C'est donc à un petit régal déjà matinal avec "Récital à deux sous" que démarre une journée en fanfare dans ce charmant petit village où l'ambiance est à la rêverie bucolique, à la culture et à une sage gastronomie locale: pâtissier et charcutier du cru à se damner!
L'ambiance est conviviale, partageuse et mille et une petites mains s'affèrent dès potion- minet pour rendre le séjour de tous agréable et mémorable: confection de sandwichs, de plats du jour et de bonne humeur pour tous!
120 ans de théâtre du peuple ça se fête avec cette "année allemande" au menu!
En entrée le délicieux récital, amuse bouche, "Récital à deux sous" de et avec Mélanie Moussay: on la connait chanteuse, comédienne, interprète, la voici "musicienne" et metteur en scène d'un charmant florilège de chansons mêlées d'une époque nostalgique où la séduction l'emporte sur les sentiments, le charme sur la sagesse!
Une heure durant, ce récital insolite mêle cabaret et chansons, "où se croisent l'amante abandonnée et l'anarchiste, le tout servi par une diva en quête du grand frisson et accompagnée par un trio détonnant"! Juste résumé d'un spectacle à déguster sur place sans modération et dont l'on emportera des souvenirs de nostalgie dévorante, de complaintes lancinantes et de beaucoup de bonheur et de joie
Mélanie Mousay s'y révèle audacieuse, conquérante et séduisante, un tantinet provocante comme on l'aime à l'entendre et la regarder
Joli travail corporel de placement pour une cantatrice qui bouge très bien et sait changer de répertoire en un seul bond, passant de la coquinerie, au drame, du pathos, à la légèreté, de l'éros au Thanatos, avec aisance et subtilité
"Le tango stupéfiant" de Marie Dubas lui va à ravir, Boris Vian lui permet de conter dans un beau suspens les aventures d'un savant fou avec sa "Java des bombes atomiques" et Kurt Weill lui inspire mimiques , attitudes et jeu très sélectionnés!
Une invitée surprise en "Madame Arthur" fait mouche, insolite comédienne au visage inoubliable qui traverse la scène pour un unique numéro historique et mémorable! Chantal Gobert !
Mélanie Moussay, très inspirée à la "première" confie son enthousiasme de participer à cette aventure artistique et humaine: une résidence de plus de trois mois à Bussang, qui va quelque peu "changer" sa boussole de direction! Sa voix chaleureuse se prête à cet exercice périlleux de récital "hommage" ou reprise de mélodies connues qu'elle adapte et dont elle s'approprie avec décence, respect mais aussi avec culot, audace et répartie!
On en redemande et les rappels saluent aussi le travail et la présence cocasse et comique de ses trois compères-complices musiciens: Henri Deléger, Camille Dueirard, Gabriel Mattei.
Elle ravit, Mélanie qui ne se fait pas "moussay" pour autant!
Yves Beaunesne met en scène un texte qu'il révèle judicieusement dans son actualité, sa musicalité, sa férocité.
Des intrigues, une cabale qui tient en haleine le public qui se régale de la langue de Schiller dans une traduction crédible et soumet un rythme, un timing très serré au spectacle.
Le jeu de Louise incarné par Jeanne Lepers est attachant, convainquant et quasi virtuose dans le genre de divers caractères exprimés subtilement dans une jouvence et une félicité remarquable
Beaucoup d'entrain, de justesse dans cette revisitation croustillante d'un drame bourgeois qui pourrait bien ne lus nous concerner!
Eh bien , si, cela nous touche et nous conduit à vivre ces destinées étranges et obsolètes comme des aventures épiques à suivre absolument sous peine de manquer une marche accédant à l'édifice monumental de la langue de Schiller! Jean Claude Drouot en prime, s'il vous plait!
"L'opéra de quatr'sous": pas en solde !
Vincent Goethals se permet d'aborder Brecht, Kurt Weill avec "ses moyens du bord" et cela est fort audacieux, téméraire et réussi!
Dans la salle mythique du" Théâtre du Peuple" au crépuscule du soir, c'est toujours à un rituel concentré que l'on se prépare: un voyage au long cour qui va être magique, digne d'un lieu qui résonne de tant d'aventures, de références et d'émotions.
Le théâtre y prend ses aises et s'installe sous la houlette d'un metteur en scène aguerri aux exercices de style les plus complexes
L'Allemagne revue et corrigée, en "revue" et cabaret stylé, jamais redondant, juste, à la mesure du pari, de la gageure du projet.
Ça fait du bien de retrouver quelques références sur lesquelles s'appuient nos mémoires collectives; c'est un risque aussi que de remettre sur l'établi une oeuvre aussi mythique, mais dans ce cadre exceptionnel, cette ambiance particulière au festival, ça passe, sans "casser"!
La corruption, l'évocation de la bourgeoisie dégringolante, les bas-fonds, tout y est sauf peut-être le rythme général du spectacle qui reprend un bon souffle dans la seconde partie
Les comédiens rayonnent, l'opéra épique leur inspire attitudes, gestes et chant qui s'ils ne sont pas "virtuoses" participent de cette envolée lyrique qui enivre et affole!
Belle programmation pour ces "120 ans" de Bussang, bussang neuf pour un projet et une équipe "bucolique" en diable où le théâtre populaire nous rappelle qu'il n'est pas mort, mais bien vivant dans cette enclave des Vosges où il fait bon passer un moment hors du temps tout près de l'éducation populaire qui plane à bon escient sur ce lieu magique où la forêt joue encore son rôle de décor final pour honorer nature et culture!
www.theatredupeuple.com jusqu'au 23 Aout !