisme.
Peu importe: Foofwa se démène, s'embrouille, se joue des poncifs et aligne trois techniques si différentes et si proches à la fois: de la rigueur de l'aléatoire, à l'abandon de la danse d'expression, le néophyte saura reconnaitre ou simplement connaitre des facettes extrêmes qui pourraient se rejoindre dans la peau de Michael. L'artefac, l'artifice de la scène transcende tant de réalités, que celle ci, la présence très forte de l'interprète, se fait incarnation vivante et troublante de nos héros disparus à jamais Avec humour et distanciation toujours! Il fallait oser, Foofwa dit mobilité l'a fait!

mardi 11 octobre 2011

"Un monstre à Paris": M le maudit chante et danse le Paradis!

Lucille, l'ange de Montmartre chante dans son cabaret, l'amour qu'elle éprouve pour une bête monstrueuse, Francoeur, puce géante mais musicien émérite au grand cœur.
Ils chantent et dansent à merveille sur font d'humanisme et de différence. La musique de M Matthieu Chedid est vive et non anecdotique, Vanessa Paradis l'interprète en toute innocence et les voix des personnages sont celles de grosses pointures du cinéma.Paris est magnifique, très graphique et chaleureuse, vue de ses toits, de ses rues serpentines.Les petits métiers d'autrefois, les habitants, tout y est folklore sans dénaturé la vérité.
Pas de poncif non plus dans la musique, loin des valses musettes. Les chansons, "un petit baiser", "un monstre à Paris" sont de belle facture.Un beau film en 3D signé Eric Bergeron.

"RAOUL" de James Thiérrée: "déus ex machina" au TNS

D'emblée le décor est planté: apocalypse d'une caravelle échouée, tous mats déployés, voiles immenses, mi-tendues, échouées au sol. Le dispositif inonde à vue toute la scène du TNS. L'atmosphère de ce cataclysme en icône promet bien des tumultes, du mouvement. Ou est-ce au contraire signe d'accalmie après le naufrage, la tempête ou l'ouragan?
L'énigme va être très brutalement résolue: un personnage surgit dans une déflagration virevoltante et fait s'abattre l'édifice fragile de fin de règne! Brutale, efficace en diable, cette apparition est comme révélatrice d'une révolution. Mystère: le personnage est doublé par un autre qui lui ressemble étrangement: ils se cherchent
La tornade a dévoilé aux regards une étrange cabane de barreaux métalliques érigés en tipi. Là se cache "Raoul" dont on ne connaîtra pas grand chose. Lui et son double, son "jeu" est un autre?
Vraisemblablement!  Mais tout au long de la pièce - deux heures de performance- notre anti-héros fera la part belle au mystère.Car il est bien le petit-fils de Charlie Chaplin, ce félin qui grimpe aux rideaux comme un primate surdoué. Quelques rictus et mimiques, quelques haussements d'épaules nous ravivent des souvenirs cinématographiques en plan large et fixe, des plus touchants. Mais, feu le cinéma! Un zeste de Jean-Claude Gallotta en sus: normal, ce dernier s'inspira beaucoup de la gestuelle précise, ciselée,tétanique et en miette de Charlot
Ici la kinétique est celle du théâtre, de la scène et pas d'effet de ralenti ou d'accéléré. Tout est bien "vrai" et l'élasticité du personnage, sa vélocité, ses arrêts sur image sont bien ceux de l'espace de la boite noire. Gags, effets de répétitions, corps morcelé, mécanique mais toujours très lié, James, Raoul, évolue en compagnie de ses objets qui apparaissent et disparaissent à l'envi. Le décor est un personnage en soi qui intervient à tout instant sur la destinée de ce petit être qui se débat avec son environnement Quelques bestioles vont venir interroger sa raison d'être: un tendre monstre qui bat des ouïes, charmant, et surtout attachant. Un éléphant à la Dali, un scarabée qui le rendra St Michel terrassant le dragon.
Un très beau duo de Raoul et d'une méduse évoque le texte de Paul Valéry, "L'âme et la danse" où ce dernier définit la vraie danseuse, non pas comme la "femme qui danse" mais comme une méduse gracile, sensuelle ondoyante: sirène à la quelle personne n'échappe dans une danse ensorcelante. Raoul aux prises avec la féminité, sa féminité! Il n'y résistera pas.
Bestiaire fantastique issu de l'imaginaire grandiloquent de Thiérrée. Mégalomanie, narcissisme?
Pourquoi pas, quand ces critères sont au service du fantastique, du poétique, de la déflagration, du rêve, de l'onirique. On peut lui reprocher quelques numéros de mime téléphonés - le cheval- où l'identification est trop vraisemblable et mimétique. On préférera les métamorphoses plus abstraites qui se traduiront par une gestuelle dansante, fluide qui l'emporte vers une chorégraphie soliste époustouflante. On le rêve en Nijinsky ou Nouréiev!
C'est d'ailleurs ce qui emporte ses saluts, merveilleux clins d'œils à toute sa technique transcendée par le talent de clown, de magicien, de funambule.
Car il danse sur la corde raide dans cet univers de désastre où il ne se laisse pas submerger. Son double l'y aide et ses acolytes qui interviennent dans le dispositif d'échafaudage sont les complices de ce solo.
"C'est fou ce qu'on est nombreux à faire un solo" confiait Raymond Devos!
C'est bien le cas pour ce démiurge, tombé du ciel comme un météorite, poussière d'étoile, diamant et perle rare de la scène.
Surtout "pas un mot" de tout ceci, c'est dans le silence intime qu'il faut déguster un tel festin corporel
On en deviendrait anthropophage.
Sans oublier la musique, les musiques qui interviennent comme des espaces d'immobilité, de silence ou de vacarme.
Que dire en conclusion d'une telle prestation, sinon qu'elle incite à une ovation du public qui ne peut qu'honorer le talent de ce "monstre", debout et quasi médusé!

