Aux Hivernales - CDCN d'Avignon
10 ─ 20 juillet (relâche le 15)
10 h : "Clashes Licking" de Catol Teixeira (à partir du 11)
Habité par les fantômes de sa mémoire, du Brésil ou d’une histoire de la danse, autant que par la figure du Faune de Nijinski, Catol Teixeira propose une danse chargée comme une caisse de résonance de souvenirs aussi doux que traumatiques. Avec toute son étrangeté, Catol Teixeira cherche un chemin vers le terrain mystérieux qu’est la mémoire portée par le corps, objet et sujet, tout en se confrontant aux corps des autres, prêt à accueillir leur regard et à le dépasser. Catol envoie valser les normes de beauté, d’identité et de contrôle pour laisser place à la Danse.
Voltige comme dans la chanson de Bashung "Madame rêve" pour une apparition discrète et sobre de Catol qui vibre instantanément à chaque geste et fait sourdre utopie, érotisme et charge émotionnelle d'emblée. Cette courte performance est onirique, appartient au monde de l'air et de l'éther. Nous plongeant dans des abimes de sensualité, l'oeil complice, le regard tendre tel celui de de Edi Dubien sur la jeunesse androgyne des êtres humains.Une proposition qui ravit, rapte,captive et emporte, capturant les sens dessous-dessus avec grâce et volupté.
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11 h 40 : Infinité d'Yvann Alexandre
Yvann Alexandre fête trente années de création par-delà les scènes nationales et internationales. Le duo Infinité nous invite à un voyage en abstraction. Un duo certes, mais 4 interprètes (6 combinaisons possibles et chaque jour différentes) qui jouent avec une multitude d’espaces, les envahissent, débordent du cadre et donnent à vivre une infinité de mondes nouveaux. Des mondes poétiques qui s’ouvrent à chaque pas, et qui dessinent des lignes et des paysages d’êtres et de corps. L’écriture forte et incisive d’Yvann Alexandre révèle une danse élégante et très précise qui s’organise comme une calligraphie de l’intime.
Duo aux multiples entrées et sorties de lectures, charnelles, jouissives et tendres La danse fluide transparait, se fait infinie démonstration de gestes longilignes, imperceptibles sensations de peau, de glissement, de sobriété. Quatre danseurs se fondent et se confondent en miroir, en écho pour une traversée sans faille dans un monde poétique. Une infinité de propositions se succèdent dans un rythme où le souffle et la respiration invitent à la concentration, la méditation.Intime, extime lieu et endroit d'une atmosphère recueillie et sensible.
13 h 15 : ‘Asmanti [Midi-Minuit] de Marina Gomes | Hylel
À la frontière de la danse hip-hop et du théâtre, cette jeune compagnie nous entraîne dans une immersion aux accents de vécu. 'Asmanti, qui signifie « mon ciment » en arabe, interroge le rapport aux quartiers populaires. Originaire du Grand Mirail à Toulouse et implantée dans les quartiers nord de Marseille, Marina Gomes partage, dans ce premier projet, sa vision de la cité, toute en ambivalence, entre attachement et empêchement. Dans une fresque esthétique, pensée à la manière d’un plan séquence de midi à minuit, la chorégraphe porte un regard singulier sur la banlieue, à la fois prison de bitume, terrain de jeu et d’expérimentation, moment de joie et foyer social.
Ils sont animés d'un punch, d'une verve effrontée et salvatrice qui va droit au coeur et bouleverse les apriori sur la danse hip-hop. Alors on leur rend grâce et ce courage, ce culot joyeusement affiché donne la niaque et l'espoir de s'en sortir de cette morosité ambiante, de cette vision pessimiste du monde englouti. Ils surgissent, jaillissent à l'envi, dansent sans s'épargner ni économiser le moindre geste communicant. Bel exemple de soulèvement, de résistance et d'éclaboussure de danse plein les semelles des souliers, plein les poches et plein l'esprit de citadin ancré dans son macadam. Danse cité, densité et revendication d'identité au poing.
