dimanche 20 juillet 2025

Hayet Ayad ouvre l'âme de la maison Klose...Sacré phénomène !

 


Dans le cadre champêtre de la chapelle de la Klose, nichée aux abords d’Ohlungen, les Sacrés Vendredis de la Klose reviennent en juillet 2025 pour une série de concerts à la lueur des chandelles. Ohlungen, forcément Made in Alsace se souvient de Summerlied ! Ce sont justement les Amis du festival Summerlied qui organisent et cette deuxième édition promet une immersion dans des univers musicaux variés, mêlant traditions sacrées, explorations contemporaines et racines culturelles profondes. Du 4 au 27 juillet, six soirées enchanteresses célébreront la musique dans l’intimité de ce lieu historique.

Le 20 juillet, Hayet Ayad, chanteuse kabyle d’Alsace, revient à Ohlungen pour un concert unique dédié aux musiques sacrées méditerranéennes. Ambassadrice de paix, sa voix solaire, inspirée par la poésie soufie et les mystiques juives, chrétiennes et musulmanes, tisse un lien harmonique universel. Son parcours, jalonné de collaborations avec Georges Moustaki ou Tony Gatlif, ajoute une aura légendaire à cette soirée.

L’expérience se prolonge par des conférences préparatoires aux concerts vers les 18 heures :20 juillet : la pluralité culturelle – les musiques de la Méditerranée avec Hayet Ayad et Lilia Bensedrine-Thabet directrice des Sacrées Journées de Strasbourg


Une femme qui chante et qui danse devient ici une et-vie-danse fameuse."Les chants d'une âme","Le fil harmonique des âmes"c'est tout dire de l'aspect spirituel et mystique d'un engagement poétique et politique de la chanteuse née en Alsace...Et c est le bassin méditerranéen qui vient à nous en la personne d' Hayd Ayad  nichée dans la petite chapelle de Ohlungen au milieu des champs

Le public est  nombreux pour venir partager un moment de douceur dans ce monde agité ; Un rituel quasi chamanique, une note de lueurs et de lumières comme ce chaleureux décor paré de bougies discrètes illuminant l'ambiance. Prêtresse du lieu la chanteuse paraît, sobre, modeste femme désireuse d' unir les cœurs à son énergie positive et contagieuse. C' est avec sa kalimba qu' elle ouvre ce récital si éloigné des grandes scènes.L'intimité du lieu, la proximité avec le public la pousse dans la direction de l' improvisation. Ce qu'elle avoue faire comme un exercice de funambule sur la corde tendue de ses rêves.


Et les cieux sont avec elle, le tonnerre grondant au loin pour annoncer un orage salvateur.Cette énergie cosmique convient à l' artiste dont la fibre spirituelle et mystique vibre au son de sa voix.Voix douce à la tenue remarquable dans les tonalités graves, subtiles contrastes à l'appui agrémentés de vibrations et de fréquences hypnotiques. Un véritable soin que l' écoute des sons venus de l' intérieur de ce corps vibrant accompagné d instruments à cordes comme le goni qu' elle porte à bout de bras. C'est le tambourin, bendir, soleil illuminé de lucioles, qui ravit et emmène dans des contrées lointaines.Douces percussions du bout des doigts qui pulsent au rythme de sa respiration et de son inspiration. Un curieux instrument à soufflet, un orgue portatif organetto,tel une petite valise portative, la berce de son souffle léger.Phénomène unique donné à voir et à entendre les yeux fermés comme une prière, une ode à la joie estivale et orageuse.Ce récital bordé de magie autant que d' authenticité est vibrations, psalmodies de sons,litanies enchanteresses et enjôleuses,dompté par une musicalité étrange venue d ailleurs.Des fondements du corps et de l 'âme de Hayet Ayad....Et le souffle des ventilateurs de disperser ces notes de musique dans la belle chevelure déployée de l'artiste.....Un vent de jouvence et de méditation salvateur.




