vendredi 16 novembre 2018

Jazzpassage : Schaerer, Portal et les autres ! Passation pas si sage à saute-frontières à Jazzdor!


Jazzpassage :

SCHAERER / BIONDINI / NIGGLI / KALIMA +
MICHEL PORTAL NEW QUINTET
 Doté de moyens exceptionnels, allant du borborygme au chant lyrique, en passant par le beatbox, le suisse Andreas Schaerer est un ovni dans le paysage des vocalistes de jazz. “Révélation européenne“ de Jazz Magazine en 2014 et Echo Jazzpreis en Allemagne en 2015, son nom s’est vite répandu à travers toute l’Europe. Il parcourt les festivals et les salles avec son compatriote Lucas Niggli dans une formule duo originale : une voix, une batterie et des trésors d’inventivité. Instinctive et organique, leur musique improvisée s’ancre dans une modernité tous azimuts. Le duo s’est récemment augmenté de l’accordéoniste italien Luciano Biondini et de l’éclectique guitariste finlandais Kalle Kalima pour un projet original, drôle, sophistiqué et époustouflant.
Il faut donc aussi le voir, cet animateur, monsieur Loyal de la soirée "Jazzpassage" une formule qui fait mouche depuis 16 ans: conjuguer et faire se croiser les talents internationaux, plus particulièrement franco-allemand Ce soir on déborde des frontières, on fait dans le melting pot de "potes" de scène avec enthousiasme et ravissement. Philippe Ochem et son acolyte allemand tenant la scène en préambule pour un joli numéro de croisement de langues, malicieux, comiques et toujours très "professionnel" !
Place au trublion du jazz d'aujourd'hui qui n'a de cesse de jouer avec son appareil buccal et lingual, opérant avec virtuosité dans des registres variés pour faire naître les sons les plus incongrus: dans le premier morceau, c'est à une clarinette qu'il s'identifie, mimant le jeu de l'instrument à vent, simulant souffle et façon de faire vibrer hanches, becs et autres ligatures. Le corps est aussi instrument, la voix sans médiation, médium multiple, alliant souffle, résonnant du voile du palais à la colonne d'air!


Quelle maîtrise dans cette technique qui n'appartient qu'à lui: on s'y méprend et ce "ventriloque" , monstre sacré du jazz vocal, intrigue, inquiète: "Quasimodo" du genre bête de scène à regarder, les genoux fléchis, le corps mouvant, casquette au front, allant toujours de l'avant, en bonne compagnie.Jamais de trop pour animer, ponctuer les morceaux du groupe qui se déclinent à l'envi dans une ambiance du tonnerre .Un langage inventé, incongru sourd de ses lèvres et on y est suspendu!
Animateur multilingue, polyglotte pour un ensemble soudé, dans "Fleur salée" ou autres compositions "maison" made in Lucas Niggli, entre autre.Et quand Michel Portal se joint à eux, c'est pour un dialogue, duo ou duel entre les deux émetteurs de souffle et de vibrations que l'on assiste: jolie surprise, passage oblige, passation aussi entre générations talentueuses, modestement liées sur ce plateau à l'évidence.Jeu et conversation prolixe, drôles, animés de fougue et de respect, déjouant les lois vocales et clarines de clarinette au sommet des montagnes suisses. Comme une voix ethnique venue du fond des vallées, yodel, youtse accent folklorique de la voix de Schaerer, tout y est et mêlé à ces accents corses ou orientaux, la musique jazz ne résiste pas au métissages dans ces mets tissés de surprises. Un grand voyage dans les timbres, les espaces sonores, les rythmes pour un embarquement vers l'inconnu aux frontières de failles, de brèche,de tracés géographiques hallucinants d'audace. Grande vélocité technique pour ce quintet, trèfle à cinq feuilles, source de bonheur assuré pour écoute singulière. Le public ne s'y trompe pas, charmé, bouleversé par cette tectonique musicale ébranlante. L'accordéon, magique souffle accompagnant ce show de beat box et autres trouvailles sonores.
Des instants uniques de partage entre musiciens, complices et auteurs de génie d'une musique tonitruante d'aujourd'hui.

