mercredi 16 octobre 2024

"Une autre histoire du théâtre" Fanny de Chaillé joue et gagne....Et ça "marche", pour ces "athlètes du choeur".

 


Fanny de Chaillé France 4 interprètes création 2023

Une autre histoire du théâtre

Avec quatre jeunes comédiens rencontrés pour Le Chœur, présenté l’an passé, Fanny de Chaillé bâtit une histoire collective du théâtre, pensée par sa filiation historique mais aussi du point de vue de ses acteurs. Entre scènes et figures mythiques, se dessine une cartographie de l’art dramatique sautant avec agilité des avant-gardes aux hybridations les plus contemporaines. Le théâtre de la relation, auquel la directrice du Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine se plait à donner corps, forme une épopée à hauteur d’enfants. La découverte y est aussi enthousiasmante pour eux, que la reconnaissance des clins d’œil appuyés pour les spectateurs les plus assidus. Des questions brutes (jouer, est-ce faire semblant ou devenir le personnage ?) voisinent avec des tirades interprétées dans un décalage saisissant. Elle offre une lecture limpide des enjeux de pouvoir, des rôles genrés et des angles morts qui témoignent si bien de deux mille ans d’histoire sur lesquels repose notre culture commune.

En marche, en danse, on s'exerce:c'est la question de fond posée d'emblée dès le départ de cette course contre la montre.Marche, démarche. Laquelle adopter pour conter l'Histoire du théâtre? 2000ans à condenser, étriquer, rétrécir, compacter.Gageure improbable mais dont un directeur d'acteur, tyrannique, stressé, terrorisant et manipulateur va être la première cible caricaturale.On reconnaitra Louis Jouvet (ou pas, peu importe) en caricature d'autoritarisme, de pouvoir et de harcèlement. La voix nasillarde, les épaules tendues, figées, le corps absent, la parole dictatoriale au point pour impressionner, anéantir, écraser l'acteur qui cherche à naitre en début de carrière pour chacun des postulants à ce dur métier. C'est Malo Martin qui s'y colle avec énergie.Cela convient ou pas, certain cherche la discipline, les directives, d'autres prônent la liberté d'initiative de l'interprète. Ainsi quatre comédiens s'attèlent à écrire "notre" histoire du théâtre. Celle qui raconte leur vie et leur chemin personnel vers cette ascension à la profession. Athlète du corps et du coeur en tout cas: cela fait l'unanimité. Parmi les grands de ce monde du spectacle, défilent avec bonheur une "femme respectable" Joséphine Anne Endicott, interprète de Pina Bausch, ici incarnée par Valentine Vittoz qui a bon et beau dos. Amusante, désopilante dans ce rôle qui nous fait voyager dans l'histoire du Tanz Theater avec détermination, engagement personnel et forte tête. Une Jeanne Moreau interviewée, légère, volubile, girouette docile , femme futile incarnée par Margot Viala, excellente imitatrice. On bascule de référence en référence en passant par les auteurs classiques, les metteurs en scène d'hier et d'aujourd'hui. Des interludes-entremets- de piano comme fondus au noir. Jeu d'acteur en poupe, corps en résonance perpétuelle et indispensable à un bon équilibre entre texte et imagination. Le collectif se questionne, se renvoie la balle, on s'étripe en combat où les femmes prennent le dessus, sens dessus-dessous.Ludique visite guidée dans le temps, brisant unité d'action et de lieu, honorant l'alexandrin divin et mélodique. Lac des "signes" qui parcourent les émotions, moteurs et motivations de chacun à exercer à sa façon son métier de comédien: par défaut, imitation ou évidence révélé en chacun d'entre les quatre.Confessions de ces "athlètes du coeur" plus que du corps, malgré tout soumis aux exercices quotidiens. Chapeau à Tom Verschuren pour sa démonstration de yoga égayant les soins et attentions au corps de l'acteur. Instrument incontournable de nos identités, performances et émetteur de pensées collectives salutaires.

Un petit panorama synthétique pour ce choeur dansant, bougeant avec tac, justesse et bonhomie. Fanny de Chaillé en directrice d'acteur et metteur en scène pleine d'attention et de rigueur face à une jeunesse avide et demandeuse.Loin des tyrans assénant toute vérité toute faite. 

A Pole Sud les 15 / 16 0ctobre

Présenté dans le cadre de « Petite histoire, grande histoire », résidence artistique de Fanny de Chaillé à l’Université de Strasbourg.
Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès.

vendredi 11 octobre 2024

Nemanja Radulović: l' "émotion musicale" au sein de l'Orchestre Philarmonique de Strasbourg

 


Originaire du bourg de Galánta, Kodály magnifie ses souvenirs musicaux dans des danses aux nombreux motifs tsiganes. L’inspiration populaire est aussi perceptible dans la Symphonie n°8 de Dvořák, changeante, sereine autant que nostalgique.

Folklore encore avec le Concerto de l’Arménien Khatchatourian. Au violon, Nemanja Radulović, en résidence à l’Orchestre, se joue de tous les défis techniques pour recréer une musique séduisante où s’entremêlent mélodies orientales et formidable vitalité rythmique.

Zoltán Kodály Danses de Galánta

Flux et reflux qui s'amplifient, alors que la clarinette borde les cordes. Des vagues de musique inaugurent ce concert où l'on se régale à la vue du chef d'orchestre, Jaime Martin:il creuse, sculpte l'espace, multidirectionnelle baguette en main. La musique est légère, dansante, valse aux accents de folklore. Colorée, entrainante aux mouvements contrastés. Des pas de danse, échappées belles s'y inscrivent dans une partition, écriture riche de rythmes, de contrastes. Bucolique, pastorale, vaste et fleurie à souhait. Ornementée de clochettes, les masses et le volume sonores grandissent, se déploient, rapides dans une vitesse endiablée. Comme une petite cavalcade légère, procession, redoute très rythmée, virevoltante, puissante. Un solo de clarinette, de flûte pour ornementer le reste.

Aram Khatchatourian Concerto pour violon en ré mineur

Un violon enragé fait irruption, c'est l'artiste démiurge Nemanja Radulovic qui apparait, longue chevelure noire déployée, les sourcils écarquillés, le regard affuté d'un interprète aux aguets. Il tangue, danse, genoux fléchis, inspiré, attentif à l'orchestre, le sourire affiché sur tout le visage. Complice du chef et de tout l'orchestre qu'il côtoie avec bonheur, respect dans une symbiose et écoute remarquables. On sent une très forte empathie entre les musiciens galvanisés par leurs deux chefs. Violon et clarinette se bordent, se répondent, s'accompagnent en tuilage. Reliés, prolongeant les sonorités en ricochet. Sur le devant de la scène le violoniste se concentre, offrant sa musique, doigté, glissé infime sur l'instrument d'un archet virtuose à peine frôlant les cordes.  Un son, ultime en résonance dans tout son corps engagé tel un danseur de cordes. Sur le fil des sons extraordinaires qu'il puise infiniment. Le duo chef-musicien est extrême, beau et de toute sympathie. En bonne compagnie, "cum panis" musical de toute grandeur et spiritualité. Les cordes très inspirées bordent ce duo et magnifient cet artiste de haute volée, extra-ordinaire partenaire. Presque un chant d'opéra s'en dégage. L'osmose entre orchestre et violon solo est exemplaire, en synergie, menée de main de maitre. L'émotion de ce temps suspendu est forte, inspirée, grandissante. Le chef embrasse l'orchestre généreusement avec fougue et passion, une gestuelle très personnelle comme signaux, signes et repères dans l'espace-temps. Tornade, corrida finale pour mieux nous emporter, ailleurs: brillant final percutant, alors que le visage de Nemanja Radulovic rayonne de clins d'oeils, de hausse de sourcils émerveillés. Voir et regarder la musique est bien le rôle et l'endroit pour mieux la comprendre en train de se faire devant nos yeux ébahis par tant de grâce. Naturelle et jamais appuyée. En rappel, un duo de charme entre la première violoniste et l'artiste invité est un bijou de charme et de quiétude. Un moment d'émotion musicale unique.