« Par son chant vibratoire, Les Chants d’une âme, nous amène à plonger profondément en soi. Les chants viennent me chercher au niveau de l’âme (saut quantique) me permet de me réconcilier avec moi même, et faire le lien dans le sacré, là ou je ne peux pas mettre de mots,il tisse en moi une réconciliation avec mon être et mon âme, les noces ultimes ou sacrées a l’intérieur de soi, Cela se fait sans que l’on veuille, cela nous est donné si l’on se laisse faire ». RM

Les Sacrés Vendredis de la Klose : une ode musicale à Ohlungen en juillet 2025

jeudi 17 juillet 2025

"Sortir de l'ombre": au "gré" du karst! Dominique Haettel et Corine Kleck fusionnent l'espace et la matière.

 


Sortir de l'ombre réunit deux artistes, Corine Keck et Dominique Haettel. L'installation évoque une apparition, au sens d'une manifestation presque imperceptible, surgissant dans un espace silencieux. Elle rend visible ce qui habituellement se dérobe : formes en suspens, présences fragiles, tensions entre disparition et surgissement. L'apparition ne dit pas tout, elle effleure. Elle habite la frontière entre l'absence et la présence. 

 Qui aurait pu soupçonner le grenier du Musée de la Poterie de Betschdorf de pouvoir receler les trésors d'une grotte d'un relief karstique de l'ère tertiaire? Et bien la découverte vient d'être faite au sein de la charpente revisitée par deux artistes explorateurs, géologues et spéléologues de Schweighouse...

photos dominique haettel

Entrez dans cet univers unique et vous voilà parachuté dans une grotte où des stalactites tout de blanc cousus voisinent avec leurs formes miroirs , des stalagmites, colonnes sèches, statues verticales légèrement décapitées.  Une atmosphère de mystère se dégage de cette installation, sobre, pertinente au regard de l'environnement intime de boudoir de cette grange traditionnelle. Le vieux bois des poutres supporte les tensions de ces sortes de sacs, enveloppes suspendues au cintre d'une salle des pendus d'un carreau de mineurs.Comme des chemises de nuit au tissus rêche, emplies de souvenirs, de parfums nostalgiques. Comme des chauve-souris suspendues dans la pénombre.Comme des vessies, matières organiques voisines du travail de l'artiste Ernesto Neto.Tel des tétines lactées aspirées par des gueuloirs féroces.Des pis de bestioles fantastiques en proie à des dévoreurs avides d'un liquide salvateur.Sous les doigts de fée d'une artiste couturière Corine Kleck qui relie et noue souvenirs et réalité. Réalité d'un songe éveillé où les matières tissus et plâtre-chanvre-chaux se rejoignent dans une belle sérénité ambiante. Comme des os tronçonnés à différents niveaux, les vases de Dominique Haettel sont érigés comme des totems votifs, des trophées d'une nuit étoilée.Asticots ou vers se tortillant de plaisir au gré de la lumière changeante. De ces profondeurs jaillissent des récits fantasmagoriques à l'envi. La sérénité du lieu apaise ces visions et la blancheur envahit l'espace en douceur.


Les formes se transforment au gré des déambulations autour de cet étrange profusion de sculptures rigides et souples à la fois. Se heurtent les matières blanchies, virginales comme des spectres, funambules des poutres du grenier. Fantomatiques esquisses plastiques d'un univers onirique digne d'une grotte d'un relief calcaire étrange. La blancheur, pâleur extrême ou incandescence visuelle est du plus bel effet optique.Immobiles, les structures pourtant s'animent dans un silence enveloppant magnétique.

La découverte de ce trésor archéologique et géologique au sein d'un Musée où la terre et sa transformation sont reines est quasi une évidence: les fouilles y sont archéologie du futur et en somnambules avertis on chemine les yeux grands ouverts dans cette carrière chaleureuse bercée de clarté autant que d'obscurité planante. Une tranche d'histoire à visiter en grimpant l'escalier du musée,curieux et intrigué par cette intervention plastique rêvée.Une immersion tendre et feutrée à vivre dans la quiétude d'un lieu fantasmé: le grenier de nos mémoires minérales et textiles ressuscité par l'imaginaire de deux sculpteurs du temps.Le sable blanc qui jonche le sol, comme érosion des sculptures et du relief ancestral.

