un maitre mètre à danser |
L'amuse-danse !
un maitre mètre à danser |
Ce concert marque la sortie de l’album Dernier Tango sur le label Jazzdor Series.
En partenariat avec la BNU le 19 Octobre auditorium de la BNU JAZZDOR
"Agamemnon doit partir pour Troie afin de ramener Hélène, épouse de son
frère Ménélas. Il n’y a pas de vent, la flotte ne part pas. Iphigénie,
fille d’Agamemnon et de Clytemnestre, doit être sacrifiée. Elle décide
de mourir. Cette mort lui appartient, insiste-t-elle. Parole libre et
solitaire d’une intimité irréductible. Dans une langue limpide et
chorale, Tiago Rodrigues réécrit Iphigénie d’Euripide avec l’enjeu de
questionner l’insoutenable tragédie du sacrifice et de la déjouer en
plaçant Iphigénie dans la réappropriation de son destin. Anne
Théron expose l’ambiance angoissante de cette tension entre une histoire
dictée par les dieux et une jeune fille surprenante dans son
inaliénable libre-arbitre."
Dans des vrombissements, des grondements sourds de vols aériens d’hélicoptères, la semi pénombre révèle peu à peu la présence de personnages évanescents, spectres dans le noir.Les déplacements orchestrent l'espace, sorte d'archipel de petites îles, creusées, laissant des passages en rigoles pour les corps des personnages.Tous vêtus de noir, strictes, dignes et solides dans leurs attitudes, postures et allures. Deux femmes se mettent à l'écart en commentaires sur le destin d'Iphigénie, sur le contexte, nous racontant comme les deux éléments d'un choeur grec féminin, la colère des femmes d'ici...L'une se met à danser, bras levé, en pose singulière et très classique beauté sculpturale. Le tempo est tranquille comme une partition mesurée, dosée, au rythme laissant percevoir les petits détails, la gestuelle et la diction posée de chacun. Exceptée la colère qui éclate et trouble ces placements savamment organisés.Le climat de combat aérien reprend, alors qu'en fond de scène des images de paysage maritime, bruits de marée houlante,mouvant, changeant, métamorphosent l'atmosphère: en noir et blanc scintillant, lune, nuages se succèdent pour obscurcir l'espace ou en faire un beau découpage de silhouettes noires...Les deux femmes se mettent à danser, l'une fluide, tournoyante, sorte d'imploration, de prière, d'écho au drame ambiant. Sa danse, celle de Fanny Avram, telle une Martha Graham empreinte de contractions et libérations utérines.On la connait par "Chto interdit au moins de quinze ans" comme danseuse comédienne. Chorale des deux corps dansant, lamentation salvatrice du corps en colère! Thierry Thieu Niang, collaborateur chorégraphique, compagnon des gens de théâtre pour les faire "bouger" comme nul autre metteur en corps des mouvements, de l'e-motion de Nikolais...Dans le texte de Tiago Rodrigues soutenu par la mise en scène de Anne Théron, tout s'anime, se joue au mot, au geste près, millimétrage fluide et passionné du petit bougé lyrique, ténu.Un spectacle où la mythologie séduit, concerne, touche et anime l'empathie de ceux qui attendent "le vent", celui qui emportera la flotte, les maux pour un sacrifice sur l'autel des alizées, du blizzard là où Éole se déchaine et se rend , prend le pouvoir martial de pousser les humains dans leurs retranchements.
Tiago Rodrigues, auteur et metteur en scène portugais, a dirigé le
Théâtre National Dona Maria II à Lisbonne (2014-2021) et dirigera le
Festival d’Avignon après l’édition de 2022. Publié aux éditions Les
Solitaires Intempestifs, il s’inscrit dans un dialogue avec le
patrimoine littéraire (Bovary, Antoine et Cléopâtre). On lui doit notamment les spectacles Souffle, By Heart.
Anne Théron, associée au TNS depuis 2015, développe une démarche qui
vise les écritures contemporaines (Christophe Pellet, Alexandra Badea,
Frédéric Vossier) comme une recherche théâtrale convoquant les outils du
cinéma
Au TNS 13 oct au 22 oct 2022
« Je grandis et me
transformai en belle jeune fille. Tout était parfait. Ou presque. Il se
trouva qu’en grandissant, je sentis une tristesse naître en moi, se
former dans mon ventre comme une boule noire et dure qui ne me quittait
plus, une sensation lourde et pesante, venant de très loin, d’en deçà de
mes tripes. J’en fus fortement troublée, mais ne dis rien à personne. »
Surnommée « la boudeuse » par les
habitants de Bergheim, Marguerite Möwel est sujette à de sombres
présages : une grossesse hors mariage, un enfant mort à la naissance,
des villageois qui l’évitent puis la guerre et la famine… Mais en 1582,
il ne fait pas bon être mise à l’écart. Brûlée vive comme sorcière, son
âme tourmentée hante toujours le village, en quête de justice ou de
vengeance…
Depuis I Kiss You ou l’hétéroglossie du bilinguisme, Catriona Morrison fait parler les femmes dans toutes les langues, celles du cœur, de la vie et même de l’au-delà. Sur scène, deux comédiennes donnent voix à la mystérieuse dame blanche : une voix à capella psalmodiant une entêtante mélopée et une voix brisée par des souffrances trop longtemps tues.