Antonín Dvořák Symphonie n°8 en sol majeur

Pour clore cette soirée mémorable, la symphonie fait office de monument colossal en trois mouvements "mouvementés", bouillonnants, versatiles ou le calme et la sérénité d'un solo de flûte émerge d'un tsunami de cordes, alors que ce beau leitmotiv de référence auditive rejoint et cisèle le morceau. Morceau de bravoure, saisissant, enivrant, emballant l'auditoire dans une danse tournoyante, affolée. Chatoyante en diable.

Ce programme "virtuose" est un cadeau musical que chacun aura su apprécier, tant les ovations ne cessent dans le public conquis ce soir là par une prestation d'exception.

 Jaime Martín, direction, Nemanja Radulović violon 

Palais de la Musique et des Congrès Le 10 et 11 Octobre

mercredi 9 octobre 2024

Je badine avec l’amour (parce que tous les hommes sont si imparfaits et si affreux) Sylvain Riéjou Association Cliché : on bastonne bien l'Amour!

 


Espiègle s’il en est, l’on se souvient que Sylvain Riéjou annonçait la couleur lors de sa dernière venue : Mieux vaut partir d’un cliché que d’y arriver. Dans sa nouvelle pièce, Je badine avec l’amour (parce que tous les hommes sont si imparfaits et si affreux), l’artiste associé de POLE-SUD jusqu’en 2026 n’a rien perdu de son humour ravageur ni de son éclectisme culturel. La collision qu’il orchestre entre Musset (On ne badine pas avec l’amour) et Patrick Swayze dans Dirty Dancing n’est qu’un début. Le chorégraphe se lance dans une déclaration d’amour à la danse et au sexy comédien qui n’est pas étranger à ses premiers émois homosexuels, ni à sa perception de la séduction à travers les stéréotypes hétéros des films grand public des années 1980. Pour la première fois, il invite d’autres danseurs dans son autofiction, au son de The Time of My Life. Entre scène du film rejouée, lip-sync et passages iconiques – et ironiques – de chorégraphes contemporains (Bagouet, Keersmaeker…), son quatuor dansé-parlé dessine une cartographie du corps et du désir.

 

L'Amour, la danse, c'est pas sorcier!

Sylvain Riéjou joue et gagne,réjouit, enchante et tord le cou aux poncifs avec un sérieux de pince sans rire, une audace toujours mesurée mais assumée. Il détricote l'histoire de la danse en quatre histoires personnelles: le tracé, le chemin de trois interprètes et de lui-mème: auto biographie sans auto fiction. Son questionnement sur l'identité est source de jouissance autant que d'inquiétude, de trouble autant que d"évidence. Il joue ici le "chorégraphe" chef de bande qui livre ses commentaires et ses secrets de fabrication, avec ses interprètes sans rien cacher ni trop dévoiler. Avec humanité, savoir être ensemble et écoute fort humaine. Personnage bien entouré de Julien, celui qui a connu Roland Petit puis a fuit faire des expériences chez "exerce" pour le meilleur du développement de son inventivité. C'est drôle, jamais caricatural et si vrai! Toujours bercé par le cinéma et ses fameuses comédies musicales, Sylvain Riéjou joue sur un registre de mémoire collective: les musiques des duos ou trio classiques qu'il remodèle-lac des cygnes et autre tubes du ballet- se régalent de références détournées. Ainsi Offenbach et sa Barcarolle des Contes d'Hoffmann devient trio, morceau de bravoure classique, La Reine de la Nuit de Mozart fait sa flûte enchantée,se dédouble en deux harpies et le Prince Siegfried du Lac se lamente et souffre comme un beau diable. Fameuse idée de tout décaler pour mieux surprendre et "instruire" le spectateur. Et Sylvain devient le Roi d'Effets secondaires fort salutaires. Un placé beau comme remède à la mélancolie et la monotonie. Plein d'humour, son livret de ballet est romance et très bien scénarisé. Coups de théâtre, revirements d'humeur pour les interprètes qui s'emparent du plateau sous sa houlette. Car il sait ce qu'il veut même si le trouble le hante. Naïf et plein de charme, de poésie, d'humanité cet écrivain-narrateur est source d'empathie. La "sensualité" qu'il exige de ses interprètes et qu'il commente en direct est son credo et leitmotiv. L'Amour c'est cela aussi: Gainsbourg pour en faire un bel exemple à suivre. "Nathalie" de Gilbert Bécaud est un interlude savoureux, un entremets de gestuelle mimée entre langage des signes et chorégraphie burlesque. Chaque saynète est croustillante et bien relevée: on en reprendrait bien une petite part de rab tant cette nourriture fait du bien. Alors ce trèfle à quatre feuilles porte bonheur  et conduit sur des chemins de traverse fort reconstituants: construisant les corps selon leurs désirs, leurs capacités et au delà si consentement ou nécessité. Dans le plus grand respect de l'autre et dans une proximité-complicité remarquable. Emilie Cornillot, sensuelle et aimable créature dansante,  Jullien Gallée-Ferré dévoreur d'espace et de sensibilité, Clémence  Galliard belle et rebelle partenaire.

Ca tourne rond chez Sylvain, en boucle, en ronde fraternelle et devenir soi en serait la plus chaleureuse recherche à travers le duo d'Amour, le trio, le solo: toute forme anti-conventionnelle à saisir quand il est encore temps!

A Pole Sud les 8 et 9 Octobre 

POUR MEMOIRE

.....Écrit en 2023 à Avignon à la Parenthèse:

Sylvain Riéjou • "Je badine avec l’amour (car tous les hommes sont si imparfaits et si affreux) (travail en cours)"
Sylvain Riéjou lève le voile sur sa toute prochaine création, un quatuor en forme de plongée dans les références culturelles qui l’ont bercé, adolescent, et qui ont construit son regard. Fan du film "Dirty Dancing" cristallisant sa propre impossibilité d’alors à danser et à aimer, il rejoue ici la rencontre et la parade amoureuse du film en parallèle avec le lien chorégraphe / interprète. Un vrai-faux dialogue en adresse directe qui, sous couvert de légèreté, explore en profondeur les relations humaines.

C'est de l'humour nu et cru, une rencontre fertile et animée entre un homme qui se questionne sur son identité et son rapport au marivaudage. L'amour, toujours avec qui on ne badine pas: celui qui anime les grandes figures et références de la comédie musicale entre autre...Alors le dérisoire de situations mimées, reconstruites et revisitées par la danse d'aujourd'hui est désopilant, comique, burlesque et touchant.Accompagné de ses acolytes de toujours, Sylvain Riéjou enchante dans ce divertissements aux accents détachés, détournés où ses compères s'en donnent à coeur joie pour se raconter. Julien Gallée Férré, Clémence Gaillard et Emilie Cornillot en vieux routiers de la scène, présents au chapitre des trublions aux accents de danse-langage des signes ou virelangue à la Prévert, jeu de mots, de gestes, calembours chorégraphiques au menu de ce festin de la drôlerie et du détachement.

"Créer des ballets au XXIe siècle": Laura Cappelle fait le point !

 


Enquête sur les nouveaux classiques, de l'Opéra de Paris au Bolchoï

Comment faire vivre et renouveler un art de répertoire dit " classique " et souvent renvoyé, à ce titre, au passé ? Qui sont les chorégraphes qui créent des ballets aujourd'hui et comment se positionnent-ils sur une scène artistique valorisant avant tout la création contemporaine ? Pourquoi les femmes chorégraphes sont-elles si rares dans un domaine pourtant essentialisé comme féminin ?
Voici quelques-unes des questions explorées dans cette enquête au cœur de quatre compagnies majeures – le Ballet de l'Opéra de Paris, le Bolchoï, le New York City Ballet et l'English National Ballet. Attentive au détail des gestes et des corps, cette plongée au sein des studios restitue les interactions qui président au processus de création de nouveaux ballets et interroge leur esthétique comme leur construction.
Réflexion sur les héritages culturels, les manières de les perpétuer ou de les transformer, cette étude met ainsi en lumière les frictions que ne manque pas d'occasionner un art transnational bousculé par les questions d'ouverture culturelle et de diversité, un art entretenu dans des institutions prestigieuses souvent aux prises avec leur identité classique. 