Au Musée de la Poterie de Betschdorf jusqu'au 30 Septembre



dimanche 13 juillet 2025

"Le souffle de l'Ill" ne manque pas de fille de l'air! Vingt mille lieues sous les mers...en plongée sous-marine, en apnée.

 


Pour la première fois, une piscine va devenir le théâtre d’un spectacle immersif total, mêlant art vivant et art numérique.

Et quelle piscine !
Les Bains Municipaux de Mulhouse, fermés depuis trois ans, rouvrent pour célébrer leur centenaire avec un spectacle immersif inédit.

Ce lieu Art Déco sera métamorphosé par des projections monumentales et illusions d’optique, redessinant l’espace en constante transformation. Le public, installé au cœur du bassin ou sur les balcons, vivra une odyssée visuelle et sensorielle. Après Terra Alsatia, joué en l’église Saint-Étienne, sur une tranche d’histoire de Mulhouse, Le Souffle de l’Ill propose une aventure onirique dans des terres englouties.


Le spectacle mêle poésie, légendes et figures historiques de Mulhouse embarquées à bord d’une arche mystérieuse. Fontaines aquatiques, danseur aérien, percussionniste envoutant, personnages holographiques sur des murs d’eau, enrichissent cette expérience immersive. L’eau, la lumière, les images et les sons interagissent dans un ballet féerique. Le public plonge dans un monde entre rêve et mémoire. Le bâtiment devient acteur d’un récit aquatique hors du temps. Une célébration artistique totale, entre technologie et émotion.


L’immersion visuelle se fait grâce à 25 vidéo-projeteurs laser de 20.000 lumens chacun, couvrant l’ensemble de l’édifice, du sol au plafond. Création des images par une vingtaine de graphistes et animateurs.Mise en lumière, en complémentarité de l’image par 400 projecteurs. Des architectures de lumières recréées par une vingtaine de faisceaux, formant un plafond virtuel au-dessus des spectateurs. Éclairage des intervenants scéniques à travers une esthétique théâtrale.

Quand l'ancienne piscine municipale de Mulhouse se transforme en Nautilus on embarque avec le capitaine Nemo pour un voyage extraordinaire dans les abysses d'un monument historique remarquable dédié à une mise en espace extraordinaire...De quoi ravir ceux qui ont fait la queue pour redécouvrir la piscine désaffectée de leur jeunesse par un beau soir d'été! Alors en avant pour une odyssée de l'espèce sous marine pour un déroulement d'une histoire rocambolesque et abracadabrantesque plus d'une heure durant d'illusions, de rêves et autres fantaisies extra-ordinaires. C'est l'histoire de Wendélina qui doit se délivrer des griffes maléfiques du baron Klingenberg grâce au chevalier Elias tout droit sorti d'une légende réparatrice. Un conte de fées où le méchant sera vaincu bien sûr et les bons récompensés par leur générosité. Le meunier d'abord, père digne et fou adorateur de sa fille, le gamin, détective au service du juste et du bien et les héros historiques évoquant des personnages célèbres nés à Mulhouse...Dont Nusch Eluard ou le réalisateur William Wyler. Histoire et commémoration des 800 ans de Mulhouse obligent! Des personnages virtuels modélisés quasi parfaitement pour faire croire en leur présence à travers textes et dialogues attenants.La magie opère ainsi au creux d'un écrin spatial remarquable: la nef et le plafond de la piscine comme une arche d'un bateau renversé. Les moyens techniques mis en oeuvre s'effacent rapidement au profit d'une ambiance et d'une atmosphère unique en son genre. Les personnages de chair se mêlent et jouent en alternance avec l'irréel, le fantastique, le leurre. 