Andreas Schaerer, voix / Luciano Biondini, accordéon / Kalle Kalima, guitare / Lucas Niggli, batterie


MICHEL PORTAL NEW QUINTET
Le quintet comprend des musiciens habitués à jouer aux côtés de Michel Portal , le basque, comme le pianiste franco-serbe Bojan Z et le contrebassiste provencal Bruno Chevillon. Mais c’est à un jeune batteur belge, Lander Gyselinck, que l’on doit la genèse du projet. Michel Portal avait repéré cet artiste de 30 ans lors de ses pérégrinations musicales. Depuis, il souhaitait travailler avec lui et son vœu s’est concrétisé. Le groupe a été complété par le tromboniste allemand Nils Wogram, qui, lui, connaît bien le serbe Bojan Z. Entre le groove impeccable d’une paire rythmique impressionnante et les mélodies lancées par des quelques un des plus grands instrumentistes européens, un soupçon d’électronique pour un cocktail détonnant.
Plus convenue et classique, la seconde prestation de la soirée s'égrène tantôt fulgurante, tantôt plus cool, Bozan Z. à ses pianos percussifs, Portal moins bousculé et secoué qu'en présence de Schaerer, se calme dans ces évocations orientales très dansantes, cet "African Wind" magnifique, et tous ces beaux accents d'inflexion et rebondissements de la musique en live!
Retour sur scène à l'invitation de Portal pour "Cuba si, Cuba no" ,du clown agile et rebondissant, animal indomptable, ingérable pour un trio de vents et de voix: trombone, clarinette et appareil vocal et physique. Filtre du son, vecteur de sonorités inédites, le trio déchire le plateau et brûle les planches Des accélérés virtuose nous entraînent dans un train d'enfer, au paradis. Chacun y va de son solo et Schaerer invente un slam en espagnol, à destination de Portal, intention truffée de trouvailles vocales, comme un précipité chimique façon Grégory Porter, faisant la course contre la montre et les tempi dans une cascade de mots et de tons hallucinants.
Un nouveau langage musical est né, un "Aperghis" du jazz d'aujourd'hui qui crève l'écran de nos nuits blanches!

Michel Portal, clarinettes / Nils Wogram, trombone / Bojan Z, piano / Bruno Chevillon, contrebasse / Lander Gyselinck, batterie

A Offenbourg ce jeudi 15 Novembre

jeudi 15 novembre 2018

"Revoir Lascaux": Gaelle Bourges réanime les cervidés en rêve party d'ombres troglodytes!


Présenté avec le TJP, CDN d'Alsace / Tout public +6 ans / 

Gaëlle Bourges aime les histoires, surtout lorsqu’elles nous parlent de l’art et de ses images. Dans Revoir Lascaux, elle présente les quatre jeunes aventuriers âgés de 13 à 18 ans qui découvrirent en 1940 la célèbre grotte. Une occasion unique pour recréer une préhistoire imaginaire et dérouler le fil d’un récit fantasque. Une balade drôlement décalée dans une caverne de laines et cartons, abritant un fascinant bestiaire de créatures en plastique

Un trou dans la colline
Une voix off dans le noir nous conte l'épopée de la découverte des fresques des grottes de Lascaux par Marcel, ce jeune homme qui escaladant la colline découvre un trou ...Et l'on connait les reste!
Ici se sont les parois d'écrans qui s'animent des projections d'ombres de petits animaux éparpillés sur la scène...Mais avant, c'est d'une tente que sortent les quatre gaillards responsables de cette découverte, quatre copains des champs Jacques, Simon, et Georges en sus de Marcel. 1940 , on y croit à peine : l'orage pousse les nuages qui défilent sur les écrans, tandis que notre conteuse off énumère le cheptel esquissé sur les murs: taureaux, chevaux, aurochs, cerfs et autres bêtes à cornes issues d'un bestiaire fantastique d'époque!
Les silhouettes, comme un théâtre d'ombres découpé, défilent, majestueuses, oniriques personnages d'un paysage vieux de 18 000 ans!
Cérémonie secrète de théâtre souterrain

Danse des cervidés, masqués de cornes de bois de cerf, danse country puis rave party débridée dans un amphithéâtre réinventé . C'est fort, tendre et décalé à la fois, dans une semi-obscurité, toujours pour ne pas "abîmer" les fresques mouvantes de ce pays de cocagne.
Au final, dans la lumière retrouvée, c'est un parterre de petits animaux juchés sur des cartons qui se révèlent aux regards: les responsables de ces silhouettes , grandes figures rupestres évoquées auparavant: que le grand monde est petit. Et l'ion s'incline devant l'histoire, les ani-mots réinventés par Gaelle Bourges et toute sa fantaisie, ici convoquée pour le bonheur des petits et des grands spectateurs.