CNRS Editions

"Nouvelle Histoire de la danse en Occident: De la Préhistoire à nos jours": Terpsichore à l'honneur, enfin !

 


Laura Cappelle, William Forsythe
Editions du Seuil - 416 pages
 
La danse représente un réel défi pour les historiens. Art de l’éphémère, elle ne laisse dans son sillage que des traces très partielles une fois évanouie, et continue souvent à être oubliée dans les récits de l’histoire de l’art. Afin de combler ce manque, Laura Cappelle a réuni vingt-sept des meilleurs spécialistes internationaux de la danse occidentale, dont les travaux mettent en avant sur la longue durée, depuis la Préhistoire jusqu’à nos jours, une multiplicité de techniques et de pratiques. Des premiers indices de transes dansées à la libération moderne du corps, des ballets de la Renaissance à la création chorégraphique actuelle, cet ouvrage décrypte le mouvement à la lumière des dynamiques sociales, culturelles et artistiques qui l’ont façonné en Occident. La danse y est contemporaine, classique, apollinienne, dionysiaque, politique, esthétique, populaire ; de la ville à la scène, elle brouille les frontières et revendique aussi bien l’élévation que l’ancrage au sol, la virtuosité que le dépouillement. Projet essentiel pour que les fruits de la recherche nourrissent la culture générale de la danse ainsi que la compréhension des œuvres et des pratiques aujourd’hui, cette traversée de l’histoire s’adresse à tous les publics.

"Une histoire dessinée de la danse": Laura Cappelle et Thomas Gilbert : Terpsichore bien croquée !

 


Danses guerrières, macabres, modernes, urbaines : de la Préhistoire au XXIe siècle, c’est toute la richesse de l’histoire de la danse qui est ici traduite par le dessin.

Andréa et Camille traversent les époques pour faire l’expérience dans leurs corps de l’évolution du mouvement. Entre désir de raffinement du geste et soif de nouveauté et d’expression de soi, leurs visions de la danse croisent le développement des techniques et du regard porté sur cet art en Occident. On y rencontre aussi bien Marie Taglioni, Loïe Fuller et Pina Bausch que des figures moins connues, de la mime romaine Galeria Copiola à Louis-Julien Clarchies, ancien esclave devenu danseur et chef d’orchestre sous Napoléon.

Alliant rigueur scientifique et puissance des traits, Laura Cappelle et Thomas Gilbert remettent ainsi en mouvement les traces de cet art éphémère.

mardi 8 octobre 2024

"Beretta 68": la grande lessive, "tambour" battant : coup de feu, pan pan sur le phallus.

 


Chaque jour, dans une étrange laverie désaffectée, un groupe de femmes se retrouve et se prépare au combat. Elles ont toutes lu le SCUM Manifesto de Valerie Solanas et comptent bien en appliquer le principe fondateur : tailler les hommes en pièces. L’histoire de cette féministe radicale américaine après sa tentative d’assassinat sur Andy Warhol en 1968 rencontre les voix de Virginie Despentes, Christiane Rochefort, Marcia Burnier, Jacqueline Sauvage, Maria del Carmen Garcia, du collectif Marthe et celles des huit créatrices de Beretta 68 qui ont toutes participé à l’écriture du spectacle. Une première création acérée et dangereuse qui interroge le droit à la violence des femmes et rappelle la puissance d’action du théâtre.

Un collectif pour dénoncer, énoncer les agressions de toutes sortes faites aux femmes de tout temps. Plus particulièrement au sein du groupe détenteur de l'ouvrage "SCUM Manifesto", la référence tout au long du spectacle de ces huit jeunes femmes, scénographes, metteuses en scène et comédiennes. C'est un "lavomatic", ce lieu où les ménagères traditionnelles allaient comme au lavoir, rendre leur linge propre qui devient, désaffecté, l'unité d'action et de lieu de ce travail collectif. Collectif de paroles, de recherches et d'attention très "attentionnée" au regard de la rébellion féminine. La violence est-elle solution, réplique, réponse à un état de fait?  La colère semble être le choix de la lutte, du combat: légitime défense, victime? Tout est lieu de discussion, de "soulèvement", de questionnement et l'on sort de salle, convaincu que les abeilles n'ont pas tort: évincer les bourdons de la ruche à la venue de l'automne, bouches devenues inutiles à nourrir..Manifeste matriarcal très bien incarné, autant en slam chanté que en dialogues ou textes joués, cet opus étrange et franc de collier interroge aux bons endroits. Une recette de cuisine où le poulet devient l'homme-ennemi à découper en morceau est truculente. On ne manque pas d'humour et ni de savoir-être ensemble même si chaque personnage ne fait pas l'unanimité dans ces positionnements politiques. Postures, attitudes et sensibilité au poing pour cette communauté, assemblée démocratique et conviviale qui "occupe" le plateau comme un forum, une agora de la parole libératrice. Elles ont du punch, de la verve et de la détermination et prennent la scène avec audace et engagement. Pas de langue de bois ni de figure de la Mère Denis dans cette lessive où Monsieur Propre ne gagne pas dans la blancheur faite aux femmes, petites filles modèles. Le combat est vif argent et Andy Warhol, caricature du mâle en mal d'identité est aussi un joli moment de théâtre.Valentine Lê et  ses consœurs , Jade Emmanuel en Valérie Solanas très convaincante. "Judith décapitant Holopherne" peinte par Artemisia Gentileschi serait l'illustration finale en décalage esthétique, certes, mais soulignant la richesse et sauvagerie du propos. La scénographie demeure très éloquente de cette diatribe.de "jeunesse" dont la valeur n'attend pas le nombre des années.

Au TNS jusqu'au 18 Octobre

Collectif FASP
[Conception, texte]
Collectif FASP et extraits du SCUM
Manifesto de Valerie Solanas
[Mise en scène et jeu]
Collectif FASP – Loïse Beauseigneur,
Léa Bonhomme, Jeanne Daniel-Nguyen,
Jade Emmanuel, Valentine Lê, Charlotte
Moussié, Manon Poirier, Manon Xardel
[Scénographie] Loïse Beauseigneur,
Valentine Lê, Charlotte Moussié [Costumes]
Léa Bonhomme, Jeanne Daniel-Nguyen,
Jade Emmanuel [Musique] Léa Bonhomme,
Valentine Lê, Manon Xardel [Lumière] Loïse
Beauseigneur, Charlotte Moussié
 

lundi 7 octobre 2024

"Nous ne cesserons pas"" et "Noces": Hélène Blackburn / Bruno Bouché : musique et danse au défit.

 

 


Nous ne cesserons pas
Des touches d’un clavier blanc et noir inlassablement gravies et descendues par les mains d’un pianiste virtuose, jaillit un rêve fait d’ombre et de lumière, dans lequel une échelle aux degrés infinis, dressée entre le ciel et la terre, invite l’humanité à s’élever, comme le font les anges.



Avec la recréation de sa pièce
Nous ne cesserons pas, Bruno Bouché réinvestit, sur la Sonate pour piano en si mineur de Liszt jouée par Tanguy de Williencourt, l’imaginaire symbolique et spirituel d’un épisode du Livre de la Genèse, au cours duquel Jacob a la vision dans son sommeil d’une échelle divine parcourue par des anges pour atteindre les cieux. 