C'est Wendélina qui ouvre le bal magique et magnétique de ce spectacle hors norme. Une jeune fille délicieuse, charmante, juvénile et innocente dans ce monde de convoitises et de pouvoir. C'est Charlotte Dambach qui incarne avec simplicité et brio ce rôle clef de  ce conte de fée diabolique. Le visage éclairé d'un sourire angélique, la grâce au bout des doigts, les bras enveloppant l'espace dans des tourbillons audacieux. Les pieds dessinant au sol des vasques d'eau éclaboussantes d'un plus bel effet esthétique. Les pieds frôlent l'élément liquide, tracent des cercles concentriques....Elle semble une Sylphide romantique à souhait, diaphane quasi transparente dans une atmosphère de rêve éveillé. Son jeu se borde d'intensité dramatique quand elle est aux prises avec ses pourchasseurs, ennemis de mauvaise fréquentation. Aux anges dans cette atmosphère aquatique semblant dicter aux jets d'eau, hauteurs, niveaux au gré de ses caprices, de ses envies ludiques et autres humeurs juvéniles. Tout de blanc vêtue, quasi fantomatique comme une Wilis du ballet Gisellle. Un technicien manipulateur aérien aux commandes de ces petits exploits de précision gestuelles, Thiebaut Bastian orchestre au diapason anticipation des prouesses dansées avec un poids comme un punching ball: à observer à vue absolument!

Une séquence la magnifie, en déesse, prêtresse des lieux, suspendue dans les airs, une longue traine la sublimant en icône d'une peinture surréaliste ou symboliste. Soulignons ici la beauté des costumes fantastiques signés Marie-Jo Gébel aux mains de fée qui sublime les matières et le textile comme nulle autre. Un hommage à la cité du textile sans nul doute! La danse et la chorégraphie, signées de Brigitte Morel de la compagnie Motus Modules est brillante, saillante pour s'ajuster au mieux aux exigences du lieu.Les divagations aériennes des danseurs de l'air sont efficaces, sensibles, acrobatiques sans effets de style.

Sobres, magnétiques les évolutions aériennes de Serge Hélias défient les lois de la pesanteur, entrainant dans des abysses de pure beauté, de sensations fortes et envoutantes. Du grand art dans le genre chorégraphie éphémère, ludique et merveilleuse pour éveiller les sens et l'imagination. Les costumes une fois de plus soulignant la fluidité des gestes, des parcours aériens ou subaquatiques ambiants.C'est là que se révèle le talent désormais légendaire de Damien Fontaine: mettre en espace dans un lieu inédit une narration, un récit fabuleux, le rendre crédible, lisible pour accéder à l'imaginaire. Le monde du feu, de l'air et surtout de l'eau: celle de l'Ill autant que des profondeurs subaquatiques. 
 

Les lumières signées Loic Marafini font office de toile de fond changeante à l'envi. C'est un enchantement pictural et plastique digne d'enluminures médiévales autant que d'effets spéciaux très sophistiqués.Des être hybrides forment un bestiaire fantastique digne d'une bande dessinée de science fiction originale.Méduses, poulpes voluptueux, poissons fantastiques aux nageoires palpitantes, créatures fantasmées peuplant les fonds marins oniriques.On souligne la profusion d'intentions très réussies au niveau des couleurs, des volumes, des touches colorées chatoyantes phénoménales. De quoi se régaler et prendre son envol, dans des contrées inaccessibles de grande beauté. 
 

Ajoutez la musique imaginée par Damien Fontaine et la performance live du percussionniste André Adjiba perché sur les coursives du bassin et le tour est joué! On regrette juste le port obligatoire des casques audio qui distancie l'attention et l'immersion dans le spectacle...Un monde aquatique rehaussé par la collaboration de Aquatique Show qui trouve ici un berceau de magnificence de toutes ses performances techniques en matière de son et lumières. Des chimères sous-marines demeurent dans les esprits au sortir de cette performance lumineuse et électrique comme la Fée électricité de Dufy trônant dans la nef du musée d'art moderne parisien. Ce ballet volant plein de sorcellerie magique, d'illusion, de leurre bienfaisant illumine un genre délicat, souvent vulgarisé ou prétentieux. Ici tout est luxe, déferlement et volupté et l'on songe à la "chanson du fou" de  Bizet, paroles Victor Hugo*.Et l'on sort de la piscine comme éclaboussé par cette légende contemporaine sortie tout droit d'un bras de l'Ill en résurgence fantastique comme une source de jouvence salvatrice! A vous couper le souffle dans un vaisseau marin en pleine mer...
 

