samedi 24 février 2024

"Weepers circus": enfants phares en harmonie...

 

Création 2023

Rock, électro, symphonie… le Weepers Circus a croisé au fil de son histoire une foule d’influences et d’artistes. Aujourd’hui, le combo Strasbourgeois revisite ses titres phares avec un grand ensemble : la Musique Municipale de Reichshoffen.

Le groupe et l’orchestre fusionnent, créant un rock orphéonique et onirique. Les notes subtiles de la clarinette et du violoncelle, la puissance de la basse et de la batterie, les exubérances des claviers et du chant, iront à la rencontre de puissants cuivres.

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  Un concert qui fera date en exclusivité au Préo: la réunion inédite d'une formation de musiciens amateurs de haut niveau et un groupe soudé des professionnels de haute voltige, de haut voltage: ça donne de l'électricité dans "le vent, dans l'air" comme les paroles du troisième morceau de la soirée!lUne "dame aux camélias" comme référence de bravoure, des pièces nouvelles, du répertoire: ce que nous offre ce soir-là le mythique groupe Weepers circus . Avec tonus, punch et complicité avec un nombreux public de fans. Les morceaux s'enchainent, au coeur du dispositif scénique les quatre garçons dans le vent se donnent à fond, légende de cette musique entre fanfare, klezmer, moyen orient et autre métissage.Les costumes de scène comme des parures circassiennes de dompteurs de public. Ou de Messieurs Loyal faisant une cérémonie d'ouverture.Tout ceci a bon gout, est plein de saveurs, de décibels tonitruants, de verve et de chaleur partagée. De plus des pipeaux s'inventent en renfort et c'est pas du pipeau!


"Les accords"en mode mineur ou majeur pour satisfaire à un corps à corps en accord avec l'Harmonie de Reichshoffen. Entente cordiale et pacte d'amitié sincère pour cette réunion au sommet des grands de ce petit monde musical chatoyant, bigarré, éclectique. Un très bon moment où même le public est participatif et borde de ses reprises, les musiciens. Weepers circus comme un saule versant quelques larmes nostalgiques sur "l'âge" et le vieillissement: mais pas une ride pour cette formation toujours en devenir. Surtout qu'ils ne se fassent pas "des cheveux", la tonsure se porte bien et est de bon aloi! "No woman no cry" disait Bo Marley....


Avec L’Harmonie de REICHSHOFFEN dirigée par Marc Alber
Le Weeper Circus (Franck George, Denis Léonhardt, Christian Houillé, Alexandre Goulec Bertrand), Mathieu Pelletier
Son : Nicolas Desvernois
Lumières : Manon Meyer
Arrangements orchestraux : François Rousselot

Au Préo le 24 Février 


pour l'historique:

Après le Symphonique circus (rencontre avec l’Orchestre des Jeunes de Strasbourg), le Grand bazar symphonique (fruit d’une création avec l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg), L’Oiseau de paradis (avec l’Harmonie de Saverne), nous nous apprêtons à renouer avec un grand ensemble. A l’invitation de son chef, Marc Alber, la Musique municipale de Reichshoffen (67) nous accueillera pour un concert exceptionnel à la Castine. Elle fêtera à cette occasion ses 125 ans lors d’une soirée teintée de rock orphéonique et onirique. En effet, les notes subtiles de la clarinette et du violoncelle, la puissance de la basse et de la batterie, les exubérances des claviers et du chant, iront directement à la rencontre d’un mur de cuivres à la puissance frontale. De cette union, le public assistera à de nouvelles versions de titres phares de notre répertoire, ainsi qu’à des chansons inédites, écrites pour l’occasion et arrangées par François Rousselot. Illustré par une nouvelle création lumière, poussé par un public en demande de découvertes, la soirée prendra donc l’aspect d’un spectacle total avec des titres souvent très puissants, saupoudrés de moments définitivement sereins.

vendredi 23 février 2024

"Génération Next 1" en immersion: pouponnière ou bassin d'incubation prolixe en création musicale contemporaine prodigue..

 


Strasbourg, HEAR

Premier des deux concerts du collectif lovemusic qui interprète les créations des étudiant·es en composition. Au-delà d’une résidence de composition, Generation Next est une expérience immersive offerte par le collectif lovemusic à huit étudiant·es compositeur·ices tout au long de l’année 2024.

Ateliers, séances de travail individuels et en groupe et répétitions aboutissent à la création des nouvelles œuvres, mais aussi d’un concert et d’un projet programmé et conçu en direct avec les étudiant·es compositeur·ices.

Pour cette première, sont jouées des œuvres de:
 Aurès Moussong avec "Le long rêve de Siyâvas" débute ce concert "inaugural" d'expériences collectives. Flûte, violoncelle, voix et tambour iranien, le "tombak"au service d'une oeuvre très aboutie.Une atmosphère sereine, tranquille, calme s'en détache, flûte et voix en étroite complicité. Parfois fusant de concert. Le tambour en soliste ponctue la composition, la relance après des silences prometteurs. De belles attaques surprennent en fractures ou tenues, en modulations d'amplitude, de volume sonore, de tension..La voix s’immisce, se glisse en langue farsi dans une prosodie à suspens: telle une conteuse discrète et charmeuse. Une sorte de scie musicale borde et prolonge la douceur, la tempérance de l'opus.Une poésie musicale construite par cette inspiration de culture persane très fouillée et rétablie ici pour donner un univers contrasté, fluide et percutant.

Mélusine Wachs succède avec "Pajarillo Leticiano" pour percussion, flûte et violoncelle. Des vibrations singulières issues de petits paquets de graines font pulser l'atmosphère en autant de parcelles sonores, au coeur du trio d'instruments. Des séquences brèves, courtes, pertinentes évoquent comme un chant d'oiseau, en écho et réverbérations sonores.Oiseau du "milieu du jour" inconnu au bestiaire mais si évocateur de futilité, fugacité et autres tenues versatiles d'un chant merveilleux, enchanteur. Une oeuvre courte et séduisante.

Simon Louche & Aquila Lescene avec "Réminiscence symbiotiques d'un changement de paradigme" pour voix, flûte, violoncelle et percussion font une forte impression.Fracas en ouverture, étrange univers dans lequel on plonge de force.Souffle cinglant de la flûte, basse des cordes du violoncelle, traversée aérienne de la voix dans des vibrations communes. Le suspens plane plein de fractures, de vivacité: la voix agonise, racle, râle, s'éteint, s'étonne, rebondit. Bien agencée, rythmée, elle triture le son, surprend, apeure.Le ton est celui d'une fiesta virulente: on y affirme en puissance et en volume, les sons d'une fanfare populaire qui avance, progresse, défile, en marche.Inspiration revendiquée par les deux auteurs complices, composant à quatre mains. Une parade foldingue, débridée en majesté dans une écriture très contemporaine. Les majorettes s'affolent et font du neuf ! Dernier souffle tenu comme coup de semonce inattendu. Du bel ouvrage inspiré par un esprit d'échange, d'attention, de plaisir issu de la fréquentation  des musiques actuelles, revisitant répertoire et tradition.

