Il sera seul sur scène, sur un plateau nu, dépouillé, mémoire à vif sans accessoire ni objet encombrant.
Seul et avec tous les siens: ses maitres à danser, son passé, sa formation de danseur qui n'est soi disant pas destiné à en devenir un, tant son physique semblerait ne pas s'y prêter selon les canons du métier!
Danseur contemporain, danseur formaté Cunningham, danseur de toutes les danses qui le traverseront durant une carrière dictée, tantôt par l'envie, tantôt par les rencontres amoureuses......
Cédric Andrieux, n'est pas si "banal" que cela, il va et vient dans la sphère chorégraphique avec intelligence et détermination, hésitation et doute, ennui ou passion.
Il montre et démontre à l'aide de sa mémoire corporelle intacte que la danse s'est inscrite dans ses muscles, son corps, sa pensée
Un string pour masquer ses "parties" chez Merce,le pudique et pudibon choréhraphe américain, très puritain,et c'est parti pour sourire aussi de ses aventures en académique, cette "seconde peau sans trou" que Rauschenberg a su si bien magnifié sur les corps canonique cunninghamiens........
Tout semble lui coller à la peau et ce justaucorps orange fait figure de symbole, de témoin d'une époque où l'on s'affranchi de tout sans rien oublier!
Une heure durant, la vie et l'oeuvre de Cédric se dévoile sous ladirection artistique de Jérôme Bel, ce trublion de la danse!
C'est beau, touchant et ça fait mouche!
Longue vie à celui qui ose se présenter comme un interprète vivant qui choisit, subit, patiente ou se lasse, avoue parfois s'ennuyer à la barre ou jubiler dans l'immobilité permise d'un corps trop souvent soumis à la performance, la perte d'énergie ou la démonstration d'une virtuosité qui ne lui appartient pas!
Merci pour cette justesse, cette vérité qui émane d'un corps pensant, dansant qui ose se raconter avec ses mots, son langage, son silence, sa danse!
Dans la série de ses portraits de danseurs (l'interprète du Ballet de
l'Opéra de Paris Véronique Doisneau, le danseur traditionnel thaïlandais
Pichet Klunchun…), le chorégraphe et metteur en scène Jérôme Bel s'est
attaqué à Cédric Andrieux, longtemps membre de la compagnie américaine
de Merce Cunningham avant d'intégrer le Ballet de Lyon. Après de longues
conversations avec Andrieux, Bel en a extrait un texte, interprété et
dansé par Andrieux lui-même, évidemment. Le titre est simple et net,
comme souvent chez Bel :
Cédric Andrieux. Une plongée dans
l'intimité d'un danseur et de son quotidien artistique qui montre,
explique, dissèque et se confie dans un même élan. Une reprise à voir ou
revoir.
Cédric Andrieux est un solo pour le danseur éponyme Cédric
Andrieux. Dans cette pièce il pose un regard rétrospectif sur sa
carrière, tout d’abord son apprentissage de danseur contemporain à
Brest, puis au Conservatoire national supérieur de musique et de danse
de la ville de Paris, ensuite en tant qu’interprète de Merce Cunningham à
New-York et récemment au sein du Ballet de l’Opéra de Lyon.
Cédric
Andrieux s’inscrit dans une série initiée en 2004 avec le solo pour la
danseuse du corps de ballet de l’Opéra de Paris Véronique Doisneau. En
2005, c’est
Isabel Torres, ballerine du Teatro Municipal de Rio de Janeiro, et
Pichet Klunchun and myself, duo conçu avec le chorégraphe et danseur de Khôn (danse classique royale de Thaïlande) Pichet Klunchun à Bangkok.
Toutes
ces productions mettent l’accent sur l’expérience et le savoir de
certains artistes ayant tous connu une carrière significative
d’interprètes. Ces artistes sont aussi des danseurs dont les pratiques
s’inscrivent dans différentes traditions : ballet classique, danse
classique Thaï, et Modern Dance américaine. Chacun de ces interprètes
est à ce titre impliqué dans une pratique distincte de celle des
historiens d’art, des critiques et des chorégraphes.
Par
ailleurs, dans chacune des pièces qui construisent cette série, c’est à
la première personne que s’énonce leur expérience de courants
constitutifs de l’histoire chorégraphique occidentale ou asiatique.
Chacune a donc pour titre les patronymes de ceux qui les interprètent.
Constituée de soli, à l’exception du duo
Pichet Klunchun and myself, c’est donc à la croisée d’une histoire et de l’histoire de la danse que se déploient les différents opus de cette série.
Chaque
artiste y produit un discours qui relate le plus simplement possible
les conditions de travail propres aux différents contextes où il
intervient. Discours singulier, discours minoritaire aussi, puisqu’il
s’agit de reconnaître aux interprètes leur statut de créateur afin de
les situer dans le cours de l’histoire. Ce parti-pris permet en effet de
faire jouer un principe d’égalité face aux catégories de discours
validées par la culture, qu’il s’agisse de celui des historiens, des
critiques ou des chorégraphes. L’enjeu de ces pièces repose ainsi sur
des témoignages qui permettent d’attester une subjectivité au travail
distincte et complémentaire des discours habituellement produits
vis-à-vis des pratiques artistiques constitutives de l’histoire
chorégraphique.
Ce qui est décisif pour moi dans ce travail,
c’est d’essayer d’analyser dans quelle mesure tel ou tel de ces projets
artistiques, de ces esthétiques, produit une aliénation ou une
émancipation de l’interprète en tant que sujet historique, social, et en
tant que travailleur. Ce coefficient d’aliénation ou d’émancipation,
chaque interprète en est le vecteur. En retour, je tiens que c’est ce
dont chaque spectateur est amené à faire l’expérience, l’interprète
étant, comme son nom l’indique, le traducteur, le passeur dont le
travail intervient entre celui de chorégraphe et du public.