"À situation inattendue, nouvelles propositions. Pour
faire face à l’imprévu, avec ses contraintes, mais surtout pour renouer
avec la danse et la relation au public en toute convivialité, POLE-SUD a
proposé à quatorze artistes, proches compagnons d’aventure, d’imaginer
la rentrée de cette saison 2020-2021.
Tous nous ont fait la joie de
relever le défi. Intervenir rapidement pour construire ensemble,
imaginer d’autres formes de travail et rendez-vous artistiques autour de
créations à venir ou de solos déjà créés. Les propositions de ces
artistes seront à découvrir en septembre et octobre.
Ces parcours,
visites et rendez-vous artistiques qui jalonnent le temps et les espaces
de POLE-SUD ont été spécialement conçus pour tous les publics. Une
autre façon de vous inviter à découvrir et partager, au fil d’une trame
plus intimiste, les multiples aspects de la création."
A pole sud vendredi 16 OCTOBRE 19H 1H 30....
C'est le jour...de la nuit !
C'est parti pour l'épisode Nuit succédant à celui du "jour", feuilleton palpitant dont le suspens et la formule excitent la curiosité: roman "noir" pour nuit "blanche, c'est ce qu'on va voir, regroupés en trois rassemblements pour un programme commun dans l'ordre imparti par succession et durée des pièces, dans un timing et tempo digne d'un marathon...tranquille et sans concurrence !
"Programme commun", poétique et politique comme il s'entend ici dans l'engagement de Pole Sud auprès des artistes, émergents ou pointures affirmés.
C'est le cas de Olga Mesa qui inaugure le bal avec "Une table à soi"dans le grand studio qui lui sera dévolu toute la soirée, tant le dispositif scénique est foisonnant comme à l'accoutumée: table, chaise, ventilateurs soulevant des rideaux de plastique fin, câbles et autres "ficelles" et surtout la présence chaleureuse et "intime" de l'artiste à corps ouvert, offerte devant nous à toute expérience Entre charnel et virtuel, corps vivant, présent et images enregistrées ou filmées en direct par sa petite caméra "paluche" Objet "transitionnel" de l'artiste qui avoue ne pas "savoir" quitter cette distanciation toute brechtienne, née bien avant le confinement, oscillant entre présentiel et "télé travail" artistique! Embarqués par sa verve verbale, ses histoire personnelles qu'elle nous confie d'emblée, en communication directe avec sa mère, alitée en Espagne dans son village natal. Mesures de "distances" physiques et géographiques qu'elles transcendent toutes deux par le médium du spectacle, de la mémoire, de la filiation. A la manière de Olga, danseuse aux prises avec son espace sonore, vidéographique Telle Mélies devant sa lune, silhouette découpée de théâtre d'ombres, entre virtualité, miroir ou objets "mécaniques" bien visibles, la voici en proie à l'expérience partagée, dangereuse, audacieuse, sur le fil. Jean de la Lune de Tomi Ungerer, micro en main, chat-animal malicieux, elle écoute, répond à la bande enregistrée: "il n'y a pas d'orchestre" pas de " ..." Mais bien un récit q-i se tisse, en corps, en danse: danse des mains sur du Bach, transmises et dansées par sa mère, à distance, lecture de Kazan ou d'Isadora Duncan, lettres de noblesse de la liberté; comme un long plan séquence, Olga évolue, à l'aise, guidant notre attention sur des petits riens essentiels. Elle danse dans ses deux cercles de lumière, petite boite noire, boite de nuit, avec la "javanaise" en filigrane: danses tracées et immortalisées par la caméra: ici tout "réfléchit" dans le miroir ou le convexe d'un objet métallique réfléchissant. "Mesa": la "table" autour de laquelle on s'assoit pour converser, dialoguer: pas de "tabula rasa" mais un palimpseste de propositions à retenir pour trouver "sa chambre à soi", comme Virginia Woolf ! Une histoire de femme qui pense , de danseuse qui danse sans cesse en quête d'incarnation.