A Pole Sud avec Le TJP jusqu'au 15 Novembre.


  

http://genevieve-charras.blogspot.com/2015/07/la-danse-dans-le-in-avignon-fait-son.html

mercredi 14 novembre 2018

"Les terrains vagues" : des lieux pas communs à déchiffrer, défricher sans retenue ! Un conte des temps modernes.




Création au TNS - Texte et mise en scène Pauline Haudepin - Avec Genséric Coléno-Demeulenaere, Marianne Deshayes, Paul Gaillard, Dea Liane. Et la voix de Jean-François Pauvros. 

Sur une île, au sommet d’une tour délabrée, vit une jeune fille élevée par Sandman, l'inventeur de drogues hallucinogènes d'un type nouveau. Arrivent sur l’île une femme surgie du passé et un jeune pyromane en fuite. Avec cette transposition très libre du conte Raiponce des Frères Grimm, Pauline Haudepin crée un spectacle où l'onirisme de la fable se déploie dans un paysage de science-fiction. Comment les personnages, entrant en collision, vont-ils réagir à l'effondrement de leurs fantasmes et faire face au « monde réel » qui les rattrape ? Après Bobby unborn, Les Terrains vagues est la deuxième pièce de Pauline Haudepin. Elle l'a écrite alors qu’elle était élève à l'École du TNS (section Jeu) dans le cadre d'une carte blanche présentée en octobre 2016. Comme actrice, le public du TNS a pu la voir récemment dans 1993 d’Aurélien Bellanger, mis en scène par Julien Gosselin.

Une voix off ouvre le bal dans l'obscurité: celle d'un musicien dont les accents et le timbre vont faire vibrer d’emblée un texte savant sur l'espace, les non lieux l 'hétérotopie mais qui va s'incarner dans des personnages singuliers que l'on découvre au cour de quatre tableaux, dévoilant un décor à chaque fois changeant.
Un dispositif à étage va dévoiler le corps d'une jeune fille vêtue de blanc, gracile, fragile, enfantine, aux mains ou en proie à un homme-femme en robe rouge, protecteur ou geôlier, la nourrissant de porridge ! Silhouette juvénile d'une danseuse acrobate tant son jeu corporel transporte et véhicule naïveté, légèreté, futilité gracile. Conquête de soi, du monde sur terrain glissant ou rebondissant: une niche de matelas et coussins pour nid de tendresse, niche d'animalité, de tendresse et de rêve. Serions-nous encore, enfant, au sein d'un conte de fée bien de nos jours? Oui, l'effet de rapetissement dans la perspective semant le trouble de la réalité tangible: les deux semblent sous dimensionnés et irréels! Les jeunes comédiens sont portés par le texte, à corps perdu dans cette course onirique et fatidique sur terrain miné.
Histoire à suivre lors de la seconde séquence où un laborantin fou, invente sur sa paillasse les destins des autres en les modifiants avec des onguents et autres artifices de son cru.Une femme de rouge vêtue sur son praticable de fer va le rejoindre pour s'initier à son passé, dévoiler sa grossesse, et la cruauté violente de ce bourreau, magicien des liquides hallucinogènes; un autre terrain à investiguer, celui de la paternité dans un non lieu, sans toit ni loi, un territoire indéfini, une utopie architecturale à défricher.
Car il est ici question d'espace, de place à trouver sur des lieux incertains nappés de brumes, de flou où les directions sont sans boussole ni repère. Les personnages naviguent à vue, se "grattent sous la peau", vont au delà des possibles
Un refrain en leitmotiv pour alléger le récit celui de Mister Sandman des Chordettes, siffloter par les protagonistes. Homme ou marchand de sable, le nom de l'anti héros de l'action.
"Il est maintenant" et non "il était une fois" pour ce conte des temps modernes, où les mauvaises herbes ou herbes folles envahissent le drame, où "la maison" idéale est un tracé de briques au sol où se niche une femme dans la poussière... SDF ou sans abri sans toit ni loi dans ces non lieux à la Marc Augé, ces hétérotopies voisines de Michel Foucault, anthropologie de la surmodernité....
Belles inspirations et connivences dans le texte de Pauline Haudepin, qu'elle met en scène avec des comédiens agiles, réactifs et incarnant cet abandon sur ces sentiers, ces "lieux communs" de l'errance, de l'oubli, de la matière minérale ou poussière, ce béton armé de l'architecture des no mans'land d'aujourd'hui.
Tres chorégraphique aussi, voisin des pièces de Hervé Robbe et Richard Deacon à propos des terrains de jeux "Le terrain encore vague" ou "Mauvaises herbes" de Laure Bonicel sur les végétaux dans les milieux extrêmes....

