mardi 4 février 2025

"Los días afuera" de Lola Arias :trans gressions operationnelles

 


Mêlant théâtre, images filmées, musique, danse et chant, Los días afuera – les jours dehors – fait une place aux récits de celles et ceux qui hier encore étaient relégué·es au plus bas de l’échelle sociale. Le spectacle est né de l’immersion pendant plusieurs mois de la metteuse en scène Lola Arias dans une prison de Buenos Aires au sein d’un groupe de 14 femmes et personnes transgenres. Jocelyn, Nacho, Estefania, Noelia, Carla, Paula ont tous·tes été marqué·es par le trafic de drogue et la prison en Argentine. Désormais libres, iels sont aide-soignante pour personnes âgées, chauffeur, barmaid, travailleuse du sexe, danseuse de voguing et acteur·rices de leur propre comédie musicale rock.
Un vent de liberté souffle sur le TnS.

Vous cherchez le perfect match entre Orange is the new black et Griselda ? Vous voulez faire voler en éclat vos fantasmes et vos a priori sur l’univers carcéral ? Faites-le avec Los días afuera.
 
 

On ne badine pas avec l'identité, ni avec l'authenticité dans ce show qui ravit et décontracte sur un mode ludique et festif. Parler de trans, de queer et de bien d'autres façons d'être au monde n'est pas chose facile ni aisée. Prendre le ton de l'humour et de la distanciation apparait comme un mode possible et efficace: avec de "vraies" personnes concernées par leur vécu qui tiennent le plateau en parfaites professionnelles de la profession. Six personnes donc pour abreuver témoignages, images filmées, saynètes et sketches sur le propos de la différence et de la post-prison. Un chalenge réussi qui tient en haleine de bout en bout tant la mise en scène, le jeu et les lumières confèrent à cet opéra bouffe incongru un caractère de music-hall hors norme. 
 

Pas de corps canoniques ni de paillettes ni de descente d'escalier ou de truc en plume. Mais des êtres humains façon comédie musicale colorée, enjouée mais si véridique. Chacun-ne prend la parole et se présente, les destins croisés ou parfois si uniques comme bouclier. La prison comme geôle durant des peines assumées pour faute d'avoir oser afficher et tenter de vivre leur identité. Dans un pays où de surcroit la tolérance et la bienveillance ne semblent pas de mise. Ce voyage en compagnie de nos anti-héros se déroule sur des praticables échafaudages, dans une piscine de pacotille, sur des rails glissants de la vie quotidienne post-carcérale. Ou dans une voiture rutilante qui contient cette solidarité, cette complicité entre corps méprisés, ignorés, malmenés par des interrogatoires d'embauche humiliants. Belle prestation généreuse et enthousiasmante que ce "Los dias afuera" mis en espèce d'espace et chorégraphié par Lola  Arias et André Servera avec brio et fougue. Un vrai divertissement qui, ose son non, sa dynamique, son écriture pour dénoncer à vif des conditions de vécu inimaginable. Le théâtre comme second souffle et réparation des destins cabossés par la loi et le mépris. Madame Arthur et le Cabaret Michou, très loin à l'horizon des temps révolus...Et la musique, le voguing comme toile de fond animant les corps, les voix et la narration jusqu'alors étouffés par le carcan social et sociétal. Une victoire sur l'enfermement et ses conséquences dramatiques du retour à la réalité
Et pour l'ambiance bon-enfant, désormais carte de visite du TNS, un petit orchestre argentin invité par la Maison de l'Amérique latine !

Avec Yoseli Arias, Paulita Asturayme, Carla Canteros, Estefania Hardcastle, Noelia Perez, Ignacio Rodriguez
[Et la musicienne] Inés Copertino
 
Au TNS jusqu'au 7 Février

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