A travers le noir, la semi-obscurité apparait un corps tronqué, un visage réjoui, souriant. Une fillette sans doute, charmante, grassouillette en chemisette légère, nuisette ou sorte de lingerie légère. Elle conte, raconte sa jeunesse heureuse, bercée puis entachée de nuisance, de rencontres pas toujours recommandables. La diction est franche, enfantine, claire et limpide.Là change son destin, ses couleurs s'effacent, sa joie de vivre s'envole et son fasciés s'éteint. Elle devient la proie des ouï-dire malfaisants et sa grand-mère qui lui enseigne et transmet son savoir magique et maléfique à propos des vertus des plantes, la nourrit de fantasmes et de sorcellerie...Les vertus de l'absinthe, de la rue et autres tiges et herbes magiques sont de très beaux prétextes à diction et gestuelle, rare et précieuse: vitesse, vélocité et langage des mains, des bras se font chorégraphie précise, millimétrée. Ivan Favier y est sans doute pour beaucoup dans cette mise en mouvement judicieuse et magnétique. Aux accents nets, aux contours subtils.C'est beau et éclairé subtilement pour mieux donner du relief à ces recettes et potions de magie opératoire, divinatoire.Une doublure dans la pénombre, spectre suspendu à ses dires, chante et ponctue cette prestation de comédienne qui séduit, accroche et tient en haleine Quelques belles dissonances à deux et se confondent narratrice, personnage et ectoplasme...Toujours dans le noir énigmatique des légendes d'autrefois. Soudain la lumière l'emporte sur le rêve et les deux protagonistes apparaissent en plein jour, contemporaines pour dévoiler et replacer le mystère dans des temps anciens, mais pas révolus puisque les filiations perdurent, la transmission opère et tout s'enchaine secrètement en famille Le récit va bon train, retourne au bercail pour évoquer à nouveau le passé et osciller entre temps présent et moyen âge où la chasse aux sorcières était de mise pour écarter les "mauvaises herbes", leur couper le pied et la langue, brûler les corps et évacuer les croyances païennes! Le jeu de Sophie Nehama, sobre, convaincante, charmante et enjouée, charnel, incarné Son double, Marie Schoenbock,avatar en herbe, vocalise à ses côtés, suspendue dans l'apesanteur d'un éclairage à point nommé: distillant la lumière parcimonieusement pour enchanter l'atmosphère et créer un univers étrange, inaccessible et lointain. Un spectacle envoutant pour ravir et posséder nos âmes dans une fantaisie douce, autant que cruelle sur notre monde désenchanté! A vos marmites, l’élixir est gouteux et la potion magique opérante!Un univers très pictural, lavis, encre noire pour oeuvre au noir, à l'outre noir,la vie derrière et devant soi.
Le spectacle a été présenté en juillet dernier au festival OFF d’Avignon 2022.
Avec Sophie Nehama, Marie Schoenbock (chant)Assistanat à la mise en scène Gaëlle Hubert Création lumière Bathilde Couturier Composition musicale Sébastien Troester, Marie Schoenbock Direction musicale Sébastien Troester Création sonore Christophe Lefebvre Création costumes Carole Birling Accessoires Gaëlle Hubert Construction décors Christophe Lefebvre Regard chorégraphique Ivan Favier Production Stéphanie Lépicier – Azad production
TAPS – Théâtre Actuel et Public de Strasbourg
du 11 octobre au 14 octobre
À mi-chemin entre les genres, le cirque, la danse et le théâtre, Jean-Baptiste André et Dimitri Jourde ont créé Deal. Un duo magnétique. Tour à tour puissant ou délicat, ce corps à corps, avec ses mouvements d’élans, de ruptures et d’équilibres précaires, allie la beauté du geste à celle des mots.
"À la
recherche d’un juste partage entre corps et parole, les deux acrobates
et danseurs se sont immergés dans le texte très physique de
Bernard-Marie Koltès, Dans la solitude des champs de coton. Entre
combattre et fraterniser, portés par l’intensité de cette langue, par
sa quête de l’autre et la puissance de son désir, ils se confrontent à
ce nouvel espace de jeu, interrogent le cirque et sa capacité à
traverser un texte. Une autre façon de défricher de nouveaux territoires
et de développer leur propre langage en travaillant sur l’intensité des
gestes en écho à celle des mots.
Deal met en scène deux
figures en miroir, le dealer et son client, deux êtres liés l’un à
l’autre par la dépendance et qui se font face. Tout autour, à proximité,
les spectateurs. À l’image d’un ring ou d’une arène accueillant ce
mystérieux combat entre chien et chat, chacun est placé au plus près de
l’action. Les deux artistes font de cette confrontation entre l’intime
et le public une énigme poétique qui nous parle de la rencontre et du
lien social."
La scène au carré, le public autour de l'arène et voici nos deux tigres, bêtes ou animaux de "cirque" qui entrent en scène...Tour de plateau dans la semi obscurité comme un lion en cage, bruit de pas...Deux hommes vont s'affronter en esquive, poursuites, se frôlent, s'évitent, se cherchent noise.Un territoire à défendre, des mots pour le dire, sauvages comme les gestes : le désir, la possession comme leitmotiv, credo pour cette démarche d'approche qui frôle l'approche, le repoussé-tiré: ils s'attirent, s'emboitent à l'envi, style capoeira, chiquenaude et pichenette corporelles au poing.Les mots et les mouvements en osmose sans paraphrase ni redondance.En équilibre instable, revisitant le contact dans une fluidité remarquable.Ils s'agrippent ces deux "dealers", vendeur, acheteur de biens dématérialisés...Tel un combat, une lutte, leur rapport se confirme: duel, duo ou échange? Quand des cintres dégringolent des oripeaux, chacun se prend à témoin, se métamorphose pour mieux se retrouver et endosser son altérité Pas de manichéisme ici, mais un affrontement légitime, bestial, animal, doublé du texte de Koltes qui fait éclat et sens.Jeu de veste dans l'arène pour ces deux toréadors sans victime animale, ni trophée...Les lumières basculent, le temps d'un repos, d'une pause.Une réconciliation s'amorce sur fond de musique folk de Bob Dylan et la "manipulation" corporelle s'envenime, surenchère de désir, de séduction.Touché, glissé, repoussé comme grammaire et lexique syntaxique..Esquisse d'esquive fugace pour Dimitri Jourde, acrobaties savantes pour Jean Baptiste André, à l'affut des failles de son "adversaire", concurrent ou complice-compère...La répétition de cette attirance l'un pour l'autre comme phrase aspirant leur relation fusionnelle non dite!Un touche de style passes de rock n'roll, fluide et secrète réussite de l'osmose entre les deux hommes.Ils s'y collent, y retournent sempiternellement comme aspirés, inspirés par la grâce.Vers le sol aussi, en roulade fulgurantes.Quand, épuisés, essoufflés, le verbe les sépare dans cet affrontement désormais violent, vindicatif, les corps serrés, enlacés, très proches...La danse à l'unisson fait curieusement son apparition, envol lyrique et duo sur une musique hard.L'un se dissout, se disloque en dialogue, démembré, désarticulé alors que l'autre se maintient, plus stricte. Des clics et des claques bien marquées pour provoquer l'autre, le déstabiliser, l'importuner.Cette chasse à l'acheteur se fait chasse à courre, l’hallali proche et les chiens sont lâchés.Force de frappe et absence de tendresse au profit de la loi du plus fort!Affaires familières, nudité de la franchise, contre l'immobilité et la patience...S’acquitter d'une dette envers l'autre dans ce marché inégal: être un zéro tout rond et solitaire dans ces comptes d’apothicaire, s'effacer au profit d'une accalmie salvatrice en diable.Au sol, on se réconcilie de ces joutes extrêmes qui semblent ne mener à rien ou nulle part que ce plaisir d'évoluer devant nous, en apnée dans la solitude des champs de coton, dans cette alarme de vivre, de danser, de s'affronter à l'indicible.
