Au centre international, CEAAC à Strasbourg, Adrien Giros est de "mèche" avec Mozart!Lors d'une résidence d'artiste à Prague, le voilà confronté au "Mausolée" de Mozart, son musée, brûlé, pillé par des rapaces, oeuvre à jamais disparue, hormis une mèche de cheveux qui deviendra le point de départ de son processus de création in "situ". Quatre têtes empérruquées, cheveux noirs au vent, débridés vont ainsi évoquer le démiurge et cet épisode lié à sa mémoire disparue, détruite, rayée de la liste...Comme ses "perruques", objets subtilisés dans une entreprise par les employés...et que l'on retrouve chez soi, comme des trophées dérobés à son patron!
Quatre "figures dans le vent",s'effilochent, se dispersent et sèment des sons, frissons, bribes de musique, "opératoires"...Laboratoire expérimental du mental de l'artiste , de sa "maison" intérieure à revisiter comme un petit musée qui condenserait son oeuvre magistrale; la mèche de cheveux emblématique trône sous vitrine comme dans un conservatoire. Danse des mèches, visuel en vidéo d'un personnage qui tourne la tête et fait danser sa chevelure comme une "donna mobile", un Don Juan jubilant de sa parure séductrice.
Quatre mannequins comme chez un coiffeur ou un styliste dans une boutique improbable, musée de Mozart, perle de la musique d'opéra. Les ombres portées magnifient et amplifient les ondes du mouvement:théâtre en noir et blanc d'un opéra fantôme ou le comandeur veille!
Très chorégraphique cette installation qui tend à rappeler la vanité des choses et de l'existence: ne resterait-il de Mozart qu'une "mèche de cheveux" (voir la chanson d'Adamo) pour maintenir le souvenir au sein d'un mausolée lénifiant, inspiré des panthéons à la gloire des politiques!Désuet, critique, narcissique cet épisode conjugué du démiurge et de Giros est une boutade vivifiante, décapante et décapitée, cinglante sur le pouvoir et la position de l'artiste dans la société: belle réussite sous forme de métaphore en mouvement, dans le vent dans l'air du temps, du tempo mozartien, du rythme des danses de la tête, du tronc, de la nuque! Très organique et kinésiologique, cette installation fonctionne comme un garde-corps ou corps de garde de la mémoire.
A l'encontre de l'immobilité, de la fixité médusante et pétrifiante de ses gardiens du temple, inflexibles, imperturbables et incorruptible, veilleurs des mausolées et autres handicapés de la cervelle!
Capitale, en chef, en majuscule, cette installation vous fera perdre la tête comme un tournoiement de "giros"!
"The guards" Au CEAAC international jusqu'au 14 Avril 2015
www.ceaac.org
www.adriengiros.com
"Mon travail s’inscrit dans un registre protéiforme, je travaille autant avec la lumière, la photo, la sculpture et la vidéo… Mais je pars souvent d’une expérience ou d’un fantasme sonore. Durant les 3 dernières années mes recherches se sont élaborées autour de différents questionnements entre le temps et la matière, notamment, dans la nature avec des oppositions de forces entre la roche et la chute d’eau ou encore l’avalanche. J’étudie et cherche à retranscrire la relation entre le bruit et les vibrations, de la vidéo à la photographie et la sculpture et cela en relation à notre corps. De nombreux champs s’entrecroisent et s’opposent dans mon travail, j’aime parfois y semer le trouble, des contradictions car je pense que cela crée à la fois de la tension mais également du mystère, car le mystère nous questionne, il ouvre sur des champs de possibilités infini et alors nous pouvons nous raconter des histoires, j’aime que les gens qui voient et/ou écoutent mon travail se racontent et imaginent des histoires aussi différentes qu’elles soient les unes des autres ! J’aime également créer des atmosphères, des ambiances, qui plongent le spectateur dans un autre monde, que notre corps se trouve en tension dans l’espace sonore et visuel, une tension qui se relâche à un moment donné et nous fait prendre conscience de notre propre matérialité."
Adrien Giros
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