Au TNS jusqu'au 24 Novembre

mardi 13 novembre 2018

"Spectres d'Europe" : survivance des vibrations et reflets du monde.





Sous la forme d'un diptyque, Spectres d'Europe questionne le passé et le destin de notre continent, cent ans exactement après la fin de la Première Guerre mondiale.
Avec La Table verte, pièce que Kurt Jooss créa à Paris dans les mois qui précédèrent l'arrivée d'Adolf Hitler au pouvoir, l'esthétique expressionniste se nourrit d'emprunts aux danses macabres médiévales afin d'exprimer, souvent avec sarcasme, toute l'horreur de l'oppression et des combats. Bruno Bouché, quant à lui, accompagne sa création de musiques de Jean-Sébastien Bach et de Sufjan Stevens, avec la complicité du musicien Nicolas Worms. Réflexion politique et geste poétique, Fireflies, ou lucioles, titre de la création de cette pièce de compagnie, renvoie notamment à la figure de Pier Paolo Pasolini. Métaphores d'un esprit de résistance en marge de l'ordre du monde, les lucioles sont des rhizomes luminescents fragiles qui scintillent dans la nuit. Fireflies est la première collaboration de l'écrivain Daniel Conrod, artiste associé du Ballet de l'OnR, avec Bruno Bouché.


"Fireflies"
Et que la lumière soit, fiat lux, pour cette pièce originale, nourrie de références cinématographiques
et littéraires, largement évoquées dans le livret qui accompagne ce programme.
"Fireflies" serait l'incarnation dansée des propos évoqués sur les "lucioles", ces insectes en voie de disparition qu' évoquent autant Pasolini que Didi Huberman. Lucioles qui sont aussi ces petites lampes projecteurs au théâtre qui , discrètes et mobiles, se glissent dans le décor comme autant de papilionacées éparses.
La chorégraphie de Bruno Bouché se fonde et s'ancre sur ce plateau nu, miroir où tout est reflet et image magique: la lumière y sculpte continuellement l'espace et les corps, autant dans les solos que les groupes de danseurs réunis pour mieux faire bruisser et miroiter , réfléchir leurs pensées en mouvement. Car ici, la danse est pensée en vibrations, corps en courses et portés, groupes sculptés comme des ensembles de Carpeaux , ronde folle d'un univers cosmique mu de tours et de farandoles.
La danse, stylée, posée comme des instants de méditation, de contemplation, servie par des regards portés sur le lointain. Les dos nus des femmes soulignant les courbes et formes naturelles des interprètes féminines. La rencontre d'une femme, d'un homme portant ce coquelicot , fleur de papier rouge sang, image sortie du répertoire filmique pasolinien. Des duos ou trio égrènent la scène à l'envi, sobres, habités somptueusement par les danseurs, les hommes qui s’immiscent dans cet univers versatile, lumineux, aquatique aux reflets changeants.Des marches et courses ponctuent des arrêts , isolant certain, conférant à la pièce quelques instants suspendus, respiration lente ou apnée déclinée à l'occasion , entre silence et morceau de musique, variée, en adéquation avec une gestuelle parsemée de lyrisme.
Les unissons sont comme des envols d'insectes, bras et jambes tendus, virevoltant dans l'espace ouvert. Au final, une ronde folle, mascarade ou redoute, dessine dans l'espace une rémanence lointaine de traces et signes, d'empreintes.
La solitude aussi traverse cet opus, moment de grâce suspendue au silence .