Coproduction POLE-SUD, CDCN
Présenté avec le Point d’Eau jusqu'au 12 Octobre
"La légende raconte que la petite ville de Hamelin
fut un jour submergée par une terrible invasion de rats qui dévoraient
tout sur leur passage. Un inconnu se présenta à ses habitants affamés et
leur proposa de les débarrasser de ce fléau. À l'aide de sa flûte, il
joua une mélodie entêtante qui poussa les rongeurs à se noyer dans la
rivière voisine. Malgré sa victoire, l'inconnu ne reçut pas la
récompense qui lui avait été promise. Pour punir les habitants de leur
cupidité, il se mit à jouer une nouvelle mélodie qui remplit
d'allégresse le cœur des enfants. Tout ce petit monde quitta alors la
ville en chantant et dansant joyeusement à la suite du mystérieux
inconnu, pour ne plus jamais y revenir...
Tout au long de sa carrière, Béatrice Massin a développé une écriture
chorégraphique unique, confrontant le style baroque, dont elle est l'une
des grandes spécialistes, à la danse contemporaine. Dans cette nouvelle
création destinée à un public de tous âges, elle s'empare de la légende
médiévale du Joueur de flûte de Hamelin popularisée par les
frères Grimm et signe une fable onirique qui célèbre le pouvoir de la
musique sur le monde et l'imagination."
Dans un décor très géométrique de losanges noir et blanc en trompe l'oeil , au sol et en fond de scène, c'est une ruche pour reines et gelée royale qu'intègre un Roi Soleil "revisité", fier, altier, immense pantin qui semble glisser ses pas, les compter, les calculer pour un port de tête princier et très façonné!Comme un simulacre d'évanouissements contrôlés, revers de mains à l'appui, demi-pointes, pied flex: tout y est pour danser baroque, musique de référence et beauté stylisée à souhait. Mais tout va se compliquer à l'apparition de charmants petits pions jaunes, costumes bouffants comme des cloches ou toupies à la Sophie Taeuber: nichée de créatures loufoques, batterie de poussins éclos et déjà dansant sur des oeufs, jeunes pousses en herbe.dans incubateur..Mouvements déstructurés, joyeuse bande animée de sourires complices et malins.En diagonales, à angles droits, les déplacements vont bon train, alertes, sautillants: c'est la Cour côté jardin qui se meut, vive , tenue de sauvetage bouffie à la Rei Kawakubo, gonflée à bloc pour amortir les chocs. Jamais de heurts pour cette danse qui prend l'air, laisse les bras suspendus et à distance du corps pour ne jamais entraver. Costumes à danser par excellence, guidant, dictant les mouvements pourtant, dirigés par le volume des étoffes, le rebondissement comique de ces atours cintrés au corps.C'est Sylvie Skinazi le maitre d'oeuvre de ces enveloppes sur mesures qui accueillent gestes et déplacements, habités par les danseurs au zénith de leur capacité d'adaptation à tout style!Bibendum Michelin pour danseurs étoilés au guide vert de la danse, nouvelle cuisine baroque déstructurée!. Cortège, défilé, sarabande, ornement de marche savante et mesurée, figures croisées du bal baroque revisité pour l'occasion. Béatrice Massin s'amuse à remodeler une grammaire, un style pour lui rendre une légitimité musicale, plastique et chorégraphique à hauteur de bambins et grand public, ici gâté par un spectacle "énorme", hors norme comme ces costumes à la Guillotel-Decouflé qui lui confère un aspect de divertissement de haute volée!. Tout se disloque, se démonte comme une perle rare, les bras en couronne, mains vers le ciel ou la terre, retenue des sauts à mi parcours de hauteur, tenue recherchée: créatrice d'images d'Epinal ou de Wentzel de Wissembourg. Fait irruption un singulier couple, vêtu de velours coloré,collants seyants, style Renaissance, comme deux jokers de jeu de cartes échappés du sérail.Une prosodie gestuelle comme langage, sur la mesure chaque syllabe de gestes sur le tempo.Gestes anguleux, sagittaux,regards fixes et sérieux, calculateurs et maniganceurs de quelque plan...La narration s'invente au gré de l'avancement de la pièce.Fous du roi ou personnage énigmatiques; le duo de Susie Buisson et Ryo Shimizu fait mouche, ensorcelle, ravit et intrigue par ses gestes à angle droit, droiture suspecte de glissements et autres métamorphoses gestuelle innovante. Les flûtes se succèdent à l'envi, les regards complices se mêlent et la danse en ronde rituelle ou sarabande, alignement ou diagonale fait mouche! Sautillés savamment dosés, pas comptés: des rats rampants font irruption sur le sol, s'amassent en magma mouvant, menaçants, inquiétants. Le baroque au sol, à terre ne dit plus son nom et déroge à la tradition et toute trace d'académisme. On en vient même à songer à une danse "gaga" exubérante, joyeuse, débridée à la Naharin...Amas de bestioles en peluche, drôles de vêtes à poil dans un univers royal quelque peu anachronique...Les musiques s'enchainent, de la bossa nova au reggae et que ça saute, ce petit monde, microcosme jovial et iconoclaste...Sur fond d'orgue aussi, la musique absorbe ce roi soleil déchu, les rats grouillent et fourmillent...Des combats surgissent, prises de corps, portés, poussé-tiré à l'envi, pour chasser la mort et le mal qui abdiquent enfin.Samba-Bach sur la corde raide, sur les accords, les pas sur des oeufs en file indienne, alertes, en défilé.Les jambes se disloquent, les corps se font arrêt sur image, pose-décor de plus bel effet dans des silences saccadés, rompus à l'apnée, à l'interruption sauvage des gestes initiés.Saute mouton et autres acrobaties loin du style baroque policé, poli et coiffé au peigne fin ! Que voilà un beau désordre organisé, une pensée chorégraphique réjouissante et salvatrice, un regard neuf et enjoué sur le patrimoine, l'archive, le bien séant et académique regard sur le baroque.Les déséquilibres jouissifs des danseurs simulant le trac, la peur, la hantise d'avancer sur des consignes révolutionnaire de soulèvement du langage. Les barricades s'affaissent pour le plus grand plaisir du public, ravi, comblé par tant de charme intelligent, loin du racolage du dit "spectacle jeune public" populaire, démagogique et incertain.Les collages musicaux pour ajouter une touche polyphonique à cette danse de court circuit de la tradition!Tout en jaune poussin, divertissement foutraque, ludique Quand un piège en carré descend des cintres pour enfermer cette troupe, horde ou meute toute gentille, on est rassuré sur le final ou tout est bien qui finit bien, le couple de joueurs de flûtes vainqueur, mouvements amples, aériens, laissant la liberté d’œuvrer dans la contrainte avec délectation...La préciosité de mise, l'imagination, reine et puissance d'évocation de rêves, de conte et légende toujours vivants!De vraies fêtes galantes....L'élégance toujours aux bouts des doigts!
