mercredi 29 novembre 2023

"Into the Open" : tout est permis...Lisbeth Gruwez et Maarten Van Cauwenberghe s'affrontent en ondes de choc..

 

Lisbeth Gruwez & Maarten Van Cauwenberghe Voetvolk Belgique 4 danseurs + 3 musiciens création 2022

Into the open

Que la danse et le concert se mêlent, telle est la promesse d’Into the open. Voetvolk est une compagnie belge de danse et de performance, fondée en 2007 par la danseuse et chorégraphe Lisbeth Gruwez et le musicien et compositeur Maarten Van Cauwenberghe. Certains se souviendront de leurs pièces phares déjà présentées à POLE-SUD : It’s going to get worse and worse and worse, my friend, Lisbeth Gruwez dances Bob Dylan, We’re pretty fuckin’ far from okay, et plus récemment The Sea Within. Leur travail est une conversation permanente entre le mouvement corporel et auditif. Véritables co-auteurs ils organisent au plateau un lien fort et organique entre le mouvement et la musique, le son, les vibrations. Pour cette proposition, ils poussent le curseur encore un peu plus loin avec un véritable concert dansé. Sept interprètes, danseurs et musiciens, incarnent le groove et partagent l’énergie de la musique. Ils vont vibrer au rythme du « krautrock », croisement entre la polyrythmie répétitive de Can et les beats endiablés des Chemical Brothers. Une interaction explosive de DENDERMONDE, le groupe de Maarten Van Cauwenberghe, Elko Blijweert et Fred Heuvinck. Voetvolk vous accueille pour un saut collectif et sauvage dans les limbes. Let’s transe !

Avec Maarten van Cauwenberghe, musicien et Artemis Stavridi, danseuse</span> 

La fée électricité, l'air de rien...Libre électron du groove. du krautrock...

 Hystérie collective à Pole Sud ce soir là: on décentralise la fameuse Laiterie temple du rock à la Meinau et on se régale avec une bande d'artistes pleine de punch, d'énergie et de savoir faire la teuf. La danse en mode concertant, c'est un plus pour la musique rock et sur trois estrades-podium, voilà les sept artistes réunis: musiciens et danseurs sans frontière se passent le relais, se coltinent les uns les autres, se fracassent aux sons des deux guitares et de la batterie qui fulmine. C'est de la rage corporelle et musicale, des t-shirt en extension, prolongement des corps drapés sans territoire précis. Cheveux lâchés tourbillonnants dans la tempête, tatouages vrais et faux sur la poitrine des "mecs" et les nanas en crevettes pailletées comme des Amazones en délire, lâchées comme des femmes canons dans les foires d'autrefois. Sculptures mouvantes sous les néons, verts, rouges suspendus, les corps entremêlent, se diffractent, fonctionnent au ralenti dans cet univers de dynamique dynamitée, vitaminée à fond. Les guitaristes dansent, sursautent et tous dans des spasmes récurrents respirent le tonus et s'en donnent à corps joie. Des transports en commun communicatifs qui invitent le public à monter et danser sur scène au final, en rappel joyeux et tectonique. Les corps s'envolent, se rattrapent, s'agrippent, dialoguent, très sexy et déjantés. Lâchés dans l'espace comme des salves qui rebondissent et font ricochet. L'énergie est sur le plateau et à coup de red bull, les muscles se régénèrent !Soirée qui décoiffe, mêle musique et danse de façon cavalière frondeuse et spectaculaire. Un "concert animé", turbulent et insdisciplinaire pour le bien être de tous. Lisbeth Gruwez s'éclate et fait tomber les murs pour mieux faire la passe-muraille des disciplines.Quand la danse et le concert se mêlent, telle est la promesse tenue d'Into the Open. Sept interprètes incarnent le groove et partagent l'énergie de la musique dans un trip endiablé au rythme du « krautrock ». Une interaction explosive de DENDERMONDE, le groupe de Maarten Van Cauwenberghe, Elko Blijweert et Fred Heuvinck et les danseurs de Lisbeth Gruwez. Let's transe ! A l'air libre, assurément!

 

A Pole Sud les 28 et 29 NOVEMBRE

"Good boy" (le film): une bonne é-toile....good for, mauvais genre en tout genre....La danse sur sa défensive.

 

Good Boy, histoire d’un solo


Réalisé par Marie-Hélène Rebois (2020, 74 minutes)

 L’histoire du célèbre solo d’Alain Buffard « Good Boy », qui a marqué l’histoire de la danse et du sida en France dans les années 1990. Juste après l’arrivée des traitements par trithérapie, alors qu’il a arrêté la danse depuis 7 ans, Alain Buffard décide de se rendre auprès d’Anna Halprin, en Californie, pour suivre les stages de dance-thérapie qu’elle a mis en place à destination des malades du cancer et du sida. Là, en pleine nature, sous le regard d’Anna Halprin, Alain Buffard va trouver la force de se reconstruire et de remettre son corps au travail.

 Dans « Good Boy », Alain Buffard met en scène la reconquête de son corps. Comment retourner vers la vie, la verticalité malgré et surtout avec la maladie. Le déséquilibre est constant, mais parfaitement maîtrisé.
En projetant la captation de la pièce sur des fibres de bois, la réalisatrice met en exergue la manière dont Alain Buffard fait de son corps un matériau brut, au travail. Le moindre geste compte.
Comme le dit Matthieu Doze, qui reprend aujourd’hui le solo mythique, « Good Boy tient dans une valise » ». Une économie de moyens extrêmement percutante pour comprendre la grande solitude de l’individu mais aussi d’une génération face à la maladie. Marie-Hélène Rebois met au centre de son film différentes générations de danseurs mais aussi des proches d’Alain Buffard, et fait ainsi dialoguer l’intime importance du retour à la danse pour le chorégraphe et la force symbolique de ce solo pour toute une génération marquée par le Sida.


Un corps filmé dans le respect total du silence, de la distance: celui d'Alain Buffard au coeur, au creux de sa peau , sans "défense" contre la maladie hormis ce cube de boites de médicaments empilés comme une sculpture de Carl André, au sol sans socle. La visibilité est celle d'une position plastique et la stature architecturée d'Alain Buffard est très esthétique, canonique. Aucune traces ou pistes visuelles du mal sidérant dont il est atteint. Anna Halprin est passée par là pour reconstruire ce corps meurtri de l'intérieur qui n'a de cesse de trouver l'expression de sa solitude dans un solo "good boy" . Des images en noir et blanc, très pudiques comme les mouvements du danseur-auteur-choré-graphe de sa propre capacité physique. Corps qui se reconstruit, se découvre, poids et appui à l'appui! Si cela oscille, c'est du au déséquilibre de ces talons hauts de fortune qui le rendent encore plus "beau". Le film tricote l'histoire de ce solo, légende d'une époque où la danse bascule, évolue grâce à des auteurs-chorégraphes singuliers.Matthieu Doze expose le substrat de la passation de ce solo par son géniteur d'origine, son créateur. Le voir se raser le crâne, ranger son "costume", ses slips bien pliés pour rentrer dans une valise est de toute émotion. Une touche d'humour, de détente dans ce climat où flotte le spectre de la faucheuse, camarde des "danses macabres" d'antan. Pour une autonomie retrouvée du corps empêché.

 


Puis c'est la quatuor de "good boy" qu'on a le plaisir de découvrir: l'un des danseurs expose que la dimension personnelle dramatique du jeu doit s'effacer au profit de la danse Demeurent ces quatre corps en "couche-culotte", enfants ou vieillards soumis à la loi du fléau, de l'épidémie ravageuse. Le ton du film de Marie Hélène Rebois est sobre, en empathie avec le milieu de l'art vivant, en symbiose discrète et pudique: témoin de son temps qu'elle remonte et nous fait découvrir. Avec subtilité sans pathos à l'image de la posture des danseurs de l'époque; droit debouts, honnêtes passeurs d'une expression urgente, d'une tentative de résurrection, d'érection à la verticale pour quitter l'horizontalité fatale du gisant.  Et le texte d'Alain Ménil de ponctuer les images et séquences d'interviews diverses passionnantes. Un document rare et précieux sur le parcours incessant de la danse en marche, en marge.