Puis, en "miroir" , "La Table Verte" fait résonance et resurgit de l'histoire, forte et puissante, oeuvre phare de Joos où chaque personnage évoque un pan d'une période sombre, politiquement parlant. Les gestes sont des mimiques issus d'une pantomime réinventée sous la griffe et signature d'un maître de la danse d'expression allemande.
L'interprétation est juste au corps de l'oeuvre, soulignée par une appropriation étonnante des danseurs. La mort hante la pièce, corps massif, omniprésent, menaçant, emportant les êtres vivants sous sa coupe de faucheuse. Danse macabre irréversible, irrévocable spectre de la perte et de la disparition.
Une très belle et émouvante "restauration", reprise d'un chef d'oeuvre , vivante, résonante d'actualité, pertinente toujours à l'heure actuelle!La présence des deux pianistes renforçant la véracité des gestes évoquant fureur, tendresse ou révolte, soumission ou  désapprobation.
Erika Bouvard en mère suppliante, Alexandre van Horde incarnant la camarde ravageuse, tout de vert éclairée comme une menace constante, affligeante, incontournable. Du grand art pour une mémoire ressuscitée de toute beauté.

A l'Opéra du Rhin jusqu'au 18 Novembre



"Casse Noisette" de Valéria Docampo et le NYCB


C’est la veille de Noël. Marie reçoit une poupée casse-noisette, habillée comme un soldat.
Durant la nuit, le casse-noisette et les autres poupées prennent vie. Et sous les yeux de Marie, Casse-noisette, libéré de la malédiction qui lui avait été jetée, devient un très charmant prince qui l’emmène avec lui.



lundi 12 novembre 2018

Hanatsu Miroir et Samuel Andreyev: un CD intimiste au souffle sans limite: "Music with no Edges"



Hanatsu Miroir signe ici l'édition d'un CD, très intimiste où les compositions de Samuel Andreyev rivalisent de délicatesse, d'intimité mais de difficultés aussi, embûches stylistiques que les interprètes franchissent aisément et sans "fausse note" ! Un aperçu très convaincant d'une écriture complexe et lumineuse, servie ici par le talent et la maîtrise de musiciens complices et compagnons de longue date!

"Samuel travaille avec notre ensemble depuis sa création. Il a été le premier à nous dédier une pièce en duo que nous avons explorée sous toutes ses coutures jusqu’à lui en demander une deuxième, en quatuor cette fois.Autour de ces deux pièces nous avons passé une partie de ces dernières années à explorer ses œuvres, à enregistrer un autre album de chansons colorées, à discuter de nouveaux timbres, à épouser les limites de notre ensemble. Sa musique nous plaît de par son écriture, sa finesse, la curiosité furieuse pour des instruments peu utilisés ou trouvés pour l'occasion. Samuel a une plume musicale aussi fine que son écriture et aussi riche que ses petits carnets de notes. Sans déséquilibre entre les lignes rythmiques, harmoniques, mélodiques, timbraux, elle ne fait de compromis que lorsque des limites instrumentales ou humaines ne le demandent.Nous avons donné à un notre ensemble un rôle d’explorateur de la vitalité de la création contemporaine, mais nous nous sommes également fixé comme mission de rendre vivantes les pièces écrites au delà de leur création, en explorant leur entourage esthétique ainsi que les autres œuvres du même compositeur."
" Ma musique a la qualité quelque peu fâcheuse d’être à la fois extrêmement dure à jouer, mais pas tout à fait impossible. Les interprètes se rendent vite compte que mes partitions demandent la plus grande exigence, et que cette musique sonne le mieux lorsqu’elle est jouée avec une énergie intense et une grande attention au détail. Par ailleurs, elle présente de nombreux défis d’ordre logistique. Les interprètes doivent souvent jouer sur des instruments insolites, dont certains sont rares et doivent être loués, et dont d’autres doivent être construits pour la pièce. Le rythme est généralement pulsé et précis, mais change constamment, souvent d’une mesure à l’autre. L’harmonie est fréquemment microtonale, si bien que l’on doit souvent passer beaucoup de temps à travailler la justesse.Tout cela fait que mes pièces fonctionnent au mieux lorsqu’elles sont travaillées dans la durée par les mêmes interprètes sur plusieurs années. Il y a quelques années, lorsque j’étais totalement inconnu, de telles conditions étaient difficiles à satisfaire ! Je suis donc ravi de cette collaboration durable avec HANATSU miroir, laquelle est idéale à tous les niveaux. Ces interprètes virtuoses sont tout aussi perfectionnistes que moi. Voire plus. Je le sais, car j’ai eu l’occasion de jouer avec eux en tant que hautboïste. Il y a eu des moments, à la fin d’une longue journée de répétitions, ou j’étais tenté de dire, ‘bon, ça va là, ça sonne bien, on peut s’arrêter’ — et de me voir ignoré par les musiciens, refusant de s’arrêter avant que la perfection ne soit non seulement entrevue de façon furtive, mais solidement acquise. Cet album, fait insolite pour un disque de musique contemporaine, est le fruit d’une collaboration très longue. Certaines des pièces figurent dans le répertoire de l’ensemble depuis presque une décennie. Je peux dire qu’elle a eu lieu dans les meilleures conditions possibles. J’espère que vous nous rejoindrez sur cette aventure tout à fait passionnante." Samuel Andreyev.


