Georges Aperghis est plus qu'un habitué du festival Musica. Pour les aficionados, on se souviendra de la merveilleuse interprétation par Martine Viard des "Récitations" en 1983.
Depuis, il fit une résidence très remarquée à Strasbourg au conservatoire de Musique, qui familiarisa au plus juste les jeunes musiciens au théâtre musical, à l'humour des notes, à la composition, à l'interprétation.
Du beau travail de fond, oeuvre de fourmi qui porta ses fruits.
Aujourd'hui, il nous revient avec "Luna Park" un spectacle indéfinissable, ovni en son genre!
D'emblée, en ouverture, le ton est donné: tambour battant tout démarre de façon fulgurante. Sur un dispositif scénique très audacieux, les quatre interprètes musiciens, acteurs sont intégrés à une sorte d'échafaudage où le corps est mis en situation périlleuse, en danger.Sons, notes, paroles, musique en jaillissent comme autant de sources de tension-et détente- qui se maintiendront tout au long du spectacle.
Des images vidéo, soit pré-enregistrées, soit tournées en direct et remixées en régie simultanée font écho à ce travail musical, comme contre point, comme miroir du son. Des bouches en surgissent en série, ordonnant ainsi comme des "amuse-bouche" un apéritif tonitruant. Les lèvres en gros plan articulent, ânonnent, décomposent le mot. C'est drôle et désopilant, humoristique et nous tient ainsi à distance du trop sérieux!Pas de convention ni de savoir se conduire ici: c'est plutôt l'indisciplinaire, l'élève qui fait l'école buissonnière et se joue des formalités. Les quatre interprètes, une heure durant vont se frotter à ce jeu, physiquement éprouvant, cette performance d'athlètes, d'aérobie constante. Sur un fil tendu, la tension monte, puis le calme revient, pause salutaire dans le tempo de cette œuvre échevelée, décoiffant e.On y est désorienté, déphasé, décontenancé devant la virtuosité, l'audace de la pièce. L'échafaudage tient bon, comme une pyramide solide, bien plantée, une architecture qui double la texture de la musique, du son, du rythme.
Un spectacle total, multimédia qui interroge aussi sur la notion de communication, de solitude face à la technologie. L'ivresse qui en ressort incombe à cette juxtaposition de médium: vidéo, corps dansant, musique, images virtuelles et magie de la régie directe pilotée de main de maitre dans une vitesse fulgurante.Ecrans, caméras, micros, autant d'outils qui éloignent les artistes les uns des autres et qui portant font chorus, font front et face sagittale aux spectateur médusés, entrainés dans cette folle course contre la montre!
Le référent d'Aperghis, en l'occurrence Thomas Bernard et son chef-d'œuvre "Marcher" nous font ouvrir l'œil sur la notion de surveillance, d'auto-analyse. L'équilibre de cette vaste construction demeure fragile et le monde peut chavirer, tournoyer dans ce "Luna Park" bien artificiel où le corps est balloté, secoué, ébranlé, malmené: comme pris dans une machinerie infernale. Que reste-t-il de l'humain dans tout cela?
Beaucoup de poésie et de recul malgré tout pour laisser derrière soi un parfum d'inédit, de tremblement, de secousse salutaires!
samedi 8 octobre 2011
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