Interprète(s): Matthieu Doze, Pierre Lauret, Elizabeth Lebovici, Jacqueline Caux, Eve Couturier, Jean Jacques Palix, Fanny de Chaillé, Olivier Normand Production : Daphnie-production


Ce film raconte l’histoire du célèbre solo d’Alain Buffard, Good Boy, solo qui a marqué l’histoire de la danse et du sida en France à la fin des années 1990.
Juste après l’arrivée des traitements par trithérapie, alors qu’il a arrêté la danse depuis sept ans, Alain Buffard décide de se rendre auprès d’Anna Halprin, en Californie, pour suivre les stages de «danse-thérapie» qu’elle a mis en place à destination des malades du cancer et du sida.
Là, en pleine nature, sous le regard d’Anna Halprin, Alain Buffard va trouver la force de se reconstruire et de remettre son corps au travail, il va renaître: « … je choisis de nouveau la danse, aujourd’hui je choisis la vie et je reprends à mon compte la proposition de Doris Humphrey : «La danse est un axe tendu entre deux morts».
À son retour en France, il crée son solo historique, Good Boy, qu’il interprétera lui-même pendant plusieurs années avant d’en faire la matrice de ses chorégraphies suivantes. Il y aura d’abord Good For pour quatre danseurs puis Mauvais Genre pour vingt danseurs. La gestuelle de Good Boy, empreinte du corps du chorégraphe, marqueur de ce que le sida a fait à la danse, a été dupliquée, déclinée, redistribuée par Alain Buffard lui-même pendant presque une décennie.
Cet écho chorégraphique d’une épidémie planétaire (qui résonne encore dans les imaginaires corporels de notre époque) est le sujet principal du film.

Marie-Hélène Rebois

Au MAMCS le mercredi 29 NOVEMBRE  avec le Lieu documentaire dans le cadre de l'exposition "aux temps du SIDA" et Ciné Corps


 

mardi 28 novembre 2023

"Le Voyage dans l'Est": un non lieu impossible...Le tandem Angot-Nordey opère une chirurgie charnelle de toute grandeur.

 


CRÉATION AU TNS

Avec Le Voyage dans l’Est, Christine Angot revient sur l’inceste, cette catastrophe familiale, psychique, anthropologique. L’écriture est le véhicule qui permet de retrouver quelque chose de soi, malgré tout, en posant l’enjeu de voir au plus près ce qu’il s’est passé et vécu sous l’emprise de ce père qui a soumis sa fille de quatorze ans à l’inceste. Revoir, avec le courage de la vérité : revenir sur les faits, les actes, les mots, les points de vue. La scène doit pouvoir faire entendre la tension de cette rétrospection.

Décor lisse, intransigeant, tantôt arène où se déroulent les aveux, le récit de Christine Angot, les "rebondissements" d'une tragédie humaine qui fait l'objet de déni, de trou noir, d'abime où se jettent les personnages à corps perdu. "Cinéma" en fond comme le récit mis en scène qui va se dérouler face à nous. Une narration, un "scénario" d'après une histoire vraie....L'écran sera la toile où la "voyageuse" parcourt le monde, image récurent d'un visage inquiété, meurtri. Ecran où va lui succéder le visage de l'enfance, celui de Christine en gros plan qui conte en direct les abus et leur long cheminement. Le drame vécu par cette jeune fille, sa "rencontre" avec son père sont simplement bouleversants et incarné par Carla Audebaud que l'on voit également sur écran géant simultanément. Visage tantôt joyeux, crédule, naïf, ou débité, désabusée, trahie par les événements qui s'enchainent. La dépendance de "l'enfant" à son père, les actes décrits abruptement touchent, impactent et dépassent l'entendement. Le verbe, la syntaxe s'enflamment et le personnage de Christine incarné par Cécile Brune portent ces paroles, ses écrits avec rudesse, délicatesse ou emportement. Le corps en miette d'une femme blessée se déstructure, se brise en mille morceaux inconsolables.Le "non-lieu" qu'elle fustige et bannit de sa vie comme attitude et posture est credo qui fait mouche. Le père qui navigue la tête haute ,interprété par Pierre François Garel, "séduit" par la crédibilité de son jeu, lointain, évanescent, poreux, toxique à souhait.Christine adulte jouée par Charline Grand semble "restaurée", "réparée" mais le mal est fait et l'irréparable persiste.


Les situations portées par chacun s'enchainent et dévoilent un univers glacé, hypocrite et pervers à souhait. La mère, Julie Moreau, attentive et faussement impliquée dans ce jeu de dupes est crédible et tendre complice . Claude, Claude Duparfait, excelle dans la sobriété, le tact et le déni. Un personnage sur la corde raide, celui qui sait mais ne fait rien...Car dans cette famille de "bonne famille" les relations sont filtrées à demi-mots et portent le secret de l'humiliation, de la déconstruction de l'autre à volonté. Tragédie plus que théâtre de mœurs, cette adaptation des écrits de Christine Angot sont habilement mis en scène par Stanislas Nordey, pudiquement mais férocement.  Chacun y trouve sa place et l'intensité de ce qui y est raconté est sidérante. Les décors signés Emmanuel Clolus, la lumière signée Stéphanie Daniel contribuent à cette atmosphère glacée constante.La musique, notes de piano égrenées au rythme de l'action se fait univers froid et plombé. On en ressort bouleversé, secoué, au pied d'un mur qui aujourd'hui semble s'entrouvrir au sujet de la reconnaissance humaine et juridiques des "dégâts" causés par l'inceste sur les victimes "non consentantes". Un bout de chemin lucide que ce "Voyage dans l'Est" qui parcourt les contrées du drame, de Strasbourg à Reims, de chambres d’hôtel et rencontres familiales. Quand des lèvres de Christine les mots ne parviennent pas à sourdre, l'empathie est forte et quasi constante. "Arrêtez, arrêtons, arrête"...criaient et dansaient en corps Mathilde Monnier et Christine Angot...

Stanislas Nordey, dans sa radicalité théâtrale, cherchera à révéler la précision clinique et l’intransigeance critique de cette langue dont la quête forcenée, d’une humanité implacable, trouble et ravage le sens commun. Stanislas Nordey, acteur et metteur en scène, a dirigé le Théâtre National de Strasbourg de 2014 à 2023. Il a créé, durant ces années, des textes de Christophe Pellet, Édouard Louis, Claudine Galea, Marie NDiaye et Léonora Miano. 

Au TNS jusqu'au 8 Décembre

jeudi 23 novembre 2023

"En attendant Théo : ich wart uf de Theo". Théo-phile, j'aime...Freyburger touche et bouleverse en Seppi le magnifique.

 

"Mais quand dans la vie on veut faire deux fois la même chose ça ne marche jamais."


« Des fois il arrive Théo et demande, avant même de dire salut « T’as lu mon sms ? ». « Non, tu crois que je vais mettre mes lunettes toutes les cinq minutes pour voir si tu m’as envoyé un sms. Pas la peine de perdre du temps pour m’écrire un sms que tu arrives. Tu viens et fini. » Et tout ça je lui dis en français. Alors il me dit que mon téléphone fait brrr quand il m’envoie un sms. Alors je lui dis : « Mais tu sais donc que ma machine dans l’oreille se dérègle toujours. Tu viens et fini. »

 


Assis sur le banc devant le Sup’rU, le vieux Sepp remonte le fil de son passé : sa jeunesse avec son meilleur ami tombé en Algérie, la rencontre avec son épouse décédée il y a bien longtemps, l’enfance de son neveu qu’il aimait comme un fils et le fit se lancer dans une rocambolesque tentative de séduction via un site de rencontre… Du comique au tragique, dans cet entre-deux qui caractérise la joyeuse écriture de l’auteur, il égrène ses souvenirs en attendant Théo, son petit neveu, le seul être cher que la vie lui a laissé.