Ils glissent sous le piano à queue pour s'introduire sur scène. Une femme apparait, tourbillonnante, pleine de ferveur et de musicalité. Ses tours sont amples, légers, naturels et tracés dans l'espace comme une esquisse fragile. Avec et autour d'elle, six danseurs qui portent son fantasme et l'accompagnent. En autant de figures très géométriques dans l'espace. Bruno Bouché détricote la danse, fait des ricochets, des échos en diagonales savamment orchestrées. Alors que la musique de Liszt égrène fantaisie, dramaturgie et éclats de sonorités divines. Des rangées bien maitrisées, des lignes et courbes à l'envi dans cette chorégraphie  en point de chainette, tricot, ricochets et rebonds. L'architecture des corps dressés pour une pyramide, allant à la conquête du ciel alors que l'échelle promise reste inaccessible étoile.Les rouages fonctionnent, les sculptures corporelles fusionnent avec les gestes mouvants. Le sol, comme léger appui aux évolutions spatiales des interprètes. Des vagues se profilent, mouvements de la musique comme leitmotiv. La douceur règne, l'immobilité prend soin des corps bruissants en suspension. L'éparpillement, les échappées belles en envolées épousent le lyrisme des notes du piano.Seule, la danseuse rêve d'une ascension impossible, le regard lointain...Julia Weiss étonnante, gracieuse, aérienne et très musicale.

Chorégraphie et scénographie Bruno Bouché Musique Franz Liszt Piano Tanguy de Williencourt Costumes Xavier Ronze Lumières Tom Klefstad Ballet de l'Opéra national du Rhin


Les Noces
Sous la clarté d’un lustre majestueux, des noces abstraites célèbrent l’effervescence et la fragilité d’une union, faites de promesses d’avenir et de multiples ruptures, au rythme obsédant de chants ancestraux, de pulsations organiques et de déflagrations telluriques.À ce désir d’élévation, Hélène Blackburn répond par un désir d’union avec une nouvelle création chorégraphique sur la musique magistrale des Noces de Stravinski, interprétée par les solistes de l’Opéra Studio, le Chœur de l’Opéra national du Rhin, quatre pianistes et les Percussions de Strasbourg. Un diptyque chorégraphique et musical puissant, où les énergies, les genres et les esthétiques se complètent et s’opposent.

Des nénuphars semblent flotter, longues robes étalées au sol: ils se meuvent comme des lianes ondoyantes, tapotent le sol, puis s'élèvent: longues robes blanches et jambes montées sur pointes. Alors qu'un homme  pénètre ce gynécée fébrile, dévoreur d'espace, en courses folles et effrénées. Il se fait prestigieux phénomène, gestes saccadés, angulaires, segmentés. Fébrile aux mouvements tectoniques, hachés, fracturés. Alors que virevoltent autour de lui ces nymphettes qui se transforment en danseuses de french cancan et de flamenco. Robes virevoltantes ou retroussées à l'envi. Un duo vient faire adage et la fête continue. Le propos est débridé et l'on ne parvient pas à saisir le récit ni la narration. Alors que la musique fait honneur au compositeur Stravinski dans une interprétation tonique des choeurs, percussions et orchestre. Côté chorégraphie, Stravinski, pas vraiment à la noce du tout...
chorégraphie et scénographie Hélène Blackburn Assistant à la chorégraphie Gianni Illiaquer Musique Igor Stravinski Costumes Xavier Ronze Lumières Tom Klefstad Direction musicale Hendrik Haas Piano Marija Aupy, Frédéric Calendreau, Maxime Georges, Tokiko Hosoya Soprano Alysia Hanshaw Mezzo-soprano Bernadette Johns Ténor Sangbae Choï Basse Pierre Gennaï Ballet de l'Opéra national du Rhin, Opéra Studio de l’Opéra national du Rhin, Chœur de l’Opéra national du Rhin, Percussions de Strasbourg

A l'Opéra du Rhin jusqu'au 7 octobre

 

"MoE + Ikuro Takahashi | Yeah You | Fearless Alfredo": nocturnes MUSICA METZ douche froide et autres frissons...

 


AFTER

Pour clore (presque) le festival et glisser dans la nuit, Musica s’allie à Fragm/ent, l’association qui fait vibrer la culture alternative messine depuis plus de vingt ans.Du rock avant-gardiste aux vrombissemnts noise de MoE + Ikuro Takahashi, l’électro-noise familiale de Yeah You, et la sélection pleine de virages de Fearless Alfredo… Musica s’est allié à Fragm/ent. pour clore (presque) le festival et glisser dans la nuit messine.


MoE + Ikuro Takahashi

Le rock avant-gardiste de MoE met le feu aux poudres. Le duo expérimental norvégien de la bassiste Guro S. Moe et du guitariste Håvard Skaset se présente en trio avec une figure de la scène souterraine japonaise, le batteur Ikuro Takahashi. 

 


Yeah You

L’électro-noise familiale des gallois de Yeah You, le duo rare d’un père et de sa fille, Gustav Thomas et Elvin Brandhi (déjà présente en ouverture de festival avec Ziúr). Littéralement dé-jan-té.

 


Fearless Alfredo

Fearless Alfredo propose des mixs éclectiques de ses morceaux préférés, pour se défouler comme des pantins espiègles et désarticulés. Au programme : de l'électronique qui combine expérimentations et musiques pop, des boîtes à rythmes énervées ou mignonnes, des synthés tantôt rigolos et tantôt sombres, des percussions dans tous les sens... Une sélection pleine de virages, de dos d’ânes et de nids de poules, inlassablement à la recherche des émotions avec lesquelles on danse !

Il fallait une bonne douche froide, une bonne bière pour s'immerger dans de univers de bruits et de fureur: c'est fait à l'écoute des quatre groupes féroces du rock électronique...

A la Douche froide le 5 Octobre dans le cadre du festival MUSICA METZ

 

Une histoire du piano minimaliste #1 Melaine Dalibert, Stephane Ginsburgh, Nicolas Horvath complices d'un florilège époustouflant.

 

Quatre pianistes, quatre concerts pour quatre visions du piano minimaliste, des années 1920 à nos jours.


Une histoire du piano minimaliste 1

Melaine Dalibert interprète quelques-unes de ses propres compositions, ainsi que des pages rares des compositrices Meredith Monk et Ann Southam.

On démarre avec Meredith Monk, et son Travel song (1981) en corps et mouvement, répétitions obstinées et écoute profonde, très "dansante" pièce.
Ann Southam, Remembering Schubert (1993) fait suite, très inspiré du génial compositeur histoire de remettre les pendules à l'heure et de na pas oublier que l'on ne vient pas de nulle part!
De Mark Hollis, Piano (1998) et de Melaine Daliber lui-même, Litanie (2019), Jeu de vagues (2020) et Fall (2023) font suite avec bonheur.  Des vagues comme improvisées sous les doigts du pianiste sur 13 notes qui tournent et virevoltent à l'envi. De petites frappes méticuleuses, sempiternelles donnent le ton et la rythmique. Quasi mélodiques. En bis "Song", une pièce courte couronne le concert.

piano Mélaine Dalibert

 


Une histoire du piano minimaliste #2 Stephane Ginsburgh

Stephane Ginsburgh était proche du regretté Frederic Rzewski dont il transmet la passion musicale et politique.Deux oeuvres, Stop the war ! (The Road, Part 8) (2003) et  De Profundis (1991) sont proposées à l'écoute.  Doigts et phalanges en percussions sur le rebord de la caisse du piano comme prologue. "Stop the war" en citations et références vocales, pour l'interprète galvanisé par les frappes et percussions pianistiques. De la voix, des sifflements, une mélodie, un râle, des halètements jouent et gagnent pour ce comédien-pianiste hors pair.

piano | Stephane Ginsburgh

 

 


Une histoire du piano minimaliste #3

Nicolas Horvath

Le défricheur insatiable Nicolas Horvath nous offre en création mondiale la dernière œuvre de Terry Riley en hommage à Erik Satie. C'est Terry Riley qu'il choisitavec  Chasing Satie (2024)et c'est une révélation de la prolongation du génial compositeur pour le piano. Un amour immodéré pour cet auteur conduit Nicolas Horvath vers des sommets de jeu, d'empathie, autant avec l'oeuvre qu'avec le public. En complément de programme et pour nous enchanter, il exécute par coeur et par corps "une étude" de Phil Glass, renversante et phénoménale de tonus, énergie et dynamique. Du grand art.

piano | Nicolas Horvath

 


Une histoire du piano minimaliste #4

Wilhem Latchoumia

De Charles Ives à Colon Nancarrow, en passant par Henry Cowell, Wilhem Latchoumia expose les prémices esthétiques du début du XXe siècle.