Au tour de Davide Wang de confier sa création aux musiciens "exécutant" de main de maitre ces créations inédites de "jeunesse" très mature. C'est "Esercizi Di Umamizzazione" pour flûte et violoncelle, percussions qu'il leur confie. Un xylophone clair et limpide, des vibrations stridentes ascensionnelles, des éclats de flûte en ponctuation inaugurent le morceau. Ça fuse ou ça caresse dans le tympan, brèves ou longues tenues en contrastes pour les sons ainsi égrenés.Des revirements, de la  rapidité, précipitation sonore à l'appui ou langueurs alternent à foison. On compte sur chaque note qui prend son espace dans une sous-couche sonore faite de frottements, de grattages du violoncelle. Presque du métal sonore glaçant, puis ludique, joyeux. Ambiance exacerbée, tonique, virulente. Des bruissements menaçants submergent l'écoute. Auréolés de chuchotements pour créer un discret mystère en bribes de mots épars, parsemés de frappe de pics. Univers de confidence au creux de l'oreille pour humaniser notre tendance à écouter des machines vers un bain d'inconscient salvateur.

Irène Rossetti termine en beauté cette soirée de work in progress agrémentée des mots, paroles des compositeurs tous ici présents. "L' Aria et l'oli" c'est la rencontre d'un "petit bidon d'huile" avec la composition musicale. Un bijou d'humour, une "musique à voir et entendre" à la façon d'un Robert Wilson, artiste protéiforme ou du poète Christophe Takos. Les trois instruments au service d'une narration très imagée, aux sons évocateurs de la présence de ce petit personnage charmant. La voix se faisant narratrice, conteuse de bonne aventure, diseuse d'une farce absurde, surréaliste donnant corps et vie à un objet perdu, abandonné. Si attachant! Des mudras indiens habitent la chanteuse, passeuse de récit. Très bien entouré, ce petit lutin prend forme et acte de vie. Du suspens, des silences pour un texte en coupures, haché dans l'espace sonore. De l'air, du vide, de dehors et dedans, des rebonds, des frappes pour créer des images sonores pertinentes. Bruitages qui parlent à l'imaginaire sollicité ainsi par la fantaisie du sujet proposé, abordé avec poésie et doigté, noblesse et subtilité. Élégance au final dans des reprises de tonalités, des répétitions scandées comme un refrain, leitmotiv ou slogan de manifestation. Une pièce servie, comme les quatre autres par le collectif lovemusic dont on retiendra les talents vocaux de la brillante et virtuose Léa Trommenschlager, la subtilité du jeu de la violoncelliste Lola Malique, le souffle inédit de Emiliano Gavito, l'aisance du percussionniste Rémi Schwartz.

Le tout orchestré, introduit et animé par Adam Starkie, monsieur Loyal de la soirée. Les bonnes fées veillent sur le berceau.


jeudi 22 février 2024

"Only" ......you my body ! Les percu, sans percu c'est de la bombe corporelle, de l'agitation, des secouses telluriques, du remous tectonique

 


JEUDI 22 FÉVRIER 2024, 20H, THÉÂTRE DE HAUTEPIERRE, STRASBOURG

L’ensemble présente ONLY, nouveau programme constitué de quatre nouvelles oeuvres sans instrument de percussions, imaginées par les compositrices Agata Zubel, Yijoo Hwang et la chorégraphe Noémie Ettlin. Nous poursuivons l’exploration et l’expérimentation autour du corps, élément indispensable aux percussionnistes dont le geste mène à l’impact. Comment repenser le mouvement des corps dans la musique percussive ?

Spray (2024), Agata Zubel – création*
Désordre (2024), Yijoo Hwang – création

Banquise (2024), Noémie Ettlin – création


Dans Désordres, Yijoo Hwang s’inspire de textes philosophiques pour évoquer la solitude et la difficulté à ne pas être perturbé par les injonctions continuelles qui nous entourent, qui génèrent du stress et peuvent même nous mener au burn-out. Expression de ce qui traverse l’humain, les interprètes de la pièce brisent des murs invisibles, impliquant directement le public dans sa réflexion, dans une quête d’apaisement. Pièce pour gestes et cris, Désordre
agite le public.  

Ils sont trois sur le plateau dans le "plus simple appareil", leur corps. Frottements, glissements sur le tissus de leur vêtement, brèves percussions corporelles en alternance. Au coeur du trio, le rythme est soutenu, tendu comme une danse flamenco, un écho, des ricochets entre les trois interprètes. Précipités et accélérations, volées de petits bruits crissants au final dans le noir. C'est troublant et si des cris, des toux successives parviennent du public, complice de ces "percussions naturelles organiques", c'est pour mieux rendre la salle participative, intrusive dans le processus de création live.


Spr
ay d’Agata Zubel est une œuvre sonore pour bombes de spray, où les sons produits par les bombes interagissent directement avec l’espace visuel du.de la spectateur.rice sur de grandes toiles disposées sur le plateau. Spray
est un acte performatif mélangeant travail rythmique et recherche plastique. 

En bleu de travail, de dos, voici les tagueurs de la soirée, peintres "sauvages" à la sauvette des cités urbaines. Des "bombes" en quelque sorte que ces travailleurs de l'obscurité. Ca spritze à l'envi comme un sprite pétillant de sons incongrus.Toiles blanches pour mieux tracer en formes ovoïdes de couleur verte, puis traces de bleu pour ces graffeurs de sons.Les pinceaux sont des balais de percussionnistes pour un ballet de gestes synchrones, chorus ou alternance rythmée de mouvements. Les sons dérapent, glissent, frottent la toile et des compositions singulières très colorées jaillissent comme des partitions écrites sur le vif, in situ. Les bombes deviennent maracas.Un balayage des toiles sonore fort impressionnent. Des nymphéas pastel sur six chevalets alignés. La scénographie est originale. Encore une touche de rose, un étalage de couleurs et de matière à l'aide de planches et le tour est joué. Du jaune en bavures et coulures à l'aide de papier. Des techniques picturales pour écrire des sons et bruitages inédits. L'expérience est probante et chacun observe, évalue son oeuvre, son résultat, laissant une exposition de six toiles inédites. A quant la vente aux enchères chez Artcurial?


Enfin, tel un commando de pingouins œuvrant à une ferveur commune, régi par une rythmicité intrinsèque et intransigeante, les six interprètes de Banquise exécuteront les missions organisées par la chorégraphe Noémie Ettlin. Cette oeuvre, sans musique, met en mouvement les percussionnistes de manière coordonnée et absurde, au travers un exigent travail sur la rigidité, la rapidité et la précision.


La marche des empereurs sur la banquise

Après un fracas de tempête extérieure et l'apparition de volumes simulant la banquise, six musiciens-danseurs en tenue grise et noire, pieds nus: le corps pour seul instrument. De dos, animés de petites secousses et balancements, puis dans l'espace en mouvements lents, retenus. Entrée en matière de danse pour ce groupe, soudé, à l'écoute. Sculpture mouvante et bruits. Souffles à l'appui. Les visages s'animent dans des directions variables, comme des pantins animés d'une démarche singulière et rythmée, voici les pingouins. Les mains croisées joliment sur le ventre. Sons de sumos, de combat entre le Dieu tonnerre "Takemikazuchi" et le dieu du vent "Takeminakata",d'animaux divers en ricochet ou canon. Telles des mécaniques, joueurs et animés de tempi, nos six danseurs habitent les percussions avec aisance et musicalité. Un porté pour contrer la pesanteur, des roulades et une chaine de corps au sol pour défier les alignements conventionnels. Jeux de pieds, d'aller et retour à quatre pattes. Tout est bon pour percuter, sonoriser l'espace en toute simplicité. Un chant jingle pour chorale et nos pingouins disparaissent, petites créatures en émoi.