Et c'est très touchant d'emblée: un personnage se profile dans la pénombre, à peine visible: seule sa voix nous indique son existence . Le texte se fait monologue confidentiel et nous voilà embarqués dans l'histoire d'une grande solitude faite de souvenirs, d'attente, de patience. Crédule à souhait notre bonhomme, ce "ravi de la crèche" à qui l'on fait croire que l'on viendra alors que le suspens est vite dévoilé. Théo sera l'Arlésienne, figure onirique, spectre qui hante notre anti héros et qui le gruge de sms prometteurs: "j'arrive": ce qui signifie souvent que l'on s'en va ...pour revenir. Mais ce soir "j 'attends Madeleine"...mais elle ne viendra pas. Prétexte alors aux souvenirs, aux salutations auprès d'un voisin, d'une voisine dont on finira par connaitre la vie à travers la procuration de Seppi. "Sepp" pour qui préfère. Un bonhomme plein de gentillesse qui évolue sur le parking du grand magasin avec une voix douce qui porte. Francis Freyburger plein de délicatesse, de tempérance, qui ne se fâche jamais et nous embarque en empathie avec son triste sort. Théo absent toujours de la scène. Alors que des paysages mentaux sont projetés sur une longue toile: torrents de rivière, forêts découpées de silhouettes très "Kirchner" signées du talentueux Chtistophe Werhung. Une idée de mise en espace virtuel du metteur en scène Olivier Chapelet doublé d'une scénographie sobre et bienvenue de Emmanuelle Bischoff. La musique d'Olivier Fuchs se fait paysage sonore et l'on quitte ce parking aux lampadaires jaunes pour décoller dans l'univers de Seppi avec grâce et volupté. Rien n'est triste ou sombre dans ce destin si bien mis en mots par Pierre Kretz, ici observateur et serviteur des petites gens sans dédain ni, condescendance. En langue alsacienne, c'est encore plus charmant et ravissant. Alors laissez vous "ravir" par ce personnage si commun, mais attachant. Venez au rendez-vous de Seppi: il vous attend, ne le décevez pas. Car poser un lapin à une proie si docile n'est pas civique ni civile.


 

Après les tribulations de Thérèse, la beesi Frau de la saison dernière, Pierre Kretz, Olivier Chapelet et Francis Freyburger tirent le portrait d’un autre villageois. Autre destinée silencieuse ravivant ses zones grises et ses myriades de couleurs sous le pinceau complice de l’artiste Christophe Wehrung qui peint les paysages d’une existence simple, car la vie ordinaire c’est ce qui reste quand tout fout le camp.

Au TAPS Scala jusqu'au 25 Novembre 

 

"Les danses du SIDA". Les années sida, inscrites dans les coeurs et dans les corps: crime et chatiment....

 


15h - Matthieu Doze (Paris), Laurent Sebillotte (CND Pantin), Guillaume Sintès
(Université de Strasbourg)
Table ronde « Les danses du sida », à partir de Good Boy (A. Buffard, 1998)



Force est de constater que le sang est, à quelques rares exceptions, absent de la scène
chorégraphique. S’il n’est pas visible, il est pourtant là. Irriguant le corps des danseuses et
danseurs bien sûr, mais aussi dans l’évocation, plus ou moins frontale, plus ou moins
métaphorique, de la maladie, et plus particulièrement du sida dont l’épidémie a largement
décimé les communautés en danse. À partir du solo d’Alain Buffard, Good Boy, cette table-
ronde sera l’occasion d’aborder ce que le sida a fait à la danse


Salle comble pour cette table ronde car "danser=vivre" affiche l'exposition du MAMCS sur les années SIDA. Les trois protagonistes de cette étape du colloque: Matthieu Doze, danseur, compagnon de route d'Alain Buffard: passeur du "rôle" du chorégraphe dans son solo "Good Boy": passeur singulier car assistant durant 15 ans à l'évolution de cet pièce emblématique et "héritier" sans aucune consigne de cet opus Comment dès lors construire ce personnage à travers sensations et substrat de mémoire visuelle et d'empathie corporelle avec cette performance? Le corps "manifeste"d'Alain Buffard, préservé, maintenu par les thérapies de l"époque sera-t-il capable de danser malade parmi des objets métaphoriques: cube de boites de médicaments, néons et autres détails renvoyant aux arts plastiques (Neuman, Acconci, André, Flavien..) qui nourrissaient l'esthétique et la pensée du danseur..) Matthieu Doze livre ici un témoignage inédit)et passionnant sur ce binôme penché sur ce "deux ou trois choses que je sais de moi". L'intention qui met le corps en mouvement en est le moteur pour s'inventer une histoire, fabriquer le substart pour donner de la matière au solo. La cruauté de la tragédie de l'épidémie a-t-elle eu des "effets secondaires" comme les thérapies sur les corps des danseurs, mourants ou en rémission.. C'est la notion des plis des origamis qui fut l'étincelle de cette reprise de rôle. Expérience singulière en matière de passation, de répertoire pour une danse qui commence à s'archiver. Pour revenir aux oeuvres ayant trait au SIDA ce sont plutôt des hommages faits aux disparus: le "Presbytère " de Béjart en mémoire à Georges Don, le solo de Raimund Hoghe "si je meurs laissez le balcon ouvert" Deuil, séparation, perte des êtres chers. Le vivant triomphe cependant dans ces évocations. "Clins de lune" de Kéléménis en hommage à Bagouet. Mark Tompkins avec "Witness"en hommage à Harry Sheppard..."Tu ne m'as pas attendu" clame le chorégraphe malade à son ami décédé. Et le "Tombeau" de Santiago Sempere en 1997, requiem pour les morts.  Thierry Smit avec son "Eros Délétère" pour ne citer que ceux-là...Trop explicite, trop réaliste ou insupportable tableau de la drague queer pour l'époque. Ici on appuie sur l'image de la danse et culture gay avec insistance. Défiance envers la compassion ou la prise d'otage qu'engendre le spectacle du désarroi de toute une génération . Et Régis Cuvier, celui qui, bouffon et performeur affiche une joie de vivre jusqu'à la chute fatale: "t'es mort ou pas cap' ". Sans compter sur Lloyd Newson et son "John", un récit poignant sur la communauté gay. Et " Dead  dreams of monochrome men", Strang Fish" de renforcer la dimension hors norme du chorégraphe maudit.


https://www.lemonde.fr/archives/article/1992/06/18/danse-strange-fish-par-dv8-physical-theater-drole-d-oiseau-drole-de-poisson_3904771_1819218.html

Autre cheminement: celui de Thomas Lebrun qui évoque trente ans de vie avec le spectre du SIDA dans "Trois décennies d'amour cerné". Rester dans la solitude in fine ou dans le déni comme Noureev ou s'afficher comme Steven Cohen dans des solos extravagants de sexualité ..26 juin 2017Put Your Heart… est un rite funéraire pour lequel Steven Cohen a tenu à peser le poids exact d'Elu à sa mort – 52,6 kg -, une cérémonie inouïe ...en ritualisant le fait de manger sous nos yeux une cuillère des cendres d’Elu, afin que la vie de Steven Cohen « ingère »cette disparition.

.Et la solidarité dans tout cela: celle de Sida Solidarité Spectacle en partage, soutien, accompagnement aux malades à l'époque. C'est aussi Bagouet qui est évoqué, lui qui ne confia jamais son état et continua à danser même "Jours étranges" en remplacement d'un disparu Bernard Glandier.. Plus proche Preljocaj dans son "Casanova" évoque la transmission de la maladie. Tous ces "Survivants"nous prouvent bien que "the show must go on"et que l'intimité de l'autruche n'a pas opéré.

Jeudi 22 Novembre MAMCS dans le cadre du colloque "Quand l'oeuvre saigne-usages et puissance du sang dans les arts visuels du XX ème et XXI ème siècle" ACCRA Strasbourg

https://toutelaculture.com/spectacles/danse/le-corps-de-la-danse-affecte-par-le-sida/

https://www.cnd.fr/fr/file/file/2303/inline/mayen_gerard_2013.pdf

 


"Geh nicht in den Wald, im Wald ist der Wald" Tabea Martin: interdit d'interdire les jeux interdits!


 La déception d’être mis·e au ban. De se voir refuser le bonheur de faire partie d’un groupe. Après Forever en 2021, Tabea Martin aborde une nouvelle fois un phénomène qui traverse nos sociétés et touchera chacun·e, à un moment ou à un autre de son existence. Avec Geh nicht in den Wald, im Wald ist der Wald, ce sont cette fois les mécanismes de l’exclusion qu’interroge la chorégraphe suisse. Comment naissent les discriminations ? Comment s’expriment-elles au quotidien ? Comment en parle-t-on ? Autant de questions à la fois intimes et politiques qui s’entrecroisent dans une joyeuse mise en jeu des langues et des corps sur le plateau. Pour le jeune public et les adultes qui l’accompagnent, quatre danseurs et danseuses explorent les structures mentales qui produisent les hiérarchisations selon l’origine sociale et la couleur de peau. En dialogue avec le musicien Donath Weyeneth, la danse se saisit ici d’un thème essentiel dans une puissante théâtralité visuelle et sonore.