Avec un programme dense et très varié Latchoumia prpose un panel, un florilège de morceaux rares et interprétés de ses doigts magnétiques, de sa gestuelle féline, pondérée, de tout son grand corps investi dans une communion complice avec les oeuvres citées

.Henry Cowell, First Irish Legend - The Tides of Manaunaun (1912)
George Antheil, Jazz Sonata (1922)
Ruth Crawford, Préludes No. 1-3 (1924-1928)
Colon Nancarrow, Tango ? (1983)
Ruth Crawford, Préludes No. 4-5 (1924-1928)
Charles Ives, Set of five take-offs (1906)
Ruth Crawford, Préludes No. 6-9 (1924-1928)
Ruth Crawford, Piano Study in Mixed Accents (1930)
Terry Riley, Simone’s Lullaby (1994)

piano | Wilhem Latchoumia

A l'Arsenal les 5 et 6 Octobre dans le cadre de la cité musicale de Metz et du festival MUSICA METZ

 

 

 

"Gay Guerilla" de Julius Eastman: une performance hors norme.

 


Redécouvert il y a quelques années seulement, Julius Eastman (1940-1990) avait disparu au début des années 1980, jeté à la rue, son œuvre dispersée ou perdue, avant d’être emporté par le virus du Sida.

Il est l’auteur d’une musique brute et organique, familière du happening et des musiques populaires, dont la scansion répétitive est aussi politique, souvent accompagnée de titres dénonçant le carcan social imposé aux noirs et aux homosexuels aux États-Unis. Militant et témoin historique de l’émergence des mouvements antiracistes et de libération sexuelle des années 1960, il compose Gay Guerilla en 1979, dix ans après les émeutes de Stonewall à New York.


Dans le studio du Centre Pompidou Metz c'est à un ouragan sonore de quatre pianos disposées en trèfle à quatre feuilles que le public, réuni autour, va palpiter.

Grâce à l'oeuvre de Julius Eastman, Evil Nigger (1979) |où la férocité de la musique explose, tonus, énergie et paroles fulgurantes au son des 1/2/3/4 d'un des pianistes qui semble orchestrer cette fulgurance. Gay Guerilla (1979) succède, doux et serin, opus en contrepoint Mais c'est surtout Crazy Nigger (1978)qui va étonner, surprendre, déplacer et décontenancer l'auditoire. Des appuis des doigts sur une seule note, déclinés à l'envi, seuls ou en canon et ricochet, ou à l'unisson des huit mains véloces. Des marches en avant, à reculons, comme une lutte contre la montre, un passage obligé sur un tapis roulant à contresens. Réverbérations, couches sonores, superpositions des sons ou décalage, pianos "ouverts" béants de sonorités percussives obsessionnelles.Musique parfois fluide, évanescente, aérienne en écho. L'ampleur et l'amplitude du volume saturant l'espace ou l'ouvrant vers des contrées inédites d'écoute. La pulpe des doigts des quatre pianistes à rude épreuve! Course folle, enivrante pleine de ressorts, de rebonds, de tectonique d'écriture variable imposée ou imaginée par le compositeur et les interprètes participatifs. Tel un furieux carillon de campanile déchainé, une force tempétueuse s'abat sur l'auditoire médusé, tétanisé ou emporté. Les appuis des doigts sollicités à l'extrême. La perméabilité sonore émeut, bouleverse, dérange, déstabilise pour le meilleur des émotions musicales. Les vibrations dans le corps, les yeux rivés sur le jeu virtuose des pianistes compères, complices, au diapason fraternel. Des frappes régulières viennent calmer le tsunami bordant un grand désordre, chaotique, rageur comme des coups de béliers enfonçant une porte blindée. Des moments inédits d'une grande intensité!

Au studio du Centre Pompidou Metz le 6 Octobre dans le cadre du festival MUSICA METZ

piano | Mélaine Dalibert, Stephane Ginsburgh, Nicolas Horvath, Wilhem Latchoumia

 

Concerts pour soi Orchestre national de Metz Grand Est: duo alto-violoncelle: une spirale musicale: un brunch sonore très nourissant!

 


L’Orchestre national de Metz Grand Est convie auditeurs et auditrices à vivre un moment unique.

Durant une journée entière, des concerts ont été dissimulés dans des lieux insolites du centre-ville messin. Une expérience de l’intimité musicale qui, pour être vécue pleinement, est destinée à un public réduit, en solo ou en duo. Quant au mystère des lieux et du programme des concerts, il ne sera levé qu’au dernier moment…de 9h à 20h, horaires multiples

Les spectateur·ices choisissent un créneau horaire à leur convenance, sans que ne leur soient dévoilés le lieu et le programme. Une adresse est communiquée par SMS et email 48 heures avant le concert. Les lieux sont situés à Metz même et desservis par les transports en commun. Sur place, les spectateur·ices sont reçu·es et guidé·es par un personnel d’accueil vêtu aux couleurs de la Cité musicale-Metz.


Dans l'atelier de Hélène Roux, une plasticienne-graveuse de la place et du cru, à potron minet, nous voici immergés dans la musique, secrète et confidentielle d'un duo rarissime: Philippe Baudry au violoncelle et Alain Celo à l'alto.  "Deux pièces pour alto" de François Narboni entament cette matinée lumineuse et fraiche, nichée au coeur d'une petite salle de musique improvisée, auréolée des oeuvres végétalisantes de l'artiste-hotesse de l'événement. Un concert "pour soi", partagé à deux, rien que pour ces auditeurs privilégiés que nous sommes. Oeuvre palpitante et vibrante exécutée de mains de maitre, cordes pincées ou glissées sous les archets capricieux d'une composition radicale, en alto solo. De Dominique Lemaitre , "Hélix" en duo tranquille et serein fait figure d'enluminure tant la précision et les harmonies vibre et transfigure ce petit espace dévolu à l'intimité musicale partagée. Bach en interlude avec "Sarabande" au violoncelle solo pour nous rappeler qu'on ne vient pas de nulle part... Et au final de cette collation sonore matinale, en brunch délectable, "Music to go" de Betsy Jolas, un duo gagnant de réverbérations, nappes sonores, couches tuilées de sonorités qui convergent vers la fugue, la fuite, le voyage spatio-temporel. Les deux interprètes généreux et virtuoses entament un dialogue éclairant le choix des oeuvres, leur rareté et la pertinence de leur "présence" dans le cadre intimiste de cette expérience hors norme. L'exposition des toiles, peintures d'Hélène Roux en résonance avec ces gouttes de musiques matinales rafraichissante, aériennes autant que "plantureuses".

Dans le cadre de MUSICA METZ le 6 Octobre près de l'église ST Maximin

Ryoji Ikeda + Philip Glass Les Percussions de Strasbourg | Erwan Keravec / 8 sonneurs: retentissant!

 


Ryoji Ikeda et Philip Glass incarnent deux pôles de la musique répétitive — celle née de la culture électronique japonaise, entre sinusoïde et bruit blanc, et celle du New York des années 1960, processuelle, psychédélique et sensuelle.

Avec 100 Cymbals, Ryoji Ikeda et les Percussions de Strasbourg mettent en lumière le potentiel des cymbales en suivant la mince frontière qui sépare le bruit de la résonance harmonique, tandis qu’Erwan Keravec réunit un groupe de sonneurs de cornemuses, bombardes et binious pour amplifier quelques-unes des premières pages de Philip Glass. Une expérience d’écoute unique pour se lover dans les vibrations.



Ryoji Ikeda, 100 Cymbals (2019)

Comme une immense  installation plasticienne, les 100 cymbals s'alignent, petits soldats, pas tous pareils si l'on y regarde de plus près: venues de Turquie et du potentiel de l'instrumentarium des Percussions de Strasbourg, les instruments se dressent à hauteur d'homme pour mieux être doucement caressés, frappés, touchés subtilement et rendent des sons vibratoires subtils, légers, à peine perceptibles.... Un véritable temple bouddhiste où les cymbales, comme autant de petites flammes, bougent, résonnent, bruissent: les dix officiants, régulièrement modifiant leur poste dans un ensemble chorégraphique très opérant.