lundi 10 octobre 2011

"Pour en finir avec le cinéma": Blutch danse encore!

Qu’est-ce que le cinéma ? Quel effet nous fait-il ? Pourquoi aimons-nous le cinéma ? Autant de questions auxquelles Blutch répond à sa manière profonde, humble et réfléchie, puisant dans sa prodigieuse culture et surtout dans sa très grande science de raconteur de bande dessinée, à travers des films, des personnages ou des acteurs tels Burt Lancaster, Jean Gabin, Michel Piccoli, Luchino Visconti, Claudia Cardinale, Tarzan, Psychose… Autant essai graphique que bande dessinée ultime, rêverie et fantasme sur l’autre art de la narration par l’image, Pour en finir avec le cinéma signe l’arrivée chez Dargaud d’un maître incontesté de la bande dessinée d’aujourd’hui.
Merveilleux corps à corps en jaune et noir, au graphisme acéré dans les premières pages , étreintes, batailles, lutte, scènes de bal. L'histoire de la danse au cinéma y passe aussi. Puis, ce dialogue entre l'auteur-illustrateur et Mathilde son amour strasbourgeoise quand il était étudiant aux arts déco, une danseuse, acrobatique, qui s'entraine tout en causant!

Pour dessiner, il se nourrit toujours de danse, de musique…(voir "Vitesse moderne" avec Cunningham)

"Tout ce qui constitue le cours de la vie me sert de fumier (rires). Enfant, quand je dessinais, je trouvais ma seule source d’inspiration dans la BD. J’essayais de reproduire ce qui m’avait plu, ce que j’avais lu une heure avant. Aujourd’hui, j’ai besoin d’autres artistes, d’autres vies, d’autres œuvres. Je n’ai pas d’imagination. J’essaie de m’approprier les choses que je ressens. Comme je ne suis pas danseur, j’ai essayé dans mes bandes dessinées de faire de la danse ; comme je ne suis pas acteur, j’ai essayé de jouer ; comme je ne suis pas écrivain, j’ai essayé de faire de la littérature. Tout ce qui m’a enchanté, je tente de le retranscrire dans mon langage à moi. Une fois sur deux je rate mon coup mais j’ai vraiment soif de voir, d’apprendre. Il faut rester curieux."