 Ils sont trois pour un prologue drôlatique en diable qui donne le ton de la représentation: il est interdit de...faire plein de choses! Trois escogriffes pour haranguer le public et leur annoncer la couleur: un show chatoyant et ludique aux fondements très sérieux. Un tableau noir pour nous annoncer le menu des séquences: dans la forêt au départ où se cachent quatre personnages incongrus, versatiles qui se transforment au gré des costumes ou uniformes. Une danse de créatures pérruquées de longs cheveux noirs, un quatuor de danseurs qui se lovent dans un contact savoureux...Tout se bouscule ici pour évoquer la singularité, la différence, l'altérité. 


Et ça jacasse, ça bavarde, ça s'accuse de tous les maux en désignant le fautif, le coupable: la bête noire ou la brebis galeuses. Jeux d'enfants ou d'adultes sous-jacents...Tambour battant, la petite communauté se soude et combat à coup de slogan la bêtise du monde des grands. Tous ensembles contre tous. Le décor est mobile pour accueillir et suivre les ébats de cette tribu sans genre.Des cabines de bain ou des isoloirs comme niche contre hashtag et ses méfaits. On fait la nique aux réseaux sociaux avec bonheur et humour.Et les baldaquins de devenir des derviches tourneurs lumineux, de se mouvoir au son d'un ukulélé en bidon d'huile de récupération. Noel est pailleté et rutilant au delà de toute religion ou dogme.L'enthousiasme dont font preuve les cinq artiste est contagieux et salvateur. Ca va dans tous les sens et le tableau noir qui affiche les thématiques se remplit de couches de craie comme un palimpseste vivant de nos pensées, de nos actes. Dans cette grande cour de récréation, le mot d'ordre est à la désobéissance et au désordre dans la reconnaissance et le respect de l'autre. Le message est passé pour ce jeune public dont le yeux se régalent à la vue de bâtons de barbe à papa, transformés ici en autant d'objets de désir, de contact. De toute les matières, c'est la ouate qu'ils préfèrent: pas de coups bas mais une joyeuse mêlée fraternelle, sororale qui enchante et met de bonne humeur. Ce "théâtre physique circassien" plus que "danse chorégraphiée" fait mouche et touche. Tabea Martin comme manipulatrice habile politicienne des questions sociologiques de fond: l'exclusion en figure de proue et comment s'en sortir indemne avec les autres. Bienveillance j'écris ton nom !



 

Au Maillon jusqu'au 25 NOVEMBRE

mercredi 22 novembre 2023

"Good boy": bad is beautiful..et cela ne fait pas "mauvais genre"....

 


Alain Buffard France solo création 1998, réinterprétation 2012, transmission 2023

Good Boy

Près de 25 ans après sa création à La Ménagerie de Verre à Paris, nous accueillons la reprise de Good Boy, pièce mythique d’Alain Buffard. Ce solo a marqué l’histoire de la danse et du sida en France dans les années 1990. Alors qu’il a arrêté la danse depuis sept ans, Alain Buffard fait la rencontre déterminante des chorégraphes américaines Yvonne Rainer et Anna Halprin. Il va trouver auprès d’elles la force de se reconstruire et il met en scène, dans Good Boy, la reconquête de son propre corps. Figure majeure de la scène chorégraphique française, il crée une quinzaine de pièces entre 1998 et 2013, année de son décès, toutes caractérisées par un puissant rapport au corps non normé, tout à la fois intime et politique, entre humour et tragédie. Laurence Louppe, critique d’art et historienne de la danse, décrivait l’impact de cette création avec ces mots : « Tout ce qui pouvait rattacher la danse à la représentation d’un corps classique et son intimité sentimentaliste est pulvérisé. Alain Buffard livre une vision crue de l’âpre réalité. La sexualité normée d’une société qui pensait avoir dépassé tout puritanisme est mise sur la sellette, renvoyée à la face ».

Quand la transmission opère, c'est à une chirurgie de main de maitre à danser que l'on assiste et participe. On se souvient de la passation du solo de Dominique Bagouet "F. et Stein" à Christian Bourigault et de bien d'autres "réussites" du genre. Exercice de funambule et d'équilibriste pour Christophe Ives, coaché par Matthieu Doze pour la circonstance.C’est le corps émacié d’Alain Buffard, danseur phare de la scène contemporaine, des années 80 et 90, que l’on revoit à travers celui de Christophe Ives qui reprend ici le rôle transmis par Matthieu Doze et remonté pour la première fois en 2017 au Centre national de la danse, puis en 2023 à la Ménagerie de Verre, dix ans après la mort de son créateur et interprète.Une masculinité à nu, le visage dissimulé par quatre néons, masqué, d’abord corps résistant et presque supplicié.Tel un Christ descendu de la croix ou un Saint Sébastien très pictural. En "posture vicieuse" recroquevillé comme un mourant sur sa couche. L'icône est travaillée comme pour une pause de modèle languissant, gisant au sol. Bach en musique de fond pour cette séquence du surplus, du trop plein quasi baroque, de slips qui s'amoncellent sur son sexe scotché par une bande adhésive.Spasmes du dos, d'un bras rescapé une paralysie clinique.Soubresauts de survie tétaniques, danse arachnéenne derrière une constellation d'étoiles lumineuses. Paréidolie d’attitudes avoisinant des formes étranges, inédites. Des secousses fébriles animent le corps du danseur, comme des gestes test de yoga pour ajuster des performances physiques retrouvées. Il se mesure, s'apprécie, oscule ses flancs, ses jambes comme pour une visite médicale intime dans ce décor vide, blanc clinique. Il frappe le mur où il est acculé par de petites percussions sonores de plus en plus vives sur son corps, il évalue ses sensations, ses possibilités de renaissance sensorielles, motrices. Tel une danseuse classique, il retrouve l'attitude fétiche de l'en dehors. On passe de l'intime à l'extime. Comme une danseuse classique, il prend soin de ses pieds en déroulant ses lacets de sparadrap adhésif.On passe violemment du silence à la musique, ce "good boy" qui le fait se hisser sur hauts talons, démarche de défilé de mode à l'appui. Les appuis sont malhabiles, chancelants: travesti, transformé sur aiguilles maléfiques. De ce bref rêve restera la trace du déséquilibre. La réalité se profile à nouveau, menaçante. A reculons, le danseur explore son fessier, ses cuisses et ses mains exploratrices sont des gants de velours, des caresses douces et très suggestives. Et le "tragique de répétition" de réapparaitre quand précipitamment, l'interprète se rhabille encore d'une couche de slips...Corps luttant une fois de plus contre la maladie avec des armes dont il fait des trophées : slips kangourou enfilés les uns sur les autres ; boîtes de Retrovir, le premier antirétroviral utilisé dans le traitement du VIH, en guise de talons hauts, ou des petites lampes tempête que le danseur allume et éteint tout seul. Le solo joue sur beaucoup de fibres sensibles et si la douleur, la souffrance originelle ont disparu, demeure l'émotion, la tendresse et la force du propos chorégraphique qui sans les mots en dit long sur les maux d'un fléau qui a impacté toute une génération. On en demeurera "inconsolable"...et inaccoutumés.

interprétation : Christophe Ives
Assistant à la création et transmission : Matthieu Doze
Accompagnement artistique : Fanny de Chaillé

A Pole Sud les 22 et 23 Novembre

PRÉSENTÉ DANS LE CADRE DE L’EXPOSITION « AUX TEMPS DU SIDA, ŒUVRES, RÉCITS ET ENTRELACS » DU MUSÉE D’ART MODERNE ET CONTEMPORAIN DE STRASBOURG.

dimanche 19 novembre 2023

Hanatsu Miroir: des rencontres fertiles et prometteuses pour cet "sound up n° 5"

 Tout démarre par un accueil auréolé d'une dégustation de gateaux japonais préparés par Usagiya, Maison Alsacienne de Wagashi: des petits cubes translucides fort esthétiques, moulés à couper au couteau, lignes droites, angles parfaits. Fragrances et gouts inouis, semblables à la musique de Malika Kishino que nous allons déguster. Des oreilles et des yeux, des papilles aussi !