CCN • Ballet de l'Opéra national du Rhin Le Joueur de flûte Susie Buisson, Ryo Shimizu Danseuses et danseurs Deia Cabalé, Christina Cecchini, Noemi Coin, Cauê Frias, Di He, Erwan Jeammot, Khanya Mandongana, Mathis Nour, Leonora Nummi, Dongting Xing
A Strasbourg jusqu'au 12 Octobre cité de la musique et de la danse
L’Apprenti sorcier: quel bonheur de se replonger dans l’infatigable Apprenti sorcier qui introduit ce concert fait de grandes pages de musique française.La finesse du jeu des violons en introduction, les flûtes tuilées, aériennes dans des tenues flottantes, ruisselantes. Font irruption d'autres instruments pour renforcer cette tension montante, qui avance, entrecoupée de silences soudains.Pas à pas comptés, hachés, ample démarche comme une balade tranquille, innocente, légère due aux vents.Enchanteur, jovial,martial aussi le leitmotiv récurent se pose, clair, sonnant dans des modulations multiples, les huit contrebasses officiant en fond sonore puissant.A pleine et vive allure, allant bon train la pièce s'enjolive avec l'assaut des violons; vent violent et tourbillons assourdissants, grondements des percussions en emphase.Suspens...La touche des vents qui accélèrent perturbe la marche pour des fracas, envolées des cordes qui jaillissent, déferlent, submergent, toniques, l'énergie en poupe.Un soulèvement s'annonce et s'accomplit, emporte le tout et ravit l'auditeur.De forts beaux contrastes d'amplitude et volume pour un retour du "pas à pas" feutré, allégé, onirique image de rêverie. Le final est tranché, à pieds joints saut dans un jeu de marelle pour atteindre le ciel! Le chef, aux aguets, genoux pliés, épouse cette dynamique sonore et visuelle, sorcier lui-même de cette direction diabolique, barbe et costume noir comme un Méphistopheles. bondissant. ..
PHILIPPE MANOURY
Saccades, pour flûte et orchestre
Philippe Manoury habite au bord de l’Ill et fête son 70e anniversaire. C’est donc tout naturellement que l’Orchestre philharmonique de Strasbourg aborde Saccades,
oeuvre créée en 2018 à Cologne par Emmanuel Pahud, qui continue de la
jouer au fil des reprises. La flûte seule inaugure cette composition de légende, sur fond ténu de violons.Finesse aérienne et vaporeuse, spatiale, chamarrée...Fusion annoncée avec les vents pour une atmosphère mouvante, large qui se répand, chatoyante et lumineuse partition.Le chef magicien opère, guide de gestes précis, lents ou très vif argent dans des pliés physiquement engagés, terrestres. Les mains mobiles, directionnelles: une danse de dos habile et fort éloquente...Des tintements, des éclats de sons, de timbres se glissent dans cette riche ambiance sonore: un solo de flûte dans le silence, alerte, en touches saccadées.Coupées, hachées, surprenantes.En staccato rythmés comme des chants d'oiseaux fabuleux de légende, de conte ou d'histoires.Tempête et fracasse joignent à ce tableau vivant très pictural aux touches impressionnistes denses, virulentes, accélérées.Projections et assauts et toujours de très beaux mouvements du chef en alerte.Aux aguets.A l'affut pour servir cette narration sonore inédite.La dramaturgie secoue, l'ambiance tient en haleine, en apnée d'écoute.Flux et reflux des sons, avancées inexorables des violoncelles pincés en osmose et tension Comme un souffle créatif qui emporte, déporte, déplace l'auditeur contre le vent et la tempête fulgurante, immergé dans le son et les vibrations.Harpes et petites percussions intrusives à l'appui pour créer d'infimes nappes acoustiques scintillantes, vibrantes.Manoury tel un peintre de la musique tectonique.
CÉSAR FRANCK
Psyché, poème symphonique pour orchestre et choeurs
Un autre anniversaire est célébré, celui de César Franck (1822-1890), dont on peut ensuite entendre la version intégrale avec choeurs de Psyché, poème symphonique inspiré des Métamorphoses d’Apulée.Ultime poème symphonique de Franck, Psyché se distingue par son gigantisme et le choix d’une thématique issue de la mythologie antique. Retour à un idéal classique ou expression symbolique d’un spiritualisme chrétien ? À l’aune de son contexte esthétique, il s’agit de saisir dans cette oeuvre les enjeux foisonnants d’un art parvenu à sa maturité.Ambiance de prologue très lisse, fluidité des cordes à l'unisson.L'emphase du volume gagne l'atmosphère sereine: lyrisme mélancolique, nostalgie et pathos au demeurant.Romantisme ou classicisme de l'écriture qui ne surprend pas, douceur et tendresse amoureuse au poing.Enveloppante sagesse, retenue, flux et reflux des sons des deux harpes, légère continuité ascensionnelle et spectaculaire des percussions...Le choeur intervient, riche et linéaire, plan, en ponctuation sobre, efficace dans une élocution remarquable, fluide, calme, posée.La dimension mystique du choeur qui borde cette oeuvre en fait un gage solennel, discret de véracité: dimension impalpable de la pièce, vivante musique chorale au souffle prolongé comme des alizées, zéphyrs ou autre vents animés par une interprétation subtile et impressionnante de densité.
