mardi 28 février 2023

"Comme tu me veux" : Léna, Lucia, l'Inconnue , la folle et les autres....Des pirouettes à la Pirandello pour perdre ses repères, ses repaires.


 Le célèbre écrivain italien Luigi Pirandello situe l’action du premier acte de la pièce à Berlin, en 1929. Un photographe italien croit reconnaître en « L’Inconnue » une femme disparue pendant l’invasion de l’Italie durant la Première Guerre mondiale : Lucia, alors jeune mariée à Bruno qui la cherche depuis dix ans. Les autres actes de la pièce se situent en Italie, où L’Inconnue accepte de « revenir ». Est-elle vraiment Lucia ? Ou joue-t-elle le rôle qu’on veut lui faire endosser ? Stéphane Braunschweig, grand connaisseur de Pirandello, poursuit ici son exploration d’une œuvre troublante, qui questionne la frontière entre réel et imaginaire, et révèle les identités multiples contenues en chaque être.


La matrice est tout de vert ourlé de velours en long pendrillon: le vert, la couleur maudite au théâtre: poison ou cadeau empoisonné de ce décor:le vert utilisé à l'époque était le vert-de-gris, qui s'obtenait par l'oxydation de lamelles de cuivre avec du vinaigre, du citron ou de l’urine. Côté couleur, c'était magnifique, mais ce pigment est instable, corrosif. Il contamine les couleurs voisines et le support sur lequel il est posé… et surtout, c'est un poison extrêmement violent.Symboliquement, l'Occident a associé le vert à tout ce qui était instable, d'où un rapport entre la chimie et le symbole.C'est ce qui explique, selon l'historien Pastoureau, que l'on associe la couleur verte à tout ce qui ne dure pas : l’enfance, l’amour, la chance, la fortune, le hasard, le jeu…Le vert est aussi la couleur des choses inquiétantes : les extraterrestres (ou "petits hommes verts", d'Hulk, des démons et sorcières, de Judas qui portait un robe jaune et verte)…Alors ces personnages sont empreints de cette couleur et sans doute la toxicité de cette "inconnue" qui occupe le plateau avec fougue et passion n'est pas fortuite.Elle que l'on recherche qui aura de "pré-nom" que celui qu'elle voudra bien se donner ou faire imaginer. Faussaire, perturbatrice d'un microcosme bourgeois assumé. "Lucia" est cabarettiste et s'adonne au "pole-dance" avec grâce et volupté.C'est Chloé Réjon qui s'y confronte avec une énergie, un verbe et une vitesse de locution, fervente et autoritaire. Fulgurante interprétation qui nous emmène direct dans le trouble, la confusion, l'arnaque au personnage. Qui est qui dans cette famille où les membres se connaissent à peine ou de loin, se haïssent ou s'adorent dans la dépendance? Certes ils ne sont que trublions et empêcheurs de tourner en rond dans une ambiance floutée, indécise où ce qui émeut demeure le doute, l'intriguant, le suspect à eux-même. Communauté liée par le mensonge, le non-dit et la fraude. En costume bien seyants d'époque début de XXème siècle, les voilà tous affublés de parures en parade, de mascarade discrète mais très opérante. Le "flou" et l'indistinct mènent la danse et chacun cherche sa place en un va et vient constant: sorties et entrées de scène à l'envi. Le rythme de la pièce est haut en couleurs sombres et perturbantes: on semble tenus en apnée pour découvrir et suivre les divagations de chacun qui se révèlent discrètement au fur et à mesure; un jeu de piste incessant mène la composition tonique de cet opus où la langue et la syntaxe projettent l'auditeur dans un bain de jouvence salvateur. Et puis il y a "la folle" cette autre inconnue qui se fraye un chemin dans cette jungle. Une femme sans âge incarnée au pied levé par la talentueuse Clémentine Vignais: en l'observant scrupuleusement, elle se donne en postures, attitudes et gestuelle singulière, propre aux schizophrènes avec un naturel et une énergie qui sourd de son corps sans entrave. Avec un mimétisme sidérant qui coule de source, un cri glaçant celui de "Léna" qui opère comme un leitmotiv libérateur. Pour tenter de communiquer, de s'identifier.Une interprétation discrète mais bluffante qui place le langage du corps au coeur du déferlement de paroles, comme un havre de paix, de réserve, de silence fort édifiant. Peut-être le pilier de cette fable chaotique et déroutante sur le fil du suspense où chacun cherche sa voie, son tracé dans un univers accablant et sans issue. La mise en scène de Stéphane Braunschweig servant pli sur pli le déploiement des caractères, des personnages tous très affairés à être usurpateurs-faussaires en diable, à faire déraper sans cesse sur sol glissant, une narration physique, spatiale et musicale très forte.Claude Duparfait, Annie Mercier et la ravissante et démoniaque Chloé Réjon, piliers de cet opus de Pirandello moins connu, certes mais complexe odyssée qui vénère ce "comme tu me veux", tu me choisis ou pas dans l'obscurité de l'inconscient prophétique d'un Jung ou Freud: passionnante faille où l'on se glisse à l'envi. Déséquilibre, tentative de suicide ou mal de vivre au programme de cette famille décomposée pour le pire. Au final, sur le sofa, Léna et Lucia se retrouvent, corps mêlés, tétanique ou rebondi, Clémentine Vignais toujours en métamorphose, Annie Mercier en tante-mère protectrice bienveillante?

A u TNS jusqu'au 5 MARS 

 

Stéphane Braunschweig dirige depuis 2016 l’Odéon-Théâtre de l’Europe, après le Théâtre national de La Colline de 2010 à 2015 et le TNS de 2000 à 2008. Il retrouve ici l’écriture de Luigi Pirandello − prix Nobel de littérature en 1934 − dont il a traduit et mis en scène Vêtir ceux qui sont nus en 2006 (créé au TNS), Six personnages en quête d’auteur en 2012 créé au Festival d’Avignon et Les Géants de la Montagne (créé à La Colline en 2015 et présenté salle Koltès la même année). En 2020, le public a pu voir au TNS Nous pour un moment, d’Arne Lygre.

lundi 27 février 2023

"Les vivants et les morts": un drame musical engagé: un "oratorio" de notre temps.

 


« Je ne chante pas, je ne sais que crier ! »

L’usine ferme, unique source d’emplois de cette région de l’Est. Rudi et Dallas affrontent les voyous en costume-cravate, les cyniques et autres casseurs d’humanité. Mais ici, au cœur de la fracture, on danse, on chante et on revit. François Morel écrit les paroles des chansons, musiques signées Hugues Tabar-Nouval, dans une fresque épique, politico-joyeuse portée par Gérard Mordillat, auteur du roman en 2005, Les Vivants et les Morts, réalisateur de la série du même nom diffusée sur Arte et France 2 en 2010. Huit comédiens/chanteurs dont deux musiciens en live et une chorale incarnent les révoltes des indignés dans un conflit social explosif et musical, à la fois jazz et pop, traversé par des élans de vitalité et une fabuleuse histoire d’amour.

