lundi 25 mars 2019

"Mutant stage" Une série dansée , en chantier !


"Mutant Stage" est une série de courts métrages chorégraphiques initiés par les commissaires Amélie Couillaud et Dimitri Chamblas et produits par Lafayette Anticipation – Fondation d’entreprise Galeries Lafayette, dans le cadre des travaux de réhabilitation de son bâtiment entre 2015 et 2017.

"Cloud Chasers" marque le 7e épisode de la série, réalisée par (LA)HORDE

[Marine Brutti, Jonathan Debrouwer & Arthur Harel] avec akub Moravec, Jakub Sonnek, Michal Zdražil et la participation d'Aymeric Barraban, Patrick Bedué, Julien Berrebi, Elodie Clairin, Céline Fantino, Tristan Gac, Gabriel Keslassy, Adrian Mabileau, Julian Saint-Hilaire.

Du pole dance sur les échafaudages, au ralenti, et le tour est joué! Pari tenu pour tension, grands écarts en ombres chinoises portée, en silhouettes longilignes.



Suite de la série de courts métrages chorégraphiques produits par la Fondation Galeries Lafayette, tournés in situ dans le cadre des travaux de réhabilitation de son bâtiment, rue du Plâtre, à Paris, entre septembre 2014 et mars 2016. -- Premier court-métrage réalisé par Wendy Morgan Avec Volmir Cordeiro et Pauline Simon


On y danse à tous les étages, dans le blanc du chantier, vers la lumière des baies vitrées...C'est étrange et spectral, en ralenti, dans les espaces libres du loft.



Et le clip ave Arno Schuitemaker

Belle danse inventive captée sur le chantier de la fondation parisienne pour l'art contemporain, filmée par Lukas Dhont (Girl)...
Un batteur allumé détecte et nourrit la danse sur talons de Jan Martens, galvanisé par l'environnement hostile des échafaudages et autres obstacles de l'architecture. 

dimanche 24 mars 2019

"Cortège(s)" : soulevez vous, vous serez plus léger !

Texte et mise en scène Thierry Simon
Texte publié aux Éditions Lansman
La Lunette Théâtre

"« Marion dit que jamais un mouvement qui a changé les choses n’a pu s’abstenir d’une présence dans la rue. Que celui qui dit non, le fait d’abord avec son corps, dans la rue, et que ses gestes sont les mêmes depuis des lustres, que c’est fort et beau, et fragile et humain… » A Paris, en pleine manif, le cœur de Marion, dix-sept ans, cesse de battre. Elle s’effondre entre Place d’Italie et Nation, brisant la vie de sa mère Viviane, anéantissant sa fulgurante histoire d’amour avec Reda, ébranlant les certitudes du lieutenant Meurey, chargé de l’enquête et de tout un cortège d’individus liés à sa tragique disparition…

Cortège(s) est le « roman d’une pièce » imaginé par Thierry Simon pour un chœur de comédiens en mouvement, exprimant la multitude d’une manifestation sociale, son rythme, ses battements, son urgence, l’accélération et la condensation du temps et les trajectoires singulières des individus pris dans ce mouvement."
Insurrection
Quand démarre l'action, c'est aux barricades que l'on songe: ils sont sept, sur le pont, sur le "haut du pavé", déclinaison en pente du plateau, comme surélevés, déjà en état de révolte.
 Sept à se soulever, éructer un texte fondateur de révolte, de solidarité, de jeunesse ébouriffée par la soif de justice, de justesse. Marion est morte, sacrifiée à la bassesse des us et coutumes des gardiens de la paix, des gens d'arme..On reste pantois devant tant d'allégresse, de joie car la révolution des corps en mouvement, n'est pas ni défilé, ni démonstration de force: c'est la cavalcade, le "cortège", funèbre ou joyeux d'une "redoute" vivante qui se soulève et fait des vagues. Un préfet imbu de lui-même qui rêve de son Cantal natal, de ses sallers et autre saint nectaire alors que son devoir l'appelle: réprimer, étouffer dans l'oeuf,les "casseurs" et empêcheurs de tourner en rond, en "routine" cette danse trad qui revient à son origine comme une révolution autour du roi soleil.
Car c'est de danse dont il est question ici: sur le plateau tournant, la conseillère psychologue patine, recule, trépigner et stagne alors que brûlent les planches sous les pieds des insurgés.Danse en parcours, en échappées belles, en groupe soudé par les coudes, corps compactés comme un tout qui avance et progresse dans l'espace sagittal.
Danses des êtres qui se rebiffent, se rebellent, Les sept comédiens, à chacun sont personnage, tiennent le plateau quasi deux heures durant, texte en bouche, cortex incarné et les gestes se font chaloupes et déhanchés, courses et sauts dévastateurs d'espace. 