A lire pour ne jamais en finir avec le cinéma, un art du mouvement, de la vitesse, de la lumière!

samedi 8 octobre 2011

Georges Aperghis et son "Luna Park": attractif!!!

Georges Aperghis est plus qu'un habitué du festival Musica. Pour les aficionados, on se souviendra de la merveilleuse interprétation par Martine Viard des "Récitations" en 1983.
Depuis, il fit une résidence très remarquée à Strasbourg au conservatoire de Musique, qui familiarisa au plus juste les jeunes musiciens au théâtre musical, à l'humour des notes, à la composition, à l'interprétation.
Du beau travail de fond, oeuvre de fourmi qui porta ses fruits.
Aujourd'hui, il nous revient avec "Luna Park" un spectacle indéfinissable, ovni en son genre!
D'emblée, en ouverture, le ton est donné: tambour battant tout démarre de façon fulgurante. Sur un dispositif scénique très audacieux, les quatre interprètes musiciens, acteurs sont intégrés à une sorte d'échafaudage où le corps est mis en situation périlleuse, en danger.Sons, notes, paroles, musique en jaillissent comme autant de sources de tension-et détente- qui se maintiendront tout au long du spectacle.
Des images vidéo, soit pré-enregistrées, soit tournées en direct et remixées en régie simultanée font écho à ce travail musical, comme contre point, comme miroir du son. Des bouches en surgissent en série, ordonnant ainsi comme des "amuse-bouche" un apéritif tonitruant. Les lèvres en gros plan articulent, ânonnent, décomposent le mot. C'est drôle et désopilant, humoristique et nous tient ainsi à distance du trop sérieux!Pas de convention ni de savoir se conduire ici: c'est plutôt l'indisciplinaire, l'élève qui fait l'école buissonnière et se joue des formalités. Les quatre interprètes, une heure durant vont se frotter à ce jeu, physiquement éprouvant, cette performance d'athlètes, d'aérobie constante. Sur un fil tendu, la tension monte, puis le calme revient, pause salutaire dans le tempo de cette œuvre échevelée, décoiffant e.On y est désorienté, déphasé, décontenancé devant la virtuosité, l'audace de la pièce. L'échafaudage tient bon, comme une pyramide solide, bien plantée, une architecture qui double la texture de la musique, du son, du rythme.
Un spectacle total, multimédia qui interroge aussi sur la notion de communication, de solitude face à la technologie. L'ivresse qui en ressort incombe à cette juxtaposition de médium: vidéo, corps dansant, musique, images virtuelles et magie de la régie directe pilotée de main de maitre dans une vitesse fulgurante.Ecrans, caméras, micros, autant d'outils qui éloignent les artistes les uns des autres et qui portant font chorus, font front et face sagittale aux spectateur médusés, entrainés dans cette folle course contre la montre!
Le référent d'Aperghis, en l'occurrence Thomas Bernard et son chef-d'œuvre "Marcher" nous font ouvrir l'œil sur la notion de surveillance, d'auto-analyse. L'équilibre de cette vaste construction demeure fragile et le monde peut chavirer, tournoyer dans ce "Luna Park" bien artificiel où le corps est balloté, secoué, ébranlé, malmené: comme pris dans une machinerie infernale. Que reste-t-il de l'humain dans tout cela?
Beaucoup de poésie et de recul malgré tout pour laisser derrière soi un parfum d'inédit, de tremblement, de secousse salutaires!