Le concert "Only" prouve une fois de plus que le groupe des Percussions de Strasbourg, cherche, trouve et inaugure des formes musicales sans pareil.Un concert sans percussions et c'est la révolution de 1917 comme "Feu d'Artifice" le ballet de lumières sans danseur de Giacomo Balla et Stravinsky...

 

mercredi 21 février 2024

"Ca va bien se passer j'espère" : les trois coups du brigadier. Avis de Passage à l'acte de Robert Bouvier.

 


This is Robert Bouvier, ze directeur euh directOr of ze théâtre de... Newcastle !

« Robert : Je ne vais jamais faire illusion. Ils voient très bien que je suis le directeur du théâtre et non pas le prince Siegfried. Madame Huguenin a vraiment l’air déçue, elle se réjouissait tellement de voir le Lac des Cygnes. Pas sûr qu’elle reprenne un abonnement la saison prochaine. Essayons quelques pas chassés. Ça a l’air de mieux marcher… »

Robert, le directeur du théâtre, décide de monter sur scène en attendant l’arrivée de la compagnie retenue à la douane pour un problème de visa. Rien ne doit gâcher la première de ce spectacle tant attendu par son cher public. Fidèle public d’un théâtre qu’il dirige depuis plus de vingt ans, bravant courageusement les pannes de billetteries, les lubies d’artistes, l’inconstance des sponsors, les exigences des élus. Alors pas question de ne pas lever le rideau ce soir ! N’est-il pas acteur avant tout ?

Il rêvait d’accueillir la grande troupe de ballet du Kirov et le voici contraint d'être le Prince Siegfried dans le Lac des Cygnes, car ô malheur, la troupe est en retard et le directeur du théâtre se voit dans l'obligation de nous faire patienter: le temps d'une représentation fabriquée de toutes pièces devant nous. L'occasion de faire taire Tchaïkovski, d'assécher le Lac pour plonger dans son histoire personnelle d'apprenti comédien. Il n'y a pas d'eau dans la piscine et voilà Robert Bouvier dans un passage à l'acte pas simple. Auto fiction, autobiographie autosuffisance ou narcissisme? Dans un passage à tabac, le voici qui vitupère et démolit gentiment son univers, son monde d'investigation: de comédien, figurant et acteur de cinéma, il décrit, commente, ironise sur la gente artistique que pourtant il dévore des yeux. Son monde, celui de Gérard Philippe qu'il adule, son rêve jouer Lorenzaccio.. Il passe par tous les genres, les rôles, endosse une centaine de personnages célèbres qui ont accompagné sa carrière. Avec enthousiasme, sincérité et verve linguistique. 


Quelques jolis jeux de mots, des situations , répliques et réparties cocasses à propos des uns et des autres que l'on ne citera pas ici. Mis en scène par sa cousine, danseuse et chorégraphe de la "Nouvelle Danse en France" dans les années 1980, Joelle Bouvier, il arpente, sillonne le plateau, déambule, et s'adresse à nous naturel, quelque peu cabotin. Flagornerie et drôlerie pour ce "Directeur du Théâtre du Passage" à Neuchatel. Direction qu'il quittera en 2025 après de bons et loyaux services: servir et flatter les édiles, les spectateurs, la critique et tout le bataclan. Une vie de "chien" bien fertile et cocasse que la sienne. Un peu d'un autre temps cependant...Avis de passage à l'acte pour ce passeur de farces théâtrales et autres chausse- trappes acidulées. Ça s'est bien passé comme convenu et l'on passe au parler "plat" en Suisse avec son accent si délicat. En coulisse ça jase et le passage à niveau se referme sur ce pamphlet bien mené de main de maitre.

"Cette aventure avec Robert fut merveilleuse. Un moment de joie, de rires, de gravité aussi, mais toujours dans la douceur de notre tendresse. " Joelle Bouvier "Là encore le travail est très joyeux". 

À la ville, Robert Bouvier est directeur de théâtre, metteur en scène et acteur pour de vrai. À la scène, il manipule comme personne le récit éclaté, le regard croisé, la mise en abyme, l’humour décalé et l’autodérision dans une création inédite et croustillante qui passe sur le grill sa carrière artistique et les aléas d’un directeur toujours prêt à mouiller sa chemise pour que le spectacle continue… Alors ça va jouer !


Distribution

de Robert Bouvier, Joëlle Bouvier, Simon Romang Mise en scène Joëlle Bouvier, Simon Romang
Compagnie du Passage
, Neuchâtel (Suisse) Avec Robert Bouvier

Lumières Pascal Di Mito Musique et univers sonore Matthias Yannis Babey Musique originale Lucas Warin Costumes Faustine Brenier Décor et accessoires Yvan Schlatter Régie générale Pascal Di Mito Production et diffusion Sandrine Galtier-Gauthey Administration Danielle Junod

La Compagnie du Passage est subventionnée par le Service de la culture du Canton de Neuchâtel, la Direction de la culture de la ville de Neuchâtel, le Syndicat intercommunal du Théâtre régional de Neuchâtel.

Au TAPS SCALA jusqu'au 22 Février

"Almataha": manipulations de rêve. Kleist en émoi

 


Brahim Bouchelaghem
Cie Zahrbat France 3 danseurs + 1 marionnette création 2021

Almataha


Brahim Bouchelaghem, chorégraphe de la compagnie Zahrbat et grande figure de la danse hip-hop et Denis Bonnetier, directeur artistique de la compagnie de marionnettes Zapoï, se sont associés pour créer un monde imaginaire inspiré des mythes grecs du Minotaure ou d’Icare. Véritable voyage initiatique, trois danseurs accompagnent la marionnette Shorty – moins d’un mètre de haut – dans sa quête d’identité et guident le petit héros dans le labyrinthe de ses pensées pour éprouver et faire naître au fur et à mesure les plus beaux des sentiments, l’amour et la fraternité.
Avec délicatesse et prouesse technique, les danseurs donnent vie à une marionnette plus vraie que nature dans ses gestes et totalement crédible dans ces passages dansés. La danse hip-hop incarnée dans un personnage par nature inanimé révèle à la fois la magie et l’empathie des interprètes. Un spectacle familial totalement touchant.


"Étant donné que, dans la marionnette, l'âme et le mouvement des membres sont un, la marionnette est  le « symbole de la nature humaine idéale ». Extrait de  "Sur le théâtre de marionnettes" de Kleist. Alors quoi de plus naturel que de voir d'animer sous les doigts de soi disant "manipulateurs" un petit corps cartonné de dimension réduite. Un personnage à part entière qui se réveille, fait ses exercices quotidiens dans son intimité, à vue. Perché sur des blocs amovibles, constructions changeantes au gré des séquences qui se succèdent. On est touché par cette énergie qui pulse, petit corps perméable imprégné de grâce, poreux à chaque pulsation des mains qui le font se mouvoir. Mains et bras de danseurs de hip-hop donc de corps aguerris au rythme, à la faculté de créer du mouvement sans limite ni obstacle au passage de flux énergétiques. Histoire de Minautore gardant la grotte mystérieuse de la Mythologie de référence. L"atmosphère, sombre, opaque désigne les silhouettes, fait apparaitre dans la lumière la marionnette qui se dessine, bouge, se meut gracieusement dans une rare qualité de fluidité. Des nuages comme décor, la mer comme surface de navigation dans une séquence onirique où Shorty navigue sur sa barque oubien s'élève sur un croissant de lune. Les trois danseurs mimétisent avec cette créature qui leur enseigne l'art du bougé hip-hop en miroir. Ils sont eux malgré tout ficelé à des amarres, cordons qui les empêchent, les entravent dans leur mouvement, mais au profit d'un autre style de mouvance. Trois hip hopeurs bien "couronnés", aptes à adopter ou se faire adopter par un corps-objet inanimé: lui rendant âme et énergie.
Marionnette et danse pour explorer les traces de la mythologie avec humour, délicatesse, tendresse et talent étonnant. L'histoire est simple, toute en objet décrite, incarnée, explorée pour rendre tangible un univers fondateur. Voyage initiatique fort bien conduit et organiser pour faire décoller dans l'imaginaire, autant cette marionnette manipulée par trois danseurs hip-hop, où bercée par un french cancan de vaches suisses, délicieuse touche d'humour sanglant dans cette atmosphère tendre et romanesque à souhait.
 