Vidal Bini accompagne ici cette horde, meute ou tribu en lutte: le théâtre est art de combat, comme la danse et chacun trouve son état de corps pour mieux l'exprimer. Le cercueil de Marion comme charge à transporter, à soutenir pour maintenir hors de l'eau  dans les mémoires la bêtise humaine sans fondement.
A la façon de Didi Huberman dans ses "soulèvements" où les foules agitent et regroupent leurs forces pour faire bloc et avancer de concert, corps de métier, chorus et choeur mêlés pour mieux s'opposer. A l'ordre établi, à la "connerie" humaine.On songe à "Insurrection Codicile" d'Odile Duboc ou à la révolution française selon Albert Soboul: le peuple en mouvement dans une parade frémissante, vivante, é-motion, qui émeut et met en mouvement, le chant, la voix, la grâce et la félicité de la lutte entamée pour mieux occuper l'espace, être du "milieu", au centre , noyau de l'action et du mouvement. Point de départ d'une mise en scène et d'un jeu nuancé, ferme, déterminé, convaincant et fertile en rebondissements multiples 
Cortège(e), comme une chanson de geste sur les barricades: sur les pavés, sur les réseaux sociaux bien sur qui décalent temps et espace dans leur immédiateté redoutable!
Texte au poing levé, au pied léger pour cette ode à la fraternité, à la jeunesse et à l'illusion généreuse d'une génération qui rêve encore de changer la personne!
Le proviseur du lycée n'a qu'à bien se tenir debout face aux vagues et assauts de cette communauté très labanienne, contre vent et marée, brandissant sa verve et son audace sur les banderoles et  calicots de son innocence!

Au TAPS Laiterie jusqu'au 24 Mars

samedi 23 mars 2019

Arno Schuitemaker : l’obsession du double tempo



"Ode to the attempt (Jan Martens)
Entre collection de selfies et séquences dansées époustouflantes, Jan Martens déploie son propos. En solo, à la façon d’un miroir tendu à sa propre génération, il pointe la dilution de l’attention entre facebook et google, cette imparable impatience qui pousse à sauter d’une chose à l’autre, énergie qu’il mêle à la verve de sa danse. "

On ne verra pas la pièce, cause maladie du danseur mais en "remplacement" de dernière minute un clip de la série "Mutant stage" initié par Lafayette Anticipation ...Belle danse inventive captée sur le chantier de la fondation parisienne pour l'art contemporain, filmée par Lukas Dhont (Girl)...
Un batteur allumé détecte et nourrit la danse sur talons de Jan Martens, galvanisé par l'environnement hostile des échafaudages et autres obstacles de l'architecture. 


Together_till the end (Arno Schuitemaker)
"Transe répétitive pour Arno Schuitemaker dans ce duo inlassable interprété tout au long sur une même pulsation et son mouvement tournoyant tenu jusqu’à la fin. Sous une apparente simplicité, le chorégraphe néerlandais interroge la façon dont l’énergie circule entre les corps, la manière dont ils interagissent, produisent des émotions, des expériences et des impressions nouvelles."