On change d'espaces et ce sont les trois groupes qui se retrouvent dans la grande salle de spectacle: beaucoup de monde en tout !
Au tour de Marino Vanna d'interpréter un solo, "No -mad(e)", dans la semi- obscurité d'abord, découpant sa silhouette comme une sculpture corporelle révélée par la lumière diffuse: gestuelle lente et fluide, voluptueuse, pleine d'une grâce métissée entre différentes écritures: indienne, art martial et quasi pastel ou aquarelle des danses indonésiennes, cambodgiennes, croquis de Rodin, esquisses dans l'espace de traces graciles et évanescentes: c'est de toute beauté: quelques séquences tétaniques, des mouvements vers l'arrière pour rembobiner le temps. Torse nu, la sueur magnifiant les contours de son buste mouvant, labeur où la performance, la dépense subjuguent: des tournoiements sans fin, derviches païens, s'enchainent, à l'envi.Sur une bande son d'abord caverneuse et aux râles et toussotements irrespirables, il évolue, libre, plutôt enroulé sur place puis échappant aux contraintes de l'espace "empêché". Un danseur soliste qui sur le plateau inspire respect et admiration, à "distance" comme la catharsis sait opérer pour les moments de félicité que la danse sait offrir!Comme la grue du Qi Qong qui avance, touche l'air, caresse l'espace et le font vivre , doigts tendus, agiles, le corps lisse, laqué de sueur.
Après ces émotions, place à la proximité dans la dansothèque en compagnie de Akiko Hasagawa, danseuse d'origine japonaise qui nous offre un solo-duo en compagnie d'un violoniste: c'est "Les va-et-vient", un défilé magnétique d'une femme vêtue d'une chemise jaune ample, pieds nus pour des évolutions directionnelles, entravées par l'espace longiligne de la configuration spatiale: comme un couloir, une estrade vue des deux côtés. Balade ludique et légère, interrogation et complicité avec la musicienne, avec une compilation d'extraits musicaux venus d'un choix de son entourage... C'est inspiré et ça opère encore mieux dans la seconde pièce "Haré Dance" où comme un défilé solitaire, elle s'inspire des traditions japonaises pour offrir des personnages multiples, vêtue d'un body noir et surtout d'une coiffe "rituelle", rouge, sorte de manège, de cirque de tête, de chapeau de magicien qui se transforme presque en coiffe Forêt Noire", rouge et noire, pompons floraux et pétales, piques dans la coiffe et autres objets singuliers propres à sa culture.Généreuse prestation!Un beau visage à l'écoute, des mains papillon, une natte qui fait colonne vertébrale mobile, des poses à la Degas pour un parcours qui s'étire dans l'espace étroit, dans une galerie de peintres impressionnistes aux "danseuses jaunes" !Une danse happée vers le haut, où les sauts sont de mise pour avancer dans la quête d'une complicité avec les cordes pincées du violon, ou sa carcasse frappée de percussions tactiles.Un petit autel rituel, ambulant posé sur la tête, un masque intégral, casque ou chapeau de rizière....
On passe à la pause "restauration": on est dans les temps: on se fait plaisir en échangeant.