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"Notre style de vie moderne, basé sur une technologie de pointe, nous rend la vie plus pratique, plus facile, plus rapide et notre environnement d’autant plus clinquant et trépidant. Mus par cette effervescence, nous n’accordons plus d’attention au processus. Nous n’avons plus le temps de percevoir les choses de multiples points de vue et de rechercher l’équilibre et l’harmonie.
Inspiré du célèbre essai de Jun’ichirō Tanizaki, Éloge de l’ombre 陰翳礼讃 , Shades, sept états entre l’ombre et la lumière nous montre l’importance de saisir les nuances et de rechercher la beauté dans notre vie quotidienne."

 

"SHADES"


Un spectacle multimédia comme à l'habitude pour Hanatsu Miroir. Les deux protagonistes dans une scénographie originale sont perchés en hauteur et donne le ton le "la"onirique de la soirée. La flute est volubile, acrobate, sur le fil des sons, tissant une matière sonore inédite alors que la percussion épouse ces tonalités pour engendrer une atmosphère sereine et rêveuse. Ayako Okubo sobre et habile, virtuose du souffle dans tous ses états, ses éclats, ses tenues et modulations subtiles qu'exige la partition lumineuse et solaire de Malika Kishino. Olivier Maurel, tel un chat, félin mobile et tactile aux percussions. Félins pour l'autre...L"ambiance est mystérieuse, rehaussée par les gestes et postures à terre d'une danseuse dont on perçoit à peine les contours du corps, couché au sol. Grace et volupté de mouvements ondulatoires, versatiles, ancrés dans la terre mais cependant très aériens au ressenti. Le dos est quasi nu, les plis de sa longue jupe, style plis à la Yssey Myake ou origami font office d'éventail japonais Qui se plie et se déplie au gré des sonorités, du rythme de la composition musicale Cela semble du sur mesure, haute couture pour un corps féminin en reptation et glissements très sensuels. Un partenaire, comme un corps siamois entre en scène et se fond dans sa gestuelle: créature hybride et mystérieuse qui hante le plateau et fait corps avec le duo de musiciens compères et complices de cette fable épique. Fantastique et parfaite représentation de rêves éveillés qui donnent le frisson. Comme un insecte rampant, une mante religieuse casquée de noire, un coléoptère bizarre, inquiétant. Noéllie Poulain et Yon Costes, interprètes idéaux pour un adage poétique et très séduisant. Danse arachnéenne sans nul doute.Yurei ou Yokai de toute beauté!


Les lumières et images vidéo végétales enveloppant le tout pour un état de fébrilité fragile et spectrale: "shades" comme les ombres portées dans la grotte de Platon.
L’allégorie de la caverne est une allégorie exposée par Platon dans La République. Elle expose en termes imagés les conditions d'accession de l'humain à la connaissance du Bien, au sens métaphysique du terme, ainsi que la transmission de cette connaissance. Images en ombres "chinoises" à travers des panneaux tendus, icônes éphémères d'un temps absent, de la pertes de la carnation, de la chair: celle de la muse Echo qui s'efface, disparait peu à peu pour laisser la rémanence de la voix, du son, des percussions.

Spectres, fantômes, ectoplasmes, bienvenus dans le monde de Malika Kishino, ravie ce soir là de voir son oeuvre incarnée et vivante.

Malika Kishino, composition | Noëllie Poulain, chorégraphie et danse | Yon Costes, danse | Ayako Okubo, flûtes | Olivier Maurel, percussions | Raphaël Siefert, lumière et vidéo. 

Puis changement d'espace pour un spectacle inédit, à l'arrache à l'issue de cette création:
Concert hommage à Kaija Saariaho
Duo Haelim Lee et Gayané Movsisyan et Louis Siracursa

[Duo vocale] [electro fusion] [contrebasse] [espace cabaret] tout public

Accueillir le duo vocale Haelim Lee (soprano) et Gayané Movsisyan (mezzo)est un vrai bonheur: une formule inédite à l'occasion de cette soirée où les rencontres sont décidément de mise et de bon aloi!.
Elles proposent From the Grammar of Dreams de Kaija Saariaho.
~D’après le livre de Sylvia Palth. Textes forts et qui traitent de la mort et de la vie…
"S’échapper dans la folie, destruction et combats contre…Le cauchemar finit dans la lumière du jour et de la vie". Il faut les entendre, les sentir dans cette proximité de mise en espace où les deux chanteuses se positionnent parmi le public. Debout, solides interface d'une composition vocale extra-ordinaire. La pureté des voix, leur ampleur et chaleur se déploient à l'envi et résonne comme des phares solaires dans ce lieu, cet endroit, ce milieu où il fait bon écouter et se laisser surprendre. Tout de noir vêtues, les deux chanteuses excellent dans ce répertoire virtuose et sur le fil des tonalités inouïes et troublantes.
Le programme fut complété par Folia, toujours de Kaija Saariaho pour contrebasse et électronique, interprété par Louis Siracusa-Schneider. Puis,le tout dans une rencontre avec le duo Ppaulus & frère qui processe à sa manière, à cet ensemble de pièces.Pour interpréter une pièce de Scelsi. Du jamais entendu que cette doublure architecturale de son live et charnel, alliés aux sonorités et atmosphères de l'électroacoustique. Un assemblage, une alliance, un alliage tectonique et percutant comme pour un bon vin: des cépages qui se marient pour créer une nouvelle formule: voix et électroacoustique qui s'écoutent, modulent ton et volume sonore, cède la place à chacun ou fonctionne en osmose…

Puis au tour de  PPAULUS & FRÈRE, une alliance par les câbles, le signal audio et les pics de tension: un[electro set] tout public réjouissant pour clore le cycle de découvertes de cette soirée exploratoire et conviviale: à l'image du duo protéiforme, Hanatsu Miroir.

Lovemusic fait son "plastic love" avec Santiago Diez Fischer: "c'est l''plactic qu'ils préfèrent" ....

 

plastic love | Santiago Díez Fischer & lovemusic Album release party

  •   Manufacture des tabacs (map)

"Venez fêter avec nous la sortie de notre premier album: plastic love lovemusic & Santiago Díez Fischer le 18 novembre à 18h à la manufacture des tabacs à Strasbourg, récemment rénovée, en compagnie de nos amis du festival Exhibitronic pour partager un verre lors de l'Happy Hour et explorer l'univers sonore expérimental et éclectique de Santiago".

Plastic love retrace 5 ans de relation artistique en parfaite symbiose avec Santiago Díez Fischer. L'album met en lumière la nature souple et organique de notre processus créatif, se concentrant sur une entité artistique plutôt que sur une collection de morceaux. Il présente trois œuvres commandées par lovemusic, entrecoupées d'Intermezzi coécrits par lovemusic et Santiago, offrant des aperçus de notre univers sonore commun en tant que forces collectives. Enregistré à GRAME à Lyon, l'album capture la qualité unique et constamment changeante de la musique de Santiago, privilégiant la documentation à la production studio. Il témoigne de notre amitié artistique et reflète l'évolution du monde sonore de Santiago.

Cette soirée fut l’occasion pour lovemusic de présenter plastic love, leur dernière production discographique, fruit d’une collaboration de cinq ans avec le compositeur argentin Santiago Díez Fischer, qui a composé un cycle de pièces pour six instrumentistes laissant une part importante à la spontanéité

 Quel beau et solide compagnonnage que cette rencontre fertile et prolixe entre un ensemble et un auteur-compositeur. Fidélité, audace et complicité pour ces artistes porte drapeau de la musique d'aujourd'hui. La soirée "inaugurale" débute avec l'un des morceau enregistré sur le CD. someone will remember us Violoncelle, flûte , guitare et saxophone dans une partition "préparée" pour donner du son, des tonalités inouïes à des mesures complexes qui s'emboitent et laissent un parfum de surprise, de douceur tenue à l'opus. Dans une scénographie simple, sobre , du plastique froissée en sculpture fantasques, éclairées pour sculpter des corps alanguis, des formes hybrides qui se marient et s'allient aux costumes. Gilet plastique transparent pour Adam Starkie, chaussures transparentes pour Emilio Gavito, robe légère et dos nu pour Lola Malique.Lumières fluorescentes sur les colonnes, piliers de la salle de la Manufacture des Tabacs. Suit l'emblématique "plastic love", joué et rejoué moultes fois mais donc la ré-écoute est toujours bénéfique. Les musiciens au diapason d'une écoute réciproque fort intuitive pour exécuter cette oeuvre phare qui n'a pas pris une seule ride. Les sons sourdent de sources inconnues, se mêlent, se déforment et un bréviaire musical de style de Santiago Diez Fischer se compose à l'audition précieuse et concentrée du public réuni autour des musiciens. La lumière et les costumes brillants réverbérant les vibrations des instruments, réunis pour des trouvailles sonores inédites.L'électroacoustique comme une couche enveloppante, rehaussant les effets de saturation ou de développement des tonalités qui se chevauchent. Dernier morceau de la "démonstration" du soir pour honorer la musique transcendante de cette récollection unique des pièces et morceaux d'une oeuvre qui comptera dans le glossaire et le catalogue raisonnée de la musique contemporaine! "De toutes les matières, c'est le plastic qu'ils préfèrent" !