En avant donc pour cette belle apparition trouble dans la pénombre de deux corps mouvants, dans un fondu au noir, opaque et feutré. Ambiance intime qui se dévoile au fur et à mesure des dessins des corps, frangés de lumières mouvantes qui vont révéler les accents sempiternels répétitions des mêmes volutes.
Hypnotiques créatures , couple distancé qui se répons dans les interstices des échos des mouvements, les entrelacs des formes naissantes.Rotations du buste, répétitions à l'envi, hypnotiques mouvements hallucinants de force et de concentration, en vrille,axés sur des niveaux différents. Les lumières changeantes, la musique obsédante enchantent et ravissent les esprits, on est fasciné par la répétition, qui change de face, de profil sans jamais faire se rapprocher les deux corps. Obsession du double tempo pour ce binôme étrange, gémellité contrariée du mouvement à l'unisson.
Au final, un emboîtement possible de ces deux pièces d'un puzzle corporel disjoint!

A Pôle Sud jusqu'au 23 Mars

Dans le cadre du festival Extradanse
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"Sriptease" de Pere Faura : l'Aura de Faura


"Qu’en est-il du corps de l’autre, en général, de la danseuse ou du danseur en particulier, de cet obscur objet du désir ? En se livrant à l’art de l’effeuillage, Pere Faura mène sa performance en showman. Une ironie décapante accompagne la langueur de poses suggestives, tandis que les discours et les gestes décalés de sa théorie traversent les images vidéo. Le jeune artiste catalan partage avec drôlerie ses convictions : le geste théâtral comme art de se dénuder, le désir généré par ces modes d’expression."

C'est donc en frac noir, cravate et chapeau melon, que notre petit homme bien charpenté, aparait dans le studio de Pole Sud; désormais bien connu des spectateurs, ce dernier installe une caméra sur pied et commence à esquisser déhanchements, ralentis chaloupés de gestes suggestifs, se frôle, se caresse, ôte son mini short et tel un crooner sans voix, parade et séduit, oscille et tangue: c'est "extra" !
Sourire narquois en coin, enjôleur, malin, coquin, en attente , en séducteur , courbé, tendu, en extase.Pendant que la bande son déraille, il jette ses habits, sa ceinture se glisse entre ses jambes, ses cuisses frémissent, il se caresse langoureux, se fouette, dans l'attente et l'expectative, excitant: c'est bien là un strip tease masculin , féminin, bref sans genre précis ni caricature transgenre. Pas de surprise dans les suggestions gestuelles: on a ce qu'on attend!
Fin du show, court, bref, satisfaisant. Et alors ? Prise de paroles pour légitimer le striptease dans la danse contemporaine: alibi pour mieux réfléchir entre danse et sexe, lequel regardons nous? Pere Faura interpelle le public, le filme à son insu alors qu'il évolue, seul sur scène. Avec sa caméra, sexe brandi, fétichiste de la cravate, lasso SD, et de sa moustache intrigante...Il explique la genèse de son projet de commande, à l'invitation de Pôle Sud, avoue ses faiblesses d'imagination, puis solutionne ses hésitations en commençant par inventer le titre aguichant:"striptease" !
De quoi attirer du monde, friand de ce qu'il connait, à l'inverse du spectacle vivant où l'on ignore tout de ce que l'on va voir.Pièce courte par essence , ce show est là pour nous faire "apprécier" la danse, plus que le sexe: dans sa "conférence" docte, et éclairée il fait la parodie sociale de ce divertissement acquis dès la première seconde! "Mécanisme de substitution", postmoderne, "anticipation" seront ses maitres mots. Amuse-bouche et "anti pasti" le striptease est noble  de procède de l' "idéal", cette "appréhension incorporative", cette in-clusion qui le rendent fou  Il se reprend, réexplique en bon enseignant de la bonne parole, en mutisme aussi. Rien n'est unique dans cette exposition du corps sexuel.Et nous voici dans "la construction artificielle de l'érotisme" , ces fantasmes qui font d'une danseuse de cabaret, un ange rêvé, distant, inaccessible objet de désir.L'intimité, arme de destruction de l'image se frotte ensuite à une séquence désopilante. Le visionnage des spectateurs filmés durant sa prestation dansée: visages intrigués, expressions diverses de réactions, de mimiques, de tics...Drôle et très significatifs de nos inclinaisons ou inclinations au voyeurisme...De quoi être gêné ou dépourvu, pendant que le danseur donne la réplique aux images, réinterprétant en temps réel sa danse première.Commentaires très éloquents, face à face avec l'icône qui retient l'attention et met en abîme les réactions.Alors intervient le hasard qui ce soir là ne fera pas sortir les dernières images non enregistrées par la caméra. Du beau travail de retournement de situation, de réflexe très professionnel de l'artiste pris en flagrant délit de faute ou d'erreur de tir.
Pas d'image mais un commentaire en direct de ce que nous aurions du voir!
On reste dans la frustration et le fantasme: n'était-ce pas le but du jeu qui se renforce ici et prend tute sa dimension spectaculaire à l'inverse du striptease si attendu?
Pere Faura fait son effet "Aura de Faura" avec brio et malice comme à son habitude.

