vendredi 22 septembre 2017

Marionnettes !




"La passion selon Marc, une passion après Auschwitz": atout chœur !


Ouverture ce 12 Septembre au PMC de la nouvelle édition du festival Musica: un oratorio pour débuter ce programme "passionnant", Babel de la Foi, creuset d'une démarche noble et sensible du fameux Michael Lévinas, orchestrée par "L'Orchestre de Chambre de Lausanne"
Une "révélation" mystique et musicale, à fleur de peau, sertie par un chœur hors pair dans une partition fine et nuancée.
On frémit à l'écoute d'un petit chef d'oeuvre qui vous fait dresser l'épiderme, effleurant le sensible et le beau, pour cette "Babel" en hébreu, araméen, allemand et français ancien.Entre musique profane et musique sacrée, méditation revisitée ou relecture de la Passion du Christ, cet opus questionne  "le douloureux caractère irréconciliable entre la Passion et la Shoah
Ceci est mon choeur
Un chœur hurlant d'hommes, des percussions, un chahut, charivari, comme une tourmente, un tumulte grandissant: l'atmosphère est brossée et le rôle éminent de ce groupe vocal aiguisé et performant sera prépondérant durant tout le déroulement de l'oeuvre, ponctuant la tragédie, le drame au fur et à mesure.Retour au calme cor et piano en résonance, harpe subtile accompagnant les percussions des lèvres des choristes qui susurrent ou murmurent leur indignation.Les solistes se dévoilent et occupent l'espace sonore, le xylophone vibre, des lamentations se font jour; l'évangéliste, Jésus, la Mère et Marie Madeleine, sujets de cette pièce nous content le récit: implorations, prières, litanies se succèdent dans une dramaturgie pertinente, envoûtante. Les instruments à vent vibrent, tremblent, la tension monte, brouhaha du chœur, bruissement: l'atmosphère très "sensuelle" touche et imprime chez l'auditeur-spectateur des touches de "e-motion" ce qui émeut, fait bouger et se mouvoir les émotions. L'osmose des instruments, les cordes en cascade, stridentes qui pleurent et se lamentent, en glissades vertigineuses, timbres des cloches menaçantes, foule qui se soulève et envahit de ses vagues déferlantes....Un paysage menaçant se dessine, Jésus déclame, se défend, Marie Madeleine se lamente dans de profondes plaintes troublantes, comme un chant doux, imperceptible: le jeu de la chanteuse, fille prodigue et prodige de cette oeuvre, Marion Grange est sidérante de clarté, de conviction, sans flatterie ni exagération.Douleurs éplorées, renforcée par le chœur des femmes dans des aigus percutants, tristesse des harmonicas: le piano épouse le chant de la soprano, fluide et tendre atmosphère de méditation.Quasi mélodique.La foule hargneuse reprend le dessus, harpe et piano préparé en contrepoint: le chœur vibre, tremble, tectonique du drame, fil conducteur du récit, entremets délectable de cette ode , moteur rebondissant par sa présence, actif.
Après ce déchaînement haineux et vindicatif, revient le silence, pause salvatrice non anodine avant le drame final.Les cordes percutent annonçant la fin, amplifient le son?crescendo, le glas va sonner, vrombissement et tremblement de terre annoncés comme une nouvelle déflagration volcanique.
Pour clore cet oratorio, le chant délicat et passionné de la Mère, interprété de façon inouïe et sensible, subtile et nuancé auprès de la harpe et du piano: les contrastes des émotions filent dans la voix ténue, retenue puis qui s'élance dans les pleurs et les plaintes Dans une langue allemande parfaite, vécue de façon troublante, incarnée dans un solo de toute beauté, dans le silence de l'orchestre qui se tait , respect de ce cri de souffrance et de douleur très présent: deux poèmes de Paul Celan étourdissants d'amour et de sentiment.
On frissonne et songe à la beauté de la Passion.
Sous la direction de Marc Kissoczy, on retient la prestation fameuse le l'Ensemble Vocal Lausanne, virtuose du tumulte, funambule des difficultés et des embûches d'une partition multi- directionnelle, : bordé par un "gigantesque" Orchestre de Chambre impressionnant.

