Charles et Stan, deux artistes de théâtre, remontent le légendaire spectacle d’Antoine Vitez de 1978, Les 4 Molière.
Ils s’aiment et vivent ensemble depuis trente ans. Un SMS, lu
malencontreusement durant les répétitions par Charles alors qu’il est
adressé à Stan, va semer la discorde. Ce texte, écrit pour Charles
Berling et Stanislas Nordey, est une pièce d’amour et de guerre. Rambert
élabore une dramaturgie de l’intime mêlant réflexion sur l’art,
déclaration sentimentale, collage de citations, péripétie, scène de
ménage, art performatif, humour et lyrisme. Il ne cède pas, à juste
titre, sur la nécessité intérieure de livrer « le coeur humain presque à
nu » (Stendhal).
Quand deux "géants" de la scène se rencontrent c'est pour mieux rester humbles et perspicaces, à l'écoute de ce qui se passe entre eux, entre eux et le metteur en scène, auteur d'un texte virulent, tendre ou abject!Sur "la société du spectacle" qu'il fustige à travers les mots des deux protagonistes entre autre. Mais revenons à ce qui les unit: l'amour l'un pour l'autre, celui qui les rapproche ou distancie tel une chorégraphie qui les anime, les unit ou désunit dans l'espace, alors que les voix et les propos hurlent ou chuchotent. Entrée radicale sur le plateau où va se joue avec humour un match virulent et sympathique sur les accessoires utiles à leur dialogue: tables et chaises à trouver dans un bric à brac de fond de scène. C'est décoiffant et donne le ton désopilant de la pièce. Rambert y décortique les mécanismes de la communication, de ce qui agace chez l'un, pour l'autre, de ce qui outrepasse parfois le bon sens ou la mauvaise fois. Les voix sont celles de deux athlètes de la diction fébrile, à fleur de peau qui laissent entendre leurs désaccords ou leur complicité amoureuse. La scène judicieusement feinte de pénétration sous la table pourrait être du mauvais vaudeville ou du burlesque. C'est autrement désopilant et ravageur presque à la Molière tant le nu et cru de la situation est renversé par le verbe.La pensée dans le corps, la respiration comme fer de lance dans ce duo-duel à corps ouvert, ils se jettent dans la bataille.Un portable qui trahit son propriétaire et devient l'objet de discorde, de jalousie, d'envie de posséder l'autre de façon exclusive...Un rock destructeur pour expurger les différences...Aller de l'avant, "avancer" comme disait Jerome Andrews aux danseurs sans cesser de se libérer du carcan des acquis et autres obstacles à la connaissance de soi et de l'autre.De la carcasse à l'extase, ce duo fonctionne à plein moteur et Stanislas Nordey dans son petit costume noir très seyant donne la réplique avec malice et fermeté à Charles Berling, le doyen plus posé et serein, capable cependant de s'enflammer, alerte et beau prince. Deux acolytes unis dans l'amour du jeu théâtral, dans la connivence et la résonance du dialogue très bondissant de Pascal Rambert: du taillé sur mesure, haute couture pour des corps débordant d'énergie. Une scène les porte aux nues, Berling gisant sur une table de morgue, Nordey lui prodiguant les derniers soins de toilette des morts..Tendre et féroce comme la dernière scène très clinique où affublés de tenues hospitalières protectrices, bleu clair et légères parures chirurgicales, piéta et autre images christiques saisissantes jaillissent au bord de scène. Faites l'amour et la guerre au lance pierre des mots, des gestes et des postures physiques si engagées que l'on songe à un duo signé Jean Claude Gallotta, le chorégraphe du désir et des passions intimes.
Pascal Rambert met en scène ses propres textes depuis 1980. Auteur d’une œuvre publiée aux Solitaires Intempestifs, dont Clôture de l’amour présenté au TNS en 2015 et Actrice en 2018, il a écrit notamment pour Emmanuelle Béart, Audrey Bonnet, Marie-Sophie Ferdane, Marina Hands, Arthur Nauzyciel, Stanislas Nordey, Denis Podalydès, Laurent Poitrenaux, Jacques Weber. Architecture créé au Festival d’Avignon 2019, a été présenté au TNS la même année.
Au TNS du 24 nov au 4 déc 2021
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