vendredi 7 octobre 2011

Wim Vandekeybus et son "Oedipus/Bêt Noir": mythologie chorégraphique instinctive

Wim Vandekeybus, chorégraphe flamand bien connu de la scène strasbourgeoise pour y être en compagnonnage et complicité avec Le Maillon depuis ses pièces accueillies, telles"Blush", "Puur", "Spiegel",ou "nieuwZart", nous revient avec sa libre adaptation du mythe d'œdipe. En bonne compagnie toujours, celle de l'écrivain-poète Jan Decorte.De Sophocle, on gardera bien sûr, l'aspect dramatique, mais la langue si tonique et acerbe de l'écrivain flamand transfert à la danse son caractère abrupt, franc, direct et puissant. Les deux langages s'unissent pour tisser la trame d'une histoire de corps, de mœurs aux antipodes d'une anecdote ou d'une esquisse historissisante. Avec danseurs, comédiens et gens de théâtre, tout ici se conjugue au présent du drame psychologique.Vandekeybus mettant au service du texte sa danse tectonique, puissante et virulente. Mais aussi tout le traitement très sensuel autant de ses courses, ses arrêts, ses sauts pour pénétrer dans l'âme de "la bête noire" à combattre. Son instinct très animal le conduit dans les affres de cette légende avec grâce et brutalité.

Toujours en restant violemment lui-même.Chasse aux sensations extrêmes, élan implacable des corps.Une danse viscérale hantée par la chute et le jaillissement maintient un taux élevé d'adrénaline en affermissant ses lignes de force souterraines. "Je suis un fils de vétérinaire doté d'une imagination catastrophiste" sans omettre d'être" un boulanger qui fait son pain avec plaisir!". Son travail c'est celui d'un conteur avec de la danse à l'intérieur et cette fascination pour les histoires qu'il tente d'incarner à travers le médium multiple qu'est la danse.Les zones d'ombre, la noirceur du psychisme rendent son œuvre alchimique et occulte à souhait.
Il sera sur scène et l'on retrouvera avec bonheur celui qui a démarrer sa carrière auprès de Jan Fabre avant de créer sa propre compagnie "Ultima Vez" en 1987.
"Oedipus/ Bêt Noir" au Mallon Wacken du 20 au 23 Octobre à 20H 30.
www.le-maillon.com

"Pina Jackson in Mercemoriam" de Foofwa d'Imobilité:danse à la diable!

"Diable!l'interprète et son propre muse se met en position funambulartistique....."
Ce serait de l'oulipo ou du lettrisme de la danse! C'est tout simplement de la prose à Foofwa.
"Foof, il faut que tu penses avec ton corps puis que tu danses avec ta tête pendant que tu t'amuses avec ton corps et que ce corps s'amuse avec sa tête et?je pose et je me repose? Je pause ou me pose"
Il danse comme il écrit, ce danseur Suisse qui n'a pas froid aux yeux et nous à déjà fait participer à des marathons, des courses folles dans la cité strasbourgeoise, seul ou avec d'autres. On se souvient de ses numéros désopilants de cabaret déjanté avec Thomas Lebrun, se jouant de l'androgénie, du burlesque, du travestissement.Le corps serait le siège de bien des coups d'état...de danse!
Avec cette pièce fameuse, dressée comme un mémorial fantoche en hommage aux grosses pointures de la danse disparues la même année sans faire s'écrouler l'édifice de la danse contemporaine, le voici qui s'attèle au pastiche de la mémoire, du répertoire, de la transmission, les tartes à la crème du jour!


Provocateur mais toujours constructif et allant de l'avant, Foofwa est comme un chien fou, lâché dans l'arène. Sa danse résiste à toute catégorie, ni complètement conceptuelle, ni exclusivement physique, elle joue du verbe autant que de l'entrechat. Si son disque dur c'est la technique Cunningham, il s'aventure aussi du côté du Tanz Theater allemand¨, du côté aussi de la star du show business, Mickael Jackson, le roi de la danse!
Il attache si peu d'importance aux conventions qu'il ne se soucie même pas de les bousculer: il le fait sans s'en apercevoir!S'affranchir de tout automatisme, houspiller les habitudes sans faire table rase ni oublier sa technique.Des acquis trop précieux pour les envoyer au rancart. Il bricole son langage avec ses outils et à la croisée d'une réflexion sur l'histoire du mouvement et sur notre époque, il nous brosse un panorama de la mondialisation, des nouvelles technologies avec humour, dérision. Tel un engagement politique très incorrect mais sérieux et brillant, toujours très exigeant.
Un spectacle de la vie du corps et du "corps de métier", du "corps de ballet" du danseur à l'atelier, au studio, partout où se niche la danse et surtout là où l'on ne l'attend pas!