 A Pole Sud le 21 Février

"Fajar" ou l'odysée de l'homme qui rêvait d'être poète: l'aube-épine, passe-muraille, alambic, filtre, tamis du réel.

 


Fajar signifie « Aube » en wolof, la langue nationale du Sénégal où est né l’acteur, metteur en scène et auteur Adama Diop. La pièce raconte le parcours initiatique du jeune sénégalais Malal, en quête d’identité, qui se sent l’âme d’un poète. Dans la ville chaude et bruyante de Dakar, comment trouver sa voie entre les traditions et la culture urbaine ? Après la mort de sa mère, Malal est assailli de rêves étranges qui le poursuivent dans la réalité, lui révélant un monde insoupçonné. Peut-on franchir les frontières entre les continents, entre les vivants et les morts, entre l’inconscient des rêves et la vie ? Le spectacle est une odyssée moderne faisant dialoguer images filmées, théâtre, art du conte et musique en live
− alto, violon, ngoni et chant. 


Quand le cinémascope prend une autre dimension, c'est au théâtre! Sur un écran 16 neuvième pour fond de scène ou rideau frontal, ce sont des images qui sont projetées au rythme du défilement du cinéma. C'est le mouvement, le montage, le tempo du 7 ème Art qui sont à l'honneur en introduction de cet objet hybride, ce morceau de bravoure artistique, ce "Fajar" au crépuscule naissant de la pièce. Ni prologue, ni court métrage, le film introduit judicieusement le récit autobiographie de Malal, ce personnage que l'on découvre de très près, en gros plan serré ou dans les paysages urbains de Dakar, au Sénégal. Histoire singulière autant qu'universelle pour l'auteur-réalisateur, metteur en scène et comédien, Adama Diop. Tout semble être ici en osmose jusqu'à la musique live qui sonorise le film, dissimulée au départ derrière l'écran. Immersion totale pour le spectateur dans le monde des média multiples ici réunis pour le meilleur d'un spectacle total. L'empathie avec ce trublion de la scène, Adama Diop, entre virtuel et incarnation fonctionne d'emblée. Alors le voyage à travers le temps, le rêve, la réalité opère et l'on saute d'un univers, d'un espace à l'autre avec aisance et compréhension. La musique est loin des clichés exotiques, baroque, classique, interprétée sur des instruments à cordes et à vent, dont une flûte extraordinaire au son râpeux et rugueux. Instants musicaux magnétiques pour propulser celui qui regarde, écoute et vibre au rythme des séquences. 


Des rêves s'enchainent entre scène et écran comme dans une faille, un précipice qui baille et laisse entrevoir des secrets d'existence. Tout est filtré, passé au tamis de la voix de Malal en direct ou différé, en voix off ou face à nous.Un texte mis en scène par son auteur propre pardonne toute omission ou adaptation tronquée. On plonge dans son biotope, sa destinée dans un conte, une narration singulière. Epique et rocambolesque, haletante autant que tendre et raisonnée. Le rituel théâtral permettant ces va-et-vient entre hier et aujourd'hui où semble se perdre Malal. Égaré, cherchant son fil d'Ariane dans une mythologie contemporaine. Les autres compagnons de route seront des femmes, Jupiter sa femme, Marianne sa dulcinée rêvée. Le questionnant, le rabrouant comme un enfant qui découvre les codes de bonne conduite.Marie-Sophie Ferdane, Fatou Jupiter Touré et Frédéric Leidgens pour complices sur la toile, sur le plateau: on fait le pont ou la passerelle pour franchir les frontières du temps et de l'espace, de la couleur ou du noir et blanc.Et le pays, le Sénégal comme unité de lieu et d'action! Exister à tout prix pour tous, pour les migrants suggérés par ces passages de barque, de traine en profil d’icônes passagères sur le plateau.La poésie comme arme de combat, comme surface de réparation de blessures, de déracinement.Somme de musique, d'images, d'acteurs en chair et en os ou portés à l'écran, le spectacle s'écoule trois heures durant comme un long fleuve intranquille: de l'aube au crépuscule du soir...

Adama Diop est acteur et metteur en scène ; Fajar est son premier texte. Auparavant, il a créé Le Masque boiteux de Koffi Kwahulé en 2006 et Homme pour homme, adapté de Bertolt Brecht, en 2007. Le public du TNS a pu le voir dans les spectacles de Julien Gosselin 2666 en 2017 et Joueurs, Mao II, Les Noms en 2020 ainsi que dans Bajazet, en considérant Le Théâtre et la peste mis en scène par Frank Castorf, en 2022. 

Au TNS jusqu'au 24 Février

lundi 19 février 2024

Fanny de Chaillé: "le choeur: un atout pour ses "'universités".....A cappella et sans filet.

 


Petite histoire, grande histoire

L’Université de Strasbourg accueille Fanny de Chaillé en résidence d'artiste de décembre 2023 à mars 2024. Ce projet interroge les enjeux de l’archive, du document, de la copie dans le spectacle vivant, outils de travail essentiels des œuvres de la chorégraphe, performeuse et metteuse en scène, notamment dans trois pièces récentes : Désordre du Discours (2019), Le Chœur (2020) et Une autre histoire du théâtre (2022).Il s’agit d’appréhender comment le travail artistique permet de porter un regard nouveau – délinéarisé et dé-numérisé – sur l’archive ou le document, et comment ce matériau permet de construire de nouveaux récits, tracer des horizons critiques entre passé et présent.Cette résidence se déploie autour d’un axe théorique qui prend la forme d’un cycle de conférences, en présence de l'artiste, sur les liens entre histoire individuelle et histoire collective, un axe pratique organisé en workshops et cellules de recherche par Fanny de Chaillé, et, enfin, un axe artistique avec la représentation de ses œuvres.