15 h 10 : Royaume de Hamid Ben Mahi | Compagnie Hors Série
Dans cette pièce hip-hop, croisant danses et témoignages, six femmes prennent la parole pour dénoncer notre système patriarcal et dansent la sororité. Une chorégraphie dans laquelle les éclats de voix intimes et sincères des danseuses, d'âges et de parcours variés, disent l’universel pendant que leurs gestes invitent à la poésie. Elles font état d'un vécu tout en montrant la part de force et de vulnérabilité qui les constitue et qui les fait avancer. Plus de 20 ans de création pour Hamid Ben Mahi qui, dans ce nouvel opus, propose que ce Royaume soit une démocratie où la parole est reine.
Les femmes au ban de la société, les femmes plus belles les unes que les autres dansent leurs charges mentales, leurs douleurs, leurs questionnements et se racontent une par une ou toutes ensemble, au coeur d'un gynécée drôle ou cercle de tragédie. Dans cette Agora, la répro-cité est ce royaume où les femmes sont reine et les tiennes ces rênes , celle de la paroles, du lien, de la création. Harnachement de combattantes, amazones tendres et victorieuses.Fières, déterminées, timides ou révoltées, les voici comme un paysage bigarré où vibrent toutes sortes humanités, de destins. Belle pièce fouillée et interprétée par les unes, les autres avec véracité et conviction.
17 h 20 : Nice Trip de Mathieu Desseigne-Ravel et Michel Schweizer | Naïf Production et La Coma de
Dans le précédent épisode, Bâtards, il était question des frontières à travers l’histoire du fil barbelé. Dans Nice trip, à travers le regard d’un adolescent, il est question des limites des territoires plus aptes à contrarier les mobilités des personnes que celles des capitaux. Entre le mot et le geste, entre suggestion et dérision, cette nouvelle création interroge les 40 000 km de murs-frontières, en se demandant avec humour et une pointe de cynisme si nous ne serions pas en train d’en devenir nous-mêmes les gardien·ne·s dévoué·e·s.
Une conférence dansée de plus? Non, un manifeste éclairé aux entrées multiples ou les deux complices protagonistes fouillent le sens des barrières, la matière première du fil barbelé avec intelligence et opportunité. Franchir un enclos ou sublimer la frontière, s'évader, abolir les murs et la bêtise ambiante qui sidère le monde géo-politique. Tout un chapitre à creuser au sortir de ce spectacle où la danse est enfermement du corps ligoté, astreint, soumis, enfermé. La danse de Mathieu étayant les propos de Michel, maitre de cérémonie, menant le jeu, le débat avec préciosité et respect du aux propos fort édifiants. On en redemande.....
19H 15: SIMPLE de Ayelen Parolin (jusqu'au 19)
À partir d’un vocabulaire chorégraphique volontairement restreint, économe, Ayelen Parolin lance trois interprètes dans un étonnant jeu de rythme et de construction, à la fois répétitif et toujours mouvant, sans cesse redistribué, restructuré, ré-envisagé.Un jeu dont l’inachevé et le recommencement seraient les règles de base. Un jeu-labyrinthe.Un jeu musical… sans musique.Car dans SIMPLE, la chorégraphe s’est privée d’un de ses principaux partenaires de jeu. Et comme la musique n’est pas au rendez-vous, c’est aux corps qu’elle embarque sur scène de l’inventer, de l’imaginer, de la jouer. À la recherche d’une pulsation vitale. À trois, en complicité, en connivence. Avec la puissance et la sincérité profondément humaine de l’idiot, du naïf, de l’enfant – là où tout est (encore) possible, de l’insensé à l’onirique.
Comme un règlement de compte à Merce Cunningham, le trio affiche une danse très technique, pleine d'humour, de mimiques drolatiques, pleine de distanciation. Les couleurs du fond de scène, des justaucorps pourraient être de Rauschenberg, peu importe d'ailleurs, l'humour joue et gagne, les apparitions-disparitions se succèdent haut la main, le rythme est tenu alors que peu de matière est en jeu. C'est la magie des interprètes, excellents danseurs-comédiens dirigés par Ayelen Parolin qui fait le reste. Et c'est un travail d'orfèvre qui se déroule à l'envi sans tambour ni trompette mais dans un ravissement-divertissement plein de musicalité, de percussions corporelles des pieds, entêtantes et redondantes, obsédantes. De quoi bénéficier de tonalités, vibrations et mesures rythmiques, cadence et métronomie infernale.