 Il faut les voir, les entendre, les regarder jouer ce "drame" d'aujourd'hui, cru et nu dans une grande sobriété, dépouillés de tout ornement de mise en scène Des acteurs, musiciens chanteurs et comédiens, engagés corps et âme dans ce contexte "ouvrier" si précaire . C'est une romance d'aujourd'hui où Dallas et Rudi sont confrontés à la délocalisation de leur usine Kos à Raussel, condamnée à mort par la fermeture. Une histoire qui bat son plein deux heures durant sans lassitude, avec rebonds et "coups de théâtre". Les comédiens bordés par un choeur qui orne et enrobe le tout à la façon d'un groupe de manifestants opiniâtres.Au début tout semble idylle et amour pour ce couple banal d'ouvriers de province mais tout bascule et les corps qui s'aimaient vont se haïr, se bousculer, se confronter à l'autre.Dans un contexte simulé par une mise en espace judicieuse, des mouvements adéquats. Quand les secrétaires ou les syndicalistes se précipitent à petits pas cadencés, dossiers sous le bras, on assiste à une mascarade bien ficelée, un portrait de traitres ou de vendus au grand capital, fort bien décrit. Tout va bon train dans ces alternances de séquences où chaque verset, chaque couplet, entraine un refrain catastrophiste vers la fin prochaine des emplois. Le chef de service emblématique pantin manipulé par le patronat est fort bien campé par un interprète de talent. Le chant d'agonie quand il s'aperçoit être lui aussi trahi par ses supérieurs est poignant et musicalement très réussi: du quasi William Sheller...Quand aux actrices et musiciennes, saluons leur audace, leur fougue et passion de jeu, leur musicalité pour servir cet "oratorio" singulier, pièce rare et unique du genre. Pas de falbalas, de strass et paillettes pour cet opus sombre et épuré: que du théâtre sans accessoire, balayant le happy end, et autre épilogue fameux ou enthousiaste. Le combat continue, malgré les morts, dans du vivant, du brut de coffrage et de l'humain. Que les nains jaunes s'éclipsent, que le grand capital soir balayé au profit de l'amour et de la solidarité. A bon entendeur, salut !

 


Texte et mise en scène : Gérard Mordillat, Adaptation : Hugues Tabar-Nouval, Gérard Mordillat, Paroles : François Morel, Musique : Hugues Tabar-Nouval, Avec : Esther Bastendorff, Odile Conseil, Camille Demoures, Lucile Mennelet, Hugues Tabar-Nouval, Patrice Valota, Günther Vanseveren, Benjamin Wangermée, Chœurs : KB Harmony


 

 Au Théâtre du Rond Point jusqu'au 26 Février

"Fin de partie" : se soumette sans "la voix de son maitre". Sans Dieu ni Marx. Denis Lavant "articulé" comme jamais.

 


Après plusieurs monologues beckettiens en compagnie de Denis Lavant, Jacques Osinski fait un nouveau pari, excitant et effrayant : Fin de partie, la grande pièce de Beckett, sa préférée. Tout à coup, il faut voir les choses en grand. Sommes-nous sur terre ?

Sommes-nous sur l’Arche de Noé après la fin du monde ? Peut-être est-ce déjà le purgatoire … 


La pièce raconte un monde qui s’écroule et donne la plus belle définition du théâtre qui soit : « Le souffle qu’on retient et puis …(il expire). Puis parler, vite des mots, comme l’enfant solitaire qui se met en plusieurs, deux, trois, pour être ensemble, et parler ensemble, dans la nuit. » Et il faut voir évoluer Denis Lavant dans un rôle qui semble taillé sur mesure: un être "empêché" dans son corps boiteux, handicapé aux prises avec l'enfermement, la soumission, la défaite peut-être d'être humble et fataliste. Le personnage est à la fois pathétique et empathique, fort et faible dans sa résilience. Denis Lavant apparait au début comme pétrifié, médusé, hors sol, pantin désarticulé aux gestes mécaniques et précis, ciselés au millimètre près comme à son accoutumé. Ici on compte, on pense, on arpente le plateau du regard pour le posséder, alors que son acolyte aveugle sur son fauteuil roulant ne peut mettre pied à terre.C'est bluffant de réalisme, touchant et plus de deux heures durant, on suit ce dialogue d'aveugle ou de sourd avec enchantement et ravissement. "Ravi",dépossédé par la justesse du jeu des deux acteurs en totale opposition. Lavant qui escalade sans cesse le monde et l'extérieur sur son échelle du ciel  pour ausculter le monde extérieur, perché, niché pour échapper à ce huis clos dramatique ou absurde: au choix. Le texte fluide, la réflexion déroutante, désopilante, parfois comique et redondante pour mieux souligner la reprise, l'effet de répétition qui malgré tout fait avancer une intrigue absente. Perte de repère temporel, cocasse prise de positions physiques de Clov, élastique, souple, malgré ses difficultés ostéopathiques. Denis Lavant en danseur de corde, agile sous des facettes d 'entrave, de perte de motricité, de handicap dus à l'enfermement, le manque de divagations quotidiennes du à sa "prison dorée" chez son maitre "chien" Hamm. Maitre qui sans laisse, l'enferme, le préserve, le soumet à son emprise toxique. Un Frédéric Leidgens fascinant. De mal voyant, tireur de cartes de château en Espagne. Ils sont tendres et féroces, implacables objets d'un destin sans destination, hormis cette "fin de partie" qui n'en finit pas de rebondir. En match d'"échec"  où le fou se démène, le roi déchoit et les deux tours que sont les parents Nagg et Nell se confinent dans des tubes, des bidons d'essence débordant de lucidité. Les relations sont simples et complexes, servies par une mise en scène sobre et éloquente Comme ce verbe flamboyant de Beckett qui nous cloue le bec, ce gouffre où l'on se jette sans réfléchir au sauvetage. Pas de bouée ni de maitre à danser pour cette prestation d'acteur au sommet de leur art: la présence, l'engagement physique et au service d'un texte qui vagabonde sans soucis dans l’exiguïté du verbe, de la syntaxe. Du Beckett assurément!

Ce sont quatre personnages - Clov et Hamm, Nagg et Nell ; c'est un lieu clos - car au dehors, c'est "Mortibus" ; c'est une boucle sans fin ; c'est un temps inexistant ; c'est surtout des répliques, des dialogues, des relations entre les personnages magnifiquement mis en scène par le génie de Beckett.



Mise en scène 
Jacques Osinski
Avec Denis Lavant (Clov), Frédéric Leidgens (Hamm)Claudine Delvaux (Nell) et Peter Bonke (Nagg)

Scénographie Yann Chapotel
Lumières Catherine Verheyde
Costumes Hélène Kritikos


 Au Théâtre de l'Atelier jusqu'au 5 MARS

"Over Dance": accepter la "perte", trouver le gain....et le regain....Qui perd, gagne!

 


Le corps vieillissant : voila le thème qui a été proposé à Angelin Preljocaj et à Rachid Ouramdane comme point de départ de leurs créations respectives, qu’ils présenteront tour à tour lors de la soirée.

"Qu’est-ce que l’âge d’un corps ? Angelin Preljocaj et Rachid Ouramdane explorent cette question énigmatique dans ce programme de deux pièces, produit par Aterballetto. Un corps ne voyage-t-il pas dans les interstices du temps en fonction de sa perception, de son réel et de son imaginaire, s’interroge Angelin Prejocaj. Envisager cette problématique ne revient-il pas à se demander quelle pensée engendre ces corps ? En convoquant au plateau des personnalités de plus de 60 ans ayant eu une pratique physique, il tente d’y répondre. Rachid Ouramdane, quant à lui, aborde ce thème à travers trois prismes : le vieillissement du corps dansant avec deux interprètes « retraités » ; celui d’un courant de danse : le music-hall, ses claquettes et ses paillettes ; la maturation d’une relation de couple à travers la romance qui imprègne souvent ce type de spectacle."