  • Le Chœur
    Mise en scène Fanny de Chaillé
    Inspiré du poème Et la rue extrait de l’ouvrage divers chaos de Pierre Alferi (P.O.L.)
    Avec la promotion 2020 des "Talents Adami Théâtre"
    Distribution : Marius Barthaux, Marie-Fleur Behlow, Rémy Bret, Adrien Ciambarella, Maudie Cosset-Chéneau, Malo Martin, Polina Panassenko, Tom Verschueren, Margot Viala et Valentine Vittoz
    Création 2020 Talents Adami Théâtre, à l’Atelier de Paris / CDCN, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
    représentation | lundi 19 février 2024 | Aula du Palais universitaire | 20h30
      

Sur scène, dix comédiens et comédiennes forment un chœur. Une unité. Un corps. Pas de protagoniste identifié ni d’incarnation individuelle, chacun existe dans l’expérience collective. La metteure en scène Fanny de Chaillé fait du chœur autant le sujet que la forme de ce spectacle, proposé dans le cadre de Talents Adami Théâtre. Grâce à ce dispositif déjà expérimenté par des artistes tels que Gwenaël Morin, Joris Lacoste ou tg STAN, elle transmet sa pratique à de jeunes interprètes et interroge avec eux les liens entre le plateau et la parole. Fanny de Chaillé travaille à partir de l’œuvre du poète Pierre Alferi en explorant le poème Et la rue, extrait de son ouvrage divers chaos. Cette écriture, véritable partition musicale, mêle la force du geste politique à la cadence métrique d’un flux poétique. Une forme polymorphe naît sur le plateau et donne à l’acteur une véritable responsabilité : celle du collectif.
Le Chœur

Et ce choeur de battre sans cesse, de croiser des récits qui s'emboitent, s'entuilent à la volée, sans cesse. A coeur joie dans une verve, une tonicité, un punch inégalé. Histoire des deux tours où chacun aurait perdu des membres de sa famille, épopée du colon de vacances qui croise John Lennon et devient la risée de ses interlocuteurs, histoire d'une cour d'immeuble incarnée par une des locataires...Le verbe et le corps en accord, en complicité, en alternance ou dissocié. Il faut les voir, les entendre ces dix comédiens hors pair qui se jettent à corps perdu dans le vide, se donnent et possèdent leur sujet avec engagement et ferveur. Très physique, le spectacle est performance et mise en espace fort judicieusement, distribuant emplacements, positionnements et changements à l'envi. Des mutations et métamorphoses de formes et structures corporelles comme architectures mouvantes à l'appui. Tout bascule, oscille dans le doute, tout se transforme au gré des attitudes, poses et postures pour mieux définir un espace, du mobilier, les interstices, des failles. La mise en mouvement est perpétuelle, riche en surprises, décalages, échos, ricochets. Chacun y tient le devant à tour de rôle, y prend la vedette comme ce médiateur arrogant et envahissant qui tente de prendre le dessus. Mais le choeur veille et joue son rôle, sa mission de régulateur qui commente, répond interroge. De plain pied, cette performance tient en haleine, portée par une meute, une horde disciplinée. Parfois sauvage et délivrée de ses fonctions de tampon, de médiateur. C'est jubilatoire et très professionnel, chorégraphié au cordeau, faisant place nette aux corps "buvards" jamais bavards. Le "portable" présent dans les sons des corps, les poses de selfie et autres repères sociétaux incontournables dans nos comportements d'aujourd'hui. Une interprète d'origine russe y fait un numéro traduit en direct pour nous immerger dans la différence qui bien vite se révèle leurre. Son français y devient impeccable et bluffant. Ces jeunes interprètes font chorus solidaire et intègre, où l'identité est préservée, l'altérité revendiquée dans de beaux textes scandés, rythmés, valorisés par ceux qui les portent, les transportent dans l'espace. La qualité gestuelle travaillée de main de maitre par Fanny de Chaillé, "experte" du dialogue et de l'échange pour bâtir des contrées extra-ordinaires. Simples pourtant en apparence, mais complexe dans la construction. Un plaisir qui ricoche et prend toute son ampleur dans l'aula du Palais Universitaire, lieu atypique, résonant et répercutant le son vivement. Réverbération et résonance de concert. Un choeur plein d'atouts, à cappella sans ornement ni excès, battements et pulsations pour credo. Au final un précipité récapitulatif condensé fait merveille ! On retricote les maillons de la chaine avec délice.

«Être en résidence à l’Université de Strasbourg c’est prolonger dans ce lieu mon travail artistique car je crois aux vertus de la transmission et du partage et que je défends un art du théâtre qui s’appuie sur le regard actif du spectateur, sur sa sensibilité et son intelligence, sans le surplomber. Un art du théâtre sans a priori d’héritages et de sources, avec des artistes qui réagencent des univers, pour raconter autrement, pour renouer avec la puissance de l’ici et maintenant de la scène.

Un art du théâtre qui ne se pose plus la question des disciplines, qui nourrit un dialogue ouvert avec la recherche, les sciences humaines et politiques. Persuadée que la pensée se fabrique dans le lien aux autres, l’université me semble être le lieu idéal pour créer des dispositifs de rencontre et de recherche qui fabriquent des ponts entre différentes disciplines.

S’emparer de textes philosophiques ardus, réactiver une leçon inaugurale ou rejouer une scène mythique de Pina Bausch… Revenir de l’absence de traces, ou au contraire copier des documents très scrupuleusement, je souhaite interroger l’Archive dans la perspective d’un présent de l’expérimentation, et proposer des ateliers de pratique, des conférences, et des journées d’étude afin de faire émerger une série de problématiques offertes autant à la recherche qu’à l’enseignement.»

Fanny de Chaillé

 

Ben Duke, Ballet Rambert: un cabaret inédit : de "Cerberus" à "Goat": un bestiaire fabuleux. Adopte un animal.....

 

DE NINA SIMONE À ORPHÉE ET EURYDICE, HOMMAGE AU JAZZ ET AUX MYTHES. MUSICIENS ET CHANTEURS REJOIGNENT LES SEIZE SUBLIMES DANSEURS DE LA CÉLÈBRE COMPAGNIE LONDONIENNE.

Formé en littérature et théâtre avant de créer la compagnie Lost Dog (Chien perdu), Ben Duke cultive un théâtre dansé au style inimitable, revisitant les classiques dans un esprit très british, où poésie et humour se complètent comme le yin et le yang. On retrouve avec bonheur l’excellent Goat, inspiré de Nina Simone et de sa relation si vivante au public, pour ensuite découvrir Cerberus, nouvelle collaboration entre Ben Duke et le Ballet Rambert, tragi-comédie inspirée des amants séparés par le Styx et de la bête gardienne du fleuve des ténèbres. Une descente aux enfers où on frémit, pleure et rit à volonté.

 Les animaux en majesté pour ce spectacle aux titres très "animaliers", figures et spectres ancestraux, sujets de mythologie, de légende pour une compagnie au titre éponyme. Ben Duke adopte et apprivoise la célèbre compagnie pour en faire une meute, une horde domestique peu traditionnelle, rompant avec des signatures classiques ou de caractère habituelles. Un cheptel rutilant: un chien bâtard, gardien et veilleur des enfers, une chèvre, bouc émissaire. Chasser les mauvaises ondes, s'écarter des tragiques destinées, en faire une fête, un appel d'air salutaire, se débarrasser des poncifs et se nourrir de la tradition du chant et de la voix. "Cerberus" démarre par une séquence troublante où une femme se débat avec un filon, un cordon ombilical empêchant ses mouvements, entravant une locomotion privée de liberté. Belle image troublante et iconique de la servitude.En laisse, capturée, prisonnière, la danseuse s"émancipe cependant en libérant ses liens à l'aide de ses pairs. Le groupe part à sa rescousse dans une danse libérée, tonique, virevoltante. Quelques clins d'oeil à Wim Vandekeybus ou Alvin Aley en filigrane. Les costumes en osmose, noir dominant. 