A Pôle Sud à Strasbourg le 18 Octobre 20H30.
www.pole-sud.fr

"L'Accroche Note" au Festival Musica 2011: "poésie et écriture sonore"

Pas un festival "Musica" sans une étroite collaboration avec le groupe de recherche musicale "L'Accroche Note"!
Cette année ne dérogeait pas à ce très édifiant rituel qui convoquait l'ensemble strasbourgeois crée par Françoise Kubler, soprano, et Armand Angster, clarinettiste à  élargir son vaste répertoire dédié à la création grâce au cycle de Stefano Gervasoni et à la toute nouvelle partition de Philippe Manoury.


"Poesie francesi" de Gervasoni fut donné en cycle complet: les poèmes de Ghérasim Luca, poète roumain né en 1923 qui passa sa vie en France et qui séduisit Deleuze, qui le considéra comme "le plus grand poète français" , sont donc mis en musique afin de développer en eux le sens musical par la sanction, le phrasé vocal. Françoise Kubler assure la rude tache de l'interprétation de ces textes, psalmodiant , triturant les mots et les sons, toujours surprenante par son apparente facilité à rendre, à se fondre dans de nouvelles œuvres.Textes à l'appui la voici qui s'empare d'une langue multiple aux accents polyphoniques, accompagnée par des sons produits par des objets hétéroclites qu'elle manipule en alternance. Tout se termine d'ailleurs par quelques coups de ciseaux, coupures toniques , final de la partition et des textes chantés.Accompagnée par l'ensemble, voici une prestation forte et décapante, digne de cette formation toujours à l'affut de la création. L'œuvre suivante de Manoury "Hypothèse du sextuor"ne dérogeait pas à cette foi dans un engagement envers l'audace de l'investigation créative contemporaine dans la musique d'aujourd'hui.Création pour le Festival, co-commande avec l'Accroche Note, voici une œuvre mêlant cordes, vents et claviers avec bonheur, avec "hauteur"!"Ecrire de la musique de chambre revient à imaginer des conversations qui vont et viennent" confie Philippe Manoury dont le répertoire est pétri  d'idées nouvelles. Convergences, rencontres fortuites ou savamment "pensées", la musique de Manoury est de la dynamique, du mouvement. Inspiré par la neige qui tombe comme autant de notes et de sons, ce morceau est limpide, scintillant et ces"pas dans la neige" résonnent comme des traces de déambulations sonores, de parcours géographique dont le tracé, le phrasé serait invisible, seulement audible dans la plus grande des correspondances baudelairiennes: couleurs, sons, matières et fragrances se mêlent, s'emmêlent, se chevauchent.

Le concert suivant interprété par l'Orchestre Philarmonique de Strasbourg, laissait également la part belle au compositeur qui désormais nous est familier. Par sa présence constante déjà sur le Festival, par sa façon dynamique, convaincante et très "pédagogique" de présenter ses œuvres en début d'exécution. Simplicité, amour du partage, don et talent d'orateur efficace pour laisser l'auditeur librement pénétrer son œuvre
Avec "Sound and Fury" (1998), voici un pan de sa musique, relié à l'évocation de Faulkner, puissant, révélateur de sa passion pour toute forme d'écriture.
La juxtaposition avec "Okhtor" de Christophe Bertrand magnifiait les deux auteurs: force de l'écriture, du propos, envoutement de l'écoute collective de cette musique qui ne cesse de nous révéler atmosphère, ambiance sonores inouïes, digne de ces compositeurs si proches: ceux que Musica nous donne à fréquenter à l'aube de leur existence dans le temps donné du concert.Une chance à mesurer!

"L'Europe des Esprits" au MAMCS à Strasbourg: "Stupéfiante exposition"!