Reprise d’un avantage perdu, recrudescence inattendue, action de regagner. Herbe qui repousse dans les prés après qu'ils ont été fauchés. Faucher le regain. · Un regain d'activité.pour tous ces acteurs "vieillissants" à la fleur de l'âge...A fleur de peau, de rides, de plis, de transformation du corps, de métamorphose lente de tout un potentiel : maintenu ou oublié, évacué par les années au profit de la maturité, de l'expérience. La "beauté" remise en question somme toute. 

Qui perd, gagne en richesse et intensité!

En vitesse de croisière, un couple apparait sur scène, pour "Un jour nouveau" signé Rachid Ouramdane. Couple encore "idéal", lui tout de noir vêtu, costume seyant, moulant un corps aux lignes "impérissables et impeccables". Elle en tenue de "soirée" style concours de danse de salon. Rayonnante au sourire complice pour un show éclatant de "féminité" non retenue, assumée à l'ancienne: femme séduisante, enjôleuse et attirante à souhait. Peu importe l'âge, la séduction opère dans un corps qui n'est pas le "plus que parfait" de la grammaire technique du genre, mais encore aux traces "canoniques" de l'emploi.. Herma Vos et Darryl E.Woods suspendent le temps et déjouent le challenge.Beaux et fragiles, forts et habités à la foi, galvanisés par des musiques de légende, les "clowns" dansent et évoluent à l'envi. La prestation est courte, juste le temps de prouver s'il le fallait au ralenti ce que les "anciens" font de la danse, ce que la danse fait des "anciens" est convaincant et spectaculaire: qui se regarde au delà des frontières de l'esthétique reconnue et sacralisée. Ils sont "hors sol", évanescentes et plein de charme. La "femme", le couple, l'amour sont danse et fragilité.Pas fragilisée par les années. Séniors qui s'ignorent, la grâce n'est ni déchue ni désuète. La vitesse décélère certes et de "performante", se fait  croisière au long court....

Succède "Birthday Party" de Angelin Preljocaj: Happy Hours des corps jouissifs!

Ils sont huit, en position frontale, "déguisés" comme pour un anniversaire, une soirée de carnaval ou un après-midi festif pour enfants au McDo. Pas de confusion possible: ils vont s'amuser, nous amuser de mimiques, de poses, d'attitudes ou postures incroyables. Qui songerait à leur âge si on ne nous avait prévenu que des personnes "âgées" allaient évoluer sur scène. Car ces séniors sont de toute intelligence corporelle et si l'on peut cependant observer qu'un geste ne s'étire pas jusqu'au bout de possession de capacités antérieures, on va direct au delà des critères canoniques pour aller à l'essentiel: l'essence du mouvement: l'énergie, l'engagement, la poésie de la chorégraphie taillée sur mesure pour ces "modèles" de sincérité, de justesse. Pas de performance, ni de m'as-tu vu . On y danse en ligne frontale, en bloc vociférant sur une musique "soviétique" arborant le travail, le stakhanovisme à la légère. C'est drôle et courageux. Et fascinant par l'aisance de tous, rythmiquement à l'unisson, à l'écoute comme dans une danse chorale d'antan.A la Laban, cette bande des huit opère et séduit. Un très beau solo d'une danseuse à la ligne filiforme "idéale", des duos hommes-femmes à la présente bluffante et le tour est joué.Que racontent ces interprètes au corps qui ne ment pas sinon la grâce d'habiter un rôle, une musique, une communauté dansante qui jouit de son énergie singulière. Celle d'un opus respectable et respectueux d'une mémoire corporelle sidérante qui bafoue tout cliché sur la perte ou le vieillissement. Ici perdre, c'est gagner au jeu du miracle des années qui passent et n’effacent pas l'essentiel: la rareté, l'incongru, la fragilité, l'agilité. Bref la sincérité et jamais de cachotterie ni de mascarade pour cet "anniversaire" réjouissant une "over dance" qui ne tue pas mais ressuscite des talents cachés ou enfouis pour le meilleur.De quoi rentrer en danse comme un sacerdoce éternel, une longévité à cultiver comme Candide en un jardin où la danse est "art de combat" avec le corps que l'on s'est façonné, que l'on habite en diable pour défier le temps, l'empreinte, les marques, les rides que l'on voudrait bien nous imposer mercantilement! Séniors, je vous aime et vous chéris au plus profond de la peau, des plis et replis baroques de votre destinée à grandir et approfondir le sens de la Danse.

Au Théâtre National de la Danse" jusqu'au 23 Février

lundi 20 février 2023

"La voix humaine": au bout du fil et sans filet. Patricia Petibon rivalise de talents, tragédienne de Poulenc en majesté.

 


« Allô ! C'est toi ?... On avait coupé... Non, non, j'attendais. On sonnait, je décrochais et il n'y avait personne... Sans doute... Bien sûr... Tu as sommeil ?... Tu es bon d'avoir téléphoné... » Scène ordinaire de la vie amoureuse : une femme tente de joindre l'homme qu'elle aime mais la ligne téléphonique est capricieuse ce soir. Derrière les non-dits et les platitudes échangées sur la journée de la veille, une autre histoire se dessine en filigrane. Celle d'une rupture douloureuse qui ne passe pas, d'un mal de vivre doublé d'un besoin éperdu d'affection. Une histoire sublimement banale qui porte en elle la voix d'une humanité blessée. Mais si l'on pouvait remonter le temps, les mêmes causes produiraient-elles les mêmes conséquences ?


Monodrame poignant et avant-gardiste de Jean Cocteau, La Voix humaine accède en 1959 au rang de tragédie lyrique grâce au génie musical de Francis Poulenc - il aura fallu quarante ans d'amitié pour que les deux artistes se rencontrent enfin autour d'une œuvre commune. La soprano Patricia Petibon relève le défi de ce seule-en-scène exigeant avec la complicité de la cheffe Ariane Matiakh. Elle retrouve pour l'occasion l'univers réaliste et la précision poétique de la metteuse en scène Katie Mitchell qui offre à ce drame un nouvel épilogue cinématographique, porté par une puissante composition symphonique de l'Islandaise Anna Thorvaldsdottir, où se mêlent souvenirs vécus et réalité alternative dans une réminiscence impossible.


Une femme et un téléphone. Il n’en fallait pas plus à Jean Cocteau
pour créer une tragédie du quotidien dans sa pièce de théâtre. Ce

monologue pour voix de soprano est servi par la musique expressive et

émotionnelle de Poulenc.

Patricia Petibon, soprano flamboyante, star d’aujourd’hui, revient

à l’OnR, où elle avait débuté en Sœur Constance dans
Dialogues des
Carmélites
en 1999. Elle retrouve Katie Mitchell, grande femme de
théâtre, avec qui elle a déjà travaillé sur
Alcina au Festival d’Aix-en-
Provence en 2015 et qui travaille pour la première fois à l’OnR.

Parmi les points saillants des choix de mise en scène, le monodrame

de 50 minutes est suivi d’une pièce symphonique contemporaine, liant

la partition de Poulenc à celle d’Anna Thorvaldsdottir, compositrice

islandaise acclamée par la critique.