Quant à "Goat" on plonge dans un univers de music-hall, de cabaret, un Monsieur Loyal aux commandes, micro en main. Il sera le trublion de la soirée, inquisiteur, l'intrusif empêcheur de tourner en rond de cette petite communauté festive. Réunie autour d"une chanteuse sublime et d'un petit orchestre de poche étonnant. Estrade et rideaux de salle des fêtes de quartier pour décor désuet, désopilant. Le ton est donné et le show réussi. Tout s'agite au profit d'une danse fluide aérienne à peine teintée d'embuches. Un magistral solo masculin à l'appui détricote de l'endroit à l'envers les figures et envolées classiques. La voix légendaire de Nina Simone envoute, séduit et porte aux nues l'écriture sobre et tranquille de Ben Duke. Pour le Ballet Rambert, il fallait bien un processus entre tragédie et comédie humaine, légende et histoire vraie. En bonne "compagnie" assurément.

Au Théâtre de la Ville jusqu'au 20 Février

"Locomocion Templar el templete": Israel Galvan: matières à danser!


Une création mondiale par Israel Galván ! Sous empreinte d’architecture de la Renaissance, de Kafka et de Lorca, le génie du flamenco explore ses racines sévillanes, entre résonances et suspensions.

Le grand réformateur de la danse flamenca se réinvente, sous nos yeux ! Avec sa sensibilité aigüe, Israel Galván approfondit la sensation du templar, terme désignant un état de suspension qui précède le mouvement du danseur, le geste musical et la quiétude du toreador. Entouré de deux musiciens et d’une comédienne, le bailaor rentre dans les espaces entre les notes et entre les mots, en dialogue avec les airs traditionnels d’Andalousie. Après s’être imprégné de l’architecture du Tempietto de Bramante à Rome, il offre au Théâtre de la Ville la première mondiale d’une toute nouvelle mouture de son art ! Un bonheur à partager qui vaut bien qu’on remette à septembre son spectacle Seises, initialement prévu en février.

Il fait feu de tout bois, ce démiurge qui revisite a chaque fois les fondamentaux de la danse flamenca pour les porter aux nues. Les transformer, les métamorphoser comme une sorte de mue, de transe-formation toujours im-pertinente. Il apparait sur scène, altier, noble, puissant et s'empare d'un matelas pneumatique: en pantoufles. En opposition totale aux sons et bruits percutants des résonances terrestres du flamenco. Paradoxe qu'il soulève avec audace et quiétude, frappant sur ce sol mou et souple comme à l'habitude. Le résultant est probant: le rythme demeure, la grâce et l'habileté absorbent la matière, boivent les pas et trépas de cette danse, précise, régulière. Le rythme enfle, se déploie et ce sol docile se prête à ses moindres caprices. Son développé des bras toujours aérien, son profil jamais bas. Virtuose en diable blasphémateur. Avec lui, un percussionniste, un saxophoniste pour faire écho à ses frappés de velours, de soie, de respirations. Un rien le transforme; un petit châle rouge autour du cou, un béret de corrida, de toréador irrévérencieux et la chrysalide se fait papillon frémissant. Ses supports varient d'une estrade à l'autre; rond de bois, grille sur laquelle il rappe, frotte, griffe la matière pour obtenir des sons inédits bordant sa danse.  Le matelas devient harpe, un plumeau rose se fait Zizi Jeanmaire.En tunique noire et legging le voici prenant toutes sortes de matériaux comme prétexte à vibrations, pulsations. Une chaise se fait instrument de musique à chatouiller avec délice et humour. Des bottines noires et blanches pour gainer ses chevilles mobiles et futiles vecteurs de sa mouvance. Le regard lointain ou à terre. Une jeune fille frêle et fragile, Ilona Astoul l'accompagne dans ce périple périlleux, conteuse et comédienne aux collants roses: gracile compagne de scène, présente, forte et discrète à la fois face à cet animal humain, hybride entre faune et bête de scène valeureux.Un orchestre fertile en sonorités quasi klezmer, avec corne de brume et autres instruments à vent font corps et graphie sonore. Antonio Moreno et Juan Jimenez Alba aux commandes.Israel Galvan, électrique et magnétique espèce de créature charmante autant que démoniaqie pour cet opus intriguant surprenant. A chaque étape de ses recherches, le danseur incarne, vit et habite son patruimoine, ses racines et son vocabulaire réorganise, invente une syntaxe physiuque et corporelle hypnotisante. En décalage, en rebonds et autres surprises décoiffantes.Un quatuor hors norme, une création aux dimensions hypnotiques et suréelles de toute beauté.

Au Théâtre de la Ville-Abbesses jusqu'au 23 Février

mercredi 14 février 2024

"Simple" comme du Parolin.Ca frappe et ça pulse.La grande récré....


 

À partir d’un vocabulaire chorégraphique volontairement restreint, économe, Ayelen Parolin lance trois interprètes dans un étonnant jeu de rythme et de construction, à la fois répétitif et toujours mouvant, sans cesse redistribué, restructuré, ré-envisagé.Un jeu dont l’inachevé et le recommencement seraient les règles de base. Un jeu-labyrinthe.Un jeu musical… sans musique.Car dans SIMPLE, la chorégraphe s’est privée d’un de ses principaux partenaires de jeu. Et comme la musique n’est pas au rendez-vous, c’est aux corps qu’elle embarque sur scène de l’inventer, de l’imaginer, de la jouer. À la recherche d’une pulsation vitale. À trois, en complicité, en connivence. Avec la puissance et la sincérité profondément humaine de l’idiot, du naïf, de l’enfant – là où tout est (encore) possible, de l’insensé à l’onirique.

Comme un règlement de compte à Merce Cunningham, le trio affiche une danse très technique, pleine d'humour, de mimiques drolatiques, pleine de distanciation. Les couleurs du fond de scène, des justaucorps pourraient être de Rauschenberg, peu importe d'ailleurs, l'humour joue et gagne, les apparitions-disparitions se succèdent haut la main, le rythme est tenu alors que peu de matière est en jeu. C'est la magie des interprètes, excellents danseurs-comédiens dirigés par Ayelen Parolin qui fait le reste. L'un est effarouché, tremblant d'anxiété, l'autre sérieux et pince sans rire, le troisième est orgueilleux et cabotin. Trois caractères bien trempés. Des cavalcades chevaleresques comme leitmotiv, comme "dada" à chevaucher en canon, en décalé, à répétition.C'est un travail d'orfèvre qui se déroule à l'envi sans tambour ni trompette mais dans un ravissement-divertissement plein de musicalité, de percussions corporelles des pieds, entêtantes et redondantes, obsédantes. Un brin de trio classique comme s'il manquait une pièce au célèbre quatuor du Lac asséché, une citation musicale pour se familiariser avec ces Pieds Nickelés de la danse. Ils font des gaffes, se trompent ou simulent l'attente, l'erreur dans des poses ou changements de caps radicaux. De quoi bénéficier de tonalités, vibrations et mesures rythmiques, cadence et métronomie infernale. On y casse des planches fluo sur le dos de l'autre comme jeu de cette grande récré burlesque.Au final la batterie se fait jour de fête en orchestre de choc. Et le divertissement se termine sous les applaudissement du public, charmé par tant de drôlerie feinte, de "pince sans rire" que l'on aimerait serrer plus souvent.

A Pole Sud les 13 et 14 Février

 

"Trois jour trois nuits" et de l'encre de schiste...

