Mérédith Monk fait partie des pionniers de la danse contemporaine américaine, on l'ignore trop souvent. Partenaire des protagonistes du mouvement de la "Judson Church" auprès d' Anna Halprin, Yvonne Rainer et Trisha Brown, elle "se forme" comme danseuse à la méthode Dalcroze: la rythmique, la musique corporelle. Une approche singulière du mouvement et de la musique, très organique qui la pousse très vite à envisager la voix, le souffle comme les fondamentaux de son art.
"La voix, le corps sont des instruments acoustiques uniques, universels qui se transportent en soi, avec soi" déclare-t-elle à l'issue de son concert exceptionnel du 25 Mai à l'auditorium du MAMCS à Strasbourg. Une rencontre unique organisée par les musées et Elecktramusic.
Le public est nombreux et semble s'être donné le mot pour cette soirée d'exception.
Elle apparait sur la petite scène, vêtue de noir et rouge, souriante, arborant ses deux jolies nattes à la "Gretschen" ou à l'indienne. Peu en importe la provenance ou l'origine: elle en est l'illustration.
Le corps est le centre du monde d'où vont sourdent les sons, les tonalités du cosmos pour un voyage musical hors frontières.D'abord seule en scène, c'est sa voix qui tisse avec sa tessiture si large et ample, les matières et toiles de sons, d'univers, de rythmes.Aucun artifice à part le micro qui amplifie ou donne de l'écho et métallise le son de sa voix, les sons de son corps gracieux, flexible. Celui d'une danseuse qui laisse parfois intervenir un geste, une allure, une attitude, une posture singulière, ponctuant le son, sans jamais l'illustrer.Des solos inédits pour l'oreille, inouïs que l'on regarde autant que l'on écoute, fasciné par ce corps robuste dont ils émanent. C'est "Juice", "Songs from the hill", des morceaux de choix des années 1969, 1977. Pas une ride à ces thèmes, ces chocs virtuoses, cette tonique tendre, malicieuse ou chaotique qui semble surgir d'une archéologie de l'avenir.
Puis c'est la rencontre en écho des corps et voix des deux artistes qui séduit avec "Hocket", "Volcano song", oeuvres écrites et consignées dans les années 1990.
La question de la mémoire se pose alors dans le dialogue qui suivra le concert. Mérédith semble préférer la passation directe, le corps à corps de l'interprète à l'autre de son vivant. Mais après, que deviennent ce répertoire, cette mémoire de l’œuvre de Mérédith Monk, patrimoine de la musique contemporaine?
La seconde partie du concert, c'est le duo Monk avec son piano: moments de grâce, retrouvailles avec des morceaux des années 1975, comme "Gotham Lullaby", "Travelling" qui résonnent dans les mémoires comme autant de grimoires magiques, hypnotiques. Grisant! D'autres œuvres viennent compléter ce programme riche et généreux, joyeux autant que grave, ponctué par une gestuelle sobre, très calculée mais toujours à l'émotion intacte en live. Se mouvoir, émouvoir avec ces "petits bougés" cristallins, vif argent, nacrés, évoquant des ambiances originelles quasi sacrées, porteuses de bonheur partagé.
Au cœur de la création dans un corps à corps vocal de toute beauté, avec son seul instrument résonnant du monde entier émanant de son centre. Toute la musique semble y être consignée: le souffle en fait surgir les vibrations métissées de toutes parts
Quel "beau voyage" initiatique entre grâce, félicité et volupté, force et hiératisme.Mérédith comme un roc oscillant, en équilibre-déséquilibre sur la frange de la vie, de la mort.Un dolmen dans le paysage rêvé de la danse musicienne.Terpsichore, la muse du mouvement sourit en cachette devant tant de justesse dionysiaque!
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire