« Nous c’est le silence qui raconte. Les hommes il leur faut une voix. »
Anne Sibran, Je suis la bête
Je suis la bête c’est l’histoire d’une enfant abandonnée et élevée par un animal qui va lui apprendre la vie de la forêt, la langue des bêtes et la vie sauvage.
Dans ce texte d’une grande intensité d’Anne Sibran, les mots de
Méline sont instinctifs, nourris par les chants de la sylve. Ils
sculptent l’obscurité et le silence, inculquent un autre savoir, une
science de l’écoute. À la frontière entre le monde des bêtes et celui
des hommes, la fillette est montrée, exposée sur la scène du théâtre.
Mais
en retour elle nous montre ce que nous refusons peut-être de voir :
l’abîme que nous -- humains -- avons créé avec les mondes du vivant.
Assister à Je suis la bête c’est vivre une expérience unique
au sein du Théâtre du Peuple. Dans cette version sur mesure, repensée
pour être jouée avec le lieu, nous vous proposons à la nuit tombée, une
immersion totale avec comme seuls guides nos sens et notre instinct.
Il s’agira, ensemble, de passer la lisière...
Ce n' est pas "l' enfant sauvage" de Fernand Deligny ni "Vol au dessus d un nid de coucou" ni le "bon sauvage" de jj Rousseau...Alors c' est quoi cette ode au sauvage, ce "je suis la bête" sans être la Belle qu' incarne prodigieusement la comédienne Julie Delille au creux de la salle de spectacle tout de bois du théâtre du peuple de Bussang ? Un bijou dans un écrin d' obscurité dans le fond d' un placard où un enfant est enfermé abandonné puis oublié par ses géniteurs.. Un texte de Anne Sibran à découvrir intégré dans le corps de l' artiste qu' elle dévoile rageusement ou sobrement avec une foi et une verve inédite. C'est dans le noir absolu que démarre cette intrigue obscure : une voix lointaine conte un récit déchirant de cruauté humaine, de bestialité volontaire à l' encontre d' un enfant, tout petit,jeté,relégué dans un placard en compagnie d' une chatte et de ses petits venus y nicher et grandir.. Le parallèle se fait rapidement : qui va survivre, se hausser,respirer sans y mourir...Survie,combat pour la vie, qui l' emportera de ses deux humanités:l'animal ou l'humain? Téter cette chatte, dévorer une truite encore gorgée de fragrances d'abeilles gobées, survivre à tout prix....Julie fait la bête avec grâce, délectation,humanité, le corps impliqué comme pétri d' une mobilité animale naturelle :reptation,mouvements graciles de chat,félins pour l'autre.Sous la terre battue, dans la foret voisineUn délire visuel dans la pénombre qui délivre peu à peu les formes de son visage,de son corps exposé sur la scène.Une agilité remarquable s' empare d'elle la rendant animale,avide de déplacement et de chair à dévorer.La recherche de la nourriture est fondamentale:des cadavres des chatons affamés aux bestioles abondantes sur son territoire: car le placard s'est entr'ouvert,laissant libre court à sa soif,à sa faim de survivre..Dans une atmosphère sonore étrange bordée de tonnerre, de bruits d'essaims d'abeille: de vie et de tumultes naturels signés Julien Lepreux.La mise en espace de cet espèce de drame humain est sobre,le corps de l' interprète surgissant de l'ombre auréolée de lumière discrète.Julie danseuse de toute sa peau exulte le texte,lui fait prendre chair et sang de toute crudité et l'atmosphère singulière qui en ressort sème le trouble et la singularité. Sa chevelure de madone épousant le tout d une auréole de ses longs cheveux épars.La forêt est proche et c' est de façon émouvante et évidente qu' apparaît l'arbre mythique du théâtre, ce géant bienfaiteur qui berce le lieu de ses racines,de son histoire,de sa présence.Un véritable tableau flamand dans le clair-obscur.A noter la performance de l 'éclairagiste Elsa Revol et de la scénographe Chantal de la Coste.Une ambiance hors norme pour un sujet lui aussi hors des sentiers battus sur la barbarie et la sauvagerie du monde.
A Bussang jusqu'au 30 août
Après un voyage de sept ans qui a pris ses racines dans le Berry, le spectacle vivant Je suis la bête rencontre enfin le Théâtre du Peuple pour vivre sa prochaine mue. Le roman a d’abord été adapté dans la Vallée Noire (Maison de George Sand), puis le spectacle est né dans la petite ville de Châteauroux. Il a ensuite voyagé dans sa Région Centre-Val de Loire (CDN de Tours, d’Orléans, SN de Bourges et de Blois), puis a fait plusieurs escales : Festival Impatience 2018, Montpellier (Printemps des Comédiens 2019), les montagnes des Alpes du Sud (Théâtre La Passerelle, Scène Nationale Gap), la Sainte Victoire (Bois de l’Aune - Aix en Provence), les vallons du Limousin (Théâtre de l’Union, CDN de Limoges), la Charente-Maritime (Gallia Théâtre Saintes), les bords du lac Léman de Lausanne (La Grange) et Neuchâtel (Théâtre du Passage), puis près des Pyrénées à Marciac (L’Astrada), et jusqu'au creux des tours de Bobigny (MC93) et de Nanterre (Théâtre des Amandiers), pour finalement se nicher dans les montagnes vosgiennes, avant de repartir dans la région Grand Est (CDN de Nancy en 2026)…
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