Un concert troublant aux accents qui secouent, percutent et viennent se fracasser dans des univers chamarrés, musicaux, sorciers ou alchimistes mouvements tectoniques des plaques sonores!
« To silence someone c’est empêcher quelqu’un de parler de
lui, de sa perception du monde, de ses sentiments, de sa vie, faire
disparaître sa version de l’histoire, et ainsi l’effacer. »
Pour sa nouvelle pièce THE SILENCE, l’auteur-metteur en scène
allemand Falk Richter entreprend, en collaboration avec l’acteur
Stanislas Nordey, des recherches sur l’histoire de sa propre famille. Un
voyage dans son passé le ramène dans la maison de ses parents, qu’il a
quittée il y a plus de 30 ans, suite à son coming out. Le père est mort
sans qu’une réconciliation avec son fils n’ait eu lieu. Mais le fils
veut enfin briser le silence qui régnait dans cet endroit. Il commence
une discussion avec sa mère qui le replonge dans l’enfer de leurs
jeunesses à tous deux, la sienne et celle de sa mère. Ce voyage dans les
gouffres de la société occidentale qui va de l’après-guerre jusqu’à
aujourd’hui révèle une histoire persistante de la violence et la dureté
qui rend impossible un avenir plus humain, choisi.
Stanislas Nordey est un acteur hors pair et pas besoin de démonstration pour le prouver. Dans cette pièce où il serait le seul interprète quasi deux heures durant, il porte le texte, vivant, posé et maintient en haleine ce public réuni pour le rencontrer, l'écouter parler de l'histoire d'un autre. Qu'il incarne majestueusement dans un décor de murettes blanc, de paysages de dunes mordorées, colorées, échevelées. Un arbre au loin ...Ce personnage évoque sa jeunesse et tous les non dits, les secrets de famille qui végètent, macèrent et rende "le silence" toxique, malfaisant, cruel et dangereux. Silences des dénis, mensonges, oublis, effacements de l'histoire ou transformation des faits. Ce jeune homosexuel se livre, se bat et étouffe, dénonce des situations aberrantes et l'on suit son fil d'Ariane avec empathie, intérêt en communion constante. En dialogue des images vidéo enregistrées par l'auteur en présence de sa mère à qui il tente d'arracher une once de vérité, de sincérité. Jeu délicate et pas toujours diplomate tant les personnes y sont impliquées et jouent à l'innocence, l'ignorance et la fausse pudeur. Silence d'une musique intérieure où les points d'orgue sont fondamentaux pour le suspens, la tension de ce récit autobiographique. Stanislas Nordey sur la brèche dans la quiétude cependant et l'extrême concentration d'un grand comédien qui s'efface devant son personnage Belle aventure que cette écriture pour lui, sur mesure qui lui sied à merveille et l'habille comme un costume de couturier: unique et sur "mesure", taillé dans le vif du sujet, sans ourlet sur son corps et pour sa voix. Silence, on tourne les pages, on l'adopte, ce jeune homme en proie au désarroi, à l'injustice à la bêtise...Les images de sa mère nageant tranquillement deviennent insupportables d'égoïsme, d'autosatisfaction, de déni...Et lui, chemine jusqu'à la dénonciation du monde d'aujourd'hui, retranché près d'un tipi, refuge où il se réchauffe et se sustente et conte l'univers décevant et l'évolution du monde bafouant les lois et règles de l'écologie.Déception, déconfiture au menu de ses dires virulents qui changent le ton: il devient sauvage, vêtu d’oripeaux bigarrés, de peau de bête velue...Étrange créature frustre et rustre, toujours cependant en sympathie avec les spectateurs tenus pour cible de ce récit palpitant. Une performance audacieuse, périlleuse, un sujet brûlant d'actualité: maltraitance, homophobie, malveillance et harcèlement d'une personne. Ça touche, impacte très intelligemment sans militantisme et prosélytisme. De l'humain surtout et un acteur qui fait aimer le théâtre pour ce qu'il est: une fiction, une mise en scène et en espace des mots et maux de l'humaine condition. Silence, on se retourne et on la tourne cette séquence dramatique de l'existence unique de chacun dans le bain où l'on entre qu'une seule fois...
Falk Richter, né à Hambourg en 1969, est auteur, professeur d’art dramatique à Copenhague, metteur en scène de théâtre et d’opéra. Il est, depuis 2015, auteur associé au TNS. Son travail est présenté sur de nombreuses et prestigieuses scènes internationales. Depuis 2020, il fait partie de l’équipe de direction artistique du Kammerspiele de Munich. Le public du TNS a pu voir Small Town Boy en 2016, Je suis Fassbinder en 2016 − co-mis en scène avec Stanislas Nordey − et I am Europe en 2019.
Au TNS jusqu'au 8 Octobre
Après avoir épousé un bûcheron, une femme le suit dans la forêt, s’oubliant dans une vie monotone et sans désir, assistant chaque jour au spectacle sinistre de la destruction de la nature. La rencontre d’une jeune étudiante avec laquelle elle noue une relation amoureuse ravive sa flamme et change sa vie : son corps va alors prendre racine jusqu’à devenir arbre.
Sur un livret de la dramaturge Cordelia Lynn inspiré des Métamorphoses d’Ovide, Like flesh aborde la crise écologique à travers les relations humaines et amoureuses. Cette nature, la compositrice Sivan Eldar lui offre une voix chorale et une partition fourmillant d’inventions. Avec la complicité de Maxime Pascal à la tête de l’Orchestre de l’Opéra national de Lorraine, elle plante dans la salle une soixantaine de haut-parleurs disséminés sous les fauteuils, comme une invitation au public à se perdre lui aussi dans cette forêt sonore. En écho à la musique fluide et immersive de Sivan Eldar, la mise en scène de Silvia Costa transfigure la fable contemporaine sous la forme d’un opéra en perpétuel changement, comme l’eau d’une rivière que l’on tenterait de retenir entre nos mains et qui toujours nous échapperait.