Ce spectacle mêle théâtre et cinéma : un film raconte la suite de

l’histoire de la protagoniste de
La Voix humaine.
Dans la fosse, Ariane Matiakh dirige pour la première fois

l’Orchestre philharmonique de Strasbourg

Tout démarre en cinémascope et ce format demeurera tout au long du spectacle: un 16/9ème tout a fait adéquat pour une narration scénique forte et soulignée par cette "vitrine" allongée qui laisse supposer un "hors champ" magnétique...A l'écran, une femme rousse, cheveux ondoyants, de feu, flammes à la Jean Jacques Henner, incarnée par Patricia Petibon. Elle rentre chez elle, apeurée, inquiète, et parvient au seuil de son appartement, ferme la porte. Et l'on passe de l'autre coté du miroir. Le rideau se lève sur un décor d'appartement, de chambre cosy, bourgeoise, chaleureusement éclairée. En bleu et vert dominant. Dans un cadre toujours au format cinématographique, bordé de noir, cerclé, encerclant. Femme aux abois, sur "le fil" d'une histoire qu'elle déroule en aveux parcimonieux,parcellaires : un dialogue au départ qui démarre par le branchement à la standardiste, à d'autres interlocuteurs en ligne. C'est un téléphone "portable" anachronique par rapport au livret d'origine au combiné classique de l'époque. Un ordinateur aussi vient s’immiscer pour déjouer les espaces et les images de l'absent; celui qui est "à l'autre bout du fil". Ce fil qui relie ou qui "coupe" le dialogue. Et qui dématérialisé par le progrès, ce fait noeud et menace pour cette anti-héroïne. Seule, elle tente de nouer le contact, se fourvoie dans des "mensonges". Habillée encore d'un manteau et chaussée de baskets, peu à peu, elle se livre, s'égare, arpente le plateau, repousse des objets parsemés sur le sol qui trahissent un grand désordre intérieur. C'est en robe de chambre et pantoufles que le récit sourd peu à peu, dramatique sur les lèvres.Par la voix de la chanteuse qui se donne corps et âme à ce personnage troublé, troublante figure féminine de la soumission, de la pudeur, de fautive âme impure ce cette liaison. Avec un homme lointain que l'on ne connaitra jamais, fantôme de ses angoisses, de sa tentative de suicide qu'elle raconte à ce téléphone sans fil qui la relie à de l'abstrait.Victime consentante, elle se fait petite et courbée, douce et susurrante ou animée de folie virulente Elle perd pied, range tout ce qui "traine" dans un sac qui contiendra tous ses malheurs, ses doutes, ses angoisses.La musique est comme un partenaire qui lui répond, la soutient ou la contredit C'est elle, personnage à part entière qui dialogue avec notre héroïne.et l'accompagne avec ferveur et bienveillance. Le drame approche, les lumières s'éteignent alors que l'actrice cantatrice incarne avec brio et mesure ce personnage envahi de désespoir. Elle ouvre la fenêtre de ce huis clos tyrannique et l'on songe au pire. Songe qui s'avère réalité car la suite "inventée" de ce drame sera à nouveau images, icônes sur l'écran virtuel de cinéma. Rêve ou cauchemar d'une femme retrouvée couchée au sol qui semble renaitre grâce à l'artifice de la "marche arrière" du temps du dé-roulement des images...C'est poignant et inquiétant, redoutable artifice scénique que ce chien omniprésent dans ses rêves au ralenti. Les marches qu'elle gravit ou descend comme des épreuves physiques à surmonter au sortir d'un tunnel au bord du fleuve...Patricia Petibon fait encore ici preuve d'un talent inouï, autant vocal que théâtral et campe une femme désœuvrée très contemporaine, à l'affut du moindre signe de manifestation amoureuse de son téléphone. Addiction ou refuge à distance pour un amour impossible. La mise en scène lui offrant un espace de liberté d'interprétation à la mesure de l'intelligence de sa compréhension du rôle.

 

 Distribution

Direction musicale Ariane Matiakh Mise en scène Katie Mitchell Décors Alex Eales Costumes Sussie Juhlin-Wallén Lumières Bethany Gupwell Réalisateur vidéo Grant Gee Orchestre philharmonique de Strasbourg

Les Artistes

La Voix humaine

Francis Poulenc / Anna Thorvaldsdottir


Nouvelle production de l’Opéra national du Rhin.

La Voix humaine.
Tragédie lyrique en un acte de Francis Poulenc
d’après un monologue du même nom écrit par Jean Cocteau.
Créée le 6 février 1959 à la Salle Favart à Paris.

Aeriality.
Pièce orchestrale d’Anna Thorvaldsdottir.
Commande de l’Orchestre symphonique d’Islande.
Créée le 24 novembre 2011 à la Salle Harpa à Reykjavik


samedi 11 février 2023

"Zugzwang": les murs murmurent, les tapis se rient de tant de chausse-trappe, de trous, de failles architectoniques: une galaxie, accessoire en diable!

 


Après Optraken en 2019, le Galactik Ensemble poursuit son travail sur le rapport de l’homme à son environnement dans une aventure joyeuse et débridée. 


Dans le vocabulaire des échecs, le zugzwang désigne une situation dans laquelle le joueur est contraint de réaliser un coup qui va affaiblir sa position. Une belle métaphore pour dire ces moments où ce ne sont pas les corps qui habitent et aménagent l’espace, mais bien l’espace qui mène sa vie propre et contraint les corps au mouvement. Tel est le monde farfelu de Zugzwang : les tables vacillent, les tapis glissent, les murs s’affaissent, les pots de fleurs tombent. Sans cesse il faut s’accrocher, se déplacer, s’adapter. Le risque du déséquilibre est un état permanent. Un nouveau lieu prend forme, une situation se met en place, une histoire commence à s’écrire et déjà s’interrompt pour reprendre, peut-être, plus tard. Dans cet espace aux multiples vies, les corps des cinq circassiens, avec humour, se meuvent tant bien que mal et tentent de trouver l’équilibre là où la fragilité est la règle."Zugzwang"

Entrée en matière où d'emblée les dés sont joués: ambiance absurde, débridée dans une "stube" surannée au gout douteux et kitsch, tapisserie et tapis de mise, tableau, cadre suspendu. De tous ces objets vont naitre des personnages animés: une nappe devient suaire à carreaux écossais, un tapis, tanière de bestiole rampante, une lampe, un projecteur baladeur inquisiteur...Cinq escogriffes style Pieds Nickelés s'ébattent, épris d'une danse de Saint Guy contagieuse. Les chaises sont molles et flexibles à la Dali, les tables démontables à loisirs comme un mobilier à la George Brecht, improbable ustensile accessoire à tiroir, objet détourné. Ou objets introuvables de Jacques Carelman. Tout se brise, se casse dans de grands fracas, fatras sur scène et en coulisse. Un tremblement de terre au lointain comme oiseau de mauvaise augure. C'est un peu "Alice au pays des Merveilles" que ce damier de jeu d'échec, manipulé par des démiurges, Man Ray et  Marcel Duchamp... Doublé de références à "Entrac'te" de René Clair où tout bascule en déséquilibre invraisemblable, surréaliste .


La musique remaniée de "Tombe la neige" en prime comme fond sonore. Un passe-muraille étonnant brise à l'envi les parois des murs et ces être dits hydrocéphales, de crâner, de survivre, de surnager de ce chaos joyeux. Un solo de circassien en prime à la Wim Vandekeybus pour déboussoler. Des corps tronqués sortent des panneaux à la Robert Gober . Le processus de création s'avère couler de source quand les cinq ostrogoths tanguent à la vue d'un des leurs qui tente de suspendre droit un cadre au mur. Ça oscille, tangue, se déplace aux orientations à vue de celui qui va taper avec son marteau, le coup fatal dans le mur au bon "endroit". Inclinaisons des corps penchants, niveaux d'architectes et "maitres à danser", "mètres à danser" pour toiser tout ce petit monde métamorphique. "Suivez le guide" semble nous murmurer le chorégraphe improvisé... 