21 h 15 : HEAR EYES MOVE - Dances with Ligeti de Elisabeth Schilling
Dans cette pièce pour 5 interprètes, la chorégraphe luxembourgeoise
Elisabeth Schilling explore la relation de la danse à la musique en
s'appuyant sur les Études pour piano du compositeur hongrois György
Ligeti. Corps et musique s’entremêlent, s’entrelacent, se rapprochent,
s’éloignent, collaborent, se repoussent tout en jouant leurs propres
partitions.
Ligeti aux anges comme une musique "à ne pas danser" qui se révèle dans sa complexité à être un trésor de composition chorégraphique originale. Le pari est osé pour celle qui déceler entre les notes et les martellements furieux du piano, les lignes de fuite, les fugues, les échappées possibles et salutaire de ce piano percussif à souhait. On regrette simplement l'absente d'un artiste au piano qui aurait su accompagner les danseurs au plus profond d'une interprétation insitu, "sur mesure" à la démesure de la danse.
Programmation "hors les murs"
> à l'Atelier - La Manutention
10 ─ 20 juillet (relâche le 15)
11 h 05 : DOS de Delgado Fuchs
DOS, qui aurait pu s'appeler LOVEBIRDS ou LOS DOS FANTASTICOS, explore la nécessité du lien et fait du corps le territoire de la relation. La scène devient un ring d’observation où les deux artistes jouent avec leurs corps dissonants dans un assemblage de combinaisons décalées : il arrive qu’ils se touchent, se caressent dans une candeur fraternelle. Ils ne parlent pas mais fredonnent une langue inarticulée. Les Delgado Fuchs reviennent à Avignon après les succès de Manteau long… (2009, à L’Atelier) et de Nirvana (2019, à La Collection Lambert) dans le cadre de la SCH – Sélection suisse en Avignon et déplacent leur binôme habituel pour un nouveau tandem entre Marco Delgado, danseur, et Valentin Pythoud, porteur acrobate.
Encore un duo d'hommes décapant, singulier et hors norme où les corps sportifs, athlétiques forment des édifices singuliers, prennent des postures, attitudes en ronde bosse que l'on souhaiterait contempler plus longuement. C'est drôle, grinçant, ludique: les bestioles à deux dos, les êtres hybrides se métamorphosent et se jouent des apparences avec brio.Avec sérénité ces deux pince sans rire s'adonnent à des acrobaties qui frisent le risque, la pudeur et se jouent du qu'en dira-t-on avec bonheur, audace et conviction.
14 h 30 : Polémique (recherche d'une pédagogie du conflit) deNaif Production
C’est une discussion agitée entre deux corps. Visiblement, ils semblent insatisfaits de leur état d’isolement. À les voir se jeter l’un sur l’autre avec une étrange violence raisonnée, on se doute que quelque chose a été perdu. La nostalgie de l’accord peut-être ? L’extrême précision avec laquelle s’expriment leurs désaccords, dont l’absurde raffinement frôle souvent la virtuosité, cache mal une certaine fébrilité. À quoi peut bien mener cette patience infinie, cette lente pédagogie qu’ils déploient dans leur tentative de ne jamais laisser se résoudre le conflit ?
Duo, cette forme si prolixe durant ce festival, est reprise pour une lente ascension dans l'intimité dévoilée de deux êtres qui se découvrent.Le conflit se dessine, se développe au fur et à mesure trahissant une volonté d'affrontement des corps, de violence, de détermination, d'exercice du pouvoir... Les corps entremêlent, créant des architectures tectoniques étranges, des paysages fugaces au service d'une géologie des corps stratèges de leur protocole. Poétique autant que polémique, protéiforme et jouant sur le fil de l’ambiguïté toujours.l