Visuellement, œuvre sonore plasticienne, cette pièce singulière qui nous est donnée de découvrir  s'ouvre à Cage, en écho à son affection pour la culture zen, la danse, le mouvement naturel des corps et du son dans l'espace Vision reposante, hypnotique, calmante et bienfaisante d'une écoute toujours très concentrée sur ses fins: rendre l'infiniment petit à une place gigantesque, l'infiniment perceptible, digne d'une attention à l'environnement sonore quotidien qui nous berce ou nous froisse, nous ravit ou nous malmène à chaque seconde: les oreilles n'ont pas de paupières: heureusement!

Et bien sûr,en présence des Percussions de Strasbourg, modelées pour accueillir et réfléchir un répertoire inédit, caché, secret, révélé au grand jour par le festival Musica, au diapason de la diversité et de la rareté...Belle soirée inaugurale qui augure du meilleur pour la suite ...Chut! C'est un secret qu'on ne confie qu'à une seule personne à la fois.Concentration, surprises et découvertes à l'appui, tout surprend, dérange sans jamais heurter nos sens en alerte, aux aguets du moindre "bruit" issu de tant d'objets hétéroclites: au petit bonheur des auditeurs, charmés par tant de préciosité, de précision, d'attention à chaque geste générant musique et univers sonore inouï ! 


Philip Glass, Two Pages (1968) | Music in Fifths (1969) | Music in Contrary Motion (1969) | Music in Similar Motion (1969)
8 sonneurs
Gaël Chauvin, Mickaël Cozien, Erwan Hamon, Gweltaz Hervé, Erwan Keravec, Guénolé Keravec, Vincent Marin, Enora Morice

C'est une "symphonique" pour instruments identiques, un orchestre de chambre bien chambré qui interprète à coups de bombardes, binious et cornemuses le meilleur de Phil Glass. Cet instrument, le binioù qui fait partie de la grande famille des cornemuses. Il se compose d'une poche en cuir, d'un sutel servant à l'alimenter en air, d'un bourdon mélodique produisant une note continue, et enfin d'un lévriad sur lequel est jouée la mélodie.Une aubeine pour le son qui résonne dans la grande salle de l'Arsenal, prodigue et prodige de vibrations, ventilations incongrues et souffle atmosphérique de grande rigueur rythmique."Two pages", "Music in fiths", "Music in contrary motion", et "Music in Similar Motion" se succèdent en "mouvement". Erwan Keravec transpose les pièces citées pour réjouir les auditeurs de sons étranges, lancinants, déroutants,déboussolant d’impertinence mais de respect pour l'écriture de Philip Glass. L'obsession est reine et enivre, hypnotise. Ces instants de délectation peuvent horripiler ou déranger tant la vivacité, les fréquences, le volume sonore emplissent la salle et inondent l'atmosphère de notes tenues agaçantes.Mais si originales en tant que formation musicale que les cornemuses deviennent sympathiques et audibles.

 A l'Arsenal dans le cadre de Cité internationale de musique de Metz et le festrival MUSICA METZ

Les Percussions de Strasbourg
Matthieu Benigno
Pin-Cheng Chiu
Hyoungkwon Gil
Léa Koster
Emil Kuyumcuyan
Théo His-Mahier
Minh-Tâm Nguyen
Lou Renaud-Bailly
Hsin-Hsuan Wu
Yi-Ping Yang et leshuit sonneurs autour de Erwan Keravec

 

dimanche 6 octobre 2024

"EGAL=" Les Percussions de Strasbourg: égaler les sons en les regardant, les imaginant: une expérienne sensorielle et "solidienne" rarissime

 


Qu’est-ce que le son et comment le percevons-nous ? Sous la forme d’un concert suivi d’un temps d’échange, il s’agit de croiser les expériences pour mieux déconstruire nos perceptions.

Porté par Musica en collaboration avec Les Percussions de Strasbourg, EGAL= Expérience d'écoute globale est un parcours sensoriel inspiré et nourri par la culture sourde. Cet espace d’exploration permet de découvrir différents modes de perception de la musique, par une écoute corporelle tantôt visuelle, vibratoire ou encore solidienne.

Une rencontre d'exception avec les trois protagonistes chercheurs des Percussions de Strasbourg, à l'Agora, un centre social, culturel, médiathèque doté d'une salle de spectacle, en bordure de Metz centre. A partir de la partition de Simon Løffler, C (2013) c'est à une expérience de "musique sans le son" que nous participons du regard. "voyez la musique, écoutez la danse" disait Balanchine, "compositeur" de la danse! Alors c'est un duo magnifique qui s'adresse à nous: des gestes évoquant les dimensions, les hauteurs, les forces et intensités en autant de verbes d'action: des sons gestuels comme pousser, élever,vibrer,aplanir, résonner, maintenir, écarter, renverser, rejoindre, effleurent la pensée vagabonde ainsi sollicitée. C'est de toute beauté et la frontière avec la danse est proche. Les corps parlent et murmurent à l'envi: sans le son qui gambade ailleurs que dans nos oreilles. L'imagination sollicité comme un jeu de piste ludique et sensoriel.


Avec l'oeuvre de Mark Applebaum, Tlön (1995) c'est trois chefs d'orchestre qui incarnent le mouvement corporel généré par les sons: ceux à diriger en mimétisme de règles de direction d'orchestre. Avec pupitre comme soutient visuel pour mieux visualiser les actions corporelles. Drôle et jamais caricaturale, cette "démonstration" de haut vol est convaincante et illustre le propos. Nous sommes les musiciens à éclairer, ils sont les directeurs de nos exécutions musicales et saluent le public...de dos! Battre la mesure comme une signature de mouvements d'une symphonie absente, muette, éloquence et résonance des gestes évocateurs de sons. On travaille assidument à cette représentation.

Puis avec l'opus de  Jeppe Ernst, Offertorium : Behandling A (2018) on assiste à un duo tendre et plein de charme. Les deux interprètes, toujours sans aucune touche musicale, se frôle, dessinent les contours de leurs visages, se touchent intimement, s'apprivoisent: un meli-melo de mains, de bras comme un livre d'images que l'on feuillette amoureusement. Délicieux moment de grâce, de mouvements qui inspirent sons, rythmes et musique selon sa propre inspiration et imagination. Jeux de mains dans un respect et une préciosité de toute beauté.

Et puis l'expérience phare demeure celle de l'expérience de l'écoute corporelle solidienne. En fer à cheval, le public est invité à "mordre" dans une tige de bois pour expérimenter le son issu des trois glockenspiel des trois musiciens aux consoles. Le tableau est croustillant d'observer chacun, relié à l'autre, mordre cet "accessoire" vecteur de réverbérations sonores par le truchement des os du crane et et de la mâchoire non des tympans! Bel exercice participatif de collaboration et partages des fruits d'une recherche fouillée et passionnante.

Au final de cette cession de travail collectif, deux tam-tam sont à notre disposition pour expérimenter les vibrations des touches percussives du percussionniste L'oeuvre de James Tenney, Having never written a Note for percussion (1971) devient terrain de jeu et vecteur de sensations vibratoires du bel effet de détente, décontraction et lâcher prise. Un temps pour tous et surtout en direction d'un public mal-entendant d'une rare qualité émotionnelle autant que ludique et thérapeutique.Divertissante aussi bordé d'un temps d'échanges de paroles généreux et fructueux!


Percussions de Strasbourg
Matthieu Benigno
Pin-Cheng Chiu
Hyoungkwon Gil
Lou Renaud-Bailly


Présenté avec la Cité musicale-Metz et l'Agora le 5 Octobre dans le cadre de MUSICA METZ


"Rosas Danst Rosas" Anne Teresa De Keersmaeker | Rosas: danse en état de siège.

 


DANSE | WORKSHOP | FLASHMOB au Centre Georges Pompidou
Artiste d’exception, la chorégraphe belge Anne Teresa De Keersmaeker a partagé au Centre Pompidou-Metz sa célèbre pièce Rosas danst Rosas sous forme participative avec le public.  Laura Maria Poletti, danseuse de la compagnie Rosas, a proposé aux participant.es d’aborder les matériaux et les principes d’écriture qui président à la création de la chorégraphie créée en 1983.