Aux bains municipaux de Mulhouse jusqu'au 27 JUILLET
* "Au soleil couchant,Toi qui vas cherchant Fortune, Prends garde de choir;La terre, le soir,
Est brune.L'océan trompeur Couvre de vapeur La dune.Vois, à l'horizon,Aucune maison Aucune!
Maint voleur te suit,La chose est, la nuit,Commune.Les dames des bois Nous gardent parfois
Rancune.Elles vont errer:Crains d'en rencontrer Quelqu'une.Les lutins de l'air Vont danser 
au clair De lune."


lundi 7 juillet 2025

Andrée Weschler: une femme chancelante dans l'oeuvre de Pierre Gangloff

 

L'oeuvre de Pierre Gangloff a donné lieu le 29 juin dernier lors du vernissage de sa très belle rétrospective à la Case à Preuschdorf a une étonnante performance live de la plasticienne Andrée Weschler. Dans la cave aux marches descendantes, c'est dans un joyeux enfer que nous invite l'artiste.

La femme chancelante

Une niche calfeutrée, intime pour un one women show singulier. Inspiré de la Magdalena, Marie Madeleine sainte et intouchable, voici une femme à demi vêtue d'une combinaison à dentelles, froissée, au vécu assurément mouvementé.Chevelure blond cendré en coupe régulière autour du visage impassible.

photo robert becker

Son corps est robuste, tout proche de nous, son souffle exhale une rude présence, forte. Le regard au delà des étoiles du plafond, les yeux hagards, elle se déplace avec difficultés comme sur des jambes coupées du sol, sur des chaussures rouges à talons hauts.et elle oscille sans cesse, menace de chuter, ne tombe jamais malgré les obstacles faits à sa démarche hésitante. Risque, danger de s'exposer aussi au regard de l'autre dans l'instant présent dans une grande empathie avec nos empêchements physiques particuliers, personnels.
photo robert becker

Se mouvoir, émouvoir, se mettre en mouvement, en péril.S'émouvoir tout simplement.L'e-motion d'Alwin Nikolais pour le registre des danseurs.Ses mouvements essuient la sueur, transpirent l'eau des larmes. Elle marche comme sur des oeufs. A son bras, un petit panier en osier comme le petit chaperon rouge: que contient-il? Mystère...Bientôt dévoilé alors qu'elle étale au sol un grand tissu rouge en satin de soie près du puits de lumière.

photo robert becker

Un oeuf se révèle au creux de ses mains, objet précieux, fragile, curieux endroit pour y expérimenter la dureté de la coquille, le solide de son enveloppe, carapace animale de volatile.Symbole de fécondité, de féminité, cet "objet" de convoitise voyage sur son corps, à la surface de sa peau, à la périphérie des lignes de sa silhouette.Les coquilles craquent crissent sous ses pieds, dans ses mains, crépitent et brûlent d'impatience.Les oeufs font la ronde à ses pieds sur le duvet du satin rouge. Telle une matrice féconde qui engendre la vie.Un oeil aussi dans son orbite comme un globe visqueux lui rend la vue limpide. Ou opaque. Le blanc, le jaune d'oeuf se répandent sur son corps, souillent et maculent sa nuisette, chemise blanche humidifiée, mouillée.