Reprise pour notre groupe avec Vidal Blini et Caroline Allaire pour leur duo "Narr-exploration"n° 1
Prologue et préambule littéraire à partir des textes écrits sur la fièvre , épidémie de danse de 1518 à Strasbourg: phénomène déjà abordé avec l'exposition qui fut consacrée à l'événement au musée de l'oeuvre et à la performance signée Tompkins/ Poirier" en 2018.Ici on danse à deux, longues jupes plissées grises, dans des mouvements circulaires hypnotiques, des danses inspirées de la tradition, du folklore, danses collectives structurées, ordonnées, apprises et transmises de génération en génération: à l'encontre des mouvements débridés des premiers "acteurs" de ces danses de folie enregistrées au XVI ème siècle. Puis tout semble basculer lentement dans des déséquilibres, des reprises non conformes, des fantaisies spatiales et toniques qui versent lentement vers un ailleurs.Collages, assemblages, tissage savant de matières premières dansantes, face aux descriptions des textes lus en prologue.La "nef des fous" de Sébastien Brant est édifiante à ce sujet !Sur fond de chant médiéval, la danse se tricote, régulière, altière, digne, au port de tête noble, codé, savant. Attitude, postures et allures brandies comme de petites victoires sur la "maitrise"! Puis ce qui se transforme peu à peu, opère un tournant, léger, infime dérèglement d'une mécanique d'horloge, de l'aurore des temps. Ca se bestialise, sensualité et érotisme au poing.Emportés par des trajectoires divergentes, ça tourne sans cesse, "timbrés" affranchis par cette quête de l'absolu: ça cloche: on y fait "feu" de toute danse, de saint guy ou autre forfait hallucinogène né d'une potion magique: on ergote en manifestations bizarres...Affaire à suivre !
Au tour, dans le petit studio, de Androa Mindre Kolo pour un trio "Voilà le temps: aujourd'hui, le passé, l'avenir": une pièce plus sobre qui conte l'histoire d'un homme exilé, porté par le destin à être nomade, transplanté, déraciné. Sous son abri de fortune, en branches d'arbres de survie, accompagné d'un guitariste et d'un partenaire aux consoles, il danse, fragile, à l'esthétique corporelle digne d'un Jean Paul Goude ou d'une Joséphine Baker: atypique et troublant, touchant et émouvant dans sa quête pour communiquer et partager l'inconscient et le vrai de sa vie sur le ring, gants de boxe aux poiungs.
Micro au corps ausculté, respiration entravée au souffle court, jeu de serpent à pneus: un retour au pays en images clôt cette évocation toute personnelle et modeste, humble d'une vie désœuvrée.
Encore quelques images-micro trottoir glanées par Etienne Rochefort à la Dansothèque : "carte blanche aux images" comme une feuille de papier blanc qui se remplit de témoignages croustillants sur "qu'est-ce que la danse pour vous".
Et la soirée opère, diversifiée, riche des écritures et expériences, livrées en "work in progress" entre confidentialité et partage collectif.
Joel Brown, Yvonette Hoareau et Sébastien Vela Lopez au final....
"Ce que le covid a fait à la danse" "ce que la danse à fait au covid": on aurait envie de dire: des rencontres, des rapprochements, des "créations" loin du concept de se "réinventer" et de faire de "l'occupationnel ou de présentiel" !
Avec:
Étienne Rochefort – Artiste associé
Chorégraphe
issu des danses urbaines, Étienne Rochefort est aussi passionné par
l’image et le cinéma. Ses pièces sont au croisement de ces langages,
mêlant fiction et abstraction aux musiques actuelles.
Vidal Bini
Chorégraphe,
Vidal Bini développe son travail entre création et pratiques de
l’improvisation. À travers gestes, mémoire et transmission, sa démarche
s’intéresse aux enjeux collectifs du corps et à ses utopies.
Akiko Hasegawa
Interprète et pédagogue au riche
parcours, Akiko Hasegawa a initié ses propres recherches de création au
sein de l’association KOKO. Elle y développe un travail axé sur les
relations entre musique et danse.
Olga Mesa & Francisco Ruiz de Infante
Le
tandem formé par la chorégraphe et artiste visuelle Olga Mesa et le
plasticien Francisco Ruiz de Infante privilégie l’expérimentation.
Ensemble, ils créent des dispositifs où se croisent corps, mots et
images.
Androa Mindre Kolo
Plasticien et performer, Androa
Mindre Kolo développe son travail entre création, matériaux poétiques et
enjeux sociaux. Chez lui, le corps est vecteur de questions qui
traversent le monde comme sa propre histoire.
Marino Vanna
Hip-hop,
danse classique, contemporaine ou traditionnelles (Cambodge, Afrique),
Marino Vanna a développé un riche parcours d’interprète. Dans ses
créations, tous ces styles traversés fondent son rapport au corps et au
mouvement.