Et le CD de ne pas céder à la morosité dans un design dépouillé, signé Emiliano Gavito pour le logo et les visuels.... Lea Legros Pontal pour le graphisme spectral de la pochette. Des distorsions plaintives de la guitare électrique sur someone will remember us à la pièce qui donne son titre au CD – alliance étrange et sublime entre les instruments et des… boîtes en plastique qui s’amusent à s’imiter, – le disque se révèle passionnant dans sa quête de sonorités organiques nouvelles.

 Emiliano Gavito - flute
Niamh Dell Bradbury - hautbois
Adam Starkie - clarinette
Léa Legros Pontal - alto
Lola Malique - violoncelle
Christian Lozano Sedano - guitare
Finbar Hosie - electronique

Santiago Diez Fischer - composition

lovemusic est un collectif de musiciens spécialisés dans la création basé à Strasbourg. Nourri des goûts éclectiques de ses membres, le processus créatif de lovemusic célèbre la multiplicité des esthétiques que la création musicale contemporaine peut offrir (travail avec la vidéo, lumière et scénographie), et a la particularité de toujours jouer sans chef, ce qui crée des liens intimes entre les musiciens•nes mais aussi une connexion active et passionnante avec le public. Lovemusic travaille à une plus grande représentation et visibilité de toutes les diversités, ainsi nous nous efforçons de choisir nos programmes en tenant compte des origines ethniques, des genres et des identités sexuelles, en créant un univers de travail et de création sûr et inclusif.
Cette soirée sera l’occasion pour lovemusic de présenter plastic love, leur dernière production discographique, fruit d’une collaboration de cinq ans avec le compositeur argentin Santiago Díez Fischer, qui a composé un cycle de pièces pour six instrumentistes laissant une part importante à la spontanéité.
 

archives

Et pour clore en beauté plastique et esthétique, voici le fameux et attendu "plastic love" signé Santiago Diez Fischer.
Sur un dispositif de deux cubes lumineux, deux archets reposent; les interprètes, glamour, chaussettes roses, tee shirt transparent ajouré vont faire partie du voyage.Un écran vidéo diffuse de beaux ébats de bans de poissons fluorescents, feux follets égaux aux sonorités conduites par les instruments. Le son se fait lumières et couleurs: "limelight" ou lumières de la ville: c'est beau une ville la nuit dans ce contexte sonore bigarré: un archet grince, comme un son de poulie; l'amplification artificielle opère pour des bruits citadins en registres multiples. Le tout dans une ambiance, atmosphère secrète d'un paysage ouvert, presqu'ile de cette magnifique carte maritime, icône du concert, carte de navigation où l'on traverse ces "villes invisibles" au radar de l'intuition sonore.

 

 

samedi 18 novembre 2023

"La Taïga court- première cérémonie" Antoine Hespel / Collectif La Volga: elle suit son cours...et déborde de son lit mineur.

 


La Taïga court est un voyage à travers le monde, là où se joue un avenir que l’on sait proche. Là où progressent les déserts, où gonflent les fleuves. Là où (sur)vivent celles et ceux que touchent directement les bouleversements climatiques.
La Taïga court c’est aussi un panorama, un paysage textuel fait de mots éparpillés, de longues listes et de brefs dialogues, de typographies variées, de caractères 12 et de caractères 46, de points et de lignes, De souffles et de silences également. 


La salle du Maillon sera divisée en deux clans, métamorphosée à l'occasion de la venue de cet OVNI théâtral, plus scénographique que textuel. Quoique...Invité à se placer à sa guise dans des sofas moelleux, le public enveloppe la scène, sans vraiment lui faire face.L'ambiance est au cabaret avec l'apparition de cette splendide animatrice pailletée, montée sur talons hauts, micro à la main. C'est l'introduction, prologue à cette fable écologique, signe des temps bouleversés de l'inversion climatique. Un sujet galvaudé qui commence à agacer mais quelque peu prémonitoire à l'époque de la genèse de l'opus "La Taiga court". On lui déroule le tapis doré de la survie pour en faire un chemin de table froissé. Et pour dépoussiérer le sujet, c'est à un défilé de mode déjanté, style "voguing" tranquille que l'on assiste. Une mine de trouvailles esthétiques: pneu en guise de ceinture,sèche linge adapté pour un ange déchu aux ailes cabossées, bidons d'eau, pièces recyclées à profusion pour stigmatiser la catastrophe des objets perdus, en surplus que génère notre société consumériste. Du très bel ouvrage, visuel, humoristique qui fait mouche, touche et illustre fort bien la déchéance, la pollution sous des couverts et porte drapeaux symboliques: des accoutrements de fortune pour prendre conscience de l'avènement du pire.Clara Hubert, designer costumière de choc pour une haute couture sur mesure, saison inaccoutumée pour acheteuses industrieuses en mal de culpabilité environnementale...Sur fond de rideau de scène étoilé, archipel des continents en divagation.



Eco anxiété,  cours toujours...

Les personnages  portent et transportent leur chagrin, étonnement en attitudes de suspens, face à un décor opaque qui masque un intérieur où trône l'un d'entre eux. Petit cercle, tribu de fortune qui semble lutter pour sa survie en notre compagnie consentante. Ni prédiction, ni prévision, ces mots et paroles transpirent la constatation de l'émigration, de ces "migrants" déplacés comme les glaciers qui fondent, les torrents qui débordent de leur lit mineur et font des coulées de boue inéluctables, irrévocables phénomènes climatiques de notre époque décalée, déboussolée. En quatre chapitres, après avoir siroter une boisson glacée aux framboises gelées, on parcourt des distances humaines, des situations abracadabrantesques qui mettent du piment à la déclaration de catastrophe naturelle dénoncée. Ces jeunes comédiens, metteur en scène, porte drapeaux, relais de ces olympiades de glace. Le flambeau se passe, le message nous invite à nous lever de concert pour honorer la "fondation" éphémère et utopiste, ambassade des plainte, cahier de doléance de cette terreur climatique vérifiée, estampillée par les actes militants de ces acteurs du présent.Ouragan qui déplace les murs ou barricade, ce dispositif scénique mobile qui nous menace, comme ces ours porteur de mitraillettes qui sont dans votre dos.Vigiles, guetteurs ou veilleurs agissant pour notre sécurité? Ou dispositif de répression policière, politique improbable de mesures politiciennes internationales déjouées? A vous de répondre, d'être consterné, concerné par ces états de faits,  et d'acter hors de votre fauteuil cosy dévolu à votre confort moral. Cette fable enjouée pourtant n'est pas pessimiste et la mise en espace, originale atteste de la recherche de ce groupe qui cherche à impacter le spectateur en l’arrogant. Adopter un émigré LGBT, sauver le monde à sa façon, oui, elles courent, elles courent la taiga, la pampa ou la brousse pour être poursuivies, dépassées, stoppées tant qu'il en est encore temps. Antoine Hespel se saisit des mots de l’autrice Sonia Chiambretto, qui dresse le tableau de l’aveuglement du monde, mais aussi celui d’une incompréhension entre celles et ceux qui vivent l’écroulement des équilibres et celles et ceux qui les regardent… ou pas. Pour son travail de fin d’études à l’École du TNS, le metteur en scène s’est entouré d’une joyeuse équipe de sa génération, sur scène comme dans les coulisses. en savoir+

Un spectacle responsable, équitable, bouée de sauvetage indispensable à la prise de conscience ludique et bienvenue en ces temps de tenue de promesses politiciennes de polis petits chiens de pacotille.