A Pole Sud jusqu'au 23 Mars

vendredi 22 mars 2019

"Brother" de Marco Da Silva Ferreira : chorus line et totem sans tabou !!


Présenté avec le Point d'eau dans le cadre du Festival Extradanse

" Singulière beauté que la danse urbaine selon le chorégraphe portugais. Appartenance, affection, force extérieure et sentiment de perte, tout s’exprime depuis les corps. Brother fouille dans cette mémoire et fourmille de réminiscences (Kuduro, Pantsula, Voguing). Sonorités dites « primitives » et musique électro, gestes et costumes tissent présent et passé. Une façon, très musicale, de questionner notre rapport à la communauté. Brother ou l’effort constant de l’«être ensemble».



Un solo pour démarrer l'évocation d'une fratrie! On vient bien de quelque part en solitaire, errer sur son territoire pour flairer la danse, l'espace dans le silence: joli paradoxe en préambule d'une véritable cérémonie dédiée à l'éloge du groupe, aux louanges de la tribu, de la meute! Il danse, félin, décalé, les gestes singulièrement découpés, hachés, segmentés, liés par les ondulations en fronton, en avancées comme une architecture tectonique.
Quasi clown triste, mouvements à la "Pulcinella" avec  Nijinsky, ou gestes semi-comiques à la Chaplin: c'est magnifique et inédit!
Sur un rythme de métronome, trois, quatre danseurs s’immiscent dans son monde et relèvent le défi d'une écriture chorégraphique sur mesure, fait maison, étoffe, fibre et tissu de vêtement au diapason.Dans des lumières jaune affirmé, de belles unissons se composent: sept danseurs chaloupent, les genres de danse se mixent, se mêlent en déhanchements saccadés, secoués de tremblements architectoniques. En bleu-gris-blanc quelques démarches de biais en crabe dans des respirations communes, mènent ce bal des créatures hybrides méconnaissables; des mimiques, des adresses au public interpellent ;les visages grimés des interprètes  se jouent des embûches du mimodrame!
Des diagonales se forment en "voguing", alignements d'où pourrait jaillir un chef de tribu, parmi ces pantins déglingués, dégingandés, machinerie de corps bien remontés sur des rythmes live incandescents.Cris tribaux de ralliement pour ce "totem sans tabou" où les figures sculpturales se façonnent, vivantes, aux angles très carrés comme cette danse angulaire, tailladée, découpée dans les espaces corporels. Entrelacs et tricotage des individus qui se fondent en osmose pour mieux se diffracter et jouir d'une identité très "plastique".Des bestioles à pattes, animaux magiques tout droit sortis d'un bestiaire fantastique font figure d'enluminures; circassiennes, acrobatiques, sorties d'un grimoire ou d'un abécédaire, codex à décoder!
L'univers sonore signé Rui Lima et Sergio Martins dépote et sans cesse rythme et anime les corps, galvanisés par ces ambiances magnétiques, aimant irrésistible pour la danse appée, capturée, livrée à ces timbres et vibrations vibratiles.
Belle osmose en temps réel, pour un solo d'une femme éprise de tremblements compulsifs, très contagieux, fébriles, subtils sur le fil du tressaillement
Virtuoses, savants danseurs de formes inconnues jusqu'alors, les interprètes jubilent , en accélérés de mouvements de groupe: profils contre le vent, ils luttent, résistent au souffle, bras tendus à l'équerre, et se déforment à l'envi dans une fresque mouvante telle les nymphes de "L'après midi d'un faune".
Formes en ciseaux, envols athlétiques brassant l'air et l'espace, ils se délivrent, se lancent en courses folles, en sauts, amplitudes des bras comme des ailes de totem, d'oiseaux, libres. Parade de costumes voguing au poing, en paire ou couples étranges, en mascarade carnavalesque rituelle, les voilà réunis en défilé, en chaine solidaire, ombres portée au sol: sauvagerie oblige, très domptée cependant par les rites, faits et gestes constituants d'une communauté: un tour de tête avec un sweat -shirt, lancinant tourbillon époustouflant, dérive et déplace le corps d'un fou, dans la diagonale de ce jeu d'échec brillant
Au final les corps souples se dispersent dans la pénombres, sculptés par une lumière diffuse qui baisse et dans des vrombissements inquiétants.
Le plateau nu et blanc se repose, se calme après la tempête!
Remarquable pièce, ce "Brothers" est une ode à la communauté, fraternelle et  bruissante, à l'altérité qui soude un clan et magnétise les pulsations de vie : la danse c'est "extra-ordinaire": on le savait déjà, mais ici, c'est la confirmation de tous les possibles: fibres et vêtements sur mesure dans la démesure, loin du prêt à porter, au vif des textures entre les plis du savoir-être ensemble