« Peut-on composer de la musique sans pleurer et sans trembler après la Shoah ? », s’interroge Michaël Levinas.
Le ton n’est donc pas à l’irénisme ou à l’angélisme. La forme et l’écriture éminemment complexes de cette Passion, en raison des polyphonies subtiles du chœur, des voix et de l’orchestre, en raison également de la manière dont les langues se signifient entre elles (araméen, hébreu, français médiéval, allemand), répond à une exigence bien précise : mettre côte à côte des traditions musicales occidentales avec le tragique de l’histoire du xxe siècle, au point de faire « trembler », au cœur de la création artistique, le devenir de la langue Sainte et des Évangiles après Auschwitz. 
Aussi, ce qui sépare le récit de l’Évangile de Marc, de la prière juive pour les morts (le Kaddish), ou encore du El Maleh Rachamim, de la lecture des noms et des deux poèmes de Paul Celan qui clôturent la Passion, n’est-il pas tant de représenter le tragique, que de le faire entendre dans sa nudité même, sans filet et sans salut, par-delà le clivage entre musique profane et musique sacrée.

jeudi 21 septembre 2017

La danseuse de Faile à Paris!



mercredi 20 septembre 2017

"Gainsbourg forever" et caetera! L'homme à la feuille de choux!


"Pour débuter cette 4ème saison des Mercredis du Brant, la compagnie Théâtre Lumière souhaite rendre hommage à l’artiste qui l’a tant inspiré. 
Serge Gainsbourg est un grand poète. La qualité, la richesse et l’originalité de son écriture le situent naturellement dans la lignée des auteurs français surréalistes du XXe siècle, tels que Jean Tardieu, Boris Vian et Jacques Prévert. Pour cette lecture musicale, Christophe Feltz s’immerge dans l’ouvrage L’Intégrale et Caetera, où sont rassemblés les 650 chansons de l’artiste. Il se sert de ces textes comme matière première et articule sa réflexion dramaturgique autours de thématiques représentatives de l’univers créatif de Serge Gainsbourg : l’amour (intérieur / extérieur, physique / platonique), la séduction, l’angoisse de mort, la trahison, le cynisme du monde, les paradis artificiels... Découvrez un spectacle tout en intimité, avec l’essence de Serge Gainsbourg, son écriture, sa poésie, sa vision du monde, sa tendresse, ses blessures, sa fragilité, son humanité et l'amour."

Etre ou ne pas naitre
Pari tenu pour cette très originale évocation de "l'homme à la tête de choux", ce goguenard bidouilleur de mots et merveilles, ce musicien hors pair, qui ici se voit défait de ses atours musicaux, justement. Et c'est en cela que la magie opère: écouter les paroles du "poinçonneur des lilas" sans se douter un instant que c'est un extrait de son "tube" !
Il en va de même pour d'autres chansons où l'on déguste les mots, où l'on découvre le sens de la narration, le bruit des sons, quand ça "craque" et ça "croque" quand ça fait "pschitt" ou "splatsch" !
Christophe Feltz interprète avec sincérité, sobriété et malice, les déboires amoureux de Gainsbourg, nous le rend familier et sympathique avec ses éléphants roses, ses living Room, son franglais, ses mots salaces, ses aventures féminines multipliées: "vas te faire voir ailleurs" en est une belle tranche de vérité et de découvertes de textes inédits; ses "publicités" aussi dont les textes à la gloire de Menen ou Konica, Martini ou d'autres "marques" de manœuvre.
L'homme à tout dire dynamite la salle du Café Brant, le temps de "lectures" savoureuses jusqu'au final: une chanson de Aznavour que Gainsbourg, en fin de course, murmure, fatigué, épuisé par une vie trépidante, overdosée de tout pour accéder enfin à l'ambroisie! Sans modération, bien sûr!
Un spectacle où tout s’enchaîne, sans gêne, dans un rythme de paroles sans musique: c'est déroutant et plein de surprises: alors, rue de Verneuil, on ira aussi visiter l'ombre de ce héros légendaire, ente Eros et Tanatos, par Toutatis!
Virelangue, jeux de maux, rébus et autres fantaisies au poing!