Femme, femelle, animale dans son terrier secret.Sa tanière discrète dévoilée à notre seul regard de privilégié.Dans un éclairage rougeoyant, chaleureux, bercé par un silence impressionnant de la part des spectateurs rassemblés autour d'elle. Tout près, tout contre. Coquilles qui vont se rompre sous la pression de ses genoux, de son ventre pour faire jaillir le nectar, l’élixir de jouvence et de jouissance de ce liquide opaque, gluant.Une forte pression érotique en jaillit, sensuelle, liquéfiée par les impacts de ces coquilles brisées au contact des murs, du plafond de pierres tout proche.La toile en fond de perspective semble répondre ou questionner cette présence humaine, charnelle qui s'échine à vivre des instants uniques, répondant à une pensée improvisée, tactile, organique au plus près des chaires de la performeuse. Liquide qu'elle absorbe voluptueusement devant nous, dont elle s'enduit comme un onguent religieux, une sainte extrême onction au baume parfumé 

 

photo robert becker


Comme une petite mort très érotique sur les touches de ses cuisses, de ses bras,zones érogènes à fleur de peau. Femme chancelante comme celle de la toile de Max Ernst, devenue icône ou symbole de fertilité. C'est beau, sobre et très chargé de connotations multiples pour l'imagination de chacun. 

Andrée Weschler signe ici au regard de l'esprit de l'oeuvre de Pierre Gangloff, une performance inédite, un geste artistique, cadeau d'artiste à un autre artiste. D'une plasticité à une autre, une peinture vivante, corporelle dont les traces originelles de peinture à l'oeuf ancestrale sont loin de s'effacer dans nos mémoires sensorielles...Et l'on songe à "Je suis sang" spectacle de Jan Fabre où tout est liquide et fluidité, obscénité (derrière la scène) et volupté. Beaudelaire n'en aurait fait qu'une bouchée dans son boudoir calfeutré d'interdits succulents.Un épisode désirable à déguster avec plaisir et délectation? de la langue au palais? au coeur de La Case et de ses trésors.Au final un reliquaire de vestiges cabossés comme une toile de Spoerri, un tableau "piège" à admirer contenant le récit ce que qui vient de se passer...

photo robert becker


 

photo robert becker


A la Case à Preuschdorf, lieu d'art et de convivialité de l'Outre Foret animé par Miriam Schwamm

la femme chancelante de max ernst


dimanche 6 juillet 2025

"La Mouette" sylvestre....Le Théâtre forestier et l'inconnue du lac...

 


Anton Tchekhov

Du 31 mai au 6 juillet 2025, nous vous présenterons “La Mouette” d’Anton Tchekhov, précédée d’une forme burlesque née du tissage de 2 farces. “L’ours” et “La demande en mariage” seront proposés sous le titre “La demande d’un ours en Mariage”.
Yann Siptrott et Serge Lipszyc vous convient pour ce 7ème rendez-vous annuel du Théâtre Forestier au Guensthal, après la folie de “Molière 401” en 2023 et après “Un songe, une nuit , l’été” de William Shakespeare en 2024.


Un théâtre de partage et de convivialité au coeur du joyau de Guensthal, chez les Siptrott’s. Tchekhov n’aurait pas rêvé mieux …

La mouette a révolutionné le théâtre. Tchekhov a inventé le théâtre contemporain en ne respectant aucune règle. 4 actes, ça commence fort et ça se finit pianissimo. 

Il ne se passe rien . C’est à dire qu’il se passe tout. 10 personnages, nos doubles, nos semblables. On désire et on avance pas. On passe à coté de nos vies, incapables d’influer sur le temps qui nous dévorent. 

Le théâtre, on ne peut pas s’en passer. Cette réplique de Sorine éclaire la pièce. Sans théâtre pas de vie, pas imagination artistique, pas d’imaginaire, pas de liens sociaux, pas de mise en représentation du monde et aucun moyen de se guérir de nos maux. 


Tchekhov, médecin le sait bien. Il nous trace symboliquement le chemin à suivre. Mais comme toujours, nous nous égarons. Ce n’est pas triste, c’est juste humain. 