En 1983, Anne Teresa De Keersmaeker s’imposait sur la scène internationale avec Rosas danst Rosas, un spectacle devenu depuis lors une véritable référence dans l’histoire de la danse postmoderne. Rosas danst Rosas approfondit la veine minimaliste ouverte avec Fase, Four Movements to the Music of Steve Reich (1982) : des mouvements abstraits constituent la base d’un riche contrepoint chorégraphique dominé par la répétition.
La véhémence expressive de ces mouvements est contredite par la trivialité des petits gestes quotidiens. Quatre danseuses « se dansent elles-mêmes » sans un seul instant de relâche. Leur obstination — jusqu’à l’épuisement — entre en contraste avec l’impeccable structure formelle de la chorégraphie. Les boucles rythmiques de Thierry De Mey et Peter Vermeersch (une musique répétitive qu’ils désignaient comme maximaliste) ont été composées durant le processus chorégraphique. Au Centre Pompidou Metz, le deuxième mouvement de Rosas danst Rosas
sera interprété par quatre danseuses qui faisaient partie de la dernière reprise de cette œuvre emblématique en 2017.

 


Le grand hall du centre Pompidou Metz est devenu nef de la danse et la tectonique de son architecture rejoint celle de la danse d'Anne Teresa de Keersmaeker dans une audace vertigineuse et tonique. La musique de Thierry de Mey épousant de ces pulsions fiévreuses et obsessionnelles dans une joie et effervescence diabolique. Les quatre danseuses, "assises" sur des chaises alignées font se révolter l'espace, le font grandir et magnifient un univers hypnotique, irréel. Les corps sont autant souples, alanguis, nonchalants, que rigides, toniques et mus par une énergie féroce, maitrisée, calculée à la croche près. La rythmique est infernale et coupe le souffle de celui qui regarde, actif participant en extrême proximité de cette messe pour un temps présent effréné.On ne les quitte plus des yeux, elles fascinent, toutes complices de regard et de possession. Ce quatuor légendaire, signature de la démiurge chorégraphe fonctionne à fond et ne se perd pas dans ce vaste espace dévolu à l'art contemporain. Une plate forme idéale pour cette pièce qui ne cesse de secouer, d'ébranler l'écriture chorégraphique "minimaliste" mais jamais abstraite. Les corps vêtus de tuniques dévoilant épaules et nuques, les cheveux comme des prolongations de mouvement, les leggings et soquettes comme costumes de peau à danser comme des folles créatures échevelées pourtant très "policées". Un moment de grâce époustouflant qui n'a pas perdu une ride de tonicité et de magnétisme.

Au Centre Pompidou Metz les 5 et 6 octobre dans le cadre du festival MUSICA METZ

"Mirlitons" François Chaignaud | Aymeric Hainaux. Flammes and C°...

 


Au lendemain d’une défaite à venir. Les corps sont repliés, effondrés, inconscients — frappés peut-être par une colère divine. Mais progressivement ils se réaniment, s’amplifient, s’abandonnent à la vie une fois encore.Entre Aymeric Hainaux et François Chaignaud, l’espace d’un dernier rite se dessine. Le beatboxing du premier libère les claquettes amplifiées du second. C’est la lutte de la bouche et des pieds, et leur fusion en une créature musicale hybride. À travers cette transe païenne ultime, errance statique, tableau vrombissant, transparaît l’envers, le mirliton, un sifflet enfantin comme un souvenir perdu, un poème sans prétention.

Il traine un homme comme un cadavre ramolli dans un linceul de velours rouge qu'il jambe par la suite.... Ce dernier entame une respiration percutante qui ne le quittera plus: tambour en expiration sempiternelle. La vie demeure intacte. Pieta étouffante en portée tourbillonnante avec un hameau de cliquetis fait de pins enchevêtrés. Tout un programme de percussion intime venue du souffle, du coffre, des côtes et cage thoracique du compère de François Chaignaud. Micro tendu exaltant vent et expirations. Les deux hommes juchés sur un carré d'estrade minimal. Chaignaud en épouvantail de cuir , un bâton sculpté à sabot de bouc sur les épaules.Maléfique effigie, animal qui sème de ses sabots noirs des claquettes et des frappes au sol de flamenco. Traçant des cercles de craie magique quasi d'inspiration de ronds de jambe classiques. Une présentation solennelle des deux bâtons magiques comme porte drapeau d'une danse rituelle bordée de clochettes en grappes sonnantes et trébuchantes. Les sons des percussions thoraciques et des pas au sol amplifiés par un mur d'enceintes en fond de scène. Transes rythmiques avoisinant l'hypnose pour les spectateurs réunis en cercle autour de cette joute fantasque. Tremblements, tétanie, possession de ces sauvages, fous de danse, cheveux débridés touffus dans une montée en puissance du son assourdissant. Ils crèvent et brulent les planches de leur flammes and c° résonnant et indisciplinaires: irrévérencieux en diable. Nus pieds pour l'un, pointes flamenco pour l'autre dans un exercice virtuose de tours et martellement. Tels des sabots de bouc émissaire, ensorcelé, rituel de bergers qui sautent et sursautent. La perte, l'épuisement des corps comme credo ensorcelant. Une petite pause salutaire pour un changement d'oripeaux, de peaux de cuir et c'est reparti pour une session. De la voix surgit. Les sabots transformés en chaussons douillets blancs pour feutrer le son, glisser. Un turban de serviette de bain pour essuyer la sueur perlant des pores de cette peau du monde, peu d'animal aux abois. Chaignaud en Noureiv transpirant, moulé dans un legging blanc, Galvan-isé par les spasmes et zapateados de la rage flamenca. Outrepassée par une verve d'enfer, une tonicité, des muscles bandés par l'effort et la lutte avec le sol, avec l'autre. En un combat singulier devant nous , nous alpaguant. Un cache-coeur, caraco pailleté de pins résonants de toute beauté plastique. L'endurance, la résistance rivées au corps.Tel une ballerine qui se déglingue, Chaignaud exulte, rayonne, toréro de haute voltige face à son "batteur" corporel, son adversaire- compère idéal de joute. Danse sur pointes de chaussures flkamenco comme sur des lames de couteau à la Javier Perez, pour "sur le fil".Chaussures à la Iris van Herpen




Une chute, pieds en l'air, un pas de deux, adage où ils s'étripent joyeusement, se cherchent la bagarre, la zizanie. Pulsations toujours, étouffées parfois, figure scupturale de piéta: que de bonnes vibrations partagées que ce duo-duel infernal sorti des flammes d'un paradis en perdition joyeuse et païenne. Derrière le mur d'enceinte, ils disparaissent ces deux diablotins  monstrueux comme absorbés, dévorés par la matière sonore. Demeure un léger sifflement d'oiseau prometteur de rédemption. Lucifer et son double consumés.

 

conception et interprétation | François Chaignaud, Aymeric Hainaux
collaboration artistique | Sarah Chaumette
lumières | Marinette Buchy
régie générale | Marinette Buchy, Anthony Merlaud
son | Aude Besnard, Patrick Faubert, Jean-Louis Waflart
costumes | Sari Brunel

 A l'Arsenal le 4 Octobre dans le cadre du festival MUSICA


vendredi 4 octobre 2024

"Rififi, la comédie musicale" : une revue sacrément "palpitante"!


 Paris dans les années 1930. C’est l’histoire d’un amour contrarié entre Vincent et Rose.
Lui est chorégraphe, apprécié dans les grands music-halls de la capitale. Elle est danseuse dans un petit cabaret louche.
Vincent veut engager Rose dans son prochain spectacle, mais elle est la fiancée de Gus, « l’Elégant », le chef d’une bande de malfrats. Quand Gus, jaloux et possessif, découvre leur amour naissant, il s’arrange pour faire accuser Vincent d’un crime qu’il n’a pas commis. Ce dernier est alors obligé de fuir la France et se réfugie à La Havane. Il se laisse aller au désespoir et devient bientôt une loque traînant de bars en bars. Il y fait la rencontre de Howard Smith, un riche homme d’affaires français ayant fait fortune aux Etats Unis, et grand amateur de music-hall. De leur rencontre va naître un nouveau projet à Broadway, mais aussi un nouvel espoir pour Vincent.
Ce nouveau départ va-t-il lui permettre de revenir à Paris pour prouver son innocence, laver sa réputation et retrouver son amour perdu ?