dimanche 11 novembre 2018

"Jazzpassage" : Michael WollnyTrio et "La belle nivernaise" en ciné concert! Tous en Seine !


 Des concerts d’exceptions, des dates uniques en France, des créations... Pour sa 33ème édition, le festival Jazzdor vous embarque pour un voyage musical unique : 31 projets français, européens et internationaux à explorer pour le plus grand plaisir de vos oreilles. Du solo à l’orchestre d’harmonie 
En acoustique ou en ciné-concert, plus de 100 musiciens sont au rendez-vous pour faire vibrer votre palpitant ! Prenez le risque d’aller vers l’inconnu, de saisir la musique au moment où elle s ‘invente... En concert. Retrouvez tout le détail de la programmation du festival sur www.jazzdor.com
MICHAEL WOLLNY TRIO
Si l’on suit le pianiste allemand Michael Wollny depuis ses débuts, c’est qu’à chaque nouvelle venue, il subjugue par cette manière de dessiner sur l’instrument des films fascinants, aux narrations denses et haletantes, des tableaux sonores éblouissants qui jouent sur les correspondances entre le jazz, la musique classique et les musiques populaires, faisant se rencontrer dans un naturel confondant Debussy, Fauré ou Scott Walker.

Surgi voici quelques années sur la scène du jazz allemand, Michael Wollny a rapidement retenu l’attention des observateurs à l’affût de nouveaux talents. Ses enregistrements comme ses apparitions sur scène témoignent à chaque fois de sa créativité. Que reste-t-il à inventer quand on s’installe devant un clavier ? Des générations de jazzmen ont exploré de multiples façons de faire vibrer les cordes. Les nouveaux venus s’inspirent forcément de cet héritage pour trouver leur propre style. Pour sa part, Michael Wollny s’est aussi mis à l’écoute des compositions d’Alban Berg, Gustav Mahler, Paul Hindemith. Ses propres constructions portent la trace de la tradition allemande. Y voisinent aussi des passages d’une grande poésie et des séquences ébouriffantes. Wollny est une sorte de feu follet (c’est d’ailleurs le titre de l’un de ses thèmes) toujours prêt à surprendre. Il s’était fait remarquer récemment à l’occasion d’une tournée en partenariat avec Vincent Peirani. Le voici de retour avec comme complices Christian Weber à la contrebasse et Eric Schaeffer à la batterie. Et quel retour à Jazzdor pour inventer auprès d'un public nombreux et impatient, un moment de grâce, toujours renouvelé. A la Cité de la Musique et de la Danse, c'est à un instant magique de félicité, en présence d'un démiurge, que l'on assiste.Jamais pareille osmose ne s'est ressentie entre piano et contrebasse, symbiose organique, sonore et rythmique entre les deux interprètes, bordés par un percussionniste, plus en retrait mais hyper performant. Des morceaux de référence, mais aussi des créations, qui vibrent sous les doigts du pianiste, les pieds agités par le tempo, rivés à la musique, tout le corps investi dans l'interprétation, tantôt tétanique, furieuse, déchaînée, tantôt fluide, évanescente, lyrique. Du grand art devant nous, sur le plateau, une écoute "religieuse" du public qui sent qu'il se passe quelque chose d'unique, d'extra-ordinaire...Gouttes de pluie entre ses doigts, fragiles, ou torrent de bruits et de fureur, les avant-bras frappant le clavier, ou les doigts caressant les touches. A l'intérieur aussi de son piano complice, second corps greffé au sien, second souffle rythmique à vous le couper. Et Christian Weber de conjuguer cette complicité fraternelle pour enchanter ces instants suspendus au temps, intemporels, qui jamais ne se reproduiront à l'identique.