Jouer Tchekhov implique un travail d’équipe, un investissement d’acteur particulier en rien comparable aux autres . Il faut amener toute l’équipe de comédiens sur ce chemin du trouble et effacer les archétypes de la représentation théâtrale. 

Eviter la fabrique, se mettre en jeu permanent, ne pas se réfugier dans du savoir-faire, se brûler certainement. Voilà énoncer de manière débridée quelques pistes qui m’ont conduit, je dirais fatalement, à cette partition après avoir joué ou mis en scène Ivanov, Platonov, Oncle Vania , Sauvage et les trois soeurs. Le théâtre aide à vivre, tout simplement. 

Serge Lipszyc 



Cette pièce «manifeste » un retour aux sources à l’essence même de notre désir de théâtre.

Avec le théâtre forestier , après les succès de Sauvage et Un Platonov, ce sera le troisième volet que nous aborderons en famille. Famille d’acteurs indispensable pour aborder cet auteur.

Requestionner le désir et le pourquoi de l’art, la recherche de l’harmonie sociale et amoureuse et notre incapacité chronique à convoquer concrètement le bonheur , cela fait de Tchekhov le plus contemporain de nos classiques .

La force de notre engagement et l’énergie : faire de l’utopie vitezienne « un théâtre élitaire pour tous « notre crédo.

LA DEMANDE D’UN OURS EN MARIAGE 

d’Anton Tchekhov  

Mise en scène et Adaptation Serge Lipszyc 

AvecYann Siptrott – Sirmov Pauline Leurent – Madame Popova Patrice Verdeil – Louka dans l’ours et Stepan Stepanitch dans la demande en mariage


 Deux petits farcis en amuse-gueule!

Cette fameuse mise en bouche augure de bien du reste de cette après-midi bucolique au sein du Guensthal.. Deux courtes pièces de Tchekhov se partagent littéralement le plateau: "L'Ours" et "La demande en mariage": ces deux comédies en un acte dites "plaisanteries" par l'auteur lui-même s'entremêlent joyeusement sur l'estrade simultanément! Exercice ardu et audacieux pour les comédiens qui se redistribuent l'espace sans cesse à tour de rôle ou carrément entremêlés.C'est dire si l'attention du spectateur se maintient dans un suspens qui balance d'une histoire à l'autre, d'un récit où les personnages se démènent subtilement pour valser judicieusement d'une situation à une autre. D'un côté une demande en mariage orchestrée par un père ambitieux, de l'autre une situation financière à démêler entre une veuve repentie et un futur amant passionné. C'est drôle et décapant, ça frise le vaudeville rocambolesque, le dérapage permanent du jeu des cinq acteurs se divisant un territoire revendiqué. Dans une tonalité haute en couleurs et sonorités vocales puissantes, la farce se fait succulente à déguster au moindre quiproquo frauduleux. Ceux qui campent ces pantins de foire burlesques et très attachants se taillent la part belle dans un registre chatoyant haut en couleurs plein de verve. C'est la veuve tout de noir voilée qui remporte les faveurs, une Pauline Leurent démoniaque et calculatrice, pleine de finesse en rebonds, pistolets au poing et la rage au ventre. De son côté Yann Siptrott campe un propriétaire terrien ruiné à bout qui tombe amoureux de sa proie et fond de générosité débordante. L'autre couple inénarrable, c'est Bruno Journée en malade imaginaire propriétaire de son pré carré et sa belle conquête à séduire' Sophie Thomann, simple et au bon sens près de chez vous!. Et comme médiateur et fauteur de trouble, liant les deux récits, Patrice Verdeil excelle en ingéniosité, malice, complicité et autres tricheries bienfaisantes. On sourit allègrement à ces miniatures de génie au rythme endiablé et l'on quitte ce petit monde survolté loufoque pour aborder la scène où va se dérouler "La Mouette" morceau de bravoure de la soirée..

 


"La Mouette":la chute d'un oiseau blessé parmi les siens...