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Ballet !


Ca tourne !


Tarkovski au TNS : kiné- ma- to -graphique! "Le corps du poète" incarné!


Considéré comme un des plus grands génies du cinéma du XXe siècle, Andreï Tarkovski (1932-1986), censuré en URSS, n’a pu tourner que sept films et a dû vivre l’exil et l’éloignement de sa famille pour réaliser les derniers. C’est cette existence, vouée à l’art, intransigeante face au pouvoir et aux modes, que convoque le spectacle de Simon Delétang. Partant des écrits, de la vie et de l’univers filmique du cinéaste, il propose une plongée dans « le corps du poète », avec lequel entre en écho l’écriture de Julien Gaillard, jeune écrivain contemporain. Qu’on connaisse Tarkovski ou non, il est question d’une quête de la beauté, celle de la nature des humains et de la poésie.
Simon Delétang est metteur en scène et comédien. Il a codirigé le Théâtre des Ateliers à Lyon de 2008 à 2012 et a été membre du collectif artistique de la Comédie de Reims de 2009 à 2012. Passionné par l’écriture contemporaine, il a exclusivement mis en scène des auteurs des XXe et XXIe siècles. Il prendra la direction du Théâtre du Peuple de Bussang à partir d’octobre 2017.
Ce spectacle à Strasbourg est proposé dans le cadre de la saison culturelle 2017-2018 du Théâtre National de Strasbourg. Jusqu'au 29 Septembre salle Espace Gruber

Un plateau dissimulé par un rideau noir, une jeune femme , russe, va s'exprimer à propos de Tarkovski: un rythme endiablé, un flot de paroles, tonique, ferme et enjoué: ça y est le voyage sidéral est commencé!Portrait d'un personnage intègre, rigoureux, exigeant, délirant aussi, entier et féroce partisan de la liberté, toujours!
Le rideau s'ouvre sur une vaste pièce, inondée de lumière par deux fenêtres, des rayons de soleil, un univers plutôt cinématographique.Un grand lit baroque, blancheur rêvée abrite un homme gisant et fébrile: il parle et nous guide dans sa quête à l'absolu.Deux heures durant, une micro société faite de personnages versatiles et attendrissants, se meut devant nous, s'agite ou se dévoile, évoquant ou incarnant des personnages des films cultes de Tarkovski. Lui même, ici interprété de façon très sobre par Stanislas Nordey, convaincant et solidement attaché à la complexité du personnage.Les autres, gravitant dans cette atmosphère très particulière de huit clos, vont et viennent dans les pensées, les univers du réalisateur, facteur de fictions fantastiques, de films où les objets et la lumière sont des acteurs à part entière. Musique quasi votive et méditative, voix chorales graves et puissantes ponctuent ce voyage très séduisant dans les contrées et paysages de Tarkovski, épris de vérité, de conviction, ligne droite de la création. Un artiste, hors du commun, c'est banal, puisque c'est sa fonction, son rôle de démiurge, de combattant, de guide et berger du grand public.
Grand public que semble incarner  Hélène Alexandridis, femme mure et sensible, simple, mère ou maîtresse, amante ou aimante, douce et attentionnée, au plus près d'un quotidien rêvé.Un portrait faux biopic très réussi d'un réalisateur en proie avec le poétique, le politique et l'humaine condition!

 Infos pratiques