 


TRAVAUX PUBLICS Louise Vanneste – 3 jours, 3 nuits

POLE-SUD est aussi un lieu de fabrique et de création grâce au dispositif des Accueils studio. Ces résidences artistiques se renouvellent chaque saison et permettent à une douzaine d’équipes de la scène locale et internationale de se consacrer à la recherche et à la création. Ces étapes de travail sont ponctuées par des rendez-vous, les Travaux Publics, favorisant la rencontre entre les artistes en création et les publics. Sous formes variées et conviviales. Ils sont aussi l’occasion de « Soirée 2 en 1 », offrant à tous, la possibilité de découvrir deux démarches artistiques différentes : à 19:00 au studio un processus de travail en cours et à 20:30 un spectacle d’une autre compagnie sur le plateau.

Chorégraphe belge, Louise Vanneste vient pour la première fois à POLE-SUD. 3 jours, 3 nuits explore la relation d’un être à son environnement humain et non-humain par le prisme de la géologie, de la transformation de la Nature. Cette relation étroite entre l’individu et les phénomènes atmosphériques, prendra ici la forme d’une performance en solo profondément ancrée dans le « Ici et maintenant », en lien avec une communauté fictive.

C'est de la tectonique des plaques, des roches métamorphiques que s'inspire par tous les pores de la peau, la danseuse face à nous, de noir vêtue comme la roche volcanique dont elle s'inspire.Roche qui hante ce solo très perméable, très pore comme de la lave, qui crisse comme le schiste qui sous la pression, le temps et la chaleur se transforme, mute comme son corps qui se dissout dans le mouvement. Sa chevelure longue, noire masque les traits de son visage et le corps exprime tout dans le moindre détail, la moindre faille de l'ardoise, de ces lauzes qui évoquent tout un paysage minéral. Sans interruption les mouvements s'enchainent comme une hypnose, une transe magnétique et elle ne cesse de se mouvoir, les bras volubiles, les mains doigtées à l'extrême dans des frissons magiques. Sa danse a quelque chose de caché, de dissimulé, de secret. Elle contient des matières en éruption, en coulée en cristallisation lente comme ces roches évoquées dans un très beau texte qui borde la musique et la pièce quasi tout du long. Une pulsation cardiaque mène la danse, sempiternelle, envoutante. Ce solo, "tout nu tout cru" est d'une grande force: il sera bordé d'une scénographie lumière outre-noir scintillant comme les toile de Soulage et leurs matériaux si palpables. Cette chorégraphie si "géologique" est le fruit d'observation, d'immersion très personnelle dans la nature pour cette femme qui évoque aussi la maternité dans ce berceau chaotique en fusion. La vie agitée des eaux dormantes, le paysage comme un corps .en transformation constante. Et le son d'évoquer la phonolite, cette roche qui émet du son dans le vent entre ses strates empilées. Feuilletage et bruissement du corps dans l'éther et sur terre dans une grâce naturelle qui augure d'un oiseau volatile éphémère de toute beauté. A suivre en compagnie de cette chorégraphe riche de passion comme les chercheurs scientifiques qui se donnent à fond et trouvent à force de creuser leur sujet: une archéologue du minéral , une danse futile et féconde, versatile et très construite au gré des avancées savantes de l'esprit qui la conduit.

Résidence : LU 12 > VE 16 FÉV

Travaux publics du 14 Février à Pole Sud

"La beauté du geste" : Rodin inspire Xavier de Lauzanne pour la félicité de Terpsichore

 



LA BEAUTE DU GESTE - Danse et Eternité de Xavier de Lauzanne - (FR) - 2023 - VOST - 1h26
 

 
En 1906, Auguste Rodin découvre les danseuses cambodgiennes lors d'une représentation du Ballet royal à Paris. Bouleversé par cette expérience et par leur gestuelle, il produit en quelques jours une œuvre magistrale de 150 aquarelles. Depuis cette date, jusqu'à la création d'un nouveau spectacle pour une tournée en France et en Suisse un siècle plus tard, le Ballet royal cambodgien survit aux épreuves de l'Histoire et nous transporte, entre Orient et Occident, dans un univers de splendeur et de mystère.



À partir des années 1890, des expériences nouvelles transforment l’art de la danse, loin du divertissement codifié et mondain qu’elle pouvait être jusque-là. Sensible aux innovations menées, Rodin s’intéresse à des personnalités exceptionnelles, parmi lesquelles Loïe Fuller et Hanako. L’un des points d’orgue de ces rencontres s’établit avec les danseuses cambodgiennes en représentation à Paris pour l’Exposition universelle. À leur départ, Rodin dira qu’ « elles emportèrent la beauté du monde avec elles ». La complicité partagée avec les artisans de cette révolution amène Rodin à lier danse et sculpture dans leur commune exploration des possibilités du corps humain. Rodin s’intéresse à la danse sous toutes ses formes, qu’il s’agisse des danses folkloriques régionales ou orientales, des prestations de danseuses de cabaret, des principales personnalités de la danse contemporaine ou encore, intérêt qu’il partage avec Isadora Duncan, des pratiques de la danse dans l’Antiquité.  

Un événement ce soir à Strasbourg après une présentation au Musée Guimet la veille à Paris: noblesse oblige pour ce documentaire de création riche en images d'archives exceptionnelles, fruit de recherche, de rencontres et d'analyse de La Danse cambodgienne: rien de "danse sacrée" ni danse "rituelle", celle-ci se niche au creux de l'histoire géopolitique du pays. Au sein du royaume, le "Ballet Royal khmer" voici la danse protégée évoluant au gré des changements sociétaux, économiques. Mais l'esthétique de fondement perdure et demeure: les doigts extensibles, courbés comme nuls autres en des positions, attitudes quasi extraordinaires, les corps entre ciel et terre, paradis et ancrage. Les corps se plient, s'inclinent comme dans ces images d'archives où les codes et postures se réitèrent, s'enchainent pour un mouvement fluide et prolongé. Histoires de gestes qui illustrent fleurs, parfums dans des mimétismes proches du langage "signé". Pas de coupure, de hachures mais un glissement progressif de l'énergie de la tête aux pieds. Les costumes genrés masculin et féminin sont des chefs d'oeuvre de fabrication: du sur mesuree pour les couturières qui s'affairent 4 heures durant pour costumer les danseuses...El les maquiller de blanc pour concentrer les regards, effacer les singularités. Le film raconte, montre et fait apparaitre à l'écran les personnalités du monde le la danse: interprètes, chorégraphes, répétitrices et autres chevilles ouvrières. Des légendes encore vivantes ou disparues qui crèvent l'écran par leur récit, leur témoignage. Car la danse est aussi ambassadrice et fille du prince, menacée par la guerre, les khmers rouges, les facéties de l'histoire. Dans un camp de réfugiées, une danseuse étoile de ballet vaque à sa survie! Un travail de titan, des recherches, des éclaircissements pour nous faire découvrir une gestuelle pétrie de beauté, de grâce. La musique originale du film s’inspirant de l'époque musicale début de siècle, quelques Satie, Ravel ou Debussy comme références.Les danseuses se calquent sur les esquisses incroyables de Rodin, fasciné par les nouvelles formes de corps des interprètes. Ombres portées, transparences et autres dessins fabuleux restituant les ondes et mouvances des bras, des doigts. A l'issue de la projection surgissent sur une estrade deux danseuses cambodgiennes qui accompagnent la tournée d'un mois en avant-premières dans toute la France. C'est hallucinant et charmant de voir si proches des égéries d'une danse ancestrale portée aux nues par le film, là devant nous. Un présent rare d'une valeur inestimable. Musique et chant traditionnel à l'appui.  Terpsichore en costume d'apparat n'a rien à envier à notre Terpsichore en baskets de notre temps!



