Première soirée d'ouverture officielle ce mardi 21 Mai de la 23 ème édition du festival "Nouvelles" à Strasbourg, initié par Pôle Sud depuis l'origine.
L'eau a coulé sous les ponts de l'Ill depuis, la structure a tissé de nombreux partenariats, dont cette année encore celui avec le FRAC Alsace et la HEAR.
Démarrage en trombe avec la performance de Jozsef Trefeli et Gabor Varga ""Jinx103", un duo "suisse" ou helvète de la plus grande originalité.
Un "branle" bas de combat!
Ils sont tous deux d'origine hongroise et revendique pour cette prestation, au studio, tout près du public, leurs origines mêlées de danses dites traditionnelles ou folkloriques.Le ton est donné, juste ,rythmique, scandé du bruit de leurs pas sur le sol. Auparavant ils se sont amusés à se mesurer à définir un espace corporel à l'aide d'une guirlande rouge et blanche? ruban de chantier urbain.
Une balise dès lors qui va fonctionner comme un métrage, une frontière, une limite.Souriants, légers, les deux danseurs virevoltent sous nos yeux devenus "fertiles".A l'unisson, puis en écho et canon, leurs figures très virtuoses, exigent concentration et précision. On se plait à y reconnaitre postures et gestuelles empruntés au folklore suisse et autrichien, à cette géométrie de l'espace corporel propre à un langage très mathématique , très "tyrolien" aussi avec jeux de jambes, de genoux, frappés corporel, changements de direction....Rythme endiablé, toujours à l'écoute l'un de l'autre, en osmose dans une belle complicité performative. A vous couper le souffle parfois, tant la tension et la précision semble pourtant si simple, si naturelle à assurer, coulant de source vive.Ils oscillent en déséquilibre, chancellent, esquivent les gestes, décalent les espaces en autant de scènes de vertige.
Les langages se mêlent opérant une fusion des cultures, des styles, des genres. Du bel ouvrage pour cette revisitation de la "czardas", leur danse d'origine.Ce "branle" hongrois contemporain dès lors, ébranle les traditions et relooke avec bonheur ce que l'on aurait pu consigner avec dédain dans les placards de la mémoire.La musique de Frédéric Jarabo mêle aussi les genres qui se fondent les uns aux autres et donnent une tonicité réjouissante à cette prestation qui faisait ce soir là office d'apéritif, de mise en bouche d'une longue soirée.
Lettres dansées,missives épistolaires télégraphiques.
Lui succède "From B to B", une pièce chorégraphiée et dansée par Angels Margarit et Thomas Hauert.
Elle est espagnole, il est allemand. Une génération les sépare, leurs origines aussi, leur formation, leurs parcours divergent. Mais ici, il s'agit bien d'une rencontre, d'une connivence et complicité recherchée et trouvée. "B" comme Bruxelles ou Barcelone leur inspire une architecture et un joli combat pour défendre leur territoire respectif. Des lettres géantes, comme autant d'éléments plastiques pour un nouvel alphabet chorégraphique seront leur matériaux de base. Construire, assembler, déconstruire à l'image de leur gestuelle, un paysage chorégraphique original et décalé.
Comme deux "facteurs" ils transportent leurs lettres, racontent des histoires de verbes, avec des mots qui s'inscrivent dans l'espace du regard.Comme de bonnes "nouvelles" à partager.
Ils improvisent une danse aléatoire basée sur les appuis, l'exploration du rapport au sol, les incidents ou rencontres de corps dus au hasard de la composition instantanée.Le décor comme un château de carte s’effondre, se reconstruit pour bâtir autant d'univers que d'indices à déchiffrer selon le vocabulaire de langues différentes: l'espagnol bien sûr, où chaque évocation verbales s’inscrit à l'aide d'une définition de dictionnaire comme un glossaire de mots choisis délibérément à cette occasion. Danser les mots, inventer un langage pour les vivre et non pas les illustrer: bel exercice de style ou la syntaxe s'invente et se lit comme autant de "nouvelles" littéraires, dansées!
Les corps racontent des histoires, comme une narration sans objet, mais remplie des sujets qui les animent.Comme autant de cartes postales et de "bons baisers" de tous pays adressés à nous, spectateurs destinataires privilégiés!
"Chantier 2014/ 2018" (études pour percussions, voix et gestes): la brèche est ouverte.
Encore un "chantier" en devenir, une brèche qui s'ouvre dans le parcours de François Verret, un autre chorégraphe des années 1980, celles de l’avènement de la lumineuse et désormais légendaire danse contemporaine française.Ce projet s'inscrit dans le vaste paysage des années 1914/ 1918, celles de la guerre, de la mémoire, partageant ainsi un soucis de souvenir collectif, d'impact émotionnel.
Cette première proposition est celle d'un atelier où les protagonistes se confrontent et improvisent sur le sujet.
Jean Christophe Parré sur scène, au creux du studio, transformé en laboratoire, manipule les croix d'un cimetière garant de la mémoire. Ces croix sont lourdes et chargées d'histoire: un reliquat de l'anonymat des cimetières militaires de guerre, rassemblant les corps de soldats inconnus au sommeil troublé.
Alors que Jean-Pierre Drouet manipule une petit magasin de percussions de son cru, avec force bruitages et sons inouis.
Charline Grand égraine des mots, des phrases construites sur ce son, "mémoire" et percussions de l'âme.Elle conte ce que l'on observe.
Le danseur manipule des hallebardes métalliques qui résonnent sur un sol bruissant en direct. Danse des battons? Mikado géant, décidant des postes de hasard à attribuer au pouvoir politique ou militaire?
Autant de questions qui ouvre le débat: "la danse est un art de combat" qui, met à jour, ouvre un chantier qui n'est pas prêt de se refermer...A suivre sur le front du mouvement tectonique de la création, vaste brèche, faille où se glisser pour mettre à la lumière les questions de notre temps.
Soirée "mémorable" à Pôle Sud sous les plus fameux des auspices de la découverte!!!