Jeudi 28 Juin
Luigi Nono La Fabbrica Illuminata pour soprano et sons fixés (1964)
Mais qu'est-ce qu'elle fabrique, cette voix désincarnée, seule, spectrale sur fond de bande enregistrée? La soprano, toute virtuelle, exécute mélodies et chant, sur bordure de voix de révolte, de manifestations ouvrières. Une oeuvre impalpable qui s'écoute, recueillis devant l'absence des exécutants, dans la semi obscurité du temple du Bouclier ! Une expérience , à écouter, les yeux fermés: slogans, bruits de foule entrecoupés des interventions vocales de Françoise Kubler, désincarnée . Comme des litanies incantatoires, célébrant un état de siège, ou de guerre électro acoustique.Digne d'un bande son de film. Fusée, feu d'artifice, bruits de vestiaires, d'usine, ambiance pesante, laborieuse, en friche industrielle, mémoire patrimoniale du travail, du martyr.
La voix émisse par les enceintes est bienveillante, céleste, apaisante, en écho résonant. Déesse Echo, absente, spectre qui hante les sonorités de matériaux, mélange de voix de femmes, archives et création pour créer une atmosphère de désertion, habitée par des esprits ancestraux. Patrimoine vivant, émouvant, touchant des sons du labeur: une oeuvre enregistrée, immortalisant par l'effet de reproduction mécanique et technique.
Luis Naon Ultimos Movimientos pour soprano, clarinette et électronique 2013)
Des fils dans les oreilles pour être reliés pour créer une pièce sobre, colorée, où la voix et l'instrument sont doublés, "en écho" par l'électronique! Jolies phrases, timbrées en rebond, en ricochets, en ronds dans l'eau, comme des rémanences sonores qui s'appellent, se retirent ou se retiennent. Brièveté des sons, en écho qui se chevauchent, en langue espagnole. Sons amplifiés, bordés par l'écho, en couches sonores denses.Prolongement en artefact des sons originels. Ca brouille les pistes, magnifie l'atmosphère par des volumes curieux.Des espaces singuliers naissent. Pendant que "la causerie" continue, raconte: des souffles, des respirations communes font circuler et vibrer les sons, en irriguant l'ambiance acoustique. Quelques révélations secrètes ou évidentes, magnifiées par la clarinette qui semble dialoguer, commenter, répondre ou infirmer propos et sons vocaux.La poésie de Fogwill en est la trame: la trace du poète sur terre! La voix est profonde, retenue ou distillée dans une musicalité ténue, un phrasé rythmique en résonance avec la clarinette.Françoise Kubler, de noir vêtue est toute de fragilité, de force et d'enracinement dans cette robe en fourreau, stylée très seyante!
Jean-François Charles Nattie’s Air pour soprano, clarinette basse et électronique (2018) – création
Trois personnages pour un opéra en construction:souffles et respirations en prologue sur fond de vent artificiel, rocailleux comme un percolateur à pleine vapeur. Anglais, français à la clef, les basses de la clarinette pour matière sonore, pour un duo lisse, étrange, à triple facette. En temps réel et en présence du compositeur qui frôle les timbales avec une chaîne ouvragée. La banalité des propos, très "bon sens près de chez vous", contraste avec la complexité ambiante de la composition musicale. Ça décale et distancie à l'envi. Deux soliloques, deux monologues qui semblent s'ignorer, en conflit plus que dialogue ou discussion! La chanteuse joue, minaude, expressive et raffinée à sa bonne habitude. Une oeuvre qui fait mouche et séduit par ses variations et surprises multiples.
François Bousch Dualité Miroirs pour soprano, clarinette et sons fixés (2012)
Des murmures comme des confidences ou des secrets, une énumération de mots, empilement, inventaire, des sons de grillons, champêtres dans un espace naturel imaginaire... Des exclamations, invocations, déclamations chantées pour dresser le décor de ce duo: éclats de sons, de clochettes, de percussions de doigts, hachures rythmées, quelques inspirations très sensuelles de la chanteuse, du "sur mesure" pour les interprètes: cela leur va si bien ! Comme un gant. Miroir qui réfléchit, reflète les sons, infidèlement... Les deux présences vocales se font concurrence, la chambre d'écho, en signes sonores, appels récurrents sont de toute ampleur et beauté. Des plages de sons fixés pour se poser et tout reprend pour mieux se terminer.