Mardi 13 février à 20h au Star Saint-Exupéry (rue du 22 Novembre)
 
En présence du réalisateur Xavier de Lauzanne qui ,partagea sa passion, son enthousiasme et son ravissement et de deux danseuses venues spécialement du Cambodge
 
Sortie nationale le 13 MARS 
 
Saviez-vous que feue la princesse Norodom Buppha Devi avait été décorée de la médaille de 'Commandeur dans l'ordre des Arts et des Lettres', par la France ?
Si la fille ainée du roi Norodom Sihanouk et demi-sœur de l’actuel roi du Cambodge, Norodom Sihamoni, a dansé dans les plus grandes salles, se faisant ainsi l'ambassadrice de son art partout dans le monde, elle a noué avec la France des liens particuliers. Avant même de se produire devant le général de Gaulle à l'Opéra Garnier, à Paris, en 1964, elle avait déjà tenu le rôle d'une danseuse apsara dans le film "L'Oiseau de Paradis" du cinéaste Marcel Camus (célèbre réalisateur français qui avait obtenu la palme d'or à Cannes, ainsi que l'Oscar du meilleur film étranger, pour son précédent film Orfeu Negro).
A l'époque, la proposition artistique originale de Marcel Camus - faire porter aux danseuses du Ballet royal une tenue imitant l'apparence des apsaras des bas-reliefs angkoriens - était une nouveauté et la reine Kossamak (mère du prince Sihanouk) s'en inspira pour créer sa fameuse "Danse des apsaras". Peu de temps après, le prince Sihanouk donna le titre "Apsara" à son premier film de fiction, dans lequel il fit jouer sa fille, la Princesse Buppha Devi.
C'est ainsi que le personnage de "l'apsara" s'est imposé et a intégré le répertoire du Ballet royal, devenant, au fil des ans, le symbole de la danse classique khmère.

dimanche 11 février 2024

"Polifemo": au sommet du baroque: on la tourne ! Le péplum, ça fait pas un pli.

 


Polifemo
Nicola Porpora Création française. Nouvelle production.Coproduction avec l’Opéra de Lille.


Opera seria en trois actes.
Livret de Paolo Antonio Rolli.

Dans la mythologie grecque, les nymphes ont la fâcheuse tendance à s’enticher de héros qui, bien que vaillants et auréolés de gloire, n’en restent pas moins mortels. À peine a-t-il jailli et voilà que leur amour naissant est déjà la source d’un torrent de larmes plus amères que la Méditerranée. Il en est ainsi de Galatée, éprise du berger Acis, et de Calypso, amoureuse d’Ulysse, l’ingénieux vainqueur de la Guerre de Troie. Mais l’amour, surtout lorsqu’il est divin, n’est jamais un long fleuve tranquille. Le cyclope Polyphème, fils monstrueux du dieu des mers, déborde de désir pour Galatée et retient les marins d’Ulysse captifs sur son île. Seule la ruse leur permettra de triompher de ce géant à l’œil unique.


Silence, "on tourne" et la prise est bonne sur le plateau de l'Opéra du Rhin, transformé en studio Waener Bros ou Cinécitta. Projecteur géant, tour mobile et autres mécanismes propres à un tournage. Le film dans l'opéra pour un voyage épaulé par des grips, ce métier de machiniste ou d'éclairagiste sur le tournage de films. Prêts à intervenir et soutenir l'action des principaux personnages. En l'occurrence une Galatée formidable, Madison Nonoa, interprète à la voix pleine et ronde. 


Un Acis remarquable, Franco Fagioli à la  voix ornementée, très baroque napolitain, perle rare de l'interprétation virtuose d'un héritier des fameux castrats de l'époque. Les scènes s'enchainent dans ce monde versatile, entre cinéma et mythologie, entre fantastique et domaine des dieux. Péplum oblige pour ces références aventurières, romanesques, voir romantiques. Pli selon pli pour les costumes et l'affiche au générique de cette fiction très américaine, version où chacun se passe la balle, relais d'informations sur un plateau de tournage en ébullition. Caméras de surveillance pour filmer et observer ce petit microcosme qui s'affaire. L'intrigue est simple et le cours des choses avance porté par une partition modulée et une direction de main de maitre par Emmanuelle Haim  du "Concert d'Astrée. L'atmosphère de ce bijou baroque est prenante et nous renvoie aux destins extraordinaires de ces êtres mi-hommes mi-dieux où l'amour fait la loi et les voix s'élèvent pour le proclamer: virtuosité en ligne de mire dans un jeu d'acteur pourtant sobre et convaincant. 


Les décors comme berceau des péripéties au coeur d'un paysage volcanique, de rochers, de tunnel évoquant la rudesse, l'énormité de cette légende double. Musique très phonolitique comme les roches volcaniques au son d'instruments réverbérant le vent, l'enflure de la monstruosité du Cyclope en Personne: sculpture à la tête, à la main gigantesque évoquant le "King Kong" mythique de la légende cinématographique. De très belles et impressionnantes voix en duo ou à capella pour Acis sur son échelle qui invoque l 'amour, toujours. Cabanes de pêcheurs pour les personnages dits secondaires, abris pastoral pour troupeau de moutons fétiches, pastiches de la figure du berger. 


La mise en scène de Bruno Ravella, "anachronique" fait mouche: paillotes exotiques,barque en figure de proue, moutons en grappe et autres fantaisies dont des rideaux de fond de scène très réussis. Ça tourne rond pour cette oeuvre rare et distinguée où l'orchestration est riche et variée: flûtes traversières à l'honneur, cors, bassons, quatuor à cordes: motifs pastoraux, élégiaques, funèbres ou grotesques à l'appui. Les tessitures des voix de l'alto au soprano comme des couleurs ,variantes de celles des castrats aux capacités pulmonaires défiant le possible, pour chanter des lignes à l'infini, des registres vocaux très homogènes du grave à l'aigu. En somme un scénario de péplum contemporain à la "Cléopatre": des plis et replis baroques comme ceux de Deleuze dans "Le pli"...."La vie dans les plis", celle d'un Michaux féru de curiosités monstrueuses et hallucinées. Plus "Personne" sur le plateau.


Au XVIIIe siècle, Nicola Porpora (1686-1768) est l’un des grands maîtres de la musique vocale. Professeur de chant hors pair, il forme les meilleurs castrats pour les rôles pyrotechniques des
opera seria qu’il compose et popularise dans toute l’Europe. Invité à Londres au début des années 1730, il concurrence Haendel sur ses propres terres avec Polifemo qui réunit les deux castrats stars de l’époque : Senesino et Farinelli, à qui il confie l’air bouleversant « Alto Giove ». Trois siècles plus tard, Emmanuelle Haïm, le Concert d’Astrée et une distribution virtuose redonnent vie à ce rare trésor présenté pour la première fois en France, dans une mise en scène de Bruno Ravella aux références cinématographiques.

En italien
Surtitré en français, allemand

Acis et Galatée au Luxembourg
A l'Opéra du Rhin jusqu'au 11 Février