Un opéra contemporain se salue toujours et fait office de terrain d'expérimentations souvent audacieuses, déplaçant, décalant le genre et la forme tout en préservant ici la place des voix et celle de l'orchestre.La mise en scène au service d'un conte, d'une fable sur l'Arbre, cet être fabuleux que l'homme néglige, torture, oublie et qui pourrait se venger un jour de ce traitement de harcèlement, d'ignorance des bienfaits du végétal sur la vie humaine. Des images vidéo de toute beauté soutiennent l'histoire, la dramaturgie: ondoyantes icônes de couleurs, mixage savant de morphing signées A Francesco d'Abbracio, talentueux créateurs de formes hybrides, arbres, feuilles, limbes et verdure accentuée.La mise en scène de Silvia Costa comme terre d'élection du conte, de cette quasi légende vivante à propos d'un être vivant: l'arbre dans la foret qui ne la cache pas mais la dévoile, pudiquement dans ses secrets de bienfaisance, d'existence indispensable pour l'homme. Dans une maison, une clairière sylvestre, les enjeux écologiques se révèlent, par le chant,et les voix sont puissantes, locutrices des faits et gestes et émotions des personnages qui vivent l'absurdité des crimes de l'homme envers son environnement.Les vidéo du créateur images IA sont décors et densité picturale, rêve éveillé et profondeur de champs à l'envi. Artiste médiatique, musicien et chercheur dans les domaines de la politique de la représentation et de la culture transmédia.Il travaille avec des systèmes d'intelligence artificielle et des réseaux de neurones pour étudier l'interaction entre l'homme moderne et la machine à travers le texte, les images et le son. Un travail esthétique passionnant aux résultats sidérants.Toute l'ambiance en est empreinte et les focales qui se dessinent dans ce verrou qui filtre lumières, jour et nuit, obscurité et fascination pour l'eau font office de lunette de vue, de jumelles intrusives.Pour mieux saisir ce conte où la forêt chante, l'arbre se lamente et la vie continue malgré les méfaits de l'intrusion de l'homme dans son intime développement.
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musique | Sivan Eldar
livret | Cordelia Lynn
mise en scène et scénographie | Silvia Costa
Orchestre de l’Opéra national de Lorraine
direction musicale | Maxime Pascal
La Femme, L’Arbre | Helena Rasker
Le Forestier | William Dazeley
L’Étudiante | Juliette Allen
La Forêt | Emmanuelle Jacubek, Hélène Fauchère, Guilhem Terrail, Sean Clayton, Thill Mantero, Florent Baffi
présenté avec l’Opéra national de Lorraine dans le cadre du Festival MUSICA à Nancy
production Opéra de Lille
commande Opéra national de Lorraine, Opéra de Lille et Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie
coproduction
Opéra national de Lorraine, Opéra de Lille, Opéra Orchestre national
Montpellier Occitanie, Opera Ballet Vlaanderen (Anvers), IRCAM-Centre
Pompidou
"George Crumb compose Black Angels en 1970, alors que l’opposition à la guerre au Vietnam bat son plein aux États-Unis. C’est dans ce contexte que s’inscrit la pièce, comme le suggère son sous-titre, « thirteen images from the dark land » (treize images du territoire obscur), et l’annotation qui introduit la partition, « in tempore belli » (en temps de guerre). L’œuvre a marqué l’imaginaire contemporain en brisant la pureté sonore du quatuor à cordes, sans compter la présence d’instruments inhabituels joués par les musiciens : des verres en cristal et deux gongs. On y entend aussi une citation du deuxième mouvement de l’œuvre donnée en seconde partie de programme, La Jeune Fille et la mort de Franz Schubert."
Deux oeuvres contemporaines reliées par la mémoire, le souvenir, l'impact d'une oeuvre reconnue sur la créativité et l'imagination des deux premiers. Alors que résonne la "vraie" version originelle de "La jeune fille et la mort" en clôture de concert. La talentueuse compositrice Caroline Shaw livre avec "Entr'acte" son ode à la déconstruction des harmonies, peu à peu, qui se transforment, opèrent une mutation étrange et conduisent vers d'autres atmosphères, plus fragiles, instables.Menuet classique de Hayn qui bascule, chavire et vient échouer avec grâce et vertige dans le domaine de l'inconnu, de l’inouï.Un exercice périlleux où s'affrontent tradition et modernité dans une profonde intelligence de l'écoute.Au tour de Crumb de s'atteler à la mémoire, à l'histoire et donc à la narration sonore. Évocation de la guerre du Vietnam, subtile exploration d'objets sonores en répondant aux cordes du quatuor; des verres de cristal pour résonance , incantations funèbres d'une catastrophe, d'un crime avoué.Symboles, images en références pudiques, danse macabres ou autres musiques diaboliques pour assumer l'horreur , en rendre compte numériquement: compte à rebours et conte de la réalité non dissimulée de l'histoire.La jeune fille et la mort en citation bien sûr réelle évocation de la douleur et du destin des hommes belliqueux, absurde et fatale icône de l'indicible...Et l'oeuvre de référence de faire son entrée, pour "mémoire" dans une belle et fougueuse interprétation du talentueux et généreux quatuor Diotima!
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Caroline Shaw Entr’acte (2017)
George Crumb Black Angels (1970)
Franz Schubert Quatuor en ré mineur “La Jeune Fille et la Mort” (1824)
Quatuor Diotima
violons | Yun-Peng Zhao, Léo Marillier
alto | Franck Chevalier
violoncelle | Pierre Morlet
Dans le cadre du festival MUSICA à Nancy
"On les connaît maîtres des musiques répétitives américaines à travers leurs collaborations avec la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker ou leur production d’Einstein on the Beach de Philip Glass présentée à Musica en 2019. Pour leur premier concert à Nancy, dans la très belle salle Poirel, les musiciens d’Ictus s’associent aux Synergy Vocals et aux pupitres de l’Orchestre de l’Opéra national de Lorraine pour nous offrir quelques-unes des plus belles pages du minimalisme.
Le concert présente quatre œuvres-clés du XXe siècle, choisies pour leurs qualités introspectives et enchaînées comme si elles n’étaient qu’un seul et même ouvrage. Tehilim de Steve Reich constitue le cœur du programme, autour duquel viennent graviter les charges émotionnelles de The Unanswered Question de Charles Ives et de The Sinking of the Titanic de Gavin Bryars. Dans sa célèbre pièce Proverb pour voix et ensemble, Steve Reich s’appuie sur un très bref texte du philosophe Ludwig Wittgenstein : « How small a thought it takes to fill a whole life ! » — Qu’elle est petite, la pensée qui peut remplir toute une vie ! C’est en somme le mantra d’une soirée lors de laquelle la musique se déploie à partir de presque rien pour devenir, progressivement, presque tout."