C'est grand-guignolesque, comique, burlesque, grotesque en diable et l'on se régale, se réjouit de toutes ces tentatives de survie déglinguée, cabossée, toute en couleurs chamarrées comme les costumes de chacun. Un trou dans le mur, et c'est l'effondrement de gravas puis l'évasion de ces taulards de service qui tenteront plus tard de réintégrer leur geôle avec force difficultés à réintégrer l'autre côté du miroir. Un beau duo au sol de deux des protagonistes, un tapis qui marche et évolue à son gré, voici venir "la fin de partie" à la Beckett de cet échec et mat , thématique sous-jacente de la pièce montée de toute part. Encore un radeau de la Méduse qui se dérobe et laisse son équipage au port d'attache, un toboggan périlleux ou chacun tout en blanc se risque à des glissades, sauts et pirouettes de génie. Danger au poing qui vous tient en haleine, à leur risque et péril. La tour prend garde à cette diagonale du fou où les pions échappent au sort, où roi et reine sont détrônés au profit d'une joyeuse zizanie contagieuse. Au générique de fin, on sort de ce "cinéma" ravis et comblés, choyés par tant de malice et d'ingéniosité. Chaplin et sa baraque sortie tout droit de "La ruée vers l'or" aurait apprécié ce pastiche kiné-matographique à la Robert le Diable.

Au Maillon jusqu'au 11 Février

"Starmania" : un Berger, un Rock'fort à son zénith ! Et une troupe d'artistes polyvalents à Monopolis, saga-cité sans issue.Une dystopie envoutante, magnétique au gout du jour.

 


Le célèbre Opéra Rock créé par Michel Berger et Luc Plamondon il y a plus de quarante ans, revient à Paris à partir du 8 novembre 2022 et en tournée dans toute la France.


Thomas Jolly signe la mise en scène de ce spectacle phénomène. Il est rejoint dans cette aventure par le chorégraphe de renommée internationale Sidi Larbi Cherkaoui. Le public, attendu à partir du 8 novembre 2022 à la Seine Musicale puis dans toutes les plus grandes villes de France, pourra redécouvrir tous les tubes incontournables de cet Opéra Rock : Quand on arrive en ville, Le Blues du Businessman, Le Monde est stone, Les uns contre les autres, SOS d’un terrien en détresse, Besoin d’amour…

 Ce projet est une traversée complète de l’œuvre, guidée par la volonté de remettre en lumière ce que Starmania dit de notre société, de notre monde. Et surtout, l''intention de Thomas Jolly était de proposer une narration lisible, par-delà la vie autonome que les chansons ont acquise en 40 ans de succès. La fable de Starmania s’est, d’après lui, effacée derrière les chansons et diluée au fil des mises en scène.Ce projet est une traversée complète de l’œuvre, guidée par la volonté de remettre en lumière ce que Starmania dit de notre société, de notre monde.

Starmania est une œuvre hybride, qui articule plusieurs disciplines, la musique, le texte, la scène, la danse ; plusieurs formats, ancrés pour les uns dans la culture française et européenne, l’opéra, la tragédie, pour les autres issus de l’univers canadien -et américain- des lyrics et de la comédie musicale ; plusieurs registres, allant de la science-fiction, très présente dans le projet original, au réalisme qui marquait davantage la version de 1988, le bar, la banlieue, le travail… Son principal défi est de prendre en compte toutes ces hybridations, qui font la profondeur de l’œuvre, et d’en rééquilibrer les valeurs.


Starmania est une œuvre tragique au sens classique du terme, c’est-à-dire marquée par le destin, l’inexorable. Tout le monde cherche à s’élever, mais tout le monde meurt. Chaque personnage incarne une tentative d’existence, mais toutes sont avortées. C’est une vision presque nihiliste, une œuvre sur la dépression, la mélancolie, l’angoisse du rapport au temps, l’angoisse et la violence de vivre. Les mots choisis par Luc Plamondon pour traduire ce mal-être, cette recherche éperdue d’une place – sa place – dans le monde sont d’une force incroyable. On dirait même shakespearienne : Luc Plamondon met des mots simples sur des états intérieurs complexes que nous connaissons- ou avons connu – tous et toutes. C’est certainement aussi l’une des clefs de leur succès populaire et intergénérationnel. 


Résultat un show impressionnant au coeur du Zénith de Strasbourg, cette termitière, cette citrouille orangée de Fuksas, architecte de l'urgence, de l'éphémère.Sur scène, une architecture digne de la ville Monopolis, structure gigantesque qui occupe le plateau immense et se déplace à l'envi. Un "Métropolis" expressionniste ou futuriste, une "saga-cité" cruelle.Escaliers, niveaux où se déplacent chanteurs et danseurs sous la houlette de Sidi Larbi Cherkaoui qui lui aussi plonge dans un nouveau registre qui lui sied à merveille. Déjà chorégraphe du clip du parfum Hermes Twilly le voici embarqué dans une aventure de comédie musicale où l'on ne peut pas faire dans le détail, mais le spectaculaire: mouvements de masse à l'unisson, courses débridées, frontal d'un ensemble tonique ou meltingpot de corps enlacés, ondulant à terre pour une orgie simulée...C'est beau et touchant, en symbiose avec la mise en scène et les décors, soulignant une dramaturgie très organique: entre corps et voix, tout est souffle et énergie, drame et amour. Une sylphide suspendue au cintre pour magnifier une scène digne du casino de Paris...J'aurais voulu être un chanteur" en figure de proue de cet opus gigantesque, lumineux. Les éclairages sont somptueux, inventifs, tissant des faisceaux d'ombre et de lumière, galvanisant les artistes. Inondant la salle, balayant l'espace surdimensionné des volumes de  la salle, comble pour cette occasion unique de partager émotion et souvenirs, nostalgie et découverte. Les chanteurs déploient leur talent à l'envi, jeu et chant de légende comme outil de transmission d'une histoire sombre et assassine. Ziggy particulièrement attachant. Alex Montembault en Marie Jeanne encore plus troublante à la voix de bronze envoutante.


 Les costumes sont griffés de Nicolas Ghesquière, directeur artistique des collections femme de Louis Vuitton qui a été approché pour habiller les personnages de la comédie musicale: “Comme beaucoup, j’ai été bercé par Starmania, a déclaré le créateur, une oeuvre à dimension visionnaire et dystopique qui me fascine.”  “Je me suis demandé comment les personnages, si emblématiques, de Starmania pourraient être habillés en 2022, glisse-t-il. J’ai souhaité élaborer un vestiaire ultra contemporain : chaque personnage incarne l’une de mes collections, comme un répertoire du vocabulaire de la maison.” Définie comme “une œuvre tragique à l’énergie noire” par son metteur en scène, l’opéra rock fait écho au travail de Nicolas Ghesquière dans sa dimension étrange. Et dystopique!

Une dystopie est un récit de fiction dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu'il soit impossible de lui échapper et dont les dirigeants peuvent exercer une autorité totale et sans contrainte de séparation des pouvoirs, sur des citoyens qui ne peuvent plus exercer leur libre arbitre. 