Philippe Manoury Illud Etiam pour soprano, clarinette et électronique (2013)
Toujours avec distance et humour, les deux protagonistes présentent l'oeuvre suivante celle de Philippe Manoury :" Illud Etiam pour soprano, clarinette, et sons fixés". Avec oreillettes pour capter les pulsations imposées par un chef invisible, rigide ! Rigueur et humour des interprètes, de mise !
Encore une belle dédicace au couple de la part d'un auteur contemporain, pour leur très riche répertoire! Les voici mi anges, mi démons dans une légende de sorcellerie, des ailes dans le dos, de la rage et de la musicalité dans le souffle, le corps et la voix.Postures et attitudes recherchées pour évoquer les formes sculpturales des sorcières, anges et démons.Le pilier des Anges assailli par des sonorités démoniaques.
Puissance de la musique au poing, richesse sonore de la bande qui borde les sons créés en direct par les interprètes. Tintinnabulements, cloches, glas, fonctionnent comme des pampilles de cristal, tremblant au vent.Un bel écrin sonore pour voix et clarinette, complices de toujours. Une atmosphère étrange se dégage, avec sons égrenés et scintillants. Juste perturbés par l'atmosphère musicale, l'environnement de tôles froissées, de chœur de voix célestes. Cris et voix puissante, vibrante, carillons, bourdon en fond sonore pour un opus très réussi.
Au final, en "bis" une improvisation de Françoise Kubler, Armand Angster et Jean François Charles, enjouée, ravissante, papier froissé en main et timbale caressée: c'est drôle, inspiré, intuitif, bien relevé, sauvage, indompté, intempestif et indiscipliné.
Une mélodie orientale s'y glisse pour mieux briser les canons de la rigidité.
Quel talent d'interprètes, de programmateurs et d'initiateurS de rencontres fertiles que ce "duo" ?couple d'artistes résonant en "écho" pour le bonheur d'un public séduit, nombreux, attentif et fidèle !
Luigi Nono La Fabbrica Illuminata pour soprano et sons fixés (1964)
Mais qu'est-ce qu'elle fabrique, cette voix désincarnée, seule, spectrale sur fond de bande enregistrée? La soprano, toute virtuelle, exécute mélodies et chant, sur bordure de voix de révolte, de manifestations ouvrières. Une oeuvre impalpable qui s'écoute, recueillis devant l'absence des exécutants, dans la semi obscurité du temple du Bouclier ! Une expérience , à écouter, les yeux fermés: slogans, bruits de foule entrecoupés des interventions vocales de Françoise Kubler, désincarnée . Comme des litanies incantatoires, célébrant un état de siège, ou de guerre électro acoustique.Digne d'un bande son de film. Fusée, feu d'artifice, bruits de vestiaires, d'usine, ambiance pesante, laborieuse, en friche industrielle, mémoire patrimoniale du travail, du martyr.
La voix émisse par les enceintes est bienveillante, céleste, apaisante, en écho résonant. Déesse Echo, absente, spectre qui hante les sonorités de matériaux, mélange de voix de femmes, archives et création pour créer une atmosphère de désertion, habitée par des esprits ancestraux. Patrimoine vivant, émouvant, touchant des sons du labeur: une oeuvre enregistrée, immortalisant par l'effet de reproduction mécanique et technique.
Luis Naon Ultimos Movimientos pour soprano, clarinette et électronique 2013)
Des fils dans les oreilles pour être reliés pour créer une pièce sobre, colorée, où la voix et l'instrument sont doublés, "en écho" par l'électronique! Jolies phrases, timbrées en rebond, en ricochets, en ronds dans l'eau, comme des rémanences sonores qui s'appellent, se retirent ou se retiennent. Brièveté des sons, en écho qui se chevauchent, en langue espagnole. Sons amplifiés, bordés par l'écho, en couches sonores denses.Prolongement en artefact des sons originels. Ca brouille les pistes, magnifie l'atmosphère par des volumes curieux.Des espaces singuliers naissent. Pendant que "la causerie" continue, raconte: des souffles, des respirations communes font circuler et vibrer les sons, en irriguant l'ambiance acoustique. Quelques révélations secrètes ou évidentes, magnifiées par la clarinette qui semble dialoguer, commenter, répondre ou infirmer propos et sons vocaux.La poésie de Fogwill en est la trame: la trace du poète sur terre! La voix est profonde, retenue ou distillée dans une musicalité ténue, un phrasé rythmique en résonance avec la clarinette.Françoise Kubler, de noir vêtue est toute de fragilité, de force et d'enracinement dans cette robe en fourreau, stylée très seyante!