S'il est bon de réunir certaines pièces et de les faire s'enchainer sans interruption, voici une expérience bluffante à souhait où l'on, passe sans frontière d'une signature musicale à l'autre sans encombre. Les quatre pièces liées comme par enchantement, formant un bloc articulé, dense et surprenant. Démarrage par un solo de trompette du fond de la salle, le chef d'orchestre face à nous, tel un ange sur fond de lumières diffuses et de musique ténue de l'orchestre également entre balcon et paradis. Vision magnifique et planante pour l'introduction de l'oeuvre de Charles Ives qui inaugure ce voyage musical au long cour.Ambiance sonore douce d'un paysage cosmique émanant d'un dispositif instrumental original et très opérant pour servir un propos de trames harmoniques déroutantes. Univers spirituel, planant évoquant, imperturbable, l'univers cosmique et la question éternelle de l'existence."Proverb" de Steve Reich glisse lentement et enchaine, librement voisin et acolyte de l'opus précédant, ce qui fait la magie de la succession sans surprise de l'une à l'autre.Le style et l'écriture propre du compositeur, as de la musique répétitive se révélant peu à peu.Ouvre pour trois sopranos, deux ténors et trois vibraphones et deux orgues électriques.Canons, tuilages et secrets de fabrication opèrent dans une globalité saisissante où le rythme des phrases musicales, toujours augmenté, entraine dans des atmosphères et visions énigmatiques. Puis c'est à Gavin Bryars de prendre le relais avec un "naufrage" annoncé, basculant les écritures traditionnelles pour une tectonique dramatique remarquable.Tout enfle, grandit, s'oppose au calme et au silence pour parvenir au zénith d'un désastre, d'une tragédie submersible qui terrorise, méduse et tétanise. Au final du concert, à nouveau au tour de Steve Reich de prendre le pas sur cette performance musicale de l'Ensemble Ictus qui fait vivre, exister, vibrer de "petits chef d'oeuvre" clés du XX ème siècle "introspectives et enchainées comme si elles n'étaient qu'un seul et même ouvrage".Un florilège parfait de musique colorée, instrumentale et vocale dont l'inventivité semble sans frontière.
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Charles Ives The Unanswered Question (1908)
Steve Reich Proverb (1995)
Gavin Bryars The Sinking of the Titanic (1972)
Steve Reich Tehillim (1981)
Ensemble Ictus
direction | Tom De Cock
flûte | Chryssi Dimitriou
clarinette | Dirk Descheemaeker
contrebasse | Géry Cambier
cor anglais | Kristien Ceuppens
clavier | Jean-Luc Fafchamps, Jean-Luc Plouvier
percussion | Aya Suzuki, Miquel Bernat, Rubén Martinez Orio, Gerrit Nulens
Synergy Vocals
direction | Micaela Haslam
soprano | Caroline Jaya-Ratnam, Micaela Haslam, Rachel Weston
alto | Heather Cairncross
ténor | Benedict Hymas, Gerard O’Beirne
Orchestre de l’Opéra national de Lorraine
coréalisation Musica, Opéra national de Lorraine, CCAM – Scène nationale de Vandœuvre-lès-Nancy
La première étape de l’excursion lorraine de cette édition est l’occasion d’une rencontre symbolique entre Musica et Musique Action, deux festivals cousins et voisins créés au début des années 1980. Ce rendez-vous inédit se traduit par un jeu de miroir entre deux quatuors, deux attitudes et deux visions.
Sous le titre de Horns, le
premier est un chaudron porté à incandescence, un creuset de vibrations
profondes et de crépitements électroniques orchestrés par quatre
explorateurs du sonore sous la houlette de Seb Brun. Tout démarre dans un silence énigmatique: le public invité à déambuler dans l'espace protégé de la Salle des Fêtes de la mairie de Vandoeuvre attenante, par un passage souterrain étonnant.Se détachent de la foule, quatre musiciens simplement badauds errants parmi les spectateurs, invités à faire connaissance avec le dispositif sonore: curieuses petites installations au sol, faites de bric et de broc qui intriguent. Sons lointains, étranges, ténus qui caressent l'oreille, vibrent, émanent de baffles, autant que de synthèse technologiques. Au deux consoles, les alchimistes du son s'affairent, alors qu'un trompettiste se joue des sonorités embouchées de son objet sonore...On regarde, observe sur place cet attirail magnétique qui vibre et bruisse, intrigue, déconcerte ou agace. La poésie de petites pièces de monnaies sonnantes et trébuchantes fait mouche pour les plus petits sur cette plaque de fer de boite à biscuit de récupération.Tout le reste va de cet acabit, joyeux, inventif, sérieux ou pas.Puis l'atmosphère bascule dans une dramaturgie sonore qui fait voyager très vite, très loin: c'est la locomotive furieuse de Zola dans "La bête humaine" ou l'entrée du train dans la Gare de la Ciota" des Frères Lumière.Images ou roman illustré par ces sons saturés, issus d'empilements d'enregistrements variés et divers pour la richesse de leurs intonations. Sifflement, sirènes de trains...Qui s'emballent, s'activent, se remuent et déboussolent! Le quatuor performe, improvise, surprend toujours et la déambulation est de mise pour apprécier cette marche-démarche originale, savante, invitant à une écoute libre, sans arrière pensée académique ni apriori intellectualisé d'un processus de création à vif et dévoiler avec les risques du in situ et de l'ici et maintenant.
Le second, ce sont les maîtres en horlogerie
acoustique du Quatuor Diotima et deux œuvres majeures du XXe siècle, le Quatuor à cordes no 2 de György Ligeti et Different Trains de Steve Reich. Le tout est un voyage aux confins de la mécanique de précision musicale.Et la prestation de haute voltige fait de l'écoute de ces deux pièces réunies, une ode, un hommage aux deux compositeurs hors norme .Le quatuor présentant en prologue chacune des qualités musicales et de la genèse des pièces du récital.Ligeti, le roi et démiurge des cordes fait vibrer, résonner les cordes pincées, irise la matière sonore qui fluctue et dont se détachent des motifs flottants.Se déployant dans une infinie liberté lumineuse, alerte, mécanisme de précision qui serait devenu son propre maitre.Un régal de dextérité, de virtuosité aux bouts des doigts des interprètes ravis, aguerri et séduisant l'auditeur par cette rythmique décalée, surprenante, entrainante. Alors que le magistral "Different trains" de Steve Reich plonge dans l'atmosphère noire et envoutante de la déportation.Les cordes s'animent et l'on visualise la source des sons qui ne sont pas ceux de la bande son, on les matérialisent à l'envi, scrutant cet espace sonore si évocateur du drame et de sa montée en puissance. Les sifflements des trains de la mort comme autant de mélopées de la souffrance, de l'horreur. Mais aussi de la portée dramaturgique de la partition si émouvante, tendue, asphyxiante.On étouffe, en apnée, on vole vers l'indéfectible destin des déportés dans une immense "poésie" musicale inouïe.Du grand art en partage pour cette soirée ébouriffante, décoiffante, associant immersion, écoute, pour créer des "états de corps" insoupçonnés.