 

https://www.youtube.com/watch?v=5leHaR5jjbQ : clip hermès

Au Zenith à Strasbourg jusqu'au  13 FévrierPropos

Propos de sidi larbi cherkaoui:

De même que la musique confère aux mots un deuxième niveau de sens, j’aime trouver un troisième sens aux mots chantés. Chercher, à chaque fois, une autre vérité à l’intérieur d’eux. Il ne s’agit pas de rajouter quelque chose, mais d’aller toujours plus loin en profondeur.
La rencontre avec Thomas Jolly a été super. Il a une énergie folle, une vitesse d’esprit impressionnante. Il est vif, éveillé, conscient. C’était passionnant d’échanger avec lui, d’entrer dans sa vision, de me mettre au service de cette vision en tant que chorégraphe. La chorégraphie fait partie prenante de la dramaturgie. Je vais essayer de travailler avec les danseurs pour qu’ils incarnent absolument la musique. Que leurs mouvements donnent à la musique quelque chose de visuellement présent, de palpable. Thomas aussi a une conscience du mouvement très précise. Je lui dis à chaque fois : « mais tu es aussi un chorégraphe ! ». Il a cette capacité à savoir ce qu’il veut voir.

Il travaille sur le sens, celui de l’histoire, celui des mots. Il traduit cela dans des images fortes et avec une « physicalité » très présente, et cette « physicalité » sera l’un des partis-pris de notre travail.
Les danseurs sont 12, 6 hommes et 6 femmes. J’ai déjà travaillé avec certains d’entre eux dans d’autres contextes. Il y a aussi de nouveaux danseurs et de nouvelles danseuses, que je rencontre pour la première fois, et qui m’ont bluffé dans les auditions. Ils ont tous une sorte de vocabulaire très personnel, très pointu. C’est sur eux que j’ai envie de m’axer. Ils sont inspirés par des styles qui viennent de la rue, et qu’ils développent comme s’ils étaient le langage de chaque personnage. Leur caractère singulier, leur unicité doivent porter le mouvement, de la même manière que Starmania, en tant que musique, a été portée par des voix très particulières, de chanteurs et de chanteuses iconiques qu’on n’oubliera jamais. J’ai envie de trouver dans la chorégraphie quelque chose de cet ordre-là, qu’on se rappelle ce danseur ou de cette danseuse, qu’on soit bluffé par son énergie et sa capacité à se fondre avec la chanson, pour ne faire plus qu’un Ce qui me touche infiniment dans Starmania, c’est sa dimension apocalyptique, qui fait coexister un tel désespoir et une telle beauté. Comment l’œuvre parle d’amour, dans un univers d’individualisme extrême. Je suis aussi bouleversé par l’espace qu’elle donne à la diversité, par sa capacité à voir la
valeur des êtres humains, que la société a tendance à réduire à leur place sur une échelle, avec des gens au top et des gens tout en bas. En tant que jeune homme homosexuel, le personnage de Ziggy m’a énormément touché : à une époque où certaines minorités étaient invisibles, où il n’y avait pas de mots pour en parler, Starmania y parvenait d’une très belle manière. La beauté de Starmania, c’est de créer un univers pour tous.

vendredi 10 février 2023

"Burning bright": Hugues Dufourt "Blake is black". Des "accessoires" comme des "sots l'y laissent" dans un salon des refusés!

 


BURNING BRIGHT, Hugues Dufourt


"Dans ce poème incandescent, William Blake exalte le choc des contraires, véritable matrice du monde et condition originaire de toute manifestation de la puissance créatrice. Le conflit primordial de l’ « innocence » et de l’ « expérience », ces deux états extrêmes de l’âme humaine, traverse tout l’œuvre poétique de Blake, lui imprimant sa dimension tragique et son style visionnaire. Non-conformiste et libre-penseur, violemment hostile à la moralité répressive ainsi qu’à toute forme d’oppression théologique et politique, Blake prit le parti de la Révolution française et dénonça la mise en esclavage des noirs d’Amérique, sans renoncer à une forme de quête mystique – dans la lignée de Dante et de Milton -, seule capable à ses yeux d’exprimer la splendeur des illuminations intérieures. La fureur éruptive et hallucinée de ses visions inspire crainte et effroi. Plongé dans les abîmes d’une condition de misère, l’homme peut néanmoins voir sourdre dans le monde une lumière brûlante qui lui indique, sans promesse aucune, la possibilité d’un règne autre que celui des prédateurs."
 

 
"Burning bright"
   Avec les percussions de Strasbourg: un puissant "Burning bright", une reprise depuis sa création en 2014 au TNS dans le cadre du festival Musica..
On retrouve avec enthousiasme et impatience la formation légendaire percussive,dans une configuration scénique en demi-cercle, le plateau occupé par une multitude d'instruments hétéroclites autant que "classiques".
Ambiance feutrée, fine et subtile pour rendre visible et perceptible  "The tiger", l'un des plus célèbres poèmes de la littérature anglaise de William Blake.Style tragique et visionnaire qui se plait à flirter avec les mille et une sonorités des percussions.
Multiples timbres et résonances, amples, diffus, dessinant un espace sonore inédit, étrange.
Secousses telluriques, sismiques et très tectoniques pour une œuvre inspirée par la profondeur universelle de la poésie, sans récit ni anecdote.Un spectacle aussi, grâce aux visions de science fiction qu'offre  ce déferlement de gestes des interprètes virtuoses de ces percussions surprenantes: un bac d'eau scintillant où parfois le musicien plonge ses plaques de cuivre résonantes....Une empathie singulière s'installe , une communion unique se forge tout au long de la prestation avec la tension, l'attention des musiciens sur le plateau, sur le fil d'une dramaturgie musicale faite de sons en couche, en strates qui gravissent les parois sensibles d'une audition collective en sympathie.
C'est comme un univers qui "grelotte", qui vibre, chiffonné. Des disques, des toupies frissonnent , réverbèrent la lumière en une scénographie magique et rituelle, en demi cercle chamanique.Ça grésille, frissonne, vrombit, rissole, crépite à l'envi comme un enfer de sons inédits. Embrasement, effondrement, fricassée orientale de gongs comme dans un temple maudit.On s'y engouffre, on résiste à la vision de cette avalanche tectonique, géologique en diable, cette usine à broyer le son, en tréfonds aquatique, en ventilation de tourniquet de mauvaise augure... Du granit rugueux dans ce séisme, cet ouragan, ce raz de marée où des tournesols lumineux scintillent comme une toile de Van Gogh sous la tourmente.
Du grand art pour cette performance saluée chaleureusement par un public, ce soir là, conquis par l'atmosphère apaisée, douce et planante au final de l'oeuvre proposée.
Des univers visuels et fantastiques au coeur de la création contemporaine! Hugues Dufourt, à la "hauteur" des ses péchés capitaux: les interdits harmoniques, "triolets" savants diaboliques. Un cabinet de curiosité, un "enfer" musical à observer en toute" obscénité". Ob-scène: derrière la scène.


Depuis le milieu des années 70, Les Percussions de Strasbourg et Hugues Dufourt entretiennent une relation complice. Près de quarante ans après Erewhon, le compositeur leur dédie une nouvelle œuvre phare en 2014.
  En 1977, à Royan, la création de Erewhon pour six percussionnistes et 150 instruments marque l’avènement d’un compositeur de trente-quatre ans et inaugure l’ère des grandes pièces pour percussions, ces symphonies modernes déjà expérimentées par Edgar Varèse ou encore Iannis Xenakis.
Grâce à cette partition extraordinaire, Hugues Dufourt, compositeur, philosophe, chercheur, entretient à l’évidence un rapport personnel et historique avec le groupe de Strasbourg et son prodigieux instrumentarium. Il n’avait pourtant pas remis l’expérience sur le métier, à l’exception de la brève Sombre journée (composée peu de temps après Erewhon en 1976-77) et, en 1984, La Nuit face au ciel, créée cette fois-ci par d’autres jeunes percussionnistes.
Burning bright est donc à la fois un retour aux sources et une nouvelle exploration de ce continent infini qu’est la percussion.
 