« Rififi, c’est offrir au public un moment hors du temps pendant lequel il va se sentir envahi d’un sentiment de joie et de plaisir. C’est rire, s’émerveiller, tomber amoureux des personnages, voyager et avoir envie de fredonner les chansons entendues en sortant du spectacle… Et pourquoi pas avoir envie d’esquisser quelques pas de danse ? » Jean-Luc Falbriard


Tout démarre en trombe dans un rythme éffréné qui ne cessera deux heures durant. On y brosse un tableau croustillant, préambule ou prologue aux chapitres suivants: c'est Paris, son coiffeur, son bistrot, son marchand de fleurs et le cabaret "Plum'art. C'est tout Pigalle réuni, son "aquarium" à maquereaux comme place principale. Beau tableau vivant où les personnages, protagonistes de l'histoire, se présentent à toute vitesse. Entrée en matière qui annonce la couleur et le rythme tambour battant mené par l'orchestre "de chambre" derrière son petit rideau noir.Le ton est coquin, malin, endiablé, de mise pour le sujet abordé/ Les "malfrats" de Panam ou Pantruche pour les intimes, trois voyous, braqueurs de charme qui jouent les méchants. Les imbattables habitants de cette plaque tournante désopilante. Trio de choc que celui formé par Francesco Gill, un Gus malin et fourbe, arriviste et jaloux, Seppi l'Alsacien , un Raphael Scheer en grande pompe et Alexandre Sigrist en Teigne au diapason.Des bandits de grand chemin au turbin pour effectuer leurs larcins. Serait-on dans la pègre, le pays des condés, ou le royaume des malins du système D des embrouilles?  Un bel homme charmeur se profile dans les coulisses du cabaret-lupanar de luxe.Dans un solo magnifique inspiré de "Chantons sous la pluie"Jean François Martin se la joue Jene Kelly. Le réverbère faisant le reste.


Solo d'un chorégraphe tombé subitement amoureux de Rose, danseuse et chanteuse, propriété artistique et affectueuse du taulier, Gus. Enjôleur, timide, réservé, le voici embarqué dans une folle aventure où la femme désirée, Rose, une Léa Guérin savoureuse et enchanteresse s'affole à l'idée de trahir son souteneur. Sa frangine de coeur et de scène, "La Toupie", Mathilde Melero comme confidente, conseillère et soutient indéfectible. On serait presque aux Folies Bergères ou au Moulin Rouge. Un rêve que caresse Vincent en compagnie de Rose. Mais les affaires se compliquent et au coeur du dressing multicolore, les secrets, aveux et intriques se délivrent à l'envi. C'est excitant, emballant et haletant. Les saynètes s'enchainent bordée par la musique toujours aux aguets de l'action et de la narration. Signée Romain Schmitt et menée par quatre musiciens aguerris, les mélodies, chants et texte sont bien roulés et étonnent. La verve, le tonus des interprètes faisant le reste! Les profils de chacun se précisent, leurs intentions, bonnes ou mauvaises aussi. Gus aux consoles de ce navire déboussolé, Francisco Gil parfait petit homme de paille qui se croit grand seigneur, voix et diction au top pour incarner ce pantin de pacotille...Du talent à revendre chez chacun sans omette René, un Jean Luc Falbriard qui endosse le r^le de l'arrangeur complice ainsi que le futur Fratelloni du second acte. Habile, agile et souple personnage qui hante le plateau qu'il met en scène avec le brio qu'on lui connait. L'art de faire se déplacer les foules, de focaliser l'intrigue sur les personnages qu'il façonne à l'envi de sa patte de directeur d'acteur sans faille, à l'écoute de chaque personnalité créative: les interprètes alors au mieux de leur forme.Sabrina Rauch, irrésistible femme de compagnie de ce grand bordel, bazar des intrigues et du charme pas discret de cette joyeuse assemblée. Un petit solo à la Liza Minnelli pour enrober les coeurs, faire chavirer ses hommes, gardienne de cette baraque, boutique fantasque des désirs et de la cupidité. Et le Clou, Dominique Grylla d'en remette une bonne couche d'humour, de malice débonnaire, de bonhommie décapante. Le "palpitant" -le coeur en argot titi parisien-vedette de ce show à l'étuvée, de ce panorama burlesque d'une micro-société sympathique malgré ses travers. Le ton monte, le meurtre arrive pour dénoncer et faire leurre pour chasser l'amour des deux pigeons, Vincent et Rose: c'est la vie!Chacun fait de l'autre son affaire et cela se complique énormément en fanfare et tambour battant.

Jusqu'à nous mener à l'exil du héros, à la Havane, on s'offre une nouvelle vie,histoire de disparaitre de ces intrigues.Changement de décor, au "Blue-rose"de lieu et d'action pour pénétrer un univers de fête et de nonchalance. Les personnages sont "masqués" derrière d'autres rôles et une jolie confusion s'installe. On y retrouve Vincent exilé, toujours amoureux, esseulé aux prises avec un bandit richissime Howard Smith. Les rêves semblent se réaliser: celui d'un cabaret "Le Paradis(latin)? Belle occasion pour la chorégraphe Pippa Simmons de s'atteler à des morceaux de bravoures, danses de cabaret bien relevées, unisson de gambettes proches du Cancan d'une "Goulue" ou "Grille d’Égout". Les quatre danseuses et deux danseurs au top dans des costumes tout rose, seyants signés de Florence Bohnert: un panel de brillant, de couleurs, et d'inspiration music-hall de toute beauté et inventivité. Les escaliers, rampes et autres supports pour mieux magnifier les corps chatoyants en mouvement. Les plumes au final, les ronds de lumière très Crazy Horse pour fignoler les aspect musi-hall de plumes et de paons.. Menottes au poing pour quatre taulards resplendissants, micmac et aventures en ressort!C'est drôle et réjouissant: mener la revue et corrigée de toutes pièces pour ce gala tonitruant, mis en scène sans faille. La trahison, l’amitié au chapitre des émotions et du récit qui passe comme une lettre à la poste. Rififi, c'est aussi une mélodie du bonheur, une comédie  musicale qui fera du bruit et des remous dans l'univers de ce registre pas si simple à mettre debout. Une réussite pour Jean Luc Falbriard toujours au poste, livret en main, clef de voute, fédérateur d'énergie et de complicité. Un bain de jouvence à recommander sans modération

Avec : Jean-Luc Falbriard, Francisco Gil, Dominique Grylla, Léa Guérin, Jean-François Martin, Mathilde Melero, Sarah Puydoyeux, Sabrina Rauch, Raphaël Scheer, Alexandre Sigrist (ou Sébastien Dubourg)

L’ensemble chorégraphique : Joris Conquet, Mickey De Marco, Lilou Larre, Hilla Levy Aslan, Manon Lorre, Daphné Schlosser (ou Charlotte Duez)

Les musiciens : Raymond Halbeisen, clarinette, saxophone ténor / Laurent Wolf, flûte, saxophones / Serge Haessler, trompette, cor d’harmonie / Sylvain Troesch, guitare, banjo / Jérôme Wolf, contrebasse / Michel Ott, piano, claviers / Romain Schmitt, batterie, percussions et direction d’orchestre

Assistante au metteur en scène : Christine Denis
Scénographie : Mathilde Melero
Costumes : Florence Bohnert, Magali Rauch et Julie Desmidt
Habilleuse : Emmanuelle Maribas
Maquilleuse : Hélène Durli
Régisseur lumières : Xavier Martayan
Régisseur son : Mathieu Pelletier (ou Mailys Trucat)

 A l'espace K jusqu'au 31 Octobre