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première partie Horns
Performance immersive pour dispositif d’enceintes, objets vibrants, amplificateurs et quatre improvisateurs
trompette et no-input | Timothée Quost
synthétiseur modulaire | Clément Vercelletto, Julien Boudart
percussion et électronique | Seb Brun
son | Guillaume Jay
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deuxième partie Quatuor Diotima
Steve Reich Different Trains (1988)
György Ligeti Quatuor à cordes no 2 (1968)
violons | Yun-Peng Zhao, Léo Marillier
alto | Franck Chevalier
violoncelle | Pierre Morlet
L’Opéra
national de Lorraine a initié Nancy Opera Xperience (NOX), un
dispositif d’expérimentation pour le renouveau des pratiques de l’art
lyrique.
En association avec Musica, l’Opéra a proposé à Mathieu Corajod, jeune
figure du théâtre musical, de réaliser un projet en plein cœur de Nancy,
sur la place Stanislas. La performance en plein air mêle le Chœur et
l’Orchestre de l’Opéra, ainsi qu’un mapping vidéo sur la façade de
l’édifice.
Un spectacle grand format pour une soirée "prestige" de la scénographie urbaine en plein coeur de Nancy Sur la façade de l'Opéra, des images surdimentionnées pleines de couleurs et variations multiples et au coeur des fenêtres de l'édifice, un cadre rêvé pour chaque interprète musicien. Une maison vivante, tranchée où l'on distingue dans la lumière, les faits et gestes de cet ensemble séparé par les encadrement, chambranles ouverts, filtres de pénétration de cette façade à tiroirs magiques. C'est très beau, rehaussé par la musique intermittente, et les voix du choeur réuni au pied de l'Opéra. Comme sur un parvis, une fête ouverte, attractive de la musique d'aujourd'hui. Le public attiré par tant d'inventivité, de surprise, amateur ou néophyte, passant ou curieux, moqueur ou intrigué.L'ambiance musicale interroge, intrigue et invite à la découverte. Une expérience partageuse de grande qualité où les images fortes, tel l'incendie fumant sorti d'une balustrade, projette dans une narration des possibles et invite à la rêverie.Bien plus qu'une attraction, une mise en espace du patrimoine architectural en musique d'aujourd'hui insolite et très réussie
Dans le cadre du festival MUSICA à Nancy
En
collaboration avec Nancy Jazz Pulsations dans le cadre de la «
Poursuite » qui marque chaque année le lancement du festival, Musica
invitait le duo électro strasbourgeois Encore. Une fin de soirée
conviviale en plein centre de Nancy, dans l’un des plus beaux monuments
Renaissance de la ville, l’hôtel de Lillebonne.Et ça dépote dans une ambiance du feu de dieu au premier étage de cette belle demeure"bourgeoise". De la rue, déjà, les sons résonnent tonitruants, fulgurants, obsédants.Alors près des baffles archi saturées, vous imaginez!Néons et scénographie psychédélique pour soirée "assommoir" saturée de sons vrombissants et de vibrations pénétrantes. L'insupportable audition du "trop" plein qui fait chavirer, décoller ou atterrir de plein fouet au bar histoire de reposer les tympans gorgés de couleurs, de densité de musique électro. Ça vaut l'expérience et s'y immerger est en soi un exploit ou un lâcher-prise physique pour un voyage supersonique de haute volée! Une soirée pas de tout repos mais qui ébranle les frontières du possible de l'écoute!
Dans le cadre du festival MUSICA à Nancy
"Imaginez la chanteuse assise à votre table de cuisine. Imaginez les objets du quotidien qui l’entourent venir rejoindre les instruments sortis de la malle à musique de la percussionniste qui l’accompagne. Imaginez ce concert chez vous ou presque, tout en décontraction et simplicité. Avec cette forme intimiste, Claire Diterzi met son répertoire à nu, sans amplification, sans artifice — dans son plus simple appareil, pour ainsi dire. La chanteuse nous montre que la véritable force d’une composition chantée et de sa mélodie se révèle dans la fragilité et la délicatesse du moment. Une musique dépouillée de tout ce qui fait le rock — le grand, le fort, le viril, le spectaculaire — pour mieux en percevoir la substance."
Il est rare de côtoyer de si près une "grande artiste" habituée des grandes scène et entourée de ses musiciens.Dans la "Fabrick", petite scène de la Manufacture, la voici toute proche et dans la bonhomie et l'intimité de la proximité. A sa table conviviale, des objets hétéroclites de tout genre: jouets, petit oiseau sauteur, kalimba, bouilloire: un petit magasin de fortune pour une grande richesse sonore que va dévoiler sa complice-compagne, compère de cette boutique fantasque...A sa guitare sèche, elle fredonne, chante dans sa voix non amplifiée par quelque artifice, ses chansons choisies du répertoire.Et la formule fait mouche, touche et émerveille petits et grands, qui regardent les sons se fabriquer en direct.Beaucoup d'humour et de malice dans cette manipulation d'objets sonores, ceux du quotidien que l'on utilise sans connaitre leurs secrets de résonance, leur timbre, leur clarté, leur chaleureuses sonorités effacées par la banalité. Jeu musical, adresses au public et empathie pour cette chaleureuse fin d'après-midi qui rassemblait les "grands enfants" à l'écoute de fantaisie, frivolité, tendresse et émotions, simples, joyeuses et de belle qualité Chansons d'objets, objets musicaux valorisés sous la patte de la guitariste-poète, sensible et sobre mais allumeuses des réverbères de notre imaginaire. Un duo pétillant où la diversité multicolore et polyphonique des propositions de détournement de fonction des objets agit comme un miroir d'enchantement...o
mise en scène, chant et musique Claire Diterzi
percussions Lou Renaud-Bailly