A l'issue de la représentation,Hugues Dufourt donne quelques clés pour appréhender cette œuvre nouvelle sur laquelle il travaille depuis 2010 : réflexions autour du geste (tailler, assembler, déplacer et briser), sur les modes de jeu, sur les associations instrumentales et la substance sonore. À ces objectifs théoriques correspondent des objectifs artistiques qui combinent essence de la percussion, temporalité, essence de la composition et esthétique.Et la notion d'accessoire se fait évidence pour cette opus de "l'inquiétude collective" aux formules et associations inédites."Un véritable magasin d'accessoires", les laisser pour compte de l'histoire, les "rebus" de la musique.De cette "cérémonie cannibale" les instruments se font festifs, reliques des interdits, retour des refoulés, des refusés, des revenants. A l'encontre des normes, la "hauteur" qui a la primauté dans l'écriture et la composition musicale Pas de registre fonctionnel, mais des apparitions brutes, terrifiantes pour un rapport à l'au delà menaçant fruit de l'épouvante. Le "waterphone" y devient la synthèse de l'angoisse filmique, cinématographique en diable. Le crime est presque parfait dans cette oeuvre sombre : comme plusieurs accessoires en un seul, trouvé en Afrique qui aspire à la hauteur, rauque dans cette "raucité" emblématique de l'opus.La notion de métamorphose platonicienne, transformation perpétuelle y fait rage: on "pèche", on se réincarne sempiternellement dans des pulsions qui ne savent plus quelle forme prendre... L'animalité échappe à la percussion dont l'avenir serait bien l'informatique!
Avec ce dernier point, Hugues Dufourt définit en quelque sorte le contour de son projet : « L’esthétique récente a souvent pris l’entropie pour un principe libérateur, alors qu’elle ne faisait que consentir à la pulsion de mort et sombrer dans un univers anomique et dépressif. Le propre de la percussion est au contraire de tirer son pouvoir d’émergence de son exploration des profondeurs. »

  Minh-Tâm Nguyen, Alexandre Esperet, François Papirer, Thibaut Weber, Hsin-Hsuan Wu, Enrico Pedicone
 
 

Jeudi 9 février 2023, 20h
Théâtre de Hautepierre, Strasbourg 
 


jeudi 9 février 2023

"EVE": je vis Eve sans Adam :"chanter c'est honorer l'oxygène": sans entrave, liberté je chante ton nom! Au féminin pluriel.

 


Voix de Stras' - EVE Strasbourg

par Chœur de Chambre de Strasbourg

Voix de Stras’, bâtisseuses de ponts
“Sous le titre « EMPOWER VOCAL EMANCIPATION », les « Voix de Stras' » lancent un programme exceptionnel, en coopération avec les chanteuses du chœur amateur de l’Asian University for Women de Chittagong au Bangladesh”

EVE - comme Empower Vocal Emancipation, "Donner voix à l’émancipation" - est le nom d'une aventure inédite portée par Catherine Bolzinger et son ensemble lyrique professionnel Voix de Stras’ et des chanteuses du chœur amateur de l’Asian University for Women (AUW) de Chittagong au Bangladesh. Cette aventure de partage de chants, de voix et de valeurs, a donné lieu à la création d'une œuvre commune mais aussi une tournée de concerts dont voici le premier à Strasbourg.Construit comme une mosaïque, le programme mêle les oeuvres qui vont suivre.

On démarre le concert avec les oeuvres arrangées par Lionel Ginoux à partir des chants récollectés sur place par Catherine Bolzinger, chaque pièce porte le prénom de la chanteuse qui a donné sa chanson.. C'est Visages, création pour choeur de femmes a capella. Autant de "petites nouvelles" musicales au format court, brève intrusion dans le monde sonore protéiforme, polyglotte et pluriel de ce récital. Une myriade de petits bijoux, constellation de sons, d'origines géographiques et linguistiques panachées.Un panel coloré, chromatique, une galerie de portraits sonores de tous les continents ou provinces visités musicalement. Un canon rythmé en ouverture, de beaux fortissimo dans les aigus, alors que la cheffe au centre du groupe en demi-cercle sur l'estrade signe de beaux gestes qi qong, hauteur, intensité,volume, en caressant l'air amoureusement. Une "berceuse" avec soliste et choeur ouaté où le son se perd, feutré, comme un doux murmure caressant. Une autre mélodie spirituelle, mystique où le son disparait peu à peu, fuit et se perd à l'horizon.Le tout ravigoré par l'énergie d'un chant bucolique, champêtre, alerte à la facture tectonique, gaie, joyeuse et entrainante. S'enchainent les vibrations cosmiques d'autres pièces, très dansantes que les huit femmes entonnent d'un même élan. Le tout ponctué par quelques citations littéraires de circonstances. De ces "visages" on retient la multiplicités des traits et caractères, la beauté des sons distillés à l'envi par ce "coeur" palpitant de femmes musiciennes en diable.

Suit de André Caplet, Messe à trois voix égales, pour choeur de femmes. Un "sanctus" vivant, singulier, très nuancé, recueilli, alerte et plein de bonnes vibrations.Au tour de Catherine Bolzinger de nous offrir une composition originale de son cru:"Yamunai Attrile". Des murmures à l'unisson tapissent l'espace, une voix en soliste en émerge, puissante, le tout rythmé, scandé en cadence. Une atmosphère joyeuse en sourd, des sourires se dessinent sur les visages des chanteuses, galvanisées par ces caquètements en canon, cette communauté de volatiles comme un paysage pastoral, une petite symphonie, condensé de sonorités atypiques. "Chanter, c'est comme honorer l'oxygène" disait Björk la chanteuse!

Avec la composition de Pascal Zavaro "Raison labiale" nous voici plongés dans un monde sonore d'onomatopées, de borborygmes, de curiosité vocales inédites très seyantes à l'ensemble.Soupirs, cris vont bon train, cavalcade pour une volière rieuse et enjouée: c'est drôle et percutant, chaotique à souhait, vivant .Des sifflets, des claquements de langues sur le palais, des essoufflements, des baisers: un panel sonore riche et très bien orchestré...On y chante comme on respire, la magie du chant choral opère, une "humanité augmentée" pour ces rencontres métissées, féminin-pluriel de toute beauté et sensibilité.Avec "Kharnaphuly" de Catherine Bolzinger, tout commence avec des percussions corporelles, un chant relevé, complexe enchevêtrement de citations musicales, incisives, dissonantes dans des aigus purs et limpides. Les "visages" de Lionel Ginoux succèdent avec un solo émouvant d'une chanteuse en tenue indienne à la voix timbrée, vibrante, simple émission très troublante d'émotion, de souffle léger parmi le public.Une ode très douce suit, en tenue soutenue, en couches sonores séduisantes pour à nouveau soutenir et accompagner la voix soliste. Comme un choeur universel plein d'influences sonores diverses puisées comme des trésors linguistiques et musicaux rares. Quelle récolte fabuleuse que ces pièces rapportées pour le meilleur de leur existence dans les mémoires et inconscient collectif des populations interrogées.

"Zingarelle" en hommage à Verdi de Catherine Bolzinger fait office de "correspondances" sidérantes entre vocalises classiques et théâtrales et sobriété des mélodies ethniques.Une belle soliste lyrique s'en empare pour donner au morceau toute sa légitimité dans ce programme d'un cru plutôt abrupte et sans fioriture.Le tout rehaussé par l'intervention du choeur, enrobant la voix, bordant les sons et enveloppant de chaleur la solitude vocale d'une muse "Echo"perdue dans ces paysages inconnus d'Orient. 