Jean-François Charles Nattie’s Air pour soprano, clarinette basse et électronique (2018) – création
Trois personnages pour un opéra en construction:souffles et respirations en prologue sur fond de vent artificiel, rocailleux comme un percolateur à pleine vapeur. Anglais, français à la clef, les basses de la clarinette pour matière sonore, pour un duo lisse, étrange, à triple facette. En temps réel et en présence du compositeur qui frôle les timbales avec une chaîne ouvragée. La banalité des propos, très "bon sens près de chez vous", contraste avec la complexité ambiante de la composition musicale. Ça décale et distancie à l'envi. Deux soliloques, deux monologues qui semblent s'ignorer, en conflit plus que dialogue ou discussion! La chanteuse joue, minaude, expressive et raffinée à sa bonne habitude. Une oeuvre qui fait mouche et séduit par ses variations et surprises multiples.
François Bousch Dualité Miroirs pour soprano, clarinette et sons fixés (2012)
Des murmures comme des confidences ou des secrets, une énumération de mots, empilement, inventaire, des sons de grillons, champêtres dans un espace naturel imaginaire... Des exclamations, invocations, déclamations chantées pour dresser le décor de ce duo: éclats de sons, de clochettes, de percussions de doigts, hachures rythmées, quelques inspirations très sensuelles de la chanteuse, du "sur mesure" pour les interprètes: cela leur va si bien ! Comme un gant. Miroir qui réfléchit, reflète les sons, infidèlement... Les deux présences vocales se font concurrence, la chambre d'écho, en signes sonores, appels récurrents sont de toute ampleur et beauté. Des plages de sons fixés pour se poser et tout reprend pour mieux se terminer.
Philippe Manoury Illud Etiam pour soprano, clarinette et électronique (2013)
Toujours avec distance et humour, les deux protagonistes présentent l'oeuvre suivante celle de Philippe Manoury :" Illud Etiam pour soprano, clarinette, et sons fixés". Avec oreillettes pour capter les pulsations imposées par un chef invisible, rigide ! Rigueur et humour des interprètes, de mise !
Encore une belle dédicace au couple de la part d'un auteur contemporain, pour leur très riche répertoire! Les voici mi anges, mi démons dans une légende de sorcellerie, des ailes dans le dos, de la rage et de la musicalité dans le souffle, le corps et la voix.Postures et attitudes recherchées pour évoquer les formes sculpturales des sorcières, anges et démons.Le pilier des Anges assailli par des sonorités démoniaques.
Puissance de la musique au poing, richesse sonore de la bande qui borde les sons créés en direct par les interprètes. Tintinnabulements, cloches, glas, fonctionnent comme des pampilles de cristal, tremblant au vent.Un bel écrin sonore pour voix et clarinette, complices de toujours. Une atmosphère étrange se dégage, avec sons égrenés et scintillants. Juste perturbés par l'atmosphère musicale, l'environnement de tôles froissées, de chœur de voix célestes. Cris et voix puissante, vibrante, carillons, bourdon en fond sonore pour un opus très réussi.
Au final, en "bis" une improvisation de Françoise Kubler, Armand Angster et Jean François Charles, enjouée, ravissante, papier froissé en main et timbale caressée: c'est drôle, inspiré, intuitif, bien relevé, sauvage, indompté, intempestif et indiscipliné.
Une mélodie orientale s'y glisse pour mieux briser les canons de la rigidité.
Quel talent d'interprètes, de programmateurs et d'initiateurS de rencontres fertiles que ce "duo" ?couple d'artistes résonant en "écho" pour le bonheur d'un public séduit, nombreux, attentif et fidèle !
Françoise Kubler, soprano / Armand Angster, clarinette / Frédéric Apffel, ingénieur du son
pour mémoire
http://genevieve-charras.blogspot.com/2018/03/musiques-eclatees-un-programme.html