Il cout, il court le furet du bois joli ou la maladie d'amour, ritournelle, manège , routine de notre déni face à l'inversion climatique.Transition écologique et cohésion des territoires en figure de proue..Totale énergie pour Danone et autre Nestlé qui se refont une virginité et une bonne conscience en finançant l'opus, barricade salvatrice d'un soulèvement communard de bon aloi ! Et que les climato- septiques ou dépressifs ne tombent pas dans la fosse aux lions: « Où sont-elles·ils les éco-réfugié·es, les déplacé·es, les réfugié·es climatiques ? ». Nuls par ailleurs...



Antoine Hespel nous donne à voir et à entendre les mots de Sonia Chiambretto, qui dresse le tableau de l’aveuglement du monde, mais aussi celui d’une incompréhension entre celles et ceux qui vivent l’écroulement des équilibres et celles et ceux qui les regardent… ou pas. Mais la poésie n’est pas une leçon de morale pour autant : à la manière du film Don’t Look Up d’Adam McKay, l’humour aussi peut aider à ouvrir les yeux. Pour son travail de fin d’études à l’école du TNS, le jeune metteur en scène s’est entouré d’une joyeuse équipe de sa génération, sur scène comme dans les coulisses.
Ils nous invitent, assis dans nos fauteuils sur le plateau, à regarder en face ce qui s’avance lentement vers nous.

Avec Jonathan Bénéteau Delaprairie, Yann Del Puppo, Quentin Ehret, Felipe Fonseca Nobre, Charlotte Issaly, Vincent Pacaud

Au Maiilon jusqu'au 18 Novembre dans le cadre de "premières, la suite focus jeunes scènes européennes"

vendredi 17 novembre 2023

Stras' is voguing: my mother is beautiful... Une gouvernante de choc: Lasseindra Ninja, passeuse de choc!


Résidence artistique « Stras is voguing »

Du 13 au 17 novembre le dialogue et l’expérimentation collective autour de la culture voguing s’invitent à l’Université de Strasbourg à travers une résidence artistique initiée par trois étudiantes en Master « Approche des politiques des arts de la scène et de leur médiation ». Ksu LaBeija, vogueuse strasbourgeoise, présentera aux étudiantes et étudiants le voguing et ses valeurs par la pratique chorégraphique et la découverte de la communauté ballroom.

Professeure de danse au Centre chorégraphique de Strasbourg et vogueuse depuis de nombreuses années, Ksu LaBeija considère cette semaine de résidence comme une initiation au voguing, une expérimentation collective de ce que peut être une résidence de voguing dans une université, ponctuée par des temps de réflexion autour de cette danse festive qui porte également un héritage politique pour les communautés queer, noires et latinos.


Ksu LaBeija transmettra son approche théâtrale et sensible du voguing lors d’un workshop qui permettra aux étudiants et étudiants de s’emparer des codes de cette danse et de la culture ballroom du lundi 13 au 15 novembre 2023 (accès aux étudiantes et étudiants de l'unistra, sur inscription, dans la limite des places disponibles).

Deux événements ouverts à toutes et à tous pour découvrir le voguing : la communauté universitaire et le grand public sont invités à découvrir le voguing lors de deux événements :Projection-discussion : documentaire Paris is voguing de Gabrielle Culand  (2016)

Et échange avec Lasseindra Ninja et Ksu Labeija
Jeudi 16 novembre à 20h | La Pokop, salle de spectacle Paul Collomp

Réalisé par Gabrielle Culand, ce documentaire contextualise l’arrivée du voguing sur la scène parisienne. Cette danse, née dans les années 1970 dans les clubs new-yorkais fréquentés par les gay latino et afro-américains, s’inspire des codes des défilés de mode et des poses des mannequins. Les danseuses et danseurs se regroupent en houses et s’affrontent lors de compétitions : les balls. Ce documentaire retrace les débuts de la scène ballroom française en suivant Lasseindra Ninja et Stéphane Mizrahi, pionniers du voguing en France. Il et elle transmettent les codes de cette danse à leurs “kids” qui apprennent à se sentir fiers de leur genre et de leur couleur de peau.

Danse de toute la peau, danse, élucubrations savantes et très techniques, issue d'une discipline féroce et d'un savoir être et vivre ensemble draconien. Telle serait la devise de la fer de lance du mouvement voguing hors des USA, Lasseindra Ninja . Un témoignage hors norme pour cette icône, cette star du voguing, battante, combattante depuis ses 13 ans où elle goute aux joies de cette posture et attitude de vie collective, le voguing. Une stature bien ancrée, franche et bâtie pour se mouvoir, se soulever toujours pour gravir les "sentiers de l'âne", là où tout est possible dans le respect et la considération de l'autre. Danser, se travestir, organiser des ballrooms en catégories très agencées, hiérarchisées comme à l'armée ou en batterie d'art culinaire: chef de rang, de party, elle-il faussement relax et débonnaire, se livre devant la caméra, discret témoin des événements festifs de la communauté voguing. Radicale position révolutionnaire revendiquée ici et vécue sans concession. On se donne en être adulte, on est "mother" par compétence et détermination pour cette communauté si attachante, virulente ou tendre aux évolutions artistiques sidérantes. 

La maisonnée comme foyer, berceau, nid d'accueil fraternel: nidifier pour sortir de sa chrysalide, accepter d'être éduqué, averti, drivé et coaché dans le bonheur de la confrontation.

Un ballroom c'est aussi un spectacle, une compétition entre "genre", une filiation avec l'insoumission, la désobéissance dans les règles d'un art strict et porteur de dignité, d'intégrité, d'altérité. La "mère des mères" est devant lors du débat qui suit la projection de ce documentaire, bijou du genre "la vérité ou rien". Ici on ne se cache pas, on ne dissimule rien, on tente, on essaie en public, on sex-pose, on se livre. Et ce don de soi est un échange constant entre gens du même bord. Une soirée riche et prometteuse d'une ouverture vers la pratique du voguing et ses effets bénéfiques sur la société en sommeil: debout, réveillez vous, la danse comme art du combat pour mieux se connaitre soi-même et celui qui est face à vous. Une "gouvernante" aux mains de fer derrière ses gants de velours, son minois confiant, son humour et son ironie constante. On ne badine pas avec le voguing et Marivaux aurait adoré ce que revendique aussi Didi Huberman: le soulèvements des corps dans des transports en commun hors norme. Au sein de "house" bien équipées!Home sweet home pas de tout repos! Cocooning s'abstenir.

Un sacerdoce intransigeant pour une "légende" vivante, "petite mère", Claude Bessy du voguing...

À la suite de la projection du documentaire, le public a  interagi avec Lasseindra Ninja (House of Ninja). Elle a répondu avec franchise et distanciation à des questions posées en amont sur Instagram, et a transmis des éléments clés de la culture ballroom. Danseuse de formation "classique" et internationale chez Alwin Aley, Martha Graham, interprète chez Boris Charmatz, La Horde, voici une porteuse, relais d'un flambeau, d'une esthétique singulière: défilé de corps costumés, affublés de vêtements extravagants, extra-ordinaires, magnifiant les corps rompus à une pratique galvanisante de la danse, hirsute, forte, puissante. Des ballrooms sous le signe entre autre de Néfertiti sont hallucinants d'inventivité, de créativité pour des métamorphoses singulières des personnes... Comment dès lors situer les travaux d'une Robyn Orlin, d'un Steven Cohen ou Trajal Harrell, champions du voguing "scénique", artefact d'une expression "populaire" en voie de réappropriation...?

𝑺𝒕𝒓𝒂𝒔 𝒊𝒔 𝒗𝒐𝒈𝒖𝒊𝒏𝒈 met à l’honneur Ksu LaBeija, French Mother of the Royal House of LaBeija, en résidence d'artiste à l’Université de Strasbourg !
Invitée par trois étudiantes en Master d’Arts de la scène, la vogueuse strasbourgeoise souhaite diffuser le voguing et ses valeurs par la pratique chorégraphique et la découverte de la communauté ballroom.

mercredi 15 novembre 2023

"Salti" : un remède à la mélancolie, toujours après minuit! Saltigondis et trois fois rien pour un triple salto!