On embarque ensuite allègrement avec "Estaca"de Catherine Bolzinger pour une lecture plurielle d'oeuvres en citations qui s'enchainent virtuosement: on visite "Carmen" Ennio Morricone, un tango mythique et autres  fantaisies adaptées du répertoire, pour un voyage incongru et burlesque.Un melting pot humoristique sans façon, abreuvé de sonorités de références, en correspondance toujours avec les recherches musicales d'autres continents.C'est comme un poulailler enchanté, un paradis sonore accueillant qui ouvre les portes à la diversité sans négliger l'intégrité de chacune.Presque un final en conclusion. Mais une dernière prière cambodgienne vient nous bercer, c'est "Sophom"de Lionel Ginoux, encore une facette, un profil de ces "visages", une plainte gracieuse, recueillie à six voix, très habitée, incarnée, vécue d'un même souffle engendrant la vie.

Au final les dix chanteuses se groupent, solidaires, pour une unisson fédérative, libératoire et libertaire en hommage au chant qui unit et fait avancer la communauté.

Et la cheffe de nous conter la genèse d'un de ses morceaux: une légende d'entrave, de pieux empêchant la liberté de deux personnages reliés à un handicap: on peut franchir les montagnes et se libérer de son joug pour mieux apprécier la liberté et l'identité de chacun: un credo partagé par toutes celles qui sur l'estrade de la salle résonante et chaleureuse du Munsterhof ont fait office de bannière, de porte drapeau de l'empathie. Se délivrer des entraves pour mieux aller vers l'autre et partager cette expérience unique: des "EVE" sans Adam dans une échappé belle, une envolée sonore riche de vibrations pluri-elles.


  • Bela, chanson de la tribu tripura du Bangladesh
  • Novita, chanson du Timor oriental
  • Marjana, chanson d’une tribu chakma du Bangladesh
  • Roshani, chant de cueillette du Népal
  • Soma, chant patriotique de Rabindranath Thakur dit Tagore (répertoire bengali )
  • Sonali, chanson d’État de l’Assam
  • Marjana, chanson de la tribu Chakma du Bangladesh
  • Sophorn, prière cambodgienne
  • Mahla et Umayching, chanson de la tribu Marma du Bangladesh

NB : chaque numéro porte le prénom de la chanteuse qui a donné sa chanson.

Chansons européennes arrangées par Catherine Bolzinger :

  • Estaca, hymne à la liberté catalan
  • Greensleeves
  • Libertango, d’après Astor Piazolla
  • Die beste Harmonie, d’après Wolfgang Amadeus Mozart

 salle du Munsterhof le 8 Février à Strasbourg

A Breitenbach le 9 Février

 

"A un moment où le monde se rétrécit, secoué par les guerres, maladies et injustices qui font que les gens restent de plus en plus chez eux, de peur de l’Autre, les chanteuses des « Voix de Stras’ » se comportent de manière totalement anticyclique – avec un projet en coopération avec les chanteuses du chœur amateur de l’Asian University for Women de Chittagong au Bangladesh, Catherine Bolzinger et les membres de son ensemble lyrique professionnel – les artistes européennes et asiatiques construisent des ponts culturels qui sont de ceux dont le monde a actuellement besoin.

 

dimanche 5 février 2023

"Ange" : des racines et des ailes ! Angélique prestation divine.50 ans de bons et loyaux services.

 


samedi 04 février 2023 à 20h30 au Moulin 9 à Niederbronn

Toute une vie d’Ange

Un demi-siècle de passion pour le plus ancien groupe français en activité. L’occasion unique de parcourir les meilleurs instants d’une carrière hors du commun. 
Pionnier intarissable sur le terrain de jeux du rock progressif, cette légende vivante séduit, provoque, étonne un public fidèle par sa générosité et son lyrisme atypique. 
Ange invente ce que beaucoup n’osent pas en incarnant l’audace, la joie communicative à explo-rer l’inconnu. Un gage d’éternité…
 

Du Golf Drouot à Niederbronn, 50 ans nous sépare dans ce nouveau temple du rock..Le père Christian Décamps, le fils Tristan et les saints esprits du groupe s'en donnent à coeur joie. Capitaine coeur de    miel aux commandes, heureux de l'être, au delà du délire, le groupe s'éclate sur scène.Le guitariste Hassan Hadji est aussi professeur de guitare. Il est virtuose, tout comme le bassiste Thierry Sidhoum ou à la batterie Ben Cazzuli. Le fils Tristan, qui chante, a remplacé le frère Francis dans le groupe, a pris des cours au MAI, Music Academic Institute. Il en est sorti premier de sa promotion. Christian est  le seul autodidacte maintenant, autodidacte à 120 %. Ceux qui les ont le plus inspirés furent  Procol Harum à la fin des années 1960, les Moody Blues, les Who, les Stones, les Beatles... Au cimetière des arlequins l'ambiance est noire, sombre et les anges ne sont pas à la fête.... 
Deux bonnes heures durant c'est un vent d'ange qui souffle sur la scène du Moulin 9 tout n'oeuf et nous serons les "poussins" de cette basse cour animée de main de maitre par Christian Décamps en houppelande et gabardine de légende, affublé de son feutre sur le chef. Arc'Ange.de cette cérémonie, messe basse aux puissants décibels dans cette cour des miracles où l'on déguste sa part des Anges sans modération. Des morceaux de choix se succèdent et le public jubile à l'écoute de ces "vieux tubes" qui n'ont pas pris une ride. 50 ans de musique, de underground sonores, de spectacle aussi. Car il faut les voir évoluer devant un écran où surgissent des images d'aérotrain aérodynamique, futuriste qui file à toute blinde dans les espaces et paysages de France: le "progrès", non! L'imagination, oui! Credo de cet ensemble à la musique virulente ou très "douce" quand le piano et la voix de Tristan Décamps, crève l'écran et brûle les planches...Des mouettes aériennes volent avec force cris et lumières stroboscopiques. Un show très "chaud" et pas nostalgique. C'est le présent qui préoccupe ce quintette de choc, vintage,quand ange (re)vint pour deux rappels bien calculés sur fond d'images d'archive du groupe. Quelle carrière pugnace et durable, pas vraiment "sobre" mais riche d'échanges et d'inventivité. Des images encore pour illustrer aussi l'ambiance, la force de frappe du groupe, comme des couvertures en BD, illustrations  de disques mythiques.  En prime une vertigineuse reprise de "Chez ces gens là "de Brel: gouaille, mimiques et jeu d'acteur de Christian Décamps à la largeur de ce texte mythique et si présent dans notre inconscient collectif. Et le concert de se conclure devant une salle comble par des ovations pluri- générationnelles. Pas que des "cheveux blancs" pour cette prestation bien campée. Alors quand la bande à Christian décampe, c'est dans la joie des retrouvailles que se termine la soirée à Niederbronn lesBains. Qui l'eut dit  que cette petite bourgade, reçoive des mythes errants du rock lors de leur tournée d'anniversaire. Sous la houlette de Vincent Wambst, directeur du relais culturel,un passionné de musique et d'ambiance qui dépote au profit d'un public acquis aux plus douces ou terribles fantaisie.Et qui fait l'Ange, fait la bête de scène. Un pied dans la marre, dans la marge à coup sûr. Quand Ange passe, on est aux Anges.....Une "résurrection" salutaire !Un "vie âgée" pour l'éternité.....

Au Moulin 9 à Niederbronn les bains le 4 Février