La danse est un art du combat, et les corps à corps sont autant de figures de rhétorique dansée que les portés ou grammaire de la danse contact.
Alors tout commence en musique live sur un plateau blanc, en fond de scène un amas de coussins, longs boudins rouges, gonflés à bloc, en ligne: univers très plastique évoquant un mur à traverser ou à franchir, ou un mur protecteur
Ils apparaissent, en ligne, gestes au ralenti, dans une mouvance lente et mesurée.
Ils brandissent un étendard rouge qui sera comme un écran devant leur corps.
Ils en tissent de savants ouvrages, torsadés, étirés jusqu'à les transformer en short, slip de combat, blanc et rouge.
Comme un défilé de mode très voguing de mode de costume de lutte, les voilà démarrant comme une danse rituelle africaine, scandée, frappée, la nuque et la tête renversées en offrande.
C'est beau et les corps canoniques et glorieux de ces huit danseurs-lutteurs, noirs d'ébène se meuvent, sensuels, félins dans un cercle fédérateur. Frontale, la danse inonde le plateau, de petites foulées sportives, quelques mêlées et tout rentre dans l'ordre. On se confond parfois dans le décor comme pour échapper à son sort et franchir des frontières pour migrer au delà. Ou pour se dissimuler, en camouflage.
La musique galvanise cette joyeuse tribu, équipe soudée qui malgré tout va se scinder et simuler un match de lutte, le gagnant à son corps défendant fera office de lieder!
Mais ce n'est pas vraiment le propos du chorégraphe.
Au final devant nous, ils alignent des voiles blancs masquant leur corps, tachés des traces de leur transpiration: comme une véronique, première empreinte, première photographie de l'homme, du christ en l'occurrence.
Et la magie de s'évanouir quand ils disparaissent: blanc sur rouge, plus rien ne bouge, rouge sur blanc tout fout le camp!
Ce soir là au Maillon, les musiciens font un rappel et les danseurs nous reviennent pour des saluts dansés chaleureux et endiablés!
Au Maillon, en coproduction avec Pôle Sud jusqu'au 22 Janvier
Préambule
"Entre la lutte et la danse, Salia Sanou ne choisit pas, il mixe. Résistance des corps et rythmes dansés, gestes rituels, postures et chorégraphie concourent à la mise en lumière d’un phénomène populaire très présent en Afrique. C’est tout un monde que l’artiste burkinabé révèle ainsi. La Clameur des Arènes, avec ses objets stylisés aussi rouges que le sang, avec sa musique live et ses huit interprètes masculins, est aussi une métaphore. Elle dit beaucoup de la vie et de ses combats.
La lutte, au sens large, est déterminante dans les sociétés humaines et leurs activités, de la survie aux tentatives de domination. Mais c’est aussi un art en soi. Fasciné par ce monde particulier, par ses pratiques, Salia Sanou a voulu en faire un spectacle. En revisitant ses traditions, il interroge l’acte sportif ainsi que les comportements quotidiens.
Sur le plateau, masses de chair, pulsions et énergies retenues ou lâchées, se font face, s’observent, s’évaluent, s’élancent ou se dispersent. Corps à corps brutal, feinte ajustée ou prise sophistiquée se détachent des mouvements d’ensemble. En réunissant huit danseurs dans ce spectacle, le chorégraphe gomme les frontières entre l’art et la vie. Il en redéfinit les espaces en transformant l’image des corps, en revisitant codes et représentations dont il déjoue les conventions. "