Au Point d'Eau dans le cadre du Festival Extradanse, griffé Pôle Sud!
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jeudi 21 mars 2019

"The way she dies" de Tiago Rodriges par tg Stan : de la musique avant toute chose


"C’est, aussi, une histoire de rencontre : celle entre Tiago Rodrigues, artiste portugais aux multiples talents, et les Belges de tg STAN, passés maîtres dans la subversion des codes du théâtre. Ensemble, ils interrogent la transmission des grandes oeuvres. Celles du passé vers le présent, autant que le passage d’une langue à une autre.
Et si jouer, comme traduire, signifie donner forme à une interprétation, quelle serait donc leur version d’Anna Karénine ? Deux couples de comédiens, l’un flamand, l’autre portugais, s’emparent du texte, oscillant entre jeu saisissant et commentaire lucide sur le plateau. Tantôt ils jouent le texte, tantôt ils le lisent, et souvent ils prennent de la hauteur pour s’observer dans leur propre interprétation, s’interrogeant sur les questions intimes, politiques et stylistiques que soulève le roman de Tolstoï. Brisant l’illusion théâtrale, leur jeu s’épure de tout artifice et dépasse la simple reproduction d’un texte. Ainsi, ils donnent corps à leur lecture, tout en invitant le public à entrer en dialogue avec cette oeuvre classique."

C'est une entrée directe dans l'exposition et la traduction d'un texte, la problématique des accents d'une langue, de sa musicalité, ici interprétée dans des langues diverses aux résonances particulières: du portugais, au français avec un accent belge....Et pas de russe, sauf si on écoute chuinter le portugais, semblable parfois aux intonations de la langue russe! Questions d'amour, d'images, celle, magnifique séquence, de l'oreille, celle auprès de laquelle le couple d'amoureux se réveille: oreille emblématique de toutes ces métaphores sur la musique des langues "étrangères" les une aux autres, mais chacune possédant son altérité. Les oreilles n'ont pas de paupières, ni de frontières!
Les comédiens chantent le tout, lisent ou présentent leur corps imprégnés de cette mouvance vocale et c'est leur singularité qui se tisse deux heures durant sur le plateau
Scénographie sobre et opérante qui laisse l'espace à la parole et au rêve, à la littérature. Tout ceci se traduisant par une étoffe, une fibre linguistique riche en surprises, décalés et connivences . D'un territoire à l'autre, on peut aussi se comprendre, se deviner, travailler sur les différences, sans trahir: la magie et le doigté de la traduction et de l'interprétation, en jeu!

Au Maillon jusqu' au 22 Mars

"Halfbreadtechnique" de Martin Schick : un Helvète partageux comme du bon pain!