 


Brigitte Seth & Roser Montlló Guberna Cie Toujours Après Minuit  France trio création 2021 

Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna nous offrent une histoire qui fait apparaître un autre monde. Une pièce ludique et extravagante prenant appui sur la tarentelle, danse populaire du sud de l’Italie, une danse qui soigne. Ce contexte propice à l’imagination, nous invite à vivre des situations étranges, absurdes qui nourrissent la création d’un conte drôle, cruel, et fantastique. Sur le plateau, un trio complice (Jim Couturier, Louise Hakim et Lisa Martinez) se présente avec enthousiasme ; puis l’un d’entre eux lance : « Je m’ennuie, je ne sais pas quoi faire ». Alors, en guise de remède, ils décident de jouer au « tarantolato » (en italien « la personne mordue par la tarentule »). Les deux autres incarneront les personnages de danseurs-soigneurs. Chacun aura alors à inventer les pas, les mots, les comptines, les chants et autres formules magiques pour soigner leur ami. Une écriture ciselée associée au talent des trois interprètes nous offrent une pièce joyeuse et réconfortante qui nous fait voyager vers des contrées et des fables méconnues.


Salvateur, réparateur, salutaire...Ce trio fait du bien et soigne tous les maux liés à la "maladie" de la danse obsédante, par les gestes et les mots.La parole est reine et belle, inventive et sereine et berce de sa rythmique endiablée les faits et gestes de trois acrobates virtuoses du genre: mixer et remixer la pensée en mouvement: celle dont le pré-texte est la tarentelle, l'épidémie tectonique qui embrase le corps piqué par le venin de l'araignée...italienne! A régner à l'intérieur des muscles profonds et des têtes folles de ces trois danseurs, imprégnés de l'imaginaire de nos deux compagnes de la compagnie "Toujours après minuit". Brigitte Seth et Roser Montlo Guberca. Utopie des relations humaines, transe en danse d'une contagion qui fédère et pousse à aller toujours plus loin dans les abimes, failles et rebonds du geste créateur: les mots chuchotent, les gestes ondulent, les visages s'animent, les corps discutent, se répondent, se rebellent.Ça respire le bon air de la "tarantolata" à plein poumons.Sur la toile de l'araignée, les insectes dansent sans se faire piéger et tissent les voies du métissage et des entrelacs savants de la théâtralité des corps mouvants. Une belle réussite bien dosée!Et si Damoiseau et Damoiselles (d'Avignon) dansaient les passerelles inachevées d'une toile à tisser, geôlière magnétique d'un conte d'effets... 

Triple Salto

Un trois fois rien où l'on ne s'ennuie jamais, où les enfants, jeune public idéal devant ces ébats et soulèvements des corps, se régalent et rebondissent. En ricochet comme les mots qui vont et viennent comme des ritournelles d'antan En contagion rythmique grâce à l'énergie des trois protagonistes de choix: l'un bondissant, c'est Jim Couturier, les autres, maline Lisa Martinez, pétillante, gracile Louise Hakim. A eux trois, il font la paire comme pour un triolet dans le solfège des pas et rebonds. La tarentule grosse araignée dont la morsure passait pour produire une grande excitation nerveuse, comme animal obsédant, comme danse affolante, fébrile. Oui, ça fait mal et Jim se contorsionne de douleur alors que ses compères se questionnent sur son sort. Et c'est "tout mou" que son corps bascule, porté par ses complices: la marche aérienne, hors sol est de toute beauté. Si l'on pouvait aussi échapper à la pesanteur pour atteindre les sommets de l'apesanteur. Et ces tremblements orgasmiques de la tarentelle de se répandre joyeusement en sarabande italienne, pleine de punch et d'enthousiasme sur le plateau.

A Pole Sud le 15 Novembre

samedi 11 novembre 2023

Benedicte Bach: la coupe est pleine! "Jetlag" à la Pierre Large : le décalage horaire opère en règle.

 


Le travail de Bénédicte Bach se joue régulièrement d’arythmie et d’atemporalité. Une rhétorique poétique habituellement construite avec du détail, de l'abstraction, des escapades symboliques pour s’éloigner du réel. Après avoir exploré des matières et des métaphores, cherchant à suspendre le temps et en révéler la substance poétique, elle nous offre ici un regard plus intime, plus personnel peut-être, plus engagé. La poésie distillée ici est plus radicale et prend des accents d’un discours féministe. Les choses se transforment, sous nos yeux, le trop plein, le goutte à goutte, les matières s’imbibent, s’évaporent, s’émancipent. Le chaos n’est pas loin. L'artiste utilise des objets du quotidien, des objets symboliques de la vie d’une femme, et les tourne en dérision, comme pour s’affranchir de leur soumission. L’équilibre naît du déséquilibre, les livres s’amoncellent dans une baignoire, des peaux en cuir également, du papier de soie, du vin déborde du verre, les choses ne se présentent pas comme elles devraient l’être, des feuilles en papier s’envolent dans un souffle. Il y a dans ce travail quelque chose de crépusculaire, d’une profondeur sensible à la vie. Un propos un brin désabusé d’un monde qui aurait perdu ses repères ? Les autoportraits à travers des vitres explosent le prisme, en décomposent le visage. D’autres ne révèlent que des morceaux d’une identité qui ne se donne à voir que de façon fragmentaire, les draps plissés sont vides. Ce qui compte est laissé hors de notre vue, comme pour questionner le sens de nos disparitions. Rien n’est figé, tout se transforme. Pour compléter ce tableau, une installation épurée vient apporter son écot à l’ensemble de l’œuvre. La fête est finie montre des traces, des morceaux d’une réalité, et dans une épure de geste, vient témoigner de ce qui a été, comme une ponctuation mémorielle de nos imaginaires envolés. Jubilatoire, poétique assurément, imparable.

Dans l'exposition les images du corps de Bénédicte nous interpellent: visage morcellé, nudité plongée dans un bain sec de jouvence au creux d'une baignoire asséchée, plis et replis des matériaux qui recouvrent, dissimulent son corps. A peine entrevu comme une censure de l'artiste par elle-même et son iconique représentation. Autoportrait ou auto récit, narration visuelle d'une femme qui se conte et ne compte pas sa dévoration livresque de littérature. Les vidéos montrées, courts métrages d'art sont remarquables: une sorte de sablier aux contours de vasque féminine, courbes et amplitude d'une hanche, d'un buste de verre dans des teintes bleutées. Des bulles d'air comme du champagne grimpent au ciel en orgasme ascendant. C'est beau et sensible, romanesque et romantique dans un médium hyper contemporain: l'électron libre de la vidéo qui se dissémine comme des spermatozoïdes légers, heureux élus en fin de course vers cette matrice offerte. Puis, le clou de l'expo réside en cette vidéo au coeur d'une installation très intime, au sol, objets et amulettes, petits rien déposés comme des offrandes au pied de l'autel. Païen à coup sûr. Un verre au pied long, une vasque comme réceptacle, calice des images. L'hostie c'est le tampax, bouchon du vagin en cas de pertes menstruelles, mensuelles. Le sang, c'est le vin et la coupe se remplit par magie, puis dans un goutte à goutte sensuel vertigineux. Images d'un verre de champagne pétillant où l'on aurait trempé un biscuit rose de Reims. Tabou ou objet de culte sauvage et beau. La communion est prête, le jeu de massacre démarre comme dans un bowling de quilles-tampons neufs et résonnants sur un sol musical percutant. Et le tampon de coton de s'épanouir en blaireau à plumes, les tampons baignés de vin de sécher peu à peu comme des fleurs fanées. Le temps passe, le corps se flétrit, s'étiole, fait grise mine. Le temps pacse les êtres entre eux et confine la chair. Histoire de femme, certes mais son et images se distillent comme une liqueur de chair au sein d'une clepsydre invisible. Du bel ouvrage incendiaire et doucement révolté sur l'image fantasmée de la femme-fleur immaculée conception. Et l'Annonciation de nous révéler la part des anges qui s'évade au fil du temps pour abreuver les sillons de nos imaginations. Un travail fertile, une terre labourée "incognita" aux secrets de cabinet de curiosité très contemporain.

A La Galerie "la pierre large" jusqu'au 16 Décembre


clin d'oeil à Preljocaj ?