Au coeur de la clairière, près du lac, les comédiens dispersés, de dos, offrent déjà une mise en scène adaptée magistralement au lieu, à ses perspectives, sa profondeur de champs, sa nature enchanteresse, ses résonances sonores inédites. Un jeune metteur en scène en son petit théâtre de poche et de fortune propose ce jour là un texte du cru, joué par une novice pudique, naïve, prude et discrète. Loin d'être des bêtes de scène, ils jouent devant les "grands de ce monde", auteur réputé et comédienne célèbre, à la campagne, ce "trou" de verdure ennuyeux loin de la ville affriolente où ils sont contraints de séjourner. Tous les personnages ont ici leur importance, leur singularité, leur intérêt, portés par un texte, une langue riche et belle qui les magnifie. Charles Leckler,le fils de la diva, divine actrice, Isabelle Ruiz magnétique et mère toxique, se perd dans ses amours et Sylvain Urban navigue dans des calculs savants de pauvre erre: c'est tout un monde où jeunes et vieux s'égarent, se confient, explosent ou se révèlent à eux même et aux autres.


Serge Lipszyc campe un vieil homme désabusé mais fort attachant à la démarche chancelante, aux propos pessimistes qui se lamente sur les désenchantements campagnards, cette vie confinée dans "un trou", un désert intellectuel insupportable. .Yann Siprott incarne ce détestable écrivain prétentieux et célèbre qui déstabilise et séduit une jeune comédienne, pure et touchante: c'est Léna Dia, cette future "mouette" sacrifiée qui se cherche désespérément parmi ces êtres malveillants, trompeurs et fourbes, ambitieux ou tout simplement malheureux de leur sort subit et qui y succombent.Dans le cadre bucolique du Guensthal c'est un rêve éveillé au bord du lac que le spectateur vit et pour lequel il vibre sans cesse au diapason des comédiens, eux-mêmes imprégnés de ces déambulations, pérégrinations,divagations de verdure. Ce lac prémonitoire, ces allusions à la nature fragile, à la météo du jour qui colle au contexte sont toujours magiques et magnétiques. Pas de hasard, mais une constellation de circonstances favorables au déroulement naturel de cette mise en scène signée de main de maitre par Serge Lipszyc.Les costumes bleu anthracite pour tous, épurés exceptés le chapeau excentrique de notre diva, se fondent dans l'atmosphère plutôt noire de la pièce de Tchekhov: une fois de plus, le "Théâtre forestier" affiche sa singularité: entre sauvagerie domptée et audace révélée, entre respect de la langue et des oeuvres: aller au delà des références et autres adaptations pour nourrir un théâtre engagé, responsable et poétique.


Les interprètes pour servir ce répertoire et toutes les petites mains pour servir un entremets aux herbes sauvages, soupe gastronomique servie dans des bols uniques de la fabrication des hôtes: les Siptrott, sculpteurs de légende, facteurs de personnages qui hantent cette singulière Vallée de la Faveur...

Mise en Scène Serge Lipszyc

Isabelle Ruiz : Irina Nikolaevna Arkadina, madame Trepleva, actrice
Charles Leckler : Konstantin Gavrilovitch Treplev, écrivain, fils d’Arkadina
Yann Siptrott : Boris Alexeevitch Trigorine, écrivain, amant d’Arkadina
Serge Lipszyc : Piotr Nikolaevitch Sorine, propriétaire du domaine, frère d’Arkadina

Pauline Leurent : Macha, fille de Paulina et Chamraiev
Patrice Verdeil : Ilia Afanassievitch Chamraiev, régisseur époux de Paulina

Sophie Thomann : Paulina Andreevna, épouse de Chamraiev, mère de Macha

Léna Dia : Nina Zaretchnaia, actrice
Bruno Journée : Evgueni Sergueevitch Dorn, médecin
Sylvain Urban : Sémione Sémionovitch Medvedenko, instituteur

Scénograpghie : Sandrine Lamblin

Costumes : Maya Tebo


jusqu'au 6 JUILLET

Reprise en Septembre....