"Halfbreadtechnique ne ressemble à rien de ce que l’on connaît. A travers cette étonnante proposition interactive – un drôle de jeu sur le partage poussé jusqu’à l’absurde – Martin Schick pose un regard lucide et déconcertant sur les tendances post-capitalistes, la distribution des richesses et l’économie du spectacle vivant. Follement irrésistible, cette performance de l’artiste suisse amuse, stimule, déstabilise. Elle déroute nos idées sur la générosité comme nos attentes envers la représentation." I.F.

Musique baroque de jet d'eau pour une entrée martiale sur le plateau du studio de Pole Sud...Dèjà une adresse au public, et ça repart de plus belle pour une mini démonstration d'un puissant savoir faire en danse, fracturée, glissée, savante et structurée, sur la pointe des baskets,histoire de satisfaire ceux qui prétendrait encore que les danseurs ne savent ni ne dansent plus.On vous cloue le bec cher détracteur de la non danse! La danse, c'est fait, on évacue et on passe à autre chose....Et après, on partage quoi?
Le cum panis, l'être ensemble pour se distribuer les rôles, l'espace, la parole et l'argent!
Ce soir, on s'explique, on fait connaissance, d'abord avec le prix que ça coûte, une place de spectacle selon sa condition financière et économique.C'est drôle et on apprend que son voisin est "carte culture" ou chômeur, plein tarif ou famille!
Il sort de sa besace -un sac rouge stigmatisé festival d'Avignon avec ses trois clefs papales, une horloge Migros. Un signe ardent de son sponsor, sans qui rien ne serait possible: la Suisse comme cible pour ce danseur chorégraphe helvète qui ne manque ni de franchise, ni de culot envers ses soutiens privés d'un pays où l'argent se porte bien; grace à ces soutiens, il peut créer sans "aucune pression de productivité": il serait payé pour nous monter les logos de ses partenaires en toute quiétude.Nestlé, Pro Helvétia: quel honneur, s'il vous plait!
Profitons" nous dit-il de ces instants de quiétude, quantifié, valorisées et évalués et passons au chose sérieuse: ce "demi-pain", moitié moitié de convivialité partagée: on commence par un croissant à rompre et faire passer dans le public: serions nous en plein rituel de communion?Faire quelque chose en retour, renvoyer la balle au bon, être à l'écoute et jamais se contenter de recevoir...Un credo sympathique auquel on adhéré en félicitant les heureux donateurs de monnaie qui participent de ce procédé.En donnant, on gagne et on est "un bon être humain" qui se dédouane, comme les Suisses, sans frontière!
Alors, place au partage de la scène avec un invité de marque, un danseur en situation économique difficile et on est béni des dieux financiers. C'est Joel Braun qui s'y coltine, beau danseur vêtu de noir qui partage la moiti"é du plateau délimité par une frontière scotchée, après avoir partagé la moitié du salaire de Martin Schick
"Il fait la danse, l'autre, le contemporain!". Bien vu !Très animal, ce dernier dans de très beaux gestes enrobés, mouvements de doigts écartelés pour ciseler l'espace, glissés et ondulés sensuels, fait bonne impression chorégraphique et danse !
Avec quelques ornements segmentés, à terre il évolue, solitaire et concentré.
Au tour d'autres invités récoltés parmi le public, pour se partager la moitié de la moitié du plateau, toujours dans un grand soucis de partage; des occasions uniques de vivre des moments singuliers, humains, à l’affût de la surprise
Martin Schick a l'étoffe et la fibre des gens généreux, francs et direct pour tisser un réseau , rhizome de contacts et de questionnements qui se résolvent dans l’immédiateté: on y va ou on n'y va pas! Jusqu' à découper son tee shirt, un billet de banque, un double lit d'hotel, les dettes aussi!
C'est comique, décalé, franc de collier et très surprenant , toujours sur le fil du décalé pour dévoiler positionner notre attitude et posture dans ce monde économique et trivial où l'on compte beaucoup sans conter suffisamment la richesse des relations humaines.
On en reprendrait bien une bonne tranche de ce pain de mie là !

A Pole Sud, le 20 Mars dans le cadre du festival Extradanse