La grâce incarnée !

Michael Wollny, piano / Tim Lefebvre, contrebasse / Eric Schaefer, batterie


"LA BELLE NIVERNAISE" en complément du programme "Jazz Passage" s'inscrit dans la vague des "ciné-concerts" revisitant quelques chefs d’œuvres du patrimoine cinématographique et s'inscrit dans une voie nouvelle pour la musique jazz d'aujourd'hui, ou la musique dite "contemporaine".

Un film muet de Jean Epstein (1923) pour innover dans le genre en incluant un groupe de voix bulgares, en costume traditionnel pour donner de la voix à cette oeuvre sans "les mots" pour conter le scénario ! Une excellente initiative pour faire comme du Clément Janequin et ses "cris de Paris" pour créer une atmosphère. Univers et ambiance garantie pour cette évocation d'une époque, d'un métier, celui de la batellerie, de paysages fluviaux, des quais de Paris, aux berges de la Seine.Des quartiers de la capitale, aux quais et bords de fleuve, d'une salle de cinéma à , bien sur, la péniche, lieu emblématique de cette histoire touchante et émouvante. Le chef d'orchestre Ilia Mihailov et le compositeur et pianiste François Raulin ont travaillé ensemble pour trouver un terrain de jeux original ou chaque partie, un trio de jazz d’un côté, un chœur de voix bulgares de l’autre, s’exprime pleinement, se répond, se mélange en un contrepoint de plus en plus serré à mesure que le film se densifie. Le film, c’est “La Belle Nivernaise“ de Jean Epstein, et son atmosphère de bords de Seine. Le concert, lui, est imaginé comme un “mini opéra“, une suite de tableaux en champ/contrechamp des images.

Difficile de composer pour des images si originales, un scénario entièrement joué "muet" où jamais les gestes, les expressions ne sont mimées ni surjouées.Le film est audacieux en cadrages, découpages rythmique: de très beaux portraits de visages éclairés , lumineux en gros plans pour souligner les émotions des protagonistes de cette histoire de péniche où la paix niche parfois mais si rarement. Un beau solo de saxophone pour la séquence de l'enfant abandonné qui grelotte de froid, du lyrique onirique pour les séquences de rêve, trouble où l'ange ou la vierge Marie veille au grain de ce drame cinématographique, osé, moderne et insolite.La musique du trio prépare les pièces du chœur en jouant parfois littéralement avec ce dernier. On découvre une écriture originale avec une attention particulière à la mélodie et aux effets dramatique. Les voix judicieusement exploitées pour les scène de foule, de causerie ou de montée dramaturgique. Le solo d'une des choriste, face à l'écran est de toute beauté sonore et dramatique. La séquence du match de foot, filmée en continue, aux pieds des joueurs en plongée invite la musique à se presser, les chœurs à se gonfler de volume intense et justement dosé.
Un moment conjugué de musique et d'images en osmose ou contrepoint, remarquable !
François Raulin, piano / Christophe Monniot, saxophone / Bruno Chevillon, contrebasse / Le Grand Chœur des Voix Bulgares dirigé par Ilia Mihailov

A la Cité de la musique et de la Danse ce Dimanche 11 Novembre.