En quoi la superbe exposition "L'Europe des Esprits", qui se tient à Strasbourg jusqu'au 12 Février 2012 au MAMCS concerne-t-elle la danse?
Et bien, il "suffit" déjà de déguster l'impressionnante et foisonnante quantité d'œuvres exposées sur le thème "La fascination de l'Occulte" (1750-1950) pour se rendre à l'évidence que le corps humain est fortement investi dans cette évocation du fantastique, de l'invisible, du spiritisme, de l'étrange. D'abord de par son extrême présence dans la peinture et sculpture pour symboliser à la foi l'inquiétude qui habite les esprits durant ces deux siècles balayés, et le tracas, voire la fascination pour la métamorphose ou l'absence de corps. Par ce pan consacré spécialement à la danse en ce début de XXème siècle où naissent les courants de la danse libre, du Delsartisme et toute l'école de Rodolf von Laban. Hommage légitime rendu à la Loie Fuller, qui inventa en son temps l'image expérimentale, l'art visuel durant ses performances de danseuse plasticienne, sculptant la lumière et inventant des formes fugaces telle la "danse du lys" et le cinéma expérimental colorisé image par image. La notion d'apparition et de disparition du corps au profit de l'émergence de spectres inédits, de formes lumineuses en couleur confère à ses évolutions le statut de "révolution picturale et gestuelle" trop souvent négligé dans l'histoire de l'art et de la performance.Évocation bien sur de la compagne de Hans Arp, Sophie Taeuber, danseuse de formation pour avoir suivi les pérégrinations de Laban au "Monte Vérita" à Ascona, durant la période où ce dernier, pionnier de la pensée chorégraphique et cinétique y développa sa danse d'expression et toute sa théorie sur la choréeutique. Référez-vous à l'article signé par Joelle Pijaudier-Cabot "En tout homme vit un danseur" dans le fabuleux catalogue de l'exposition (pages214/223) pour l'histoire de tous ces courants de la danse qui se frottent à la spiritualité, à l'ésothérisme, au divin)
Le plus remarquable sont les dessins de Rudolf Steiner, "Eurythmie d'après des esquisses de Rudolf Steiner". Exposés pour leur attrait esthétique sur la forme anthropomorphique des voyelles, histoire d'enseigner une anatomie fantaisiste mais très mouvante du corps humain, habité par une danse très tectonique, structurée, morcelée. Structures musicales et quasi notation chorégraphique y font bon "accord" sans désaccord ni fausse note. La partition gestuelle est née par souci de représentation pédagogique et il nous est donné à voir quelques pièces rares et inédites!Mary Wigman, Isadora Duncan sont également évoquées et regardez la "Danse du Temple" de Fidus, où le corps glorieux et canonique de la danseuse nue se fond dans une apesanteur onirique et hallucinante, légèrement supportée par une végétation, elle aussi en lévitation. De la légèreté, du spirituel, de l'évanescence dans toutes ces évocations corporelles de la divination, de la croyance en d'autres corps, d'autres matières et tout compte fait pour échapper à l'humaine condition: autant de "petites morts" dans le vaste univers.

Y échappent les femmes dansantes de Hodler, massives, puissantes, terriennes mais cependant "en extase"!!La dimension de transe, de passage d'un monde à l'autre par le truchement du mouvement n'a pas échappé dans la représentation, aux peintres et sculpteurs évoqués dans cette remarquable exposition sur l'occultisme.De la "Danseuse" de Arp toute en volute et très voluptueuse, au corps tendu, extatique de Fidus avec son "Invocation à la lumière", en passant par l'image quasi abstraite mais très lyrique de Van Duisbourg "Mouvement héroïque", la symphonie du corps mouvant est au zénith.
On ressort de l'exposition dans un "état second", édifié sur l'importance de la dimension onirique dans l'art, en lévitation, mais bien conscient que la représentation du monde est riche de fantasme et de phénomènes occultes, échappatoires salutaires à l'humaine condition!

dimanche 2 octobre 2011

LE BILLET DE CATHY GANGLOFF

On m'a raconté un jour que lorsque les abeilles rentrent dans leur ruche, il y a celle qu'on appelle l'éclaireuse, et qu'elle exécute une "danse"
Ainsi elle transmet aux autres abeilles des informations tout à fait précises , parait il, sur le type de source alimentaire qu'elle a pu découvrir et sur son emplacement. 
Cette danseuse partageuse .... m'a fait penser à  toi !!